
très-eftimée dans le pays, & doublée de fatîn ;
on y ajoûte au haut un gros flocon de foie rouge
qui tombe tout-au-tour, fe répand & flote de tous
côtés, ou une houppe de crin d’un rouge v if &
éclatantqui ré’fifte mieux à la pluie que la foie ,
& fait le même effet. Le bonnet d’hiver eft d’une
forte de peluche, fourré & bordé de zibeline, ou
de peau de renard, avec les mêmes agrémens que
ceux des bonnets d’été ; ces bonnets font propres, pa-
rans, du prix de huit ou dix écus; mais du refte
Jï peu profonds, qu’ils laiffent toujours les oreilles
découvertes.
Le bonnet quatre eft un ornement, & pour certaines
perfonrîes la marque d’une dignité , comme
pour les membres des univerfités, les étudians en
philofophie , en droit, en médecine, les doéteurs,
& en général pour tous les eccléfiaftiques fécu-
liers, & pour quelques réguliers. Il y a plufieurs
univerfités où l’on diftingue les docteurs par la
forme particulière du bonnet, qu’on leur donne en
leur conférant le doétorat ; affez communément
cette cérémonie s’appelle prendre le bonnet. Il fal- .
loit que les bonnets quarrés fuffent en ufage parmi
le clergé d’Angleterre, long-temps avant que celui
de France s’en fervît, puifque Wiclef appelle
lés chanoines bifurcati, à caufe de leurs bonnets ;
& que Pafquier obferve, que de fon temps, les
lonnets que portoient les gens d’églife, étoient
ronds & de couleur jaune. Cependant.ee que nous
avons ci-deffus rapporté d’après lu i, prouve que
ce fut auffi de fon temps que leur forme commença
à changer en France.
Le bonnet d’une certaine couleur a été & eft encore,
en quelques pays, une marque d’infamie. Le
bonnet jaune eft la marque des Juifs en Italie; à
Luques, ils le portent orangé ; ailleurs , on les a
obligés de mettre à leurs chapeaux des cordons
ou des rubans de cette couleur. En France, les
banqueroutiers étoient obligés de porter toujours
un bonnet verd.
Dans les pays d’inquifition, les accufés condamnés
au fupplice, font coëffés le jour de l’exécution
, d’un bonnet de carton , en forme de mitre
ou de pain de fucre, chargé de flammes & de figures
de diables : on nomme ces bonnets, ca-
Tochas.
La couronne des barons n’eft qu’un bonnet orné
de perles fur les bords ; & celles de quelques
princes de l’empire, qu’un bonnet rouge, dont les
rebords, ou félon l’ancien terme, les rebras font
d’hermine.
Dans l’univerfité de Paris, la cérémonie de la
prife du bonnet, foit de doéfeur, foit de maître-ès-
arts, apres les examens, thèfes où autres exercices
préliminaires, fe fait ainfi : le chancelier de
l’univerfité donne la bénédiftion apoftolique, & im-
pofe fon bonnet fur la tête du récipiendaire , qui reçoit
l’un & l’autre à genoux. (G)
BONNEV A L , (C laude-A lex and r e , comte I
De ) ( Hiß, mod. ) étoit d’une très-ancienne mai- j
fon de Limonn, province dont deux des plus il-
luftres maifons font défignées par ces mots : Ri-
chejje d’Efcars, noblejje de Bonneval. Cette dernière
tire fon nom de la terre de Bonneval, fituée à fept
lieues de Limoges , qui eft poffédée par cette mai-
fon de temps immémorial.
La inaifôn de Bonneval a produit plufieurs per-
fo:’.nages diftingués ; ceux qui appartiennent le glus
particulièrement à l’hiftoire , font .*
i°. Bernard de Bonneval, qui fous le règne
de Charles VII défendit Paris pour les Ânglois,,
avec Jean de Luxembourg & le feigneur de i’Ifle-
Adam.
d°. Antoine, fils de Bernard, chambellan des
rois Louis X I , Charles VIII & Louis XII.
3 °. Germain, fils aîné d’Antoine, d’abord enfant
d’honneur, puis échanfon de Charles V III,
qu’il fuivit à la conquête du royaume de Naples,
& dont il fut un des braves à la journée de Four-
noue. Il fut enfuite chambellan des rois Louis XII
& François I. Il avoit du crédit, & on difoit:
ChaÇilIon , Bourdillon & Bonneval
Gouverneni le fang royal.
Il fut tué à Pavie. 4°. Jean de Bonneval, frère de Germain, fi.it
fait prifonnier à cette même bataille de Pavie. Il
fe diftingua en 1536'à la défenfe de la Provence
Contre Charles-Quint, & il eft célébré dans les
mémoires des du Bellay, & dans la chronique de
Provence de Noftradamus.'
50. Hôrace, petit-fils de Jean, gentilhomme
ordinaire de Henri I I I , fut tué à vingt-trois ans,
en 15 87> aux barricades de Tours.
6°. Céfar Phoebus de Bonneval, dit le marquis
de Bonneval, frère du comte, qui donne lieu
à cet article , fe trouva aux quatre grandes batailles
du maréchal de Luxembourg en 1690,16 9 1 ,
.1 6 9 2 , 1693 j Fleurus , Leuze, Steinkerque &
Nerwinde ; eut un cheval emporté fous lui d’un
coup de canon au fiègé de Chivas en 1705 , en
eut trois tués fous lui à l’affaire de Turin en 1706 ,
y reçut plufieurs bleffures , & y fut fait prifonnier.
Le chevalier , depuis comte de Bonneval, fut
fait enfeigne de vaiffeau en 1691, à l’âge de douze
ans; il entra dans le régiment des gardes en 1698;
il fervit en Italie dans la grande guerre de la lue-;
ceffion d’Efpagne fous M. de Catinst & M. de
Vendôme, jufqu’en 1706. Alors des mécontente-
mens l ’engagèrent à quitter fa patrie , & à s’attacher
au fervice de l’empereur. M. dé Chamillart,
qui ne l’aimoit pas , le fit condamner à avoir la
tête tranchée le 24 Janvier 1707. C ’eft à lui que
Rouffeau , banni comme lui de la France, adrèfte
une ode bachique pleine de poéfie, où ne lut
parlant que de plaifirs,, il le compare à Teucer ,
& traduit pour lui la fin de la feptiême ode
d’Horace :
Teucer falamina , patremque
Cum Jugeret j tamen uda Lyceo
Tempo populeâ fertur vinxijfe coronâ, &c*
Par elle bravant la puiffance
De fon implacable démon ,
Le vaillant fils de Télamon,
Banni des lieux de fa naifiançe ,
Au fort de fes calamités
Rendit le calme '& l'efpérance
A fes compagnons rebutés... •
C’eft fur cet iiluftre modèle ,
Qu’à toi-même toujours égal,
Tu fus loin de ton lieu natal
Triompher d'un aftre infidèle;
Et fous un ciel moins rigoureux,
D’une Salamine nouvelle
letter les fondemens heureux.
Le comte de Bonneval fervit fous le prince Eugène
contre les Turcs , avec une grande diftinc-
tion. A la bataille de Pétervaradin , il étoit major
général de l’armée impériale. Enveloppé par un
corps nombreux de janiffaires, renverfé de cheval ,
bleffé d’un coup de lance , foulé au pied des chevaux
, il alloit périr : fes foldats fe preffanr autour
de lu i, lui firent un rempart de leurs corps . &
furent prefquetous tués ; dix feulement échappèrent à la mort, & l’arrachant au danger, l’enlevèrent
& le portèrent à l’armée viélorieufe dont il avoit
été féparé par les ennemis. C’eft à cet événement
que Rouffeau fait allufion dans fon ode fur la bataille
de Pétervaradin, lorfqu’il dit :
Quel eft ce nouvel Alcide ,
Qui feul, entouré de morts ,
De cette foule homicide
Arrête tous les efforts ?
A peine un fer déteftable
Ouvre fon flanc redoutable,
■ Son fang eft déjà payé :
Et fon ennemi , qui tombe ,
De fa troupe qui fuccombe
Voit fuir le refte effrayé.
M. le comte de Bonneval fut fait lieutenant-
général des armées de l’empereur, & avec le temps
il eut peut-être égalé la gloire & les fuccès du
prince Eugène , s’il ne fe fût point brouillé , peut-
être un peu étourdiment, avec ce général-miniftre.
Il reprochoit au prince" Eugène de fe laiffer trop
emporter par fon reffentiment contre la France,
& de permettre à fes créatures de lui faire fa cour
aux dépens de Louis XIV & des princes & prin-
eeffes du fang royal.
Il lui reprochôit de choifir mal fes créatures
» Je n’aime pas, dit-il dans une de fés lettres,
» qu’il me turlupine pour fervir fes favoris, qui
» font d’ordinaire les plus grands coquins de l’em-
• » pire turc & romain ».
Maltraité par la France , il mettoit un certain
héroïfme chevalerefque à en être le défenfeur en
pays ennemi, & à ne pas fouffrir qu’on dît devant
lui un feul mot contraire à l’honneur de la mai-
fon royale de France ; c’étoit, difoit-il, fon de-*
voir, non feulement comme françois , mais comme
ayant l ’honneur d’appartenir à la maifon royale
par les maifons de Foix & d’Albret. Il citoit avec
complaifance une lettre de Henri IV au parlement
de Pau, laquelle étoit, difoit-il, entre les mains
du maréchal de Biron, fon beau-père. Par cette
lettre, Henri IV recdmmandoit les affaires de fon
coufin le duc de Biron, avec d’autant plus de
chaleur , qu’il1 étoit fon proche parent par la maifon
de Bonneval.
Le comte de Bonneval étant, en 1724, à Bruxelles
, où commandoit le marquis de Prié, Pié~
montois, qu’il appelle Progubernator des Pays-Bas
autrichiens, homme fort décrié dans les lettres du
comte de Bonneval, de Rouffeau & de quelques
autres, mais créature du prince Eugène , il courut
dans Bruxelles des bruits fort injurieux pour la
reine d Efpagne ; ces bruits étoient répandus par
la femme & la fille du marquis de Prié, & au-
torifés par lui-même. Le comte de Bonneval fir
une déclaration publique,. au fujet des calomnies
répandues contre la reine d ’ E f p a g n e . Cette déclaration
portoit défi aux calomniateurs, & infulte aux .
calomniatrices; les uns & les autres étoient nommés
, & les expreflions les plus dures leur étoient
prodiguées; » Vous direz fans doute que je fuis fou,
» écrivoit le comte de Bonneval à un de fes amis ;
» Mais vous favez peut - être que fix mois après
» mon arrivée en Allemagne, j’apoftrophai un
» foufflet, à poing fermé, fur la copieufe face d’un
» officier général pmffien , qui d it, en ma pré-
» fence , chez le prince de Saxe-Gotha : que notre
» bon vieux roi Louis XIV étoit un indigne...... .
» & que je foutins affez heureufement cette affaire,
» pour ne me pas dégoûter d’en avoir de pareilles....
» Je ne fbuffrirai jamais qu’on attaque, où je ferai,'
» l’honneur de notre fang royal».
» Au refte, dit-il dans une autre lettre , j’ai pris
» les devans à Vienne; & les affaires de notre
» vilain- ( il n’appelle jamais autrement le marquis
de Prié ) » feront très-mal reçues ».
» J’ai tiré, dit-il dans une autre lettre encore,
» très-habilement mon affaire des pattes du prince
» Eugène. Je vous donnerai auffi part que Fem-
» pereur s’eft déclaré en cachette pour moi, & me
» l a fait écrire par le prince de Cardonna, préfi-
» dent du confeil de Flandres, qui m’encourage
» de fa part à poujfer le vilain ».
Le comte de Bonneval fe flattoit ; fempereur
lui ôta tous fes emplois, & (e condamna même à