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BÉATRIX, ( H i f i . mod. ) C ’eft le nom de- plu-
fieurs princefles de divers pays, dont les plus
connues font :
i ° . La femme de l’empereur Frédéric I , dit
Barberouffe, fille de Renaud, comte de Boulogne.
On raconte à fon fujet une hiftoire, que beaucoup
d’auteurs traitent de fable ; mais qui a , dit-on ,
donné nailTance à l’expreffion proverbiale : f a i r e
la figue. Les habitans de Milan venoient 'd’être
prives, de leur liberté ; ils fupportoient impatiemment
cette perte. Beatrix eut la curiofité d’aller
voir cette v ille, dès-lors célèbre. Le peuple indigné
fe fouleva, & fit. toutes fortes d’infulte.s à
Beatrix, jufqu’à la promener par toute la ville,
fur une âneffe , le vifage tourné du côté de la
queue, qu’on la força de tenir dans fa main au
lieu de bride. L’empereur, pour venger fa femme,
affiégea Milan, le prit , le rafa , fit palier la charrue
fur les fondemens, y fema du fel au lieu de bled,
& n’accorda , dit-on , la vie aux habitans que fous
la condition humiliante & ridicule, de tirer avec
les dents une figue du derrière de l’âneife fur laquelle
l’impératrice avoit été promenée dans Milan;
c’eft cette humiliation des Milanais , qu’on
vouloit rappeller par l’ufage qui fubfifte encore
aujourd’hui en Italie ; de palier le pouce entre deux
doigts, ce qui s’appelle, faire la figue, de-là le
pays de papefiguiere , dans Rabelais & dans la
JFontaine :
"Papefigue fe nomme
L’ifle & province, oü les gens autrefois
Firent la figue au portrait du Saint-Père.
Beatrix eft auffi le nom de la quatrième & dernière
fille de Raimond Bérenger, comte de Pro- !
vence ; ce fut elle qui porta la Provence dans la,
maifon d’Anjou, par fon mariage avec Charles,
comte d’Anjou, frère de Saint-Louis, qu’elle força
d’accepter la couronne de Sicile, qui lui fut offerte
par les papes Urbain IV & Clément IV. Elle vouloit
être reine aufli-bién que fes foeurs, dont l’aînée
(Marguerite) avoit époufé Saint-Louis , roi
de France; la fécondé (Eléonore) Henri III, roi
d’Angleterre; la troifième ( Sancie } Richard, frère
du roi d’Angleterre, élu roi des Romains, & qui
en portoit le titre. Béatrix voulut contribuer à-
l’expédition de fon mari en Italie ; elle vendit fes.
pierreries pour lever dçs troupes*
Quant à la Provence, Saint-Louis ayant époufé
faînée des filles du comte, fembloit devoir hériter
de cette province, & la réunir à la couronne. ;
ce fut la plus jeune de fes filles, qu’il plut à Raimond
Bérenger d’inffituer fon héritière. Le droit,
romain qui régit cette province, fembloit l’y au-
torifer par la faculté ni définie de tefter, qu’il accorde
aux citoyens; mais il femble que le droit
de fuccéder a des états ne puiffe point être fournis
à cette faculté, indéfinie( de tefter , & qu’un pareil
droit mérite bien d’être fixé par la nature. On nex
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peut blâmer Louis IX d’avoir refpeélê le teftament"
de fon beau-père ; mais il femble que des négociations
auroient pu prévenir ce teftament , ou le
rendre plus conforme au voeu de la nature & de >
la loi générale ; il femble au moins que les droits
de l’aînée pouvoient donner lieu à quelques arran-
gemens , à quelque partage de la Provence, fur- :
tout dans le moment où le comte d’Anjou & fa
femme avoient befoin du confentement & des fe--
cours du roi pour leur expédition d Italie. Marguerite
les regarda toujours comme des ufurpar
teurs, & fit beaucoup d’inftances à fon mari pour
qu’il défendît fes droits. C’eft lé. feul : article fur -
lequel elfe ne fut pas écoutée. Béatrix, mourut
reine de Naples ou de Sicile, & comteffe de Provence
, en 1267.
BEAU, (Charles le) (Hifi. lift, mod.) M. le
Beau n’étoit encore connu, même dans PUniver-
fité , que comme un bon profeffeur, mais qui pou-s
voit avoir beaucoup d’égaux, lorfque M. Coffin,
fucceffeur de M. Rollin, dans la place de principal
du collège de Beauvais , démêlant fa fupériqritg,,
défira de l’attirer dans fon collège ; mais il ne vouloit
pour profeffeurs. que des eccléfiaftiques , ou
au moins des célibataires, & M. le Beau prit fe
parti de fe marier. Le collège de Gradins qui .étoit
fans réputation alors:,, profita de la, févérité des
principes de M. Coffin , qui fut obligé de s’en relâcher
dans la fuite ; mais il n’étoit plus temps
M. le Beau occupoit au collège de Gradins une
chaire de rhétorique , à laquelle il s’étoit attaché...
Il eut bien-tôt lieu de s’y attacher davantage. L'époque
de l’inftitution des prix, publics dans l’uni-
verfité,. vint changer toute* les idées fur la force;
refpe&ive des divers collèges, La voix publique
en dédgnoit quelques-uns, comme devant feuls
triompher dans-ce contours général. Perlbnne ne
fongeoit à cet obfcur collège, de Gradins. Lui.feul,
à la première compofition., remporta'prefque tous
les prix, fur-tout en rhétorique & en fécondé,.&.
ces deux chaires étofent:. occupées par Meffieursv
le Beau, Charles & lean Louis , fon frère. De. ce
moment, M. le Beau, devint l’homme de l’univer-
fité; ce . fut lui qu’elle chargea de la repréfenter,
& de haranguer en.fon nom.,, dans toutes les ©c-
calions importantes. Les difeours latins qu’il prononça
furies événemens. publics»* firent du bruit,.
& ajoutèrent à fa réputation. On lui trouva; de
l’efprit en latin , çhofe peu commune .;, ceux qui-
en avoient peu, lui en trouvèrent trop. L’abbé
Desfontâines & un M. Mérault, fon complice, déployèrent
contre lui leur lourde ironie, & le trai-*f
tèrent comme ils traitaient tous les jours M. de
Foptenelle, & M. de Voltaire. Ils lui reprochèrent-
un latin délicat fy frifé, une trop grande profufion,
de tableaux ; ils relevèrent, comme une gafconad,e.,
cette expreffion : Quibus hoflem vincere quant nu\
merare.facilius efi. Ils ne favoient pas que c’ètoit
une allufion à un . mot connu & fouvent répété :
Nous les compterons quand nous les. aurons, vaincus.
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M. le Beau fut profeffeur d’éloquence au collège
royal, il fut reçu à l’académie des belles-lettres,
en 1748. Il y a de lu i, dans 1e recueil de
cette académie , une multitude d’excellens mémoires
fur fes médailles de reftitution & fur fes
légions. Il fuccéda en 1755 , à M. de Bougainville,
dans la place de fécrétaire perpétuel, & fut très-utile
à l’académie, principalement pour 1e travail des
médailles. Ses éloges ne font pas fans mérite ; mais
ils ont un défaut fenfible. M. le Beau, quoiqu’il
eût des principes de goût entièrement oppofés à
M. de Fontenelfe, favoit & convenoit que M. de
Fontenelfe étoit un modèle pour fes éloges hifto-
riques ; il en concluoit qu’il devo.it chercher à l’imiter,
mauvaife Conféquence qui l’a empêché d’être
lui-même, tandis que la nature l’empêchoit d’être
M. de Fontenelfe.
Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce.
En général, c’eft en latin que M. le Beau eft un
grand écrivain ; en françois il manque de coloris
& de grâce, il a quelquefois de la force. Son hiftoire
du. Bas-Empire eft un ouvrage rare pour fes
recherches & 1e travail, commun pour 1e ftyle.
Quand M. Capperonnier difoit dé M.' le Beau :
il efi notre maître a tous, ce mot pouvoit fe prendre
& en bonne & en mauvaife part ; car il eft vrai
que la longue habitude des, collèges l ’entraînoit
quelquefois, & lui faifoit confondre fes fondions
d’académicien avec celles de profeffeur, l’académie
avec la .claffe , des confrères avec des difei-
ples, & qu’en expofant ou en difeutant, il avoit
quelquefois l’air de régenter; mais ce défaut n’étoit
que dans la forme & dans fes manières, il
tenoit même à des nuances affez peu fenfibles.
M. le Beau n’avoit d’ailleurs ni hauteur, ni ru-
deffe dans 1e caraélère ni dans fe ton. Il avoit
même beaucoup de ce qu’on appelle bon-hommie
dans 1e commerce, ,
Son refpeét pour fes anciens alloit jufqu’à l’intolérance
; il ne permettoit pas la moindre critique
contre eux. Un jour, un homme qui fes ref-
peétoit auffi, ayant cru cependant pouvoir dire
des dieux d’Homère, ce que tout le monde en dit,
ce qu’en a dit Cicéron même- : humana ad deos tranf
tulit, il l’interrompit avec une favante colère, &
lui dit : Monfieur. , on ne parle pas comme cela
dlHomère.
A tout prendre , M. le Beau eft un des plus
effimables des plus refpeétables hommes qui
ayent honoré fes lettres. Il »mourut 1e 13 mars
Ï778; il étoit né 1e 19 o&obre 1701.
Son frère fut inférieur à lu i, mais non-pas indigne
de lui. Il fut reçu à l’académie des belles-
lettres, en 175 9.J ayant cette même année remporté
1e prix, dont le fujet étoit cette queftion
importante & vraiment philofophique : Pourquoi
la langue grecque s3efi-elle copfervée f i long-temps dans
Hiftoire, Tom. 1. Deuxième Part•
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fa pureté, tandis que la langue latine. s*efi altérée de
f i bonne heure ? On a de lui dans 1e recueil de l’académie
, divers mémoires fur fes tragédies, fes
comédies & fes romans des Grecs. Peut-être ces
fujets demandoient-ils un ufage du monde & une
connoiffance de notre théâtre , qui manquoient
abfolument à M. le Beau. Il n’étoit jamais lorti dé
fon collège :
Ce temple eft mon pays , je n'en connois point d’autre.'
Mf le Beau 1e jeune , néià Paris le 8 mars 1721 ;
mourut prefque fubitement en 1,766.
BEAUCAIRE DEPEGUILLON, (F rançois)
Belcarius, ( Hifi, litt. . mod. ) précepteur du cardinal
de Lorraine Charles , qui lui céda l ’évêché de
Metz, eft l’auteur d’un ouvrage affez eftimé, contenant
un fiècle de notre hiftoire, depuis-146 1,
jufqu’en 1562, fous le titre de Rerum Gallicarum
commentaria, dans ‘lequel fa jufte reconnoiffance
& fon attachement pour les Guifes, nuifent peut-
être un peu à ,1a fidélité hiftorique. Lyon , 1625 ,
in-folio. On a encore de lui un Traité des enfans
mnrts dans le fein de leur mère, 1567, in-S°. Mort
en 1591. .
BEAU - CH A T E AU ,Châtelet de) (François-Matthieu (Hifi, lit. mod.) né à Paris, en 1645,
d’un comédien, eft au rang des enfans célèbres,
parce que 1e peu de talent qu’il eut fut précoce. Dès
l’âge de huit ans il fut compté au rang des poètes.
A douze ans, il publi^ un recueil de fes poéfies
in-40. fous ce titre affez faftueux : La Lyre• du jeune
Apollon , ou la Mufe naijfante du petit de Beau-
Château. Malheureufement on ne fait pas un vers
du jeune Apollon. Il fut plutôt une fingularité
qu’un prodige. Sa*deftinée fut auffi affez fingu-
lière. Careffé extraordinairement à la cour de
France, il ne 1e fut pas moins à celle de Crom-
w e l, où il alla étaler, à treize ou quatorze ans,
fes petits talens précoces ; il étoit accompagné
d’un eccléfiaftique apoftat, qui, dit-on , 1e mena
enfuite jufqu’en Perle ; mais depuis fon départ de
l’Angleterre, on n’en a jamais eu de'nouvelles.
BEAUFORT, (Françoisde Vendôme, duc de) (Hifi. de Fr. ) fils de Céfar, duc de Vendôme
, naquit à Paris, au mois de janvier 1616.
Il fignala fa valeur à la bataille d’Avein , en 1635,
aux fiéges de Gorbie, en 1636; de Hefdin , en
1639; d’Arras, en T 640. Sous la régence d’Anne
d’Autriche, en 1643 , il fut mis à Vincennes pour
avoir, difoit-on, attenté à la vie du cardinal Ma-
zarin; il fe fauva de fa prifon, en 1648, au moment
où les troubles de la Fronde commençant
à éclater, lui fournifloient l’occafion de fe venger:
lorfqu’en 1650, fes princes furent arrêtés Sc
conduits d’abord au même château de Vincennes , 1e prince de Conti , ayant demandé , pour fe
confoler dans fa prifon , l’Imitation de J. C. , fe
prince de Condé dit qu’il aimeroit mieux l'imitation
de M. de Beaufort• Voici fe portrait que fait
Çcc.c
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