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rien exiger d’e lle, exigea que Pierre lui fut livré.
Jean Albert fit plus que de le livrerp il lui fit trancher
la tête en préfence des députés Valaques ; un
chef des Tartares , ayant , malgré cet exemple ,
recherché fon alliance, & l’ayant fervi contre les
autres chefs de fa Nation & contre les Ruffes, Jean
Albert fit fa paix en fecret & abandonna fon allié
à la fureur de fes ennemis. Ges crimes d’une politique
fauffe & baffe font fi communs dans l’hif-
toire , qu’ils méritent à peine d’être remarqués ;
mais une queftion qii’il feroit toujours important
d’examiner, c’eft fi ces infidélités politiques ont
jamais procuré quelque fruit utile, fi elles ne font
pas naître néceffairement des défiances & des df-
vifions, fi elles ne vont pas directement contre le
but qu’on fe propote, c’eft - à-dire contre l’intérêt
de celui qui les emploie..
Jean Albert alloit entrer en guerre avec l’ordre
Teutonique qui refufoit de lui rendre hommage ,
lorfqu’il mourut d’apopléxie en 1501.
11 y a encore deux princes du Uom d'Albert qui
méritent d’être diftingués.
L’un eft Albert l’Ours , fils d’Othon , prince d’An-
halt , qui, nommé marquis & électeur de Brandebourg
, par l’empereur Conrad TU vers l’an 1150,
défricha ce pays,.lequel n’étoit alors qu’une vafte
forêt, & y bâtit des villes; mort en 1168.
L’autre efi Albert , dit le Courageux, duc de Saxe,
homme utile par fes confeils & par fes exploits à
l ’empereur Maximilien I. & mort en 1500.
Un archevêque de Mayence, du même -nom
d'Albert, joua un rôle très-équivoque dans la fa-
meute querelle des inveftitures vers la fin du onzième
fiècle & le commencement du douzième.
Attaché en qualité de fécretaire ou de chancelier
à la perfonne du prince Henri, fils dè l’empereur
Henri IV , ce fut par fes confeils que ce jeune
prince fit fes plus grandes fautes & commit fes
attentats les plus condamnables ; il l’excita lui-
même à la révolte contre fon père, & appuya
cette révolte. Lorfque Henri eut forcé fon père
d’abdiquer , & fut monté fur le trône , Albert eut
fous lui le crédit principal, il fut employé auprès
du pape Pafical II dans plufieurs négociations délicates
, toujours relatives aux inveftitures, & dans
lefquelles il fe montra toujours impérialifte zélé,
& grand partifan du droit réclamé par Henri V ,
îiinfi que par fon père , d’inveftir par la croffe &
par l’anneau. Il fuivit Henri V en Italie ; ce fut
lui qui engagea ce prince à te faifir de la perfonne
du pape Pafcal I I , & à tirer par force de ce pontife
une confirmation du droit d’inveftiture, ce qui
fouleva tout le clergé. Le même empereur fit A lbert
archevêque de Mayence en 1109, & l’inveA
tit par la croue & par l’anneau. Là , finit l’attachement
de cet ingrat, il s’arma du bienfait contre
-le bienfaiteur & embraffa la caufe du clergé; il
forma des cabales, & s’unit avec les ennemis de
Henri V , qui le tint en prifon pendant trois ou
quatre"ans depuis 1112 jufqu’en 1 ri 5 , qu’une réÄ
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voîte dü peuple de Mayence, qui redemandoitfon
évêque', obligea l’empereur de le remettre en liberté.
Albert courut à la vengeance , prit les armes
pour le pape contre Henri V , jufqu’à ce que cet
empereur fe fût fournis au faint Siège, & qu’il eut
renoncé au droit des inveftitures. Albert prefida au
au concile de Mayence en 1 131,8c mourut le 23
juin 1137 fous l’empire de Lothaire II, fucceffeur
de Henri V .
A lbert - le - Grand , ( Hiß. mod. ) un de ces
héros de la fcolaftique & de ces dodteurs du trivium
& du quadrivium, admirés dans le treizième fieele*
oubliés depuis long - temps. Un philofophe a dit
qu’Albert àvoit été nommé le Grand, parce qu’il
avoit vécu dans un fiècle ou les hommes étoient
petits : des favans ont cru réfuter bien doâement
ce mot, en obfervant que le nom de famille d’^A
ben étoit Groot, qui en allemand lignifie Grand;
de forte que le Grand eft ici un nom propre & non
pas une épithète ; ces favans peuvent n’avoir pas
tout-à-fait to r t, & le philofophe a tout-à-fait rai-
fon. lieft certain qu'Albert a été réputé grand dans
fon fiècle, qu’il a été au rang des fcolaftiques les
plus célèbres‘dans un temps ou la fcolaftique terni
oit toute là littérature, & que s’il fe norrimoit
Grand ou le Grand, on lui avoit fait de fon nom
propre line épithète & un titre d’honneur. C’eft çle lui
que la place Maubert a pris fon nom, Mçgjfiri Al-
berti, ou Magni Albeni platea. Comme il favoit
en phyfique & en méchanique quelques prétendus
fecrets que tout le monde ne fâvoit pas, il paffa
pour forcier ; tout favantl’étoit alors, & quelques-
uns même croyoient l’être delà vient que le mot
forcier étoit à-peu-près fynonime du mot clerc, &
fe prenoit aufli en bonne part : un grand forcier,
un grand clerc, fignification qu’il conferve encore
dans cette phrafe vulgaire : ce nefi pas un grand
forcier. La forcellerie ou la magie du grand Albert
eft célèbre ; il avoit fabriqué une tete d’airain qui
répondoit fans héfiter à toutes les queftiöns qu’on
pouvoit lui faire. Voilà la tercellerie. Rentrons
dans le vrai. Ses oeuvres- ont été imprimées à Lyon
en 1651 en 21 volumes in-folio. Ce font des commentaires
fur Ariftote, fur faint Denis l’aréopagite,
fur Pierre Lombard , dit le maître des fentences. La
fécondité ftérile àüAfbert rappelle ce Caffiüs le Tof-
can dont parle Horace , auquel il ne fallut pas d’autre
bûcher que fes propres ouvrages.
Etrusci
Quale fu it Cafsî rapido ferventius am ni
Ingenium : capfis quemfama eft ejfe Itbrif lue
Ambuftum propriis.
Albert étoit dominicain , il fut quelque temps
évêque de Ratisbonnes Né à Lawingen en Suabe
en 1205 , il mourut à Cologne en 1282.
A lbert ou Albere (Erasme) , {Hiß- mod.)
difciple de Luther dans l’imiverfité de Wittemberg,
auteur du fameux Alcoran des cordeliers , ouvrage
qui n’eft qu’un extrait du livre des conformités de
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feint Francs avec J. C.Ru
"Albizis, plus connu fous 1$ nom de M K
de Pife. Dans ce livre, feint François eft mis biep
au-deffus de Jéfus-Chrift, & Mert
pour rendre un tel W U W jM M n g M fH ®
traire fidèlement. Le livre de M M g i f f l
compofé dans le quatorzièmej fieele, .aveu.eu de
plus grarid fuccès dans.fon ordre
fenté au chapitre général, affe.mhle a Aihle qn
« 9 9 , qui fit don à l’auteur de 1 habit oemçlet qu?
■ faint François avoit porté. Les
du livre des conformités font rares , &lesdermeres
font altérées, fur-tout celles qui font
a l’:Alcoran des cordeliers, dont la première édition,
en allemand, eft de l’ani 1531^ en latin,, de MA >
à Wittemberg, in - f. ConradBadms, célébré im
primeur de Genève, traduifit’en françois
des cordeliers , & y ajouta un fécond hyre compofo
de même de divers paffages du livre des cfl/i/ômtnr.
L’édition la meilleure & la plus complette de 1Æ
coran des cordeliers eft celle de 1 7 3 4 * Amfteidam,
deux vol. in-12 avec figures. Albert. dit qu1 en § g
fant, par ordre de Joachim I I , elefleur de Brandebourg,
dontiléroit prédicateur ordinaire, ayfiim
des couyens des cordeliers, il ne trouva nulle part
la bible, mais par-tout le livre des conformités , ce
qui lui fit faire l’Alcoran des eordeliers.Bmhelemi
de Pife, dont nous ne ferons point d article feparè,
mourut à Pife en 1401, dans un âge ««-avance.;
Erafme Albert mourut vers le milieu du feizieme
fiècle dans le Meklembourg.
A lbert ( C haules d’ ) , ( » mod. ) duc de
Luynes, garde des fceaux, & connétable ne France,
revêtu d’ailleurs d’une foule de dignités moins importantes,
que la faveur accumula fur-ft tete, répandit
par ces dignités memes un fi grand éclat lur
fa maifon d’ailleurs noble & ancienne, que quelques
uns ont cru , mai-à-propos, que cette
Seremontoit quàlui.Le Capitaine Luynes,ton^K,
connu fur - tout par fon combat avec le capitaine
Panier, fous le régne.de Charles IX , ( dermerducl
public autorifé par nos rois)
l’ordre du roi, & revêtu de grands emplois,fon.a
la guerre, foit à la cour ; mais il y- avoit, loin de
ces emplois à ceux dont le fils a feul fait voir dans
fe perfonne l’étonnante réunion. Page , puis gentilhomme
ordinaire de Louis XIII encore enfant,
il ga»na fès bonnes grâces en dreffant des pigneches
:à prendre des moineaux. Le roi crut lui devoir la
couronne, lorfqu’en 1617 il eut fait affaffinei le
maréchal d’Ancre, dont il eut la confifcation &.
toute la puiffance; ce maréchal, en le voyant entrer
dans le louvre avec une. fuite de dix-huit ou
vingt gentilshommes, avoir dit wiMut romerou
U queue ; il éprouva, dit Amelot de laHouflaye,
la vérité du proverbe ; qui menace avertit. ;
’ De Luynes, dit le même auteur , etoit fi bel
homme, qu’on ne pouvoit lé regarder fans l’aimer.
On répondoit à ceux qui s’étonnoient de fa haute
fortune, vous ne l’ave{ pus vu.
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- Ses frères partagèrent fa tertune : l’un ,'Honoré
& Albert y fut fait maréchal de' France ; il epoufa
l’héritière de la maifon d’A i l ly , qui lui porta en
dot Péquigny & Çhaulnes : l’autre, Leon d Albert y
époufà une Luxembourg , & forma la branche ,
aujourd’hui éteinte,. des ducs de Luxembourg de
la, maifon <£Albert. ■ ,
, Le feçond maréchal de Çhaulnes, mort en 1744 *
ètpfi arrière-petit-fils du connétable > ^ cardinal en
defeendauiri. v i . ,
Le connétable de' Luynes avoit epoufe Marie de
Rohan-Montbazon, qui fut depuis cette célébré
duchçffe de Chevreufe. Baffompier/e rapporte que
Louis XIII en fut très - amoureux & _ qu’ils cou-
choient fouvent tous trois entemble ; mais qu’il palîa
de cet amour à une haine fi violente pour elle 9
qu’il avertit le connétable de prendre garde ail duc
de Chevreufe qui étoit amoureux d’elle. Cette
marque de haine pouvoit bien être une affez grande
marque d’amour de la part d’un prince aufli jaloux
à tous égards que Louis XIII. ” Je lui dis, ajoute
Baffom.pierre, » qu’il avoit très-mal fait de mettre
m le mauvais ménage entre le mari & la femme ».
Le duc de Chevreufe , Claude deLorraine, après la
mort du connétable, époufa:fa veuve en 1622.
Le connétable de Luynes avoit une. vanité qui
feififlbit de bien foibles prétextes; il ne prétendoit
pas être de la maifon d’Albret, & il ne fondoit
aucune fable fur la reffemblançe des deux noms ;
mais.il étoit flatté de cette, reffemblancé , & lorfqu’il
reçut l’épée de connétablè le i ï -, avril i 6z i ,
il voulut qu’on fe réglât po.mr,le-cérémonial, fur
ce qui s’étoit pratiqué fous Charles, V I en 1402 a
l ’égard du connétable .d’Albret., tué en 1415 a ‘a
bataille d’Azincourt. On lui connoiffoit apparemment
ce' foible fmguiier fur la reffemblançe des
noms, .& fes ennemis l’attaquèrent pàr-là. On fit
imprimer l’hifioire de Jean I I , roi de Caflille, pour
avoir l’occafion de comparer le connétable de Luy,
-nés au ; connétable de Luna, qui après avoir gouverné
Jean I I , comme Luynes gouyernoit Louis
X I I I , avoit, fini par avoir la tête tranchée j pour
avoir abiifé de fon pouvoir , comme on accufoit
de Luynes d’en abufer ; pour avoit perfécuté les
grands, comme faifoit de Luynes ; pour avoir a llumé
la guerre dans le royaume, comme de Luynes
la faifoit aux Huguenots, lorfqu’il mourut. C’étoit
le cardinal de Richelieu; alors évêque.de Luçon,
& chef,du parti de la reine-mère contre celui du
connétable, qu’on foupçonnoit de compofer ou de
faire compofer & de répandre dans le public ces libelles
& ces allégories. Luynes ne vécut pas long-temps
au faite des grandeurs où il étoit parvenu, il mourut
la même année (15 décembre 16 1 1 .) où il avoit
été fait connétable & garde des. fceaux. Il mourut
à 43. ans. On a remarqué qu’à fa mort il avoit été
abandonné de tout le monde , c’eft l’effet , ordinaire
de la çeffation du pouvoir ; lès côurtifens
ne. rendent rien aux morts que par l’intérêt
, de faire leur cour aux viyans. Louis XIII, qui étoit
1 Hh 3,