
minière. Il dreflà l’a&e par lequel le prince de
Brunfwich fut déclaré généraliflime, & il eut l’audace
d’y inférer la claufé fuiyante :
Quoique le maréchal-comie de Munich, après les
fervices Jîgnalés qu'il a rendus à l’état, eût pu prétendre
a la charge de généralijjime, il s’en eft déjîfté
néanmoins en faveur du prince Antoine- Ulric, père
I empereur, & fe contente de la place de premier
miniftre.
. maréchal de Munich lui attira des
dégoûts, dont l’effet fut de l’engager à donner fa
demifîlon , qui fut reçue ; le duc de Curlande fut
envoyé en Sibérie. La régente fit part de fon fort
aux états de Curlande , & les fit prier d’élire pour
leur nouveau duc le'prince Louis de Brunfwick,
fon beau-frère, ce qui fut fait.
La grande-duchefle s’occupa enfuite fêrieufèment
du projet de fe faire déclarer elle-même impératrice
, pour prévenir les inconvénîens que pourvoit
entraîner la mort du prince Iwan, fon fils,
fi elfé arrivoit, & parce qu’en effet elle paroiffoît
être l’héritière légitime de l’impératrice Anne, fa
tante. Cet arrangement alloit fe faire le 18 décembre,
jour de l’anniverfaire de la naiffance de
la grande-ducheffe ; mais la nuit du 5 au 6 arriva
la grande révolution qui mit la princeffe Elifabeth
fur le trône.
? U n’avoit pas tenu à fon chirurgien Leftock qu’elle
n’y eût été placée dès le temps de la mort de
Pierre I I , fon neveu ; aufli-tôt qu’il avoit appris
la nouvelle de cette mort, il étoit entré dans la
chambre de la princeffe Elifabeth qui dormoit,
Favoit éveillée & preffée infiamment de faire af-
fembler les gardes, de fe montrer au peuple, de
fe rendre au fénat pour y faire valoir fon droit à :
la couronne; mais elle n’avoit jamais voulufortir I
de fa chambre. » Elle préféroit alors fes amufe-
31 mens, dit le comte de Manftein , à l’honneur
” de régner «. Elle avoit encore moins d’inclination
pour le mariage que pour le gouvernement.
Avant même qu’elle put avoir une volonté à
cet égard, le hazard ou la politique avoient fait
échouer plufieurs projets de mariage qui la regar-
doient. L’impératrice Catherine, la mère, avoit
ordonné, par fon tefiament, qu’elle épousât le
prince de Hblftein, évêque de Lubeck. Il mourut
quinze jours après l’impératrice. Nous apprenons
du comte de Manflein, que quelques années avant
la mort de Pierre I , on avoit propofé de marier
Elifabeth avec Louis XV. » D y a, dit-il , des gens
>* qui affurent que l’empereur de Faillie avoit fait
» les premières propofitions de cette alliance, mais
» que la cour de France les avoit éludées. D’aur
» très foutiennent que le duc d’Orléans, régent,
» &!e. miniftère de France, y aùroient volontiers J
y> donné les mains ; que M, Campredon, alors '
y* miniftre à Pétersbourg , avoit même eu ordre
y> de la négocier ; mais que plufieurs autres cours
» qui n’auroient pas trouvé leur compte dans cette
>3 alliance, l’ayoient fait rompre par leurs intriw
gués «. C’eût été le feul exemple d’une alliance'
par mariage, de la France avec la Ruflie, depuis
notre roi Henri I.
Sous Pierre I I , on propofa de marier Elifabeth
au prince de Pruffe Charles-Frédéric, aujourd’hui
roi de Pruffe. (en 1783 )
La grande-ducheffe Anne, mère du jeune empereur
Iwan, ne ceffoit de perfécuter Elifabeth r
pour lui faire époufer le prince Louis de Brunfwick ,
duc de Curlande , & le défir de fe délivrer de cette
perfëcutîon ne fi.it pas un des moindres motifs qui
déterminèrent Elifabeth à monter fur le trône :
elle fentit que pour être libre, il falloir qu’elle
fut fouveraine. Leftock , fon chirurgien , ne ceffoit
de l’y exhorter. Le marquis de la Chétardie t qui,
félon le comte de Manftein , avoit eu ordre de la
cour de France d’exciter des troubles domeftiques en
Ruflie, pour empêcher les Ruffes de fe mêler des
affaires du refte de l’europe , fournit de l’argent à
Elifabeth. Leftock faifoit plus de tort à ce parti par
fes îndîfcrètions, qu’il ne le férvoit par fon zèle ;
il annonçoit dans les caftes qu’on verroit bientôt-
de grands changemens ; le bruit en vint jufqu’à la.
grande-ducheffe. Le 4 décembre , jour cl’apparte-
ment , elle prit à part la princeffe Elifabeth, & lui'
parlant avec une confiance & une amitié qu’Eli-
fabeth ne méritoit plus , elle lui fit part dès avis
qu’elle avoit eus fur fâ conduite & fur les fréquentes.
conférences de fon chirurgien avec le miniftre de
France ; elle ajouta, que julques-là elle avoit toujours
méprifé ces bruits, mais qu’ils étoiènt fi détaillés
, fi pofitifs & fi foütenus, qu’il y auroit de
l’imprudence à les négliger plus long-temps ; que
s’ils continuoient, on feroit obligé de commencer
_par arrêter Leftock-. Elifabeth ne montra aucun
trouble ; elle difiimula fi habilement,. elle protefta
de fon innocence avec tant d’apparences de fin-
çêrité, elle employa fi heureufement l’équivoque,
en affinant que jamais Leftock n’avoit mis le pied
dans l’hôtel de M.. de la Chétardie, (ce qui étoit
vrai, parce qu’ils fevoyoient toujours ailleurs ) elle
confentit de fi bonne grâce à-la propofition de faire
arrêter Leftock, que la grande-ducheffe jugea cette-
précaution fuperflue, & crut que ce féroît faire'
une infulte gratuite, à une princeffe innocente.. Çet
êclairciffement finit par l’attendriflement & parles
larmes. Elifabeth en verfa beaucoup , en fé récriant
fur la noirceur de fes ennemis : la grandê-diiehefte
pleura elle-même avec elle, la confola , là rafliira ,
& re crut plus rien de tout ce qu’on avoît dit.
Le marquis de Botta,, minifire de la cour de
Vienne.,, donna de nouveaux avis, qu’elle rejetta :
le prince de Brunfwick, fon mari, la preffa encore
d’arrêter Leftock,. & de veiller fur la conduite.
d’Elifabeth.. Qh !. non, dit-elle, j ’ai vu fes larmes ,
& je les crois^
On peut penfér que cet entretien d’Elifabetk
avec là grandé-duchefle, fut pour la première une
puiffante raifon de ne pas différer rexêcution de.
fon projet. Leftock lui préfênta. une efpêce de.
petit tableau , où l’on voyoit d un cote la princeffe
avec la couronne impériale fur la tête, de
l’autre, la même Elifabeth représentée avec un
voile,- & autour d’elle des roues & des gibets pour-
fes amis. Cho\fiffe\, madame , lui dit-il.
À minuit, la princefîè, accompagnée de Wo-
rontzoff & de Leftock , fe rendit dans les cafernes
des gardes, qui fe déclarèrent pour elle. Trente
grenadiers eurent ordre d’aller arrêter la famille
ducale. Les foldats entrèrent tumultuairement dans
la chambre où le prince de Brunfwick étoit couché
avec la grande-ducheffe, fa femme; ils ordonnèrent
à la grande-ducheffe, an nom d’Elifabeth,
de fe lever & de les fuivre. La grande-ducheffe
s’habilla, & tandis qu’on l’emmenoit, elle demanda
la permiffion de parler à Elifabeth, ce qui lui fut
refufé. D’autres foldats enveloppèrent le prince
dans fes couvertures , le defeendirent en cet état,
puis le mirent dans un traîneau, & le couvrirent
d’une peliffe ; d’autres paffèrent dans la chambre du
jeune Iwan , qui, ' s’étant éveillé, fe mit à pleurer :
fa nourrice accourut & le prit entre fes bras; les
grenadiers emmenèrent l’enfant avec la nourri re.
La petite princeffe Catherine , feeur d'Iwan , fut
aufti emmenée ; à trois heures du matin la révolution
étoit consommée ; Elifabeth , en retournant
chez elle tranquillement, fit annoncer l’heureux
fuccès de fon entreprife à M. de la Chétardie, qui
n’en favoit rien. Le fénat, & tous les grands, de
l’empire furent convoqués au palais de la nouvelle
impératrice. Dès la pointe-du jour, les troupès
affemblées devant ce même palais, prêtèrent ferment
de fidélité ; tout fut tranquille comme auparavant.
Elifabeth difoit, dans un de fes manifeftes, que
la princeffe Anne & fon mari n’ayant aucun droit
à l’empire de Rufiie , ils feroient renvoyés en Allemagne
avec toute leur famille ; c’eft fans doute
ce qu’on auroit dû faire. On les fit en effet partir
de Pétersbourg avec une garde commandée par le
général Soltikoff; mais ils furent enfermés, d’abord
dans la citadelle de Riga , enfuite dans celle de
Dunamunde, puis à Oranienbourg, ville bâtie par
le prince Menzikofffur les frontières de l’Ukraine ;
enfin à Kolmogori, lieu fitué dans une ifle de la
Dwina , à quatre-vingts verftes. d’Archangel. Ce
fut là que la grande - ducheffe mourut en couche
au mois de mars 1746.
Peur l’infortuné prince Iwan, on fait qu’ayant
été féparé de fes pareil s à Oranienbourg, il fut
tranfporté à ! Schhiffèlbourg, où’, après une captivité
de plus de féize ans, il fut tué la nuit du 4
au 5 juin 1762.
Les miniftres de la maïTon- de Brunfwick furent
tous arrêtés, au moment de la révolution , & le
maréchal de Munick, malgré fa difgrace, fut arrêté
comme les autres. On leur fit leur procès.
Le comte Ofterman, qui, par fa .dextérité, s’étoît
foutenu dans le miniftère pendant cinq règnes ,-fut
condamné à être roué v i f , le maréchal de Munick
à être écartelé, les autres à être décapités.
L’impératrice leur fit grâce de la vie ; ils furent
tous relégués en Sibérie. Elifabeth fit voeu de ne
punir perfonne de mort pendant fon règne, &
elle l’a rempli. Il feroit bien important pour la.
politique intérieure des états , qu’on eut obfervé
avec foin quelle fut l’influence de cette conduite
fur la policé de la Rufiie.
Le comte Ofterman mourut vers 1747 > a Be~
forowa, ville de Sibérie, où étoit mort aufti le
prince Merizilcoff. Le maréchal de Munich fut rap-
pellé au commencement du règne de Pierre III ;
fon retour fut un triomphe. Si çet empereur eut
mieux fuivi fes confeils , il auroit pu prévenir la-
révolutïon qui le renverfa du trône ; cependant
Catherine fécondé,aujourd’hui régnante, nomma
le maréchal de Munich directeur général des ports
de la mer baltique, & des canaux de Ladoga. II
mourut le 16 octobre 1767, âgé de quatre-vingt-
quatre ans.
, Le comte de Worontzoff, qui, avec Leftock ,
avoit été le principal agent de la révolution opérée
en faveur d’Elifâbeth., fut fait vice-chancelier.
Leftock fupplia l’impératrice de le récompenfer en
argent, & de lui permettre de quitter la Ruffie.
L’impératrice, dit le comte de Manftein , voulut
avoir le plaifir de l’élever'aux dignités. Voilà ce que
je crains, lui dit Leftock ; ces. dignités me feront des
ennemis, & ces ennemis me feront exiler. L’impératrice
le fit fon premier médecin, avec le titre de
confeiller-privé. En 1744, l’empereur Charles VII
le fit comte de l’empire. «Au commencement, il
Y> ne youleit fe mêler que de la médecine ; mais
77 l’impératrice lui parlant fbuyent d’affaires, il y
J7 prit goût : ce fut lui qui procura l’élévation du
77 comte Beftuchef; il eut lieu de s’en repentir,
37 & l’impératrice l’en avoit averti «. Leftock, lui
dit-elle , en lui accordant pour Beftuchef une place
importante, je crains bien que vous ne donniez des
verges pour vous fouetter. En effet, la difgrace de
Leftock, qu’il s’attira par fes étourderies & fes
indifcrétionSjfut principalement l’ouvrage de Beftuchef.
Il fut enfermé quatre ans dans la fortereffe de.
Pétersbourg,, puis exilé du côté d’Archangel; il fut
rappellé par Pierre III, & mourut delà pierre le.
12 juin 1767. •
L ’ehipereiir, qui fuccéda dans la fuite à Elifabeth,
fous, le nom de Pierre III, étoit , comme
on fait, le duc de Holftein, fils de la feeur aînée
d’Elifàbeth. Anfii-tôt qu’Elifabeth avoit été affermie
fur le trône,: elle avoit fait venir ce prince en.
Ruflie. Il fit abjuration ds la religion proteftante
dans la cathédrale deiMofcow , embraffa la religion
grecque, ■ & fut déclaré grand-duc. Il étoit petit-
fils d’Hedwige, foeur de Charles X I I , roi de Suède,
& à ce titre, il avoit des droits, à la couronne de
Suède ; il fut même élu par les états de ce royaume
mais il refîna cette couronne , & s’en tint à
celle de la Ruflie. Il époufa en 1745 la princeffe
d’Anhalt-Zerbft, connue aujourd'hui fous k