
Les anciens lires de Bourbon font les ancêtres
maternels de la maifon de France. Leur origine fe
perd dans la nuit des temps ; ils prenoient au commencement
de la fécondé race de nos rois , les
titres de princes , de barons 8c de comtes. Aymar ,
l ’un d’eux, fonda en 921 le prieuré de Souvigny
en Boiïrbonnois ; deux frères-de cette ancienne
maifon bâtirent les villes de Bourbon-Lancy & de
Bourbon-rArchambaud.
Lorfque Hugues Capet parvint au trône, les
barons de Bourbon relevoient immédiatement de
îa couronne. La baronie de Bourbon fut toujours
réputée la première 8cla plus ancienne du royaume,
jiifqu’à ce qu’ayant été érigée en duché-pairie,
« les fires de Montmorenei , dit l’hiftorien des
maifons de Bourbon 8c de Montmorenei, « prirent
» de l’aveu du roi 8c de la nation , le titre de pre-
» miers barons de France.»
La première race des fires de Bourbon fubfifta
pendant trois fiècles, 8c produifit douze princes
ou barons , dont fept furent connus fous le nom
di Archambaud. Archambaud V I I , le dernier de
cette race, ne laifla qu’une fille, nommée Ma-
haud. Elle époufa, i ° . Gaucher de Vienne, fei-
gneur de Salins., dont elle eut Marguerite de Salins
, mariée dans la fuite à Guillaume de Sabran ,
comte de Forcalquier. i ° . Guy de Dampierre ,
dont elle eut plufieurs fils. L’aîné prit le nom, le
cri 8c les armes de Bourbon. La comtefîe de Forcalquier
, fa feeur utérine, voulut lui difputer la
baronie de Bourbon ; il prouva aifément que cette
baronie ne pouvoit paner aux filles qu’au défaut
des mâles : la çomtefle de Forcalquier fe défifia de
fes prétentions moyennant une indemnité : la maifon
de Dampierre forma la fécondé race des fires
de Bourbon. Archambaud VIII 8c Archambaud IX
compofoient feuls cette race ; ce dernier ne laifla
que deux filles, Mahaud 8c Agnès, mariées aux
deux fils aînés de HuguesIV, duc de Bourgogne,
prince du fang, defeendu du roi Robert. Mahaud
l’aînée eut en partage les biens maternels qui
étoient immenfes; Agnès eut lesbiens paternels;
celle-ci n’eut de fon mariage avec Jean de Bourgogne
, que Béatrix de Bourgogne, qui époufa
Robert de France, comte de Clermont, fixième
8c dernier fils de faint Louis.
Archambaud VIII eut un frère, nommé Guillaume
de Dam pierre-B ourbon, qui époufa Marguerite
, héritière de Flandre, de la maifon de
Haynault. Le dernier comte de Flandre de cette
maifon de Dampierre, eut une fille, qui porta les
comtés de Flandre , d’Artois 8c de Nevers dans la
fécondé maifon de Bourgogne, qui les. a portés
dans celle d’Autriche. Ainfi les deux plus auguftes
maifons de l’Europe , celles de Bourbon 8c d’Autriche
5 tirent leur origine maternelle de la maifon
de Dampierre-Bpurbon.
Robert, comte de Clermont, étoit jeune encore,
8c avoit acquis beaucoup de gloire dans les combats
§£ de, célébrité dans les fourjipis, lprfque l’arrivée
du pi*nce de Salerne, fon coufin, à Paris, en 1278,
donna lieu à un nouveau tournoi; le comte de
Clermont voulût y fignaler fa force 8c fon adrefle;
il reçut de fi furieux coups fur la tête, qu’elle en
fut confidérablement affoiblie ; c’étoit le prince le
mieux fait 8c le plus heureufement né', de la maifon
royale.
Philippe-Augufte avoir voulu prévenir ces malheurs
, mais il n’avoit pas été auez loin ; il avoit*
défendu à fes fils, fous peine d’encourir fora indignation
, de prendre part à ces dangereux exercices
: mais les rois font les pères de tous leurs
fujets 8c doivent pourvoir, autant qu’il eft poflible,
à la sûreté de tous ; puifque le danger de ces exercices
étoit reconnu , il falloit les proferire entièrement.
Malgré la défenfe de Philippe-Augufte, qui
n’étoit qu’une invitation à s’éloigner de ces jeux ,
l’amour forcené d’une faufle gloire y entraîna pref-
que toujours les rois 8c les feigneurs du fang, 8c il
ne fallut pas moins que la mort tragique de Henri II
. pour faire cefler en France ces divertiflemens fur
neftes.
Le comte de Clermont furvécut quarante ans à
fon malheur ; il eut des intervalles lucides, puif-
qu’on le voit admis dans les confeils 8c chargé de
négociations importantes. Il mourut en 1317. Il
eft enterré aux jacobins de la rue Saint-Jacques ;
on y lit ces quatre vers de Santeuil, qui fervent
d’épitaphe à ce père des Bourbons:
H t c j lir p s Borbonidum , hic primus de nomine princeÿp
Conditur / hi tuniuli velut incunabula regum £
Hue reniant proni regali è fiirp e nepûtes :
Borbonï: hic régnant , invito funere , mânes.
Louis I , fils de Robert, 8c qu’on nommoit Louis
Monfieur du vivant de Robert, fut le premier -duc
de Bourbon', cette baronie fut érigée pour lui en
duché-pairie par Charles-le-Bel, l’an 13 27. Il avoir
mérité ce prix de fes ferviees, il s’étoit fignalé dans
les guerres de Philrppe-le-Bel contre les Anglois
8c les Flamands, il avoit fauvé les débris de l’armée
françoife à la bataille de Courtrai, il avoit
contribué à la vi&oire de Mons en Puelle. D ’ailleurs
, Charles IV vouloir réunir à la couronne la
ville de Clermont en Beauvoifis, où il étoit né ;
il falloit indemnifer Louis; l’éredion de Bourbon
en pairie fut un des objets de l’indemnité. « Nous
» efpérons , portent les lettres d’ére&ion, que la
» •pçflérhé du nouveau duc , marchant fur fes traces ,
» fera dans tous les temps F appui 8* V ornement du
» trône ; termes dignes de remarque , dit M. le
» préfident Hénault, 8c qui ont l’air d’une prédic-
» tion pour Henri IV, »
Le duc de Bourbon contribua beaucoup encore
au gain de la bataille de Caftel, 8c Philippe de
Valois, pour le récompenfer, lui rendit le comté
de Clermont, qu’il érigea en pairie. Le duc vit
commencer cette longue 8c funefte querelle entre
Edouard IIJ 8c Philippe de Valois pour la fucceflipn
à la couronne de France ; il fervit Philippe comme
il le devoit; il mourut en 13 4 1, ayant accru les
honneurs de fa maifon, 8c obtenu le furnom de
Grand.
Il laifla deux fils , Pierre I , chef des branches
•aînées de la maifon de Bourbon actuellement éteintes,
8c Jacques de Bourbon, comte de la Marché
8c de Ponthieu , connétable de France, auteur des
branches de Bourbon-la-Marche 8c de Bourbon-
Vendôme , d’où defeendent toutes les branches de
la maifon de France qui exiftent aujourd’hui. Ce
connétable de Bourbon fut fait prifonnier en 1356,
à la bataille de Poitiers, 8c mourut en 136.1, ainfi
que Pierre 4g Bourbon, fon fils aîné, de biefllires
reçues à la bataille de Brignais : on le nommoit
la fleur des chevaliers. Mais ce qui concerne les
branches cadettes fera traité fous les noms particuliers
qui les diftinguent. Suivons la branche
aînée , la branche des ducs de Bourbon.
Pierre I , duc de Bourbon, fils aîné de Louis I ,
étoit beau-frère de Philippe de Valois 8c de l’empereur
Charles IV. Il fut blefTé à la bataille de Crécy
8c tué à la bataille de Poitiers.
Louis I I , fon fils, furnom mé le Bon 8c le Grand,
etoit beau-frerede Charles V ; il fut un des. tuteurs
de Charles VI ; 8c le feul prince dont les vertus
confièrent la France des malheurs de ce règne, 8c
de la tyranie des oncles paternels de Charles.'"
Jeanne de Bourbon, fa foeur., époufe de Charles V,
fut la plus hçureufe, comme là plus aimable prin-
cefle de fon fiècle. Blanche de Bourbon, leur foeur, !
reine de Caftille, avec les mêmes vertus , eut le
malheur d’être la femme de Pierre-lé-Cruel. Il l’em-
poifonna. Le duc Louis I I , pendant que les princes
de fa maifon mouroient à Brignais , lervoit d’otage I
aux Anglois pour le roi Jean ; il languit ainfi huit
ans dans la captivité. Son abfence donna lieu à des
défordres , fes barons pillèrent fes -domaines , 8c
Chauveau, fon procureur-général, informa contre
Le duc, devenu libre , ferme les yeux fur les
fautes pafîees, 8c ne fonge qu’à gagner les coeurs
de fes vaflaux. Il inftitue l’ordre de l’Efpérance. Au
milieu de la folemnité de cette cérémonie, le fé- ]
vere Chauveau paroit, tenant à la main le cahier j
des informations. Il le préfente à genoux au duc. )
Monfeigneur, lui dit-il, vous verre{ ici bien des coupables,
les uns méritent la mort, les autres ont au
moins encouru la confifcation. Voici le regître de leurs
crimes. Lès prévaricateurs étoient préfens , 8c fié*
miffoient. Chauveau, dit le prince, ave^-vous auffi
tenu regître des ferviees qu’ils m’ont rendus ? Il prend
le regître , 8c le jette au feu fans le lire. A ce mot
divin, à cette adion généreufe , des larmes de joie .
8c de tendrefle coulèrent de tous les yeux. Il n’y
eut pas un de ces gentilshommes, coupables ou non,
qui ne jurât de donner fa vie pour un prince fi
magnanime. Il profita de cette ardeur, non pas
pour lui, mais pour le fervice de l’état, il mena
fes fujets contre les Anglois à qui Charles V reprenoît
alors tout ce qu’Edouard III avoit repris à
îa France.
Pendant qu’uni au duc de Bourgogne Philippe I
le duc de Bourbon détruit une armée formidable
defeendue à Citais, fous les ordres du duc de
Lancaftre, il apprend que les grandes compagnies
ont furpris le château de Belleperche en Eourboi>
nois, 8c qu’elles y* retiennent prifonnière la du-
chefle douairière de Bourbon fa mère ; il court aflié-
ger Belleperche avec les feules forces de fes domaines
: mais les Anglois viennent au fecours de
la place, la garnifon met le feu au château, en
fort, 8c emmène,la ducheffe de Bourbon à la vue
de fon fils , qui ne put que fondre fur les ravifleurs
8c les pourfuivre, fans pouvoir rendre la liberté à
fa mère.
La vertu 8c la gloire unirent de la plus tendre
amitié le connétable du Guefclin 8c le duc de
Bourbon. Ce prince fe fit honneur toute fa vie
d’avoir été l’élève 8c l’ami d’un fi grand homme,
il plaida fa caufe devant Charles V dans .ce moment
d’erreur où le roi prévenu outragea du Guefclin
par un doute fur fa fidélité; il éclaira Charles,&
ramena du Guefclin.
Le duc de Bretagne - Montfort, fils de la cou-
rageufe Jeanne de Flandre, s’étoit livré aux A nglois
; la ducheftè,. fa femme, tomba entre les
-mains du duc de Bourbon, comme la tmère de
Bourbon étoit tombée auparavant entre les mains
des Anglois. A h ! beau coujùi, s’écria la ducheffe
de Bretagne, fuis-je prifonnière ? — Non, madame,
nous ne faifons point la. guerre aux dam e s& il renvoya
la duchefle à ,fon mari.
Le défaut qu’on reprachojt au duc de Bourbon
étoit un excès de valeur qui lui faifoit chercher
j . a ■ .1-----• *— «v. . « lu i v v - , n u
taire des remontrances & des reproches à ce fiijet.
Le plus pauvre capitaine de France ferait blâmé , lui
dirent-ils, s’il prodiguait ainfifa vie.
Le duc de Bourbon étant allé en Caftille , où
Henri de Tranftamare .l’avoït invité à une expédition
contre les Maures, l’Efpagne parut voir
avec intérêt le frère de l ’innocente Blanche de
Bourbon ,.dont on pleuroit encore les infortunes
& la mort. Tranftamare fit Voir au duc de Bourbon
les enfans de Pierre-le-.Cruel, qu’il tenoit prifon-
niers an château de Segoyie. Foici, lui dit-il, fe»
enfans du bourreau de votre foeur, vous pouvez les
immoler à vota vengeance. — Ah ! répondit Bourbon
touche de pitié, font-ils donc coupables des crimes
de leur père I
Bourbon eut part à la viflolre de Rofebeque •
mais ce qui vaut mieux encore, tous les afles dé
clemence exercés par Charles V I , malgré fes oncles
paternels, lui furent fuggérés par le duc de
Bourbon.
-Ce duc vit 1 afïaflînat du duc d’Orléans, fora
neveu, 8c fut le feul des princes françois qui ofa