
lieues d’étendue formoient le domaine d’un feu! maître.
Dix-huit princes Abbaflides régnèrent fuccefli-
vement avec autant de gloire pour eux que pour la
félicité de leurs peuples, qui réuniflbient leurs Voix
pour bénir leur règne. Un empire aufli étendu de-
voit s’écrouler fous fon propre poids; il eft un certain
période de grandeur où un état n’eft pas plutôt
parvenu, qu’il fait des pas vers fa ruine ; plus il
prend d’accroiffement, plus le pouvoir arbitraire fe
déborde fur la liberté naturelle des peuples. Le fpec-
tacle de tant de nations profternées infpire l'audace'
de tout ofer & de tout enfreindre ; le defpote, ivre
de fon pouvoir, s’endort dans une fàuffe féçurité ;
le bandeau de l’illufion ne lui laiffe point apperce-
voir qu’il ne faut qu’un chef à des peuples mécoi}-
tens, pour être rebellés. Les derniers Abbaflides envoyèrent
dans les provinces éloignées, des gouverneurs
armés du pouvoir , qui s’en rendirent les fou-
verains ; la facilité de fe rendre indépendans leur en
fit naître l’ambition. Dans une monarchie héréditaire
, il ne faut qu’un homme médiocre pour dé- ,
truite l’ouvrage de vingt héros.
Après le règne de Yatek., le trône ne fut plus
occupé que par des hommes incapables d’en foutenir
le poids ; fon fucce.ffeiir, abruti dans les plus fales
débauches, expire fous les coups de fon fils qui
femble le punir d’avoir donné la vie à un monftre
fi dénaturé. Ce parricide met tout l’empire en
confufion ; les gouverneurs des provinces profitent
de cette fermentation générale pour élever
l ’édifice de leur fortune. Ceux des provinces
d’Afrique donnèrent l’exemple ; 8c ils eurent
bientôt des imitateurs, qui, tous complices du
même crime , fentent la néçefîité de Je prêter
de mutuels feeoürs. Les Fatimites, ainfi nommés
parce qu’ils defcendoient d’A li 8c de Fatime,
réclament alors leurs droits, ils fondent en Afrique
un empire rival de celui de Bagdat, & la
conquête de l’Egypte lç rendit encore plus redoutable..
Les querelles de religion préparèrent la ruine
des califes. La religion déchirée par des fchifmes
enfantoit des haines & des g-uerres ; les Mufulmans
difputoient, le fer & la flamme à la main, pour
établir des dogmes de fpéculation indifférens aux
moeurs 8c à l'Harmonie de la fociété. Plus les quef-
tio.ns difcjitées étoient enveloppées d’obfcurités ,
plus elles infpir,oient de fureurs religieufes. L’Arabie
étoit furchargée d’une foule de dévots prêts à s’entredévorer,
& qui tenant d’une main le cimeterre,
8c de l’autre le koran , lançoient réciproquement
les uns fur les autrçs, les anathèmes de la religion
8c les foudres de la guerre.
Dans ces circonfiances, un homme fans talent 8c
fans lumière, mais tout brûlant de zèle, demande
a.u calife, des millionnaires pour l’aider à convertir
à l’Iflamifme, des peuples épars dans les déferts de
l'Afrique. Ces apôtres ignorans font des conquêtes
rapides; & enorgueillis par leurs fuccès, ils fe
croyoient des intelligences pures, dont le foufle du
fiècle pourront corrompre la fainteté. Ces pieux in-
fenfés forment une confédération ; & fous le titre
infidieux de réformateurs, ils deviennent rebelles.
On les pourfuit avec févérité, & ils favent mourir
avec confiance : leur fang devient la. femence féconde
d’où naît un peuple de fanatiques. Leur chef
ceint fon front du bandeau royal ; pontife 8c ro i,
fous le nom de Miramblin, il fonde un empire qui
menace d’engloutir tous les autres dans fon lein.
Motamafem, huitième calife Abbaflide, fe défiant
de fes fujets avoit confié fa garde à des étrangers.
Un peuple forti des bords de la mer Cafpienne, qui
n’avoit d’autre métier* que la guerre, 8c d’autre
vertu qu’un courage féroce , s’étoit emparé d’une
province de l’Afie méridionale; ce furent ces Tur-
comans que les califes de Bagdat choifirent pour être
les foutieas de leur trône. Leurs chefs, d’abord fans
ambition, raffermirent l’empire ébranlé ; leur valeur
& leurs fervices frayèrent à leurs chefs, le chemin
aux premières dignités : accoutumés à foutenir le
trône, ils fe crurent bientôt dignes d’y monter. Ce
n’eft point ordinairement la milice qui jette la femence
des troubles, mais c’eft elle qui en fait profiter
pour fixer le deftin des états. Sous Mo&ader,
dix-huitième calife ., la religion Mufulmane çomptoît
trois chefs qui fé foudroyoient réciproquement par
des anathèmes; quatorze fouverains indépendans
avoient refferré le calife Arabe dans quelques provinces
orientales, qui refpe&oient fa dignité fans
lui montrer plus d’obéiflance : les Turcs çbmbat-
toiènt pour lui pendant qu’il languifîbit dans les
délices de fon férail ; ils fe laffèrent enfin de répandre
leur fang pour défendre un empire gouverné
par des femmes 8c des eunuques. Mo&ader eft dé-
pofé, -8c les rebelles l’immolent à leur sûreté. Son
frère Kader prend le fceptre qu’il eft indigne de porter
i fes cruautés 8cfe£ perfidies le rendent odieux;
& les Turcs qui l’avoiept élevé, réunifiant de leur
ouvrage, le renferment dans une prifon d’où il n.e
fortit que pour demander l’aumône à la porte d’une
mofquée.
Sous le règne de Rliadi, fon fucceffeur, le califat
ne fut qu’une ombre fansré.alité : les gouverneurs,
devenus indépendans, n’envoyèrent plus à Bagdat
les tributs de leurs provinces : les intérêts du trône
ceffèrent d’être confondus avec, ceux de l’autel. La
puiffance du fucceffeur de Mahomet fut rçfferrée
dans l’enceinte du templè ; les arbitre? des nations
ne décidèrent plus que de la doétrine : les Turcs
furent armés du pouvoir , 8c les califes n’eurent que
l’extérieur du refpeâ ; il s’élève une foule de petits
tyrans, qui fous le nom d’émirs & de foudans, pour
ne pas Heurter les préjugés fuperftitienx , demandent
l’inveftitiire aucheldela religion, [trop foible
pour les refufer; & quoiqu’ils fe profternent devant
lui & qu’ils le révèrent comme le mîniftre de Dieu
fur la terre, ils le dépofent ou ils l’immolent fans
remords. Depuis cette révolution neuf califes montèrent
fur la chaire de Bagdat, mais ils ne fe mêlèrent
plus desfonélions de l’empire, Le petit-fils de
Gengis
Gengîs| en fe rendant maître de cette ville, fit
mourir le calife, dont le titre fut aboli l’an 1238 de
. Jefus-Chrifi. Cette dignité fubfifia plus long-temps en
Egypte, où Selim, qui en fit la conquête, prononça
fon extinéHon l’an 1317 de notre ère, 8c toute la
: puiffance facerdotale fe réunit dans l’iman de la
Mecque. Les Mufulmans fe policèrent,8c la barbarie
; de l’intolérance ne fit plus de martyrs que chez les
Miramolins, monftres enfantés par lefanatifme,
qui fe fert du prétexte de la religion pour juftifier
. fes fureurs. Le gouvernement devint militaire ; chefs
de la religion , les califes ne furent plus que des
fimulacres muets & fans force, qui firent mécon-
i noître les fucceffeurs de Mahomet. ( T-n . )
CALIGNON, ( Soffrey de) (Hiß. litt. mod. )
. chancelier de Navarre fous Henri IV , 8c quivrai-
. femblabjement l’auroit été de France s’il eût été ca-
: tholique. Il fut employé avec M, de Thon à rédiger
l’édit de Nantes. Il connoiffoit le monde & les affaires;
né à Saint-Jean près Yoiron en Dauphiné ,
mort en 1606, On lui attribue le livre intitulé : Hif-
■ toire des chçfes les plus remarquables advenues' en
France es années 1587,15886*1589; par S. C.in-S.
On croit que les lettres S. C. fignifient Soffrey Ca-
lignon. La vie de ce magiftrat a été écrite par Gui-
Allard , avec celle du baron des Adrèts 8c de Dupui-
Montbrun; Grenoble, 1675, i/>i2.
CAL IGULA, ( CaÏus-Cesar ) ( Hiß rom. ) fils
de Germanicus 8c d’Agrippine , naquit à Antium,
. fous le confulat de fon père & de Fonteius Capiton.
On lui donna le furnom de Caligula, parce
qu’étant élevé fous la tente & dans le camp, fon
père voulut qu’il fût vêtu comme lesfoldats, dont
les hautes chauffes s’appelloient caligce. Germanicus
voulant l’inftruire dans l’art de la guerre, l’emmena
avec lui dans fon expédition d’orient, Caligula
, à fon retour, fit avec applaudiffement l’orai-
fon funèbre de fon aïeule Livie. Les cruautés que
Tibère exerça fur fes frères, ne s’étendirent point
jiifqua lui. Souple 8c rampant fous le meurtrier de
fa famille , il donna lieu de dire qu’il étoit le plus
fournis des ferviteurs 6c lç plus impérieux des maîtres.
Dès fa première enfance, il manifefta la cruàu-
té de fes penchans : fon plus grand plaifir étoit
d’aflifter aux tortures & aux fupplices des criminels;
il paffoit les nuits dans les tavernes 8c les lieux de
proftitution, où , à la faveur de fon déguifement,
il fe difpenfoit de rougir de fa dégradation. Les
farceurs, les muficiens & les bouffons furent fes
premiers favoris ; & ces mercenaires, inftruits par
. les leçons, réufiiffoient mieux dans l’art de s’avilir.
Tibère averti de fes dçbordemens, ne prit aucun
foin de les réprimer, fe flattant que le goût dgs
voluptés pourroit adoucir fes moeurs dures 8c féroces.
Cet empereur, malgré fa tendreffe, nepou-
voit fe diflimulçr les vices de fon neveu, 8c il avoit
coutume de .dire : « Je nourris le ferpent du peuple
» romain, 8c le Phaëton de l’univers«. Après la
mort de Tibère, il fut proclamé empereur par le
peuple 8c le fénat: l’armée,'quil’avoit vu élçver
Hifioire', Tom. I. Deuxième'Part.
dans le camp, fe félicita d’avoir un tel maître. Les
honneurs qu’il rendit aux cendres de fa mère 8c de
fes frères, firent juger favorablement de fon coeur.
Sa piété s’étendit fur toute fa famille: fon aïeule
Antonie reçut tous les honneurs qu'on avoit déférés
à Livie ; il affocia à fon confulat fon oncle
Tibère, qui jufqu’alors n’étoit point forti de l’ordre
des chevaliers ; fon frère Tibère, qu’il adopta, fut
déclaré prince de la jeuneffe, 8c il voulut qu’on
jurât par le nom de fes foeurs, comme qn avoit
coutume de jurer par le nom des Céfars : tous les
exilés furent rappellés, 8c les prifons furent ouvertes
; il défendit même de faire des recherches
fur la mort de fa mère 8c de fes fr-ères, pour
n’avoir ni témoins, ni délateurs à punir. La licence
des moeurs fut réprimée ; les courtîfanes 8c leurs
complices furent bannis de Rome. Un nouvel ordre
fut établi dans la perception des impôts 8c dans
la régie des finances ; les peuples foulagés ne furent
plus -la proie des exaâeurs. L’ordre des chevaliers
reprit fon ancien éclat, 8c l’on nota d’infamie
ceux qui tomboient dans les plus légères
fautes. Le droit d’élire par fuffrages iut rendu a»
peuple. Ce fut par reeonnoiffance de tant de bienfaits,
qu’il fut ordonné de confaçrer tous les ans
un bouclier d’or au capitole , où le fénat, fuivi des
prêtres 8c.de la jeuneffe romaine, devoit fe rendre
en chantant des hymnes en l’honneur du bienfaiteur
de la patrie. Caligula libéral jufqu’à la profu-
fion, fit diftribuer à chaque citoyen trois cents
fefterces ; il donna de magnifiques banquets aux
fénateurs 8c aux chevaliers, qu’il gratifia d’une robe
de pourpre ; leurs femmes 8c leurs enfans, qui
avoient été invités aux feftins , reçurent des jarretières
8c des rubans d’un grand prix : les fpeéhçles,
interrompus fous Tibère, frirent renpuvellés avec
plus de dépenfe , 8c les premiers magïftrats eurent
ordre d’y aflifter, pour en régler la police. Ces
profufions étoienj jiiftifiées par la politique : c’étoit
le moyen de fe concilier le coeur d’un peuple qui
fe croyoit fortuné quand il avoit des jeux 8ç des
fpe&acles. Le temple d’Augufte & le théâtre de
Pompée, qui avoient été commencés fous le règne
de Tibère, furent achèves fous celui de Caligulaf
Ce prince fl juftementchéri, fe dépouilla tout-
à-coup dç la douceur de fon çaraâère pour fe mé-
tamorphofer en bête farouche, qui ne réfplroit que
le fang humain. Son orgueil altier fe plut à humilier
les rois : il fut tenté de prendre lui-même le
diadème ; mais il lui parut plus glorieux de s’arroger
les honneurs de là divinité, dont il prît les
attributs. Il fit apporter de Grèce la ftatue de Jupiter
olympien , dont il fit ôter la tête pour y
placer la fiennç, 8c il exigea qu’on l’honorât fous
le nom de Jupiter latial, ü n lui dreffa des autels , où
des yiélimaires iminoloient dçs poules çle Numidie ,
des faifans 8c d’autres oifeaux recherchés : les prêtres
çonfacrés à fon culte étoient- magnifiquement
payés. La crainte 8ç l’efpérance multiplièrent fe?
adorateurs : il fe vanta d’entrçtenir un commerce
Z zzz