
i l .appellent la ducheffe d’Angoulêmè Jè^abel. Il |
voulut fe retirer dans les Pays - Bas ; il lui falloir
un paffeport du duc de Vendôme, qui le refufa
long-temps, en difant : Je ne veux rien Jigner pour
ce.Jorciêr, & qui le donna enfin d’aflez mauyaife
grâce. Agrippa vint à Anvers en 152.8, Marguerite
d’Autriche le fit hiftoriographe de l’empereur ;
mais bientôt prévenue contre lui par les moines,
elle alloit le chaffer, lorfqu’elle mourut. Il dit lui-
même que fi elle ne fut pas morte, il' alloit périr
comme criminel de lèçe-eapuchon ; mànachalis ma-
jefiatis facmque cuculltz reus. Agrippa fit fon épitaphe.
Il fut mis en prifon à Bruxelles ( 1531) ; il
en fortit & revint à Cologne, puis il alla à Bonn
(1 5 3 3 .) Il lui prit fantaifie alors de revenir à Lyon
(153,$ V; le fou venir de fies anciennes infolences
contre la- mère du roi le fit arrêter ; mais cette
princeffe étoit morte, Agrippa fut bientôt libre ; il
alla enfin àGrenoble, où il mourut, & même, félon
quelques-uns^ l’hôpital,la même anriée 15 3 5. Il avoit
véc« errant & malheureux, querellant les hommes '
& fe fuyant lui-même, troublant la fociété, s’agitant
dans la folitude. On l’a cru luthérien , parce
qu’il difoit quelquefois du bien des réformés en haine
des catholiques ; mais il en difoit aufli des catholiques
en haine des réformés. Ses guerres continuelles
avec les moines contribuèrent encore- à lui don-
mer le vernis hérétique. Tantôt il déclamoit contre
Luther, tantôt il écrivoit à Mélanchton : Salue^
de ma part notre invincible hérétique Luther , cet eXcel->
lent ferviteur de Dieu. Plut à Dieu, ajoutoit-il, que
Nabuchodonofor (c’étoit Charles-Quint ) devenu bête,
redevînt homme, ou que je puffe quitter cet. Ur de
Chaldée. Grâce à'fa bizarrerie, il eut toutes les réputations
les plus contradictoires, il eut fur-: tout
celle de magicien, lui qui palTa toute fa vie dans la
mifère & dans l’oppreflion. ^
Ses deux livres les plus célèbres font fa philofo-
phie occulte , & fon traité de la vanité des Jciencés.
L)ans ce dernier ouvrage, il veut repréfenter les
fciences, non feulement comme vaines , mais encore
comme dangeretifes, paradoxe que quelques
gens de lettres ont pris plaiûr à foutenir pour exercer
leur efprit, fans fonger au danger beaucoup
plus réel de fournir des armes à l’ignorance.
■ Dans fa differtation fur l’origine du péché , il attribue
la chute de nos premiers pères à une caufe qui
n’eft pas celle que la Genefe exprime'littéralement.
Il préparoit un traité des hèrèfies & des crimes des
jacobins 9 dans lequel, difoit-il, infeâa foepius veneno
Jacramenta, ementita fcepijjim'e miracula , interemptos
veneno reges & principes, proditas urbes & refpublicas,
fediiÜos populos, ajfertàfquç hatrefes , & ceetera ejuf-
/tnodi heroum illorum facinpra dilucidè narrabo ; c’eft-
à-dire , je raconterai les facremens devenus dans leurs
mainspar un facrilegé affreux , des arrhes perfides
& des inf rumens de mort ; lès faux miracles, les rois
& princes empoifonnésles villes '& républiques tra*
fries 9 tes peuples féduïts, les hé/éjres foutenues, 6* les
jtitres fçmblables exploits de ces hérosf
Ce livre n’a point paru, le titre feul en eût affûté
le débit ; mais le nom d'Agrippa eût pu l’empêcher
de faire impreflion.
Voici le portrait que fait de Corneille Agrippa
M. Thomas dans fon ejfai fur le cataèlere , les.
moeurs Vefprit . des. femmes dans , les différens
Jièclési Y) Il étudia toutes les fciencés , embrafta
» tous les états , parcourut tous les pays , porta
» les armes avec diftin&ion, fe fit enrnite théolo-
» gieh, doélënr en droit, doéleur en médecine ,
« commenta les épîtres de faint Paul en Angle-
» terre , donna des leçons fur la pierre philofo-
« phale à Turin , fur la'théologie à Pavie , prati-
« qua la médecine en Snifîe, fut attaché fùccefli-
» veinent à trois du quatre princes & princefies,'
» & n’en fut que plus malheureux : effuya des
« injuftîces, s’en plaignit avec courage, fut mis
» deux fois dans les fers', & toujours errant,
« parce.qu’il fe laiffa toujours entraîner à une ima-
» gination ardente & foible, parce qu’incapable
« d’être libre & d’être efclave, il ne lut avoir ni
« le courage de la pauvreté , ni celui de la dépen-
» dance ; après avoir excité tour-à-tour ou à la fois.
« la pitié, l’admiration & la haine , il mourut en
» France, à quarante-neuf ans, avec une grande
n réputation & de grands malheurs «.
On lui a fait cette efpèce d’infeription :
. .Inter divos 3 nullos non carpit ftTomus,
Inter heroas 3 monfira qucequeinfectatur Hercules.
Inter dcemones,rex Erebi3P liiio irafeitur omnibus umbris»
Inter philofopkos j ridet omnia Democritus j
Contra dejlet cuncta Heraçlitus ,
Nej'cit qjtàque Pyrrho ; '
E t feire fe putat omnia Arijloteles.
Contemmt cuncta Diogenes.
JSfullis hic parcit Agrippa 3 Contemnit 3 f û t 3 nefeit 3 dejlet, ridet 3 irafeitur 3 infectatur ,
carpit omiiia,
Ipfe philofophus D ce mon 3 héros 3 Deus & omnia.
AGRIPPINE. Il y a deux femmes célèbres de
ce nom. L’une eft celle dônt nous avons parlé à
l’article d Agrippa ; c’efi: cette femme , cette veuve
de Germanicus, dont l’arrivée à Brindës avec fes
deux enfans & lés cendres de fon mari, forme
dans Tacite un tableau fi‘touchant, & dont la douleur
partagée par tous les honnêtes gens ( Flebunp
Germanicum eiiam ignoti. ) auroit été fi intérefiante^
fi elle: n’eût pas trop fOuvent paru fous la forme
de l’orgueil &' de la colère, violenta luElu & nefeia tbi
lcrandi. Son mari mourant l’avoit avertie d’adoucir
fa fierté , ( exueret ferociamj & fur-tout de ne point
allarmer la politique jaloufe dont il mouroit la vic-
tin^e, neu regreffa in urbem eemulatione potentice va-t
hdiores irritant. Elle fuivit mal ce tendre & fagè
çonfeil, elle fe plaignit avec tant de hauteur •&
d’amertume ( Agrippinâ femper atrox') de la perfé4
cution& des chagrins qu’elle éproiivoit, que Tibère
lui répondit un jour par cë vers d’un poète grec î
Votre chagrin, ma fille, eft deine pas régner.
La fillëde Julie y la pétite-fille d’Augufie pouvoit
porter en dot à un [mari des droits redoutables à
ceux de Tibère. Agrippine ayant parlé devant T ibère
de fe remarier, l’empereur ne répondit pas
un mot ; mais Séjan feignant de s’attendrir fur les
malheurs d'Agrippine 3 lui fit craindre d’être empoi-
fionnée par Tibère; celui-ci, ou averti par Séjan,
ou s’appercevant par lui-même des précautions iri-
jurieufes $ Agrippine, dit un mot qui fut regardé
par les courtifans comme l’arrêt de mort de fion
ennemie. Sera-t-on furpris fi je traite avec quelque
févèritè une femme qui tn accufe d’.empoifonnçment ?
En effet, il partit de fa funefie folitude de Ca-
prées, des lettres de profeription adreffées au fénat
contre Agrippine, & Néron fon fils, qu’il ne faut
pas confondre-avec l’empereur dont les crimes ont
pour jamais flétri ce .nom. Le fénat n’etqit plus
qu’un troupeau d’efclajves, il ne s’abfiint de. les
condamner à mort, que parce que l’empereur, qui
n étoit pas réconcilié avec Agrippine, & qui vpulo.it
fe venger d’elle long-temps, défendit qu’elle mourût.
Quoiqu’il n’osât calomnier ouvertement la
vertu reconnue de cette femme, il effaya de répandre
à cet. égard quelque nuage dan§, les efprits
en la reléguant dans l’ille Pandataire , où Julie fa
mère avoit été long-temps exilée pour les défor-
dres de fa conduite. Tibère eut la lâcheté cruelle
de vouloir infuit.er en perfonne au malheur à'Agrippine
; les reproches dont elle l’accabla étoient trop
jufies pour ne pas l’irriter. Dans fa brutalité féroce
il ordonna au centurion qui l’accompagnoit, de la
frapper au vifage , ce que le centurion exécuta fi
brutalement lui-même, qu’il lui fit fauter un oeil.
Elle mourut de douleur dans fion ex il, Drufus &
Néron, fes fils, moururent de faim en prifon; Ca-
ligula fut réfervé pour le trône.; il ne manqua aux
malheurs défia mère que de yoir ce monfire régner.
Sa fille fut donc plus malbeuréufe ; c’efi: la fe-
conde Agrippine. Elle vit régner Néron. Que dis-je ?
Elle le; fit régner, mais [il l’en punit. Elle eut la
fierté de fa mère & l’impudicité de fori ayeule ;
mais Julie avoit péché par -fciblefie, & Agrippine
fit. du vice l’infirunient de fon ambition. Elle plut
à l’empereur Claude, fon oncle, l ’ép ou fa le gouverna
8c l’empoifonna, dit-on v elle voulut plaire
à Néron, fon fils, & il paroît qu’elle" dut au fuc-
cès de* ce coupable dëfiein le peu de crédit qu’elle
conferva quelque temps fous l’empire de ce prince.
Ori lui avoit, dit-on , prédit, du temps de Kempe-
reur Claude , que ce ,fils qu’elle élevoit a l’ëmpire
par tant d’intrigues['iSt de crimes, la'feroit périr
iin jour. Qu.I nie lue, avoit-elle répondu , pourvu
qu ïl rètpe ! Cri d’une ame âinbitieufe plus que
d’un coeur maternel. Ce pourvu qu'il, règne, fieni-
fjoit : pourvu que je règne. Néron fe chargea d’accomplir
la prophétie, par le feul motif que Virgile
donne à de beaucoup moindres crimes de Cacus,
j.. ‘Ne, quïd inaufum 3 À u t int.cnia.tum fccfenfye dçliye fuiffét. __
• I l tenta d’abord l’ardfice.fiun vaifieau qui:portoit
fa mère & qu’il lui avoit fourni, fembla périr par
accident ; maisAcéronie qui l’accompagnoit, ayant
crié qu’elle étoit l’impératrice , afin d’être plus
promptement fecourûe, fut affommée à coups de
rames & d’avirons. Agrippine ne dut la vie en cette
occafion qu’à fon filence prudent ; mais Néron fâché
d’avoir, manqué fon crime , ne daigna plus
prendre de détours , il envoya égorger of-afiom-
mer fa mère dans Ion lit. Frappée à la tête par un
des, afiàfiïns. , elle leur crie : Frapvèf les entrailles
qui ont. porté ce monfire,.s pentrem feri , deux mois
qui ont plus d’éloquence & de moralité que n’en
auroient lés plus fortes déclamations contre le
parricide. Tacite & Suétone rapportent que par un
genre de facrilégeinôiii, Néron voulut yoir,le corps
défia mère morte ,& qu’il donna d'infâmes louai?gqs
à ce qu’il avoit vu. Néron voulut perfuader>qu’^ -
grippine avoit tenté de l’aflalfiner lui-meine, &
qu’il avoit été forcé de la prévenir , iL envoya au
fénat une lettre qui contenoit cette récrimination ,
& qui avoit, été compofée par Senèque ; Thraféas
fortit du fénat à cette lefîure; mais le fénat, &
qui plus eft, Burrhus, félicitèrent l’empereur d’être
échappé aux complots de fa mère. Romains toujours
etonnans, toujours au-defîùs de toute com-
paraifon avec les autres hommes , dans le vi:c;e
comme dans la vertu , dans la bafiêfte conime
dans la grandeur !
Néron prétendoit defeendre d’Enée ; on fit fur
cette prétention, & fur le crime de Néron l’épi-
gramme fuivante:
Qui s neget Æ n a magnâ de flirpe Neronem
Sufiulit hic matrem 3 fuftulit ille patrem.
Comment imagine-t-on de faire un .calembourg 8c.
de .plaifanter fur un fils qui égorge fa mère ? .
Agrippine ayoit laifîe des mémoires:dont Tacite
a fait ufage & qu’il, a cités. Elle avoit eu trois
maris ; i° . Cneïus Domitius CSnobarbus , à qui
Tibère l’avoit mariée ; a0, l ’orateur Crifpus Paflie-
n u s d e u x fois conful; 30. l’empereur Claude.
Néron étoit né du premier mariage , Claude l’avoit
adopté; il régna au préjudice de Britannicus, fils
de Claude & de Mefialine. Agrippine mourut le 10
Juin de l’an 59 de'J. C.
AGUERRE, .( Chrétienne d’ ) comtefie de
Sault, (Miß. moderne. ) Chrétienne d'Aguerre, fille
de Claude à'Aguerre , avoit époufe en fécondés
noces François - Louis d’Agouft, comte de Sault.
Faite pour commander aux hommes beaucoup plus
par l’afeendant de’ fon génie que par le pouvoir de
fes charmes , elle avoit dans lés affaires les-.talens
d’un politique , &,1 dans le péril, le courage td’iin
héros. Senfible , mais jamais efclave du entiment,
dévorée d’une ambition qui ne jugeoit rien inïpof-
fible., elle réfoiut de faire époque- & rcufllt. La
fortune d’un, fils que le-comte de Sault lui avoii
laifîe, fût le prétexte des grandes révolutions qu’elle
méditoit. : Elle; eut bieriiqt formé -ûn parti dans la
Provence -y mais le comte de- Carces' , à cftii fa haute .
naiftance donnoit.beaucaup d’autorité-ifiir: ies-Pro^ .