main, & un peu moins par Tes antiquités de Rhehns.
Il a eu le titre d’hiftoriographe de France. La lifte de
ceux qui ont eu ce titre & de ceux qui dans le
même temps auraient dû l’avoir par préférence,
prouveroit une grande vérité , c’eft que toutes les
places devroient être données au concours & com-
paraifon faite des titres. Né à Rheims en 1557,
mort en 1623.
BERKELEY , ( George) (Hifl. Tut. mod J) évêque
de Cloyne en 1733, fameux par le paradoxe
qu’il a pris plaiftr à foutenir ; favoir, qu*il n y a que des
efprits & point de corvs. Trop de gens avoientfoutenu
l’opinion contraire,& l’opinion ou du moinsla thèfe
de Berkeley eft beaucoup plus piquante. C ’eft dans fes
Dialogues entre Hylas & Phïlonoüs qu’elle eft fou-
tenue. Ces dialogues ont paru traduits en françois
par l’abbé de G u a , 1751 , in-11. Berkeley eft encore
auteur de l’ouvrage intitulé : Alciphron, qu
le petit philofophe , en jèpt dialogues , contenant une
apologie de la religion chrétienne , contre ceux qu’on
nomme efprits forts. Cet écrit a paru traduit en françois
l’an 1734, à Paris, deux vol. in-12. Il y a
aufti de Berkeley un Traité fur l ’eau de goudron. Cçt
auteur eft mort avant 1760.
BERMUDE. Il y a trois princes de ce nom dans
la fucceflion des rois d’Oviedo & de Léon ; mais ils
n’ont rien de remarquable,
BERNARD, ( Hifi. mod. ) roi d’Italie, petit-fils
de Charlemagne , & neveu de Louis le Débonnaire.
Il y a eu deux faints de ce nom.
Le premier, & le plus ancien, n’a pas été aufti
célébré que le fécond : il n’a point prêche de croi-
fade ; il n’a point fait condamner d’hérétiques ; des
papes n’ont point été fes difciples , il n’a point
été l’arbitre de la chrétienté, mais il a fervi la
religion &. l’humanité; il a fait des.établiflemens
utiles ; il peut être confidéré comme l’apôtre particulier
des Alpes, où le chriftianifme, quoiqu’é-
tabli depuis long-temps en Italie , n’avoit pas encore
pénétré entièrement, Sc laifloit fubfifter des
monumens d’idolâtrie que Bernard- détruifit. R
éleva fur leurs ruines des monumens pieux & humains
, entre autres les deux fameux hofpices du
grand & du petit Saint Bernard , l’un , fur le mont
Joien ; l’autre, fur le mont qu’occupoit la colonne
Joïenne, noms où l’on reconnoît leur ancienne
confécration à Jupiter : Mons Jovis, columna Jovis.
L ’objet de ces établiflemens étoit de recueillir &
de dérober aux déprédations des montagnards idolâtres
, lès pèlerins qui alloient de France & d’A llemagne
à Rome. Ces mêmes établiflemens fubfif-
tent encore aujourd’hui avec un objet plus étendu ;
non feulement les pèlerins, mais tous les paflans
peuvent recevoir dans ces hofpices tous les lecours
dont ils on t befoin , & apprendre à révérer le nom
de feint Bernard, qui n’eft pas , comme les igno-
rans pourraient le croire, le célèbre abbé de Clair-
y aux , mais faint Bernard de Menton, né au châ-
îçau de Menton dans le Geneyois, en 923 , plus
d’un fiècle & demi avant l’abbé de Clairvaux, 8c
mort le 28 mai 1008, canonifé l’année fuivante.
Il étoit d’une des plus nluftres maifons de Savoie.
Le célèbre ..abbé de Clairvaux a voit de même
les avantages de la naiflance ; il avcit aufti les
avantages de là figure joints à ceux de l’efprit & .
de féloquence, il enlevelit tour dans le cloître , ou
plutôt le cloître alors n’enfevelifloit rien , il four-
niflbit au contraire aux talens des occafions & des
moyens d’éclater. Saint Bernard, né en Bourgogne
en 1091, s’étant fait moine à l’âge de vingt-deux
ans, fut abbé à vingt-quatre ans, étant à peine forti
du noviciat. Il fut le premier abbé de Clairvaux
qui venoit d’être fondé en 1115. Cette maifon aujourd’hui
fi riche, étoit fi pauvre alors, qu’on y
manquoit fouvent de la nourriture la - plus
commune . & la plus groftière ; mais , comme
nous l’avons dit, avant de déclamer contre les ri-
chefles des moines, il faudrait- en examiner la
fource, & faire les diftin&ions convenables ; on
a prétendu à la vérité que la fource des richefles
des bernardins n’aveit pas été aufti pure ni aufti
refpeéfable que celle .des richefles des bénédï&ins ;
on a cru que la croifade prêchée par faint Bernard-
avoit été trop utile à fes moines ; on a parlé de
différentes maifons qui eonfervoient encore dans
leurs archives des aaes par lefquels faint Bernard
difpofoit du ciel en faveur des croifés qui, en
partant pour la Terre-Sainte, difpofoient de leurs
terres en faveur des moines de faint Bernard*
Quoi qu’il en foit, cette maifon de Clairvaux,
dans fa plus grande pauvreté , raflembloit fous la
direéfion de faint Bernard une multitude de religieux
; on y compta jufqu’à fept cens novices à la
lois. Cette feule maifon fournit à l’églife le pape
Eugène III, plufieurs cardinaux & une foule d’évêques.
Ce fut par l’ordre de ce pape Eugène I I I ,
fon difciple, que faint Bernard prêcha la fécondé
croifade , avec un fuccès qui paffa fon attente 2 car
la multitude de croix qu’il avoir raftemblées pour
les diftribuer à ceux qui voudraient s’engager dans
la croifade, n’ayant pas fuffi, il fut obligé de mettre
fes habits en pièces, pour donner à chacun une
petite croix ; aufti mandoit - il au pape Eugène :
Vous avez ordonné, f a i obéi, & le fruit de mon
obéijfance a été tel que votre autorité devoit le produire.
Les villes & les châteaux deviennent des dé*
ferts, <S* Ton ne voit que des veuves dont les maris
font vivans. On envoyoit par mépris une quenouille
& un fufeau aux princes qui rèftoient dans leurs
états & qui ne partageoient point la gloire de cette
fainte entreprife. Mais faint Bernard n’eut pas autant
à s’applaudir du fuccès de la croifade que de
celui de fa prédication, & cependant il avoit répondu
de ce fuccès; il fe crut obligé de publier
une apologie, dans laquelle il dit qu’il avoit dâ
prêcher la croifade & qu’elle avoit dû réuflir, mais
que les péchés & fur-tout la mauvaife conduite des
croifés avoient tout changé ; fur cela, il citoit
l’écriture fainte ; mais il eft difficile de prouver
qu’un homme ait le droit de prédire l’avenir & dé
promettre des chofes qui ne dépendent pas de lui.
Ce que faint Bernard fit de plus raifonnable dans
cette affaire, ce fut de refufer d’être le chef de la
croifade qu’il avoit provoquée : l’abbé Suger fit
beaucoup mieux encore, il s’oppofa de tout fon
pouvoir à cette croifade, & c’eft fur cette oppo-
fition qu’une partie de fa gloire eft aujourd’hui
fondée. Saint Bernard refta donc à Paris, pendant
que fur la foi des viftoires qu’il avoit promifes,
Louis le Jeune alla fe faire battre en Syrie. Bernard
■ s’étoit réfervé pour une guerre plus convenable à
fon état & à fon habit, & dans laquelle il eut
toujours de grands avantages, la guerre théologique
; il combattit & confondit aifément les Pierre
de Bruys, les Gilbert de la Porée, les Eon de
l’Etoile, les feftateurs d’Arnaud de Brefle, &c. Il
remporta même la vi&oire fur un adverfaire plus
redoutable, le fameux Abailard, dont il fit condamner
au concile de Soiflons, en 1 12 1 , & au
concile de Sens en 1140, quelques propofitions
hazardées , fur la Trinité. Si dans cette affaire la
•vérité fut pour Bernard, tout l’intérêt fut pour
Abailard, grâce aux lettres d’Héloïfe ; elle y repréfente
l’ennemi de fon amant comme un perfécu-
teur jaloux, qui en vouloit bien plus à fa gloire
qu’à fa doârine , & qui dut bien plus fon triomphe
à l’intrigue qu’à la juftice. On pourrait à quelques
égards comparer cette conteftation des deux écrivains
les plus illuftres du douzième fiècle, à celle
de Boflùet & de Fénelon au fujet du livre des
Maximes des faints. Boflùet eut pour lui l’autorité
légitime, Fénelon l’opinion publique ; mais fi dans
ce parallèle Fénelon a tout l’avantage fur Abailard
par fes vertus, par fes talens, fur-tout par fefou-
miflion héroïque, Héloïfe a le même avantage fur
madame Guyon, par fes connoifîances, par fes lumières
, par une fenfibilité plus raifonnable. Boflùet
eut avec faint Bernard une autre conformité plus
glorieufe. Saint Bernard -a. été regardé comme le
dernier père del’églife. La Bruyère a dit de Boflùet:
j) Parlons d’avance le langage de la poftérité, un
j) père de l’églife «. M. le préfident Hénault eft
peut-être celui qui a peint le plus fidèlement faint
Bernard ; c’eft un de fes plus beaux portraits, il
réunit la juftice, & la décence qui n’a pas toujours
été aflez refpe&ée par tous ceux qui ont entrepris
de peindre cet illuftre perfonnage.
w Les confeils de laint Bernard étoient reçus
33 comme des ordres du ciel ; il avoit été donné
>3 à cet homme extraordinaire de dominer les ef-
» prits : on le voyoit d’un moment à l’autre pafier
j> du fond de fon défert au milieu des cours, ja-
« mais déplacé, fans titre, fans caraâère, jouif-
» fant de cette confidération perfonnelle, qui eft
33 au-deflùs de l’autorité ; fimple moine de Clair-
33 vaux,, plus puiflant que l’abbé Suger, premier
» miniftre de France, & confervant fur le pape
J3 Eugène I I I , qui avoit été fon difciple , un af-
?» Cendant qui les honoroit également l’un & l’autre
3» cependant faint Bernard n’étoît pas un aufti
33 grand politique qu’il étoit un faint homme &
33 un bel efprit : fes fermons font des chefs-d’oeu-
33 vres de fentiment & de- force ; feu M. Henri
33 de Valois, cet homme illuftre du fiècle paffé ,
33 les préférait à tous ceux des anciens, tant grecs
33 que latins «.
Ce que dit M. le préfident Hénault de l’autorité
perfonnelle de faint Bernard, fupérieure à celle
du rang, eft juftifié par fa vie entière.
L’ordre des Templiers étoit inftitué , mais il
n’avoit point de règle : à qui s’adreffe-t-on pour
en avoir une ? à faint Bernard. (1 12 8 .)
Deux concurrens, Innocent II & Anaclet fe
difputoient le trône pontifical, un concile s’aflem-
ble (le concile d’Etampesen 1130} pour difeuter
cette grande queftion , un feul homme le décide ,
c’eft faint Bernard, il prononce en faveur d’innocent
I I , auflitôt Anaclet eft abandonné de tout le
monde, ce n’eft qu’un anti-pape.
Saint Bernard va en Lombardie pour effacer
jufqu’aux moindres traces du fchifme , on lui offre
l’archevêché de Milan , il le refufe, & revient
dans fon cloître, d’où il gouverne la chrétienté.
Joignons ici au portrait de faint Bernard, fait
par M. le préfident Hénault, un morceau plus moderne
encore, morceau l’un des mieux écrits peut-
être qu’il y ait dans notre langue & qui mérite
d’être univerfëllement connu.
33 Alors vivoit dans un cloître , au fond d’un
« défert , un homme dont les dépofitaires du
33 pouvoir fuprême dévoient ambitionner les fuf-
33 frages autant que ceux d’un fénat ou d ’u n peuple
33 légiflateur. A ce trait feul on doit reconnoître
>3 cet abbé de Clairvaux, devenu fi célèbre fous
33 le nom de faint Bernard. Nul homme n’a exercé
33 fur fon fiècle un empire aufti extraordinaire.
39 Entraîné vers la vie folitaire & religieufe par
3> un de ces fentimens impérieux qui n’en laifîent
33 pas d’autres dans l’ame, il alla prendre fur J ’au-
33 tel toute la puiflance de la religion. Lorfque
33 fortant de fon défert il paroifloit au milieu
» des peuples & des cours, les auftérités de fa
33 vie empreintes fur des traits où la nature avoit
33 répandu la grâce & la beauté , remplifloient
33 toutes les âmes d’amour & de refpeft. Eloquent
33 dans un fiècle où le pouvoir & les charmes de
33 la parole étoient abfolument inconnus, il triom-
33 phoit de toutes les héréfies dans les conciles ;
33 il faifoit fondre en larmes les peuples au milieu
33 des campagnes & des places publiques : fon
33 éloquence paroifloit un des miracles de la reli-
33 gion qu’il prêchoit. Enfin l’églife dont il étoit la
33 lumière fembloit recevoir les volontés divines par
33 fon entremife ; les rois & leurs miniftres, à qui
33 il ne pardonna jamais , ni un vice, ni un mal-
33 heur public, s’humilioient fous fes réprimandes
33 comme fous la main de Dieu même; & les
33 peuples-, dans leurs calamités, alloient fe ranger
p autour de lui, comme ils vont fe jetter aux