
foit fou héritier. Lucius l’attendit, le teçut, lui
fauya la v ie , mais aux dépens de la fienne ; il fut
écrafé par le poids du corps de fon ami, & mou-
'*rut fur la place. A rtorius eft auffi le nom d’un médecin d’Au-
gufte , & peut-être de deux , fi celui qui eft appelle
Antonius Mufa dans plufieurs éditions d’Horace:
, Nam mihi Salas
Mufa fupervacuas Antonius
fe nommoit,. comme quelques-uns, le croyent,
Artorius Mufa.
. ARTO X ARE , eunuque puiffant fous Artaxer-
xès Longuemain, & encore plus fous Darius No-
thus, marque certaine d’un mauvais gouvernement
8c d’un prince fans mérite , difoit Pline à Trajan :
fois pracipuum indicium non magni principes magnes
libertos. Cet Artoxare , d’éfclave de Darius & de
Parîfatis fa femme , voulut devenir fouverain ;
Parifatis démêla fes deffeins , 8c le fit périr dans
les fupplices. ^ L
ARTUS , Arthus , ou Artur , ( Hïfl. moi. )
eft le nom de plufieurs.princes & hommes illuftres
dans l’hiftoire Moderne, ou. dans les Fables qui
en tiennent lieu. Par exemple , le premier Anus
dernier roi des Bretons, chaffés par les Saxons,
de la Bretagne, aujourd’hui l’Angleterre, n’eft connu,,
que par les romans , qui ont répandu tant de
merveilleux fur tes prétendus exploits. Ces douze
grandes batailles où il défit les Saxons, étoient de
petits chocs dont le fuccès avoit à peine la moim
dre influence fur l’état des affaires, puifque les
Saxons ne perdirent prefque pas un pouce de ter-
rein , & que le théâtre de la guerre ne ceffa pas
d’être renfermé dans un efpace très-borné ; mais
enfin cet Anus fut le dernier Breton qui eut du
courage , & les reftes de la libérté Bretonne périrent
avec lui.
Les Romains ont fait naître Anus comme la
Fable a fait naître Hercule ; le roi Uther, devenu
amoureux de la mère d'Anus, la trompa , en prenant
par les enchante mens de Merlin la figure de
fon mari. Nous ne relevons ces folies, que parce
que nous en trouvons la caufe morale dans l’admi-
raticn & la reconnoiffance des Bretons pour les
derniers détenteurs de la liberté.
Le roi Anus & tes chevaliers de la Table ronde,
ne font , félon M. le comte de Caylus, qu’une
imitation de Charlemagne & de fes douze pairs.
C ’étoient des fables imitées de fable?. Il obferve
en général que tes Anglois ont été anciennement,
en littérature, en hiftoire , 8c dans les Fables liifi-
toriques, des copiftes ardêns des François , qui
en effet les précédoient dans les lettres-& dans les
ar tscom m e ils étoient précédés eux-mêmes par
les Italiens & les" autres peuples méridionaux. Les
Anglois nous envioient Charlemagne, ce héros
auquel ils n’en avoient point à oppofer de fem-
blable, au moins avant lui, La Fable vint au fetours
de l’Hiftoire ; ils voulurent abfoluttient avoir '
eu l’équivalent de Charlemagne , avant Charlemagne
même ; ils choifirent, dans des temps ignorés
, un prince auquel ils pourvoient, ai leur gré r,
donner toutes les belles qualités, attribuer tous«
les hauts faits que l’imagination pouvoir concevoir.
Nulle vérité hiftorique ne les gênoit.- On ne con-
noiffoit guères de ce prince que fon nom & l’époque
de fon règne , & cette époque avoit un ■
grand avantage ; comme elle étoit antérieure à:
Charlemagne,Charlemagne devenoit en apparence
la copie d'Anus. C ’eft ce*double intérêt de pouvoir
embellir leur héros-de toutes les couleurs del’ima—
- gination , & en même-temps fe procurer l’antériorité
de date fur Charlemagne, qui a fait préférer
Anus à d’autres princes qui auroient mieux fou-
tenu le paraUèle avec le conquérant François, par
exemple, à Egbert , qui eut l’honneur d’éteindre -
l’Heptarchie, & de reunir tous les royaumes de
l’Angleterre ; & au grand Alfred, à qui l’hiftoire
n’a prefque trouvé aucun reproche à faire : mais
Egbert avoit un grand titre d’exclufion, c’eft que-
Thiftoire le répréîente comme l’élève de Charlemagne
, à ,1a cour duquel il avoit trouvé un afyle.
Formé par les leçons • & lès exemples de ce pro^ -
teéleur, aidé de fes fecours, il eut toujours rap-
pellé fa fupériorité. Alfred, fon petit-fils, avoit:
l ’inconvénient d’être poftérieur à Charlemagne , .
qui eût toujours paru avoir , été fon modèle.
Les rapports entre Artus & Charlemagne font.
fenfibles ; les auteurs des romans d?'Artus ont mal
déguifé Limitation. Charlemagne & Artus fe reft- -,
femblent parfaitement par le. nombre & la qualité
des guerres qu’ils ont eues à teutenir, par le grandi
nombre de voyages qu’ils ont. faits : tous deux ,
ont combattu. lesPayens & les Saxons ; tous deux,
diftribuoient avec. la même générofité à. leurs capitaines,
à-leurs foldats y le butin qu’ils avoient :
fait ; tous deux avoient les mêmes vertus , la-même
fobriété, la même frugalité , la même économie
dans la vie privée , la même magnificence;*
dans les fêtes, dans lès folemnités, dans les cours •
plénières. : tout ce qui eft en précepte & en loi .
dans les capitulaires de Charlemagne , eft mis en
aéfion dans la vie' <f Artus. Charlemagne & Artus, t-
ont eu l’un & l’autre un neveu très-bçave, qu’ils .
ont aimé-uniquement. Roland,..dans les romans;
de Charlemagne , Gauvain, dans les romans d’Ar- •
tus y jpuent le même rôle.
La bonne épée de Charlemagne;, longue & large y,.,
que l’on nommoit Joyeufe s & que l’on montre, :
! encore à Saint-Denis , & la Durandal, cette mer--
I veiiteufe & magique é p é ed o n n é e par Charte- -
< magne à Roland, & qui, entre les mains de ce .
! paladin, même affeibli par la perte de fon fan g ,
] coupoit un rocher en deux, font le modèle de -
i 1 -Efcalibor, cette épée d'Artus , à laquelle rien ne
j pouvoir réfifter, & de tontes les’ autres épées en*
J chantées , dont il a ,plu aux poètes & aux romarr-
j tiers de décrire les effets., merveilleux &.les t
lîbtes coups : le premier modèle de ees armes divines
eft dans-tes armes forgées par Vulcain pour
Achille & pour Enée. Roland , près de mourir ,
caffe la lame, de Durandal, & en jette bien loin
les tronçons , afin qu’elle ne puiffe jamais fervir
aux Infidèles contre les Chrétiens. Artus, au moment
de fa mort, charge fon écuyer de jetfer Efcalibor
dans un lac , pour que perfonne n’eût
l’honneur de la poffèder après lui..
Les chevaliers de la Table ronde répondent
aux pairs de Charlemagne ; & ce titre de pairs ,
qui annonce une égalité parfaite entre ceux qui
portent ce titre, a vraifemblabtement fait naître
l’idée de la Table ronde, dont l’établiffement, s’il
appartient à l’hiftoire, n’étoit, félon la conjecture
de l’abbé le Gendre", qu’un moyen d’éviter toute
difpute fur les rangs. L’époque de cet établiffe-
ment ne fe trouve nulle part dans 1 hiftoire.
2°. Artus ,.ou Arthur , prince d’Angleterre
pètit-fils d’Henri I I , par Geoffroy, frère aîné de
Xean-fans Terré , fût une viéfime bien intéreffante
6c bien malheureufe de l’ambition criminelle de
ce vil 8c infâme Jean , fon oncle. Celui-ci avoit-
fuccédé au trône d’Angleterre, en vertu du tefta-
ment de Richard I ,. fon frère aîné, au préjudice
cl[Anus fon neveu , qui étoit l’héritier légitime.
Anus l’étoit- aufîi de la Bretagne, que Confiance
fa mère avoit porté en dot à. Geoffroy. Confiance
vivoit encore 8c gouvernoit la-Bretagne ; la fameufe
Eléonore d’Aquitaine , veuve d’Henri I I , vivoit
auffi, 8c la rivalité; de l’ayeule 8c de la mère fut
fatale.au jeune Artus..
On foupçonna Elénore d’avoir influé fur la'
difpofition qui avoit privé Artus de la . couronne
d’Angleterre.- Elle avoit confervé beaucoup d’af-
oendant fur Richard 8c une grande part au gouvernement
pendant les longues $c fréquentes ab-
fences de ce prince. La .continuation de fon pouvoir
lui paroifîoit plus- affurée fous Jean fon fils
que fous Artus fon petit-fils , précisément:--,parce
que ce dernier avoit pour mère Confiance , non
moins ambitieufe qu’Eléonore , non moins accoutumée
qu’elle à commander fous le nom de fon
fils , & qui vraifemblabtement n’eût pas moins
régné en Angleterre qu’en Bretagne , fi Artus eût
fuccédé à Richard.
Jean étoit conduit par fa, mère ^ Artus Pétoit
par la fienne ; deux femmes telles qu’Eléonore
8c Confiance, préparoient un fpe&acle aux politiques
8c des troubles à l’Europe.
On propofa de laiffer l’Angleterre à Jean , 8c
de donner les provinces du continent au jeune
Artus ; c’étoit- une tranfaéfion d’autant plus raifon-
nable, qu’indépendamment- des droits de la nature ,
Anus avoit pour lui un premier teftament de Richard
, qui l’avoit inftitué fon unique héritier dans
tous fes états. On propofa enfuite de partager du-
moins ces provinces du continent, d’en donner à-
peu-près la moitié-à l’un , 8c la moitié à l’autre.
Confiance., mère d'Artus^ mourut en 1202,. ou
1204 , au milieu de ces négociations y Artus 9 prince
plein de feu 8c,de courage, courut attaquer la
Guyenne dont Philippe - Augufte lui avoit donné
l’inveftiture pour embarraffer 1e roi Jean. En tra—
verfant le Poitou , il apprend que fon aïeule Eléonore
, toujours fon ennemie, étoit dans le château,’
de Mirebeau; il afliège ce château 8c l’emportfe •
d’affaut ; mais Eléonore eut 1e temps de fe réfugier'
dans une tour, d’où elle trouva le moyen de faire-
favoir fon danger au roi Jean, qui étoit alors à-
Rouen. Ce prince fortit. un moment dé fon fom-
meil, 8c cet effai qu’il fit de l’aélivité , fut heureux.
Anus tomba entre fes mains; Anus qui brûloit de?
fuivre tes traces de Henri.II 8c de Richard, fur-
pris'par Jean, fon oncley de qui on n?attendoif
rien de femblable, s’imagina qu’entouré de l’élite
de la nobleffe françoifè, il n’avoit rien à craindre.-
Il ne eonfidéra ni le nombre, ni la difcipline des
troupes mgrcénaires que Jean avoit raflemblées»
Affiégé par des forces trop fupèrieures clans le"
même château où il avoit penfé prendre Eléonore,,
il fit des forties ; il fut enveloppé. Son • courage
ne put le faiivèr; il fut pris, conduit cTabord à
Fa-lai fe, puis ramené à Rouen. Le refte de fadefti--
née eft ignoré ; on fait feulement qu’il clifparaf
deux ou trois jours après la mort d’Eléonore, qui
n’avoit pas cefic d’être fon ennemie , mais qui
n’eût jamais fôuffeirt que- fon fils eût été 1e bour—
reâu de fon petit-fils.
On raconte un peu au lïafard Tes circonftances-
de cet horrible événement. Voici celles qui ont
paru les plus certaines.-
Les feigneurs Bretons demandoient avec inftance •
la liberté de leur comte. Le roi de France preffoit-
8c menaçoit. Jean étoit inébranlable, 8c paroiffôit
rouler dans, fon efprit quelque grand & finiftre
projet. La défiance 8c la crainte étoient dans toutes-
les âmes. Jean redoutoit les droits , la vengeance^
8c la gloire naiffante de ce jeune Anus. Les amis-
d’Artus trembloient en voyant dans quelles mains -
. la: fortune l’àvoit livré. Jean avoit fait fes preuves ; ,
l’Lurope attendoit un crime. Jean n’ofa pas d’abord
faire périr fon neveu ; il fe contenta de vouloir
lui ôter, avec la v u e , lé pouvoir de fe reproduire,
8c il crut être modéré , parce qu’ii ne,
faifoit pas. tout le mal qu’il auroit défiré de faire^.
-II donna fes ordres pour cette Truelle exécution k..
Hubert dé Burgh ou du. Bourg,, gouverneur du;
château de Falaife. Celui-ci, pour fe difpenfer de.
.les accomplir,., propofa au roi de prendre un autre .-
parti, celui de fonder la difpofition des efprits, .
en répandant un faux bruit de. la mort à1 Anus,.
Jean approuva cet expédient. Le fon funèbre des-
cloches annonça dans toute la Normandie la mort
du prince. La fureur des Bretons à cette nouvelle,.,
leurs fermens de. vanger léur comte , le foulève--
ment ou IA murmure de toutes les provinces du -
continent , apprirent au tyran combien’ il étoit*
baï , "combien Anus étoit aimé, combien c’étoit’.
rifquer que d’attenter à. fa- vie,TIubert de Burgh.,,