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tes pour fe juftlfier ; mais bientôt fon dêfpotifme
aigrit tous les efprits : la jaloufie des autres officiers
acheva de les aliéner} le fuppliee d’un député qu’il
fit périr pour avoir manqué d’audace à la diète , fit
fuccéder l’horreur au mécontentement enfin une
amniftie publiée par la république lui enleva quarante
compagnies à la fois, & le refte menaça
d’iTne défertion générale. B ogu [las craignit alors de
fe voir expofé fans défenfe au refîentimënt de
la république ; il fe fournit, oublia fes chimériques
prétentions à la couronne, Sc rentra dans la foule
dont il étoit forti. [M. de S a c y . )
BARANZANO, (Redemptus) [Hijl. lut, mod.')
barnabite Piémontois, né près de Verceil, pro-
feffeur de philofophie & de mathématiques à Annecy,
puis à Paris.
Notre feul motif pour tirer de l’oubli, cet
homme dont on ne connoît plus ni la perfonne ni
les écrits , eft, qu’étant profeffeur de philofophie ,
m fut un des premiers qui ayent eu le courage
d’abandonner la philofophie d’Ariftote , vers le
temps oii le parlement de Paris défeadoit fous peine
de mort d’enfeigner d’autre doârine que celle de ce
philofophe. Cet arrêt , dont il - faut fe fouvenir
toutes les fois qu’on eft tenté ou follicité de rendre
un arrêt fur l’enfeignement, eft de 1624. Ba-
rançano mourut en 1622 , à Montargis.
BARATIER. (J ean Philippe) [HiJl.litt.mod.)
Cet enfant favant, qui a vécu de nos jours, & que
Baillet n’a pu par conféquent comprendre parmi
fes enfans célèbres, eft le plus prodigieux de tous.
A quatre ans , il favoit le latin & le françois,
outre l ’allemand , fa langue maternelle ; à fix le
grec , à dix l’hébreu ; il n’avoit même que neuf ans
lorfqu’il donna en 1730 , dans le vingt - fixième
tome de la bibliothèque Germanique, une notice
de la grande Bible rabbinique ; il n’en avoit que
douze lorfqu’il publia, à Amfterdam en 1734, 2 vol.
in- 8 °., Y Itinéraire du rabbin Benjamin, qu’il accompagna
de diflertations favantes ; liiftoire , critique,
théologie, philofophie, mathématiques , aftronc-
mie, &c. il embraffa tout. C’eft le Pic de la Mi-
randole d’un fiècle; éclairé qu’on n’étonne pas auffi
facilement que le fièclè' de Pic de la Mirandole.
On peut juger de fori ardeur pour les fciences, 8c
de fon aâivité ; par le trait fnivant. Il pafloit par
la ville de Halle à l’âge de quatorze ans, l’uni-
verfitè de cette ville s’emprefla de le recevoir
maître ès-arts. Pour fe montrer plus digne de cet
honneur , il compofa fur le champ quatorze thèfes
qu’il fit imprimer la nuit & qu’il foutiat le lendemain.
Il fut reçu auffi à la fociété royale des fciences
de Berlin.
D’un côté il expliquoit des médailles curieufes &
difficiles, il faifoit des recherches fur les antiquités
égyptiennes ; de l’autre, il entreprenoit d’écrire
l’hiftoire moderne de la guerre de trente ans en
Allemagne ; il traduifoit la défenfe de la iqonarchie
ficilienne de M. le chancelier de Ludevdg, & il y
B A R
ajoutait tine liiftoire des démêlés de Clément XI
avec les rois des deux Siciles ; Halle , 173$-,
Il favoit tout, mais il vivoit en Allemagne, 8c
il ne favoit pas le droit public, JLe roi de Prufle,
auquel il fut préfenté, ( c ’étojt le père de celui qui
règne en 17 8 4 ,) trouva d’abord cet endroit foible
de Baratter. Son premier mot fut : Save^- vous le
droit public ? Cette queftion , qui en eût embaraffé
beaucoup d’autres, n’embarrauà point Baratier, il
répondit ce qu’un favant ne répond guères en pareil
cas, non. Alle^ l'apprendre , lui dit févèrement
le rçi de Prufle, ou renonceç au titre de favant. Baratier
jugea que le roi avoit raifon , il étoit fier 8c
fenfihle, il confacra quinze mois entiers à l’étude
approfondie du droit public, & fe préfenta pour
foutenir fur cette fcience, une théfe, qui mit le
comble à fa gloire, mais qui lui coûta peut-être
la v ie , car il mourut peu de temps après, épuifé
par le travail, à Halle en 1740, âgé de dix-neuf
ans , huit mois 8c fept jours. Il était né dans le
Margraviat de Brandebourg - Anfpach, le 10 janvier
1721.
S’il eft vrai, comme On l’a dit, qu’il pafloit tous
les jours douze heures ou au moins dix dans fon
lit, il eft à croire qu’il y travailloit, à moins que
l’excès du travail du jour ne lui rendît ce long
repos néceflaire.
Il reftè de lu i, outre les écrits que nous avons
déjà indiqués, quelques ouvrages de critique ecclé-
fiaftique, qui feroient peu de nature par eux-mêmes
à être recherchés, mais qui doivent l’être par l’érudition
qu’ils fuppofent dans un enfant: mort à
dix - neuf ans. Les principaux de ces ouvrages
font :
Anli-Artemonius, feu initium S. Joannis ex anti-
quitate ecclejiajlicd advershs Artemonium , vindicatum
atque illujlratum. Nuremberg, 1735, in-S°,
Difquijitio chronologica de fuccejjione antiquijfmâ
epifcoporum Romanorum à Petro ufque ad Vi£lorem3&*c.
Utrecht, 1740.
On à auffi de Baratier des Lettres 8c des Difler-
tâtions inférées dans la Bibliothèque germanique.
La France a une raifon particulière de regretter
cet enfant merveilleux , qui pourroit vivre 8c travailler
encore ; il était fils d’un françois réfugié,
pafteur de l’églife françoife de Schwobaçh, 8c en-
fuite de celle de Halle.
Qu’il nous foit permis d’ajouter ici une efpèçe
de fupplément aux enfans célèbres de Baillet, en
faveur de deux jeunes gens contemporains, qu
prefque contemporains de Baratter , comme lui
victimes des lettres , 8c dont la mémqire digne
; d’être honorée -, ne peut recevoir que de nous lp
tribut de regret 8c d’eftime qui lui eft due.
Le premier étant encore à l’univerfité, y avoit
i vu naître cette heureufe inflitution des prix publics,
fource de tant d’émulation , elle avoit produit fur
; lui tout fon effet, dès-lors il avoit pris pour fa
devifç :
jExultqndaqUf
B A R
JExultantiaque haunt
Corda pavor pulfarts, laudumque arrecla eupido'.
Témoin fur-tout des premiers fuccès de M.
Thomas dans cette carrière, de ces fuccès garans
de ceux qui l’attendoient à l’aCadémie 8c dans le
monde, oc qui joints à une vertu fans reproche
lui compofent la réputation la plus défirable à laquelle
un homme de lettres puiffe afpirer , fon
jeune émule fut tourmenté du defir de l’atteindre
ou de le fuivre. Cependant fon coup d’eflai ne fut
point heureux ; accoutumé à des tripmphes faciles
fur le petit théâtre qu’il remplifloit, c’eft-à-dire
dans fon collège, il ne fut pas même nommé dans
la diftribution des prix publics; la fécondé fois il
eut un acceffit, ce fut un préfage, 8c il jura de le
remplir : la troifième fois, étant vétéran en rhétorique
, il compofe pour les prix publics , 8c meurt
dans l’intervalle de la compofition à la diftribution.
Le 'jour de la cérémonie arrive, le premier nom
proclamé eft le fien : mais lorfqu’au lieu des fanfares
8c des chants d’allegreflè qui appellent le.premier
vainqueur pour recevoir la couronne des mains
du premier préfident du parlement y on entendit
partir des gradins où s’affied toute cette intèreffante
jeunefle, l'efpoir de la nation, ce cri lugubre : fato
fttnélus, on gémit, 8c on continua triftement la
proclamation. Le premier prix dans le fécond genre
c’étoit lui encore qui l’avoit remporté, de même
dans lesfuivans ; en un mot il avoit remporté les quatre
premiers prix, & femblable à ce fameux Athlète,
Arrachion, déclaré vainqueur après fa mort aux
jeux olympiques, il n’avoit laiffé à fes concurrens
les plus heureux que de fécondés palmes dans tous
les genres. Lorfque M. Piat, alors fyndic de l ’u-
niverfité, qui lifoit la’lifte des vainqueurs, répéta
pour là troifième 8c enfin pour la quatrième fois
ce nom glorieux 8c infortuné , idem Alexander-
Claudius le Jau de Chamberjet., fa voix s’altéra ,
fes yeux fe remplirent de larmes, il déplora de
fi belles efpérances fi cruellement trompées, il fit
à ce fujet un petit difcours tel que le coeur l’inf-
pire dans un pareil moment. L’aflemblée entière y
répondit par un gémiffement douloureux. C ’étoit
un fpeâacle d’attendriflement 8c de défolation ; la
mémoire doit s’en être confervée dans l’univerfitéi
Celui qui rapporte ce fait, en a été le témoin , &
l’amitié le rendoit un témoin intéreffé.
Si une généalogie littéraire eft quelque chofe,
le chevalier de Chamberjot étoit arrière-petit neveu
du modefte 8c vertueux le Nain de Tillemont,
dont la famille eft aujourd’hui éteinte, 8c du favant
8c fécond André Tiraqueau. Il eft mort à quinze
ou fei?é ans en 1750.
Le fécond avoit «fait d’excellentes études , c’eft-
à-dire qu’il étoit en état 8c dans la difpofition d’en
commencer de férieufes ; il entroit dans le monde,
mais il y portoit le goût de la retraite 8c du tra-
yail ; il recherchoit les c.onnoiffances en tout genre ;
Hijlûire, Totn, ƒ , Deuxième PartK
b a r m ,
il avoît compofé pour fon inftruélîon des ouvrages
qui auroient pu fervir à celle des autres, nomme-,
ment un livre élémentaire fur l’hiftcire naturelle.
Ces ouvrages, qui par des raifons étrangères à leur
mérite, n’ont pas été imprimés, pourroient n’avoir
pas mérité de l’être, fans cefler d’être des titres
pour la jeunefle de leur auteur.
Mais c’étoit fur-tout à la poéfie que fon penchant
8c fon talent l’appelloient, oc il y portoit une fa^efle
8c une pureté de goût fort fupérieures à fon âge ;
nous en rapporterons pour preuve une bagatelle,
à la vérité; mais des bagatelles ont fait une réputation
au marquis de Saint-Aulaire, 8c M. de
Voltaire a fait connoître avantageufement le poète
1 Ferrand, en citant de lui un f^ l madrigal. Notre
jeune poète aimoit pour la prBHii^re fois, c eft le
temps où tous les jeunes gens fe croient_poètes,
8c où ceux mêmes qui doivent le-devenir mettent
le plus d’effervefcence 8c le moins de goût dans
leurs vers. La perfonne qu’il aimoit lui avoit donne
pour gage, à un petit ijeu de foeiété, un gland
qu’elle avoit ramafle 8c confervé pour fa grofleur
8c fa beauté ; il fit à ce fujet le couplet fuivant
fur Taîr : de mon berger volage.
J’aî du bois de Dodone
Le fruit myftérieux ;
Zirphile me le donne ;
Qu’il eft cher à mes yeux !
Il fera mon oracle >
Et fes arrêts divins ,
Par un nouveau miracle
Régleront mes deftins.
Nous demandons( 8c cela n’eft peut-être pas une
chofe facile à obtenir) qu’on prenne cette citation
dans le fens où elle eft faite. Ce n’eft pas un modèle,
ce n’eft pas un chef-d’oeuvre de talent que
nous prétendons offrir, mais la marque d’un goût
fage, pur 8c antique dans un âge qui touche à l’en-
fanee. Il nous femble que l’auteur falfit dans fon
fujet une idée également ingénieufe 8c naturelle ,
8c qu’il fait s’y borner ; qu’à cette propriété 8c à
cette fimplicité d’idée, il joint la propriété 8c la
fimplicité de l’expreffion. Nous voyons d’ici tous
les gens de fon âge gâter ce fujet, y proftituer
l’efprit, accumuler les rapports forcés, 8c furchar-
ger leur ftyle d’épithètes 8c de petits ornemens.
Ici tout eft fimple 8c précis ; rien de trop. Il nous
femble que celui qui faifoit ainfi à dix-fept ans,
étoit deftiné à bien faire tout ce qu’il feroit.
Hélas ! il n’étoit deftiné à rien. Il eft mort à dix-
neuf ans, en 1759, après un an de langueur 8c
de Souffrances, pendant lequel toute fa conlblation
étoit dans l’étude, qui achevoit de le tuer, 8c dans
l’aiftitié, qui le pleuroit d’avance.
Il avoit auffi une forte de généalogie littéraire :
il çtqit neveu, à la mode de Bretagne, du favant
abbé Lebeuf, de l’académie des infçriptions &C
belles-lettres, 8c il portoit le même nom.