
vorables. Ce prince mourut en 1214 , âgé de 60
ans. Alphonse IX , roi de Léon , des Afliiries &
de Galice , fils de Ferdinand, roi de Léon, 8c de
Donna Urraque, infante de Portugal, répudiée par
fon époux , fuccéda à fon père en 1188. Tour-à-
tôur allié 8c ennemi des rois de Caftillc, ( car fes
états avoient été diftraits & détachés de cette couronne,
) tantôt il leur fit la guerre , & tantôt il
joignit (es armes aux leurs contre les Sarrafins. Plus
heureux iorfqu’il combattit les infidèles, que lorf-
qu il porta les rayages de la guerre dans lès états
des princes chrétiens , il ne contribua pas peu à
affoiblir la puiflance des Maures en Efpagne, par
les conquêtes qu’il fit fur eux. Il mourut en 1230,
après un règne de 42 ans. Alphonse X ,fiirnommé lefage , ou Vagronome,
fils de Ferdinand I I I , lui fuccéda en 1252. Peu
fatisfait de la couronne de Caflille , il fe laiffa aller
à l’ambition indifcrète d’y joindre la couronne impériale
, démarche inconfidérée , qui caufa fon
malheur & celui de l’état. Il fut réellement élu
empereur en 12 5 7 , par la faôion de quelques
foigneurs allemands, qu’il gagna par fes prohibons 3
mais il ne put pas foutenir efficacement cette prétendue
élection ; & l’or qu’il prodiguoit à des étrangers,
il l’amafloit par des impôts exceffifs, dont il
ehargeoit les fujets, & en retenant les àppointe-
mens des principaux officiers de la couronne. On
commença par murmurer dans la Caftille ; puis on
çonfpira. Alphonfe, jaloux de fe faire reconnoître
empereur ,• vouloit, malgré ces mouvemens, partir
pour l’Italie ; il promit aux révoltés de les fatis-
iaire , & leur donna de l’argent : ceux - ci profitèrent
de la crainte qu’ils lui infpiroient , pour fortifier
leur parti. Alphonfe eouroit rifque de perdre
la couronne qu’il poffédoit, en pourfuivant celle
qu’il ne devoit.pas pofféder. L’élévation de Rodolphe
de Habsbourg au trône impérial, fit évanouir
toutes les efpérances du roi de Caftille , relativement
à l’empire. Ii revint dans fes états, gagna
les mécontens à force de dons & de proméfîes ; -
mais il laifi'a un levain de rébellion dans les ef-
prits.
Don Ferdinand , fon fils aîné, étoit mort, &
laiffoit deux enfans , qui dévoient naturellement
hériter des droits de leur père , déclaré fucceffeur
d’Alphonfe : mais Don Sanche, frère de Ferdinand,
conçut le perfide projet, non - feulement d’être déclaré
héritier du trône , préférablement à fes nev
eux , mais encore de détrôner fon père. Ce fils
ingrat réiiffit à fe faire déférer le titre de ro i, par
les états affemblés à Valladolid. Alphonfe fe ligua
avec le roi de Maroc, qui ne put le rétablir fur le
tr^ne. Il maudit fon fils , le déshérita , puis rétracta
cette exhérédation , & mourut de chagrin
en 1284. Ses tables aftronomiques, connues ions
le nom de Tables Alphonfines, qu’il fit rédiger en
1270 , lui avoient mérité le furnom <T Aflronome. Le I
code des k>ix, qu’il forma ^cpubHa, lui fit dom- {
nef celui de fage , dont il ternit la gloire par la
folle ambition qu’il eût d’être empereur d’Allemagne.
( C’eftde cet Alphonfe que Mariana, lib. 13.
de reb. Hifpanic. c. 20." a dit qu’i/ perdit la terre,
à force de contempler le ciel, & cetoit lui qui difoit
que , f i Dieu Vavoit appellé à fon confëil, lorfquil
avoit créé le monde , il lui auroit donné de bons
avis. j Alphonse XI f furnommé le vengeur , fils de
Ferdinand IV , lui fuccéda aux royaumes de Léon
& de Caftille en 13 12 ; il ne faifoit, pour ainft
dire, que de naître, lorfque fon père mourut; &
tout le temps de fa minorité fut une continuité
d’intrigues , de cabales , de révoltes & de guerres
inteftines. L’Efpagne chrétienne fut alors dans la
fituation la plus déplorable. Alphonfe, devenu majeur
, s’arma d’une févérité peut - être trop dure ,
mais jugée néceffaire, pour faire rentrer les grands
dans le devoir. Ce prince ajouta même quelquefois
la rufe 8c la trahifon à la rigueur. Ces moyens
violens n’eurent pas tout l’effet qu’il en attendoit :
il ne put jamais détruire entièrement le levain de
rébellion, qui fermentoit depuis le règne de Ferdinand
III. La rigueur de fes jugemens lui mérita
le furnom de vengeur, titre plus terrible que glorieux.
Alphonfe fe fignala contre les Maures : la bataille
de la Salado , où fon armée combinée avec
celle du roi de Portugal, tua plus de deux cents
mille Maures, & fit un nombre incroyable de pri-
fonniers, eft célébré dans les annales de fon règne.
Tous les chemins, à plus de trois lieues à la ronde,
étoient couverts de cadavres. Alphonfe prit enfuite
Algezire, place forte de l’Andaloufie, fur la côte
du détroit de Gibraltar ; 8c peut - être eût- il conquis
Gibraltar même, fi lapefte n’eût terminé fes
jours, lorfqu’il en faifoit le fiège en 13 50. Les Caf-
tillans le regrettèrent : fa grande févérité devint
alors un fujet d’éloges. On jugea qu’elle avoit purgé
la Caftille des brigands qui l’infeftoient, donné une
nouvelle force aux loix , réformé un grand nombre
d’abus dans l’adminiftration de la juftice , & fou-
vent réprimé la tyrannie des grands qui oppri»
moient le peuple , & faifoient des ufurpations in-
jurieufes à la couronne. Il n’eft pas fûr que la douceur
eût produit les mêmes effets, dans un temps
où l’efprit de révolte animoit prefque" tons les
grands. Plaignons un roi qui fe voit dans la dure
néceffité de faire couler le fang des plus puiffans
de fes fujets-, pour affurer la tranquillité & le
bonheur des autres; & confeillons - lui toujours de
n’avoir recours à la juftice rigoureùfe , qu’après
avoir épuifé prudemment tous les autres moyens
que l’humanité prefcrit. Si la févérité d'Alphonfe en
impofa fouvent aux féditieux, il éprouva auffiplus
d’une fois, que la crainte du châtiment n’eft pas
toujours un remède infaillible. Alphonse I , roi d’A ragon, furnommé le ba-A
tailleur , parce jqu’il fe trouva à vingt-neuf batailles
rangées. Nous avons parlé ci - devant de fes
démêlés avec la reine Urraque fon époufe, au fujet
fujet des royaumes de Caftille & de Léon. Lorf- I
qu’après bien des troubles & du fang répandu, il J
prit lç parti de fie borner à fes états héréditaires, 1
ou plutôt lorfqu’il chercha à faire fur les Maures des
conquêtes , qu’il ne- pouvoit pas efperer de taire
dans l’Efpagne chrétienne , il remporta victoires
fur viétoires ; 8c la fortune ne l’abandonna , que
lorfqu’il eut conquis tout le pays de la partie méridionale
de. l’Ebre, & augmenté de plus des deux
tiers la monarchie Aragonoife. En 1134^ d s oPi"
niâtra mal-à-propos au fiège deFraga. Cette ville
fut fecoui;ue par un renfort confidérable de Maures
qui lui livrèrent bataille : il fut vaincu, pour la
première fois de fa vie , par les Sarrafins ; il n e-
chappa à la fureur de l’ennemi, qu’en fè retirant
dans le monaftère de S. Jean de la Pegna , ou il
mourut peu de jours après , épuifé par les efforts
de valeur qu’il fit dans cette dernière action , pour
arracher la viétoire aux Maures, 8c peut- être aufh
par le dépit que lui caufa fa défaite. Mariana prétend
que ce prince , qui n’avoit point d enfans ,
înftitua pour héritiers de fes états les chevalierss
du Temple, & ceux de S. Jean de Jérufalem : mais
ce prétendu teftament eft contefté par tous les
autres hiftoriens ; 8c il eft fûr que 9 fuppolé quil
ait exifté, les. Aragonois m’y eurent aucun egard.
A l p h o n s e I I , roi d’Aragon. Il eft dur pour un
.tiiftorien , -ami <te l’humanité , de n’avoir que des
exploits militaires à raconter. Il femble que tous
les rois , qui régnèrent fur les differentes contrées
de l’Efpagne, pendant plufieurs fiècàes., ne montaient
fur le trône que pour faire la guerre aux
rois leurs voifins & aux Maures. Et quel bieirpou-
. voient-ils faire à leurs fujets , ces princes toujours
occupés de projets de conquêtes, dans un temps
où la vertu guerrière étoit prefque la feule qu’on
admirât ? Alphonfe I I monta fur ie trône en 1162,
. âgé de dix ans ; il en.régna trente - quatre, étant
mort en 1196. .
A l p h o n s e III, roi d’Aragon, ayant pris ce titre
en 1285 , à la mort de fon père Pierre III , fans
s’être fait couronner folemnellement dans l’affem-
blée des états , les grands du royaume lui en témoignèrent
leur furprife 8c leur mécontentement,
& lui firent fentir que les rois d’Aragon ne l’étoient
pas avec fureté, avant d’avoir juré de maintenir.
les privilèges des grands & du peuple. Alphonfe fe
rendit à leurs. remontrances , fè fit couronner fo-
lemnellement, avec les ceremonies accoutumées,
& porta même la déférence jufou’à permettre que
les états lui choififfent fes miniftres, & les principaux
officiers de fa maifon. Mais , après la conquête
de Minorque & d’Ivica ,ce prince convoqua
les états, 8c y fit recevoir plufieurs réglemens qui,
en diminuant la puiffance des grands, augmen-
toient celle du monarque. Le roi ion pere lui
avoit laiffé une guerre à foutenir contre la France ;
il ne la termina qu’en 1291, peu de temps avant
fa mort. Il prit part aux troubles qui. divifoient la
Caftille, fut excommunié par le pape Nicolas XV,
Hifioire. Tom. I.
fe raccommoda enfuite avec lu i, 8c alloît former
une alliance arantageufe, en époufant Eléonore
d’Angletere , lorfqu il mourut âgé feulement de
vingt-fix ans, dans la fixième année de fon règne.
ALPHONSE IV , furnommé le débonnaire, à caufe
des a£les multipliés d’une bonté qui dégénéra quelquefois
en imprudence 8c en foibleffe, avoit jure
aux états, lors de fon couronnement, de n’aliéner
aucun des domaines de la couronne : ferment qu ils
avoient cru devoir exiger de ce prince, pour mettre
des bornes à fa gènérofité exceffive. Il fit la
guerre avec fuccès aux Maures 8c aux Gén ois. »Mais
les chagrins domeftiques qu’il éprouva, mêlèrent
bien de l’amertume à fes fuccès. Alphonfe avoit
apanage dom Ferdinand, fon fécond fils, du mar-
quifat de Tortofe , 8c de la feigneurie d’Albarra-
cin, n’ayant pas prétendu, par le ferment qu’il
avoit fait aux états , fe priver du droit d’affurer à
fes enfans un fortconvenable.il avoit, aufli donne
à la- reine Eléonore de Caftille fon époufe, Xativa
8c quelques autres places. Don Pèdré , fils aîné
d’Alphonfe, 8c héritier du trône , mécontent de
ces arrangemens , ofa accufer hautement fon père
d’avoir violé fon ferment. Don Pèdre étoit excite
par l’archevêque de Sarragoffe , prélat ambitieux.
La reine découvrit cette intrigue , & l’archevêque
•fut banni de la cour. Il avoit pris un tel afcendant
fur l’efprit de l’infant, qu’il le porta à fe venger
de fa mère , en s’emparant de Xativa. Eléonore
n’ofa point folliciter fon époux à prendre fa défenfe
contre fon propre fils ; mais la fenfibilité & Alphonfe,
attaqué alors d’hydropifie, accrut tellement fon mal,
•qu’il mourut le 24 janvier 1336-.
A l p h o n s e V , furnommé lè magnanime-, fils de
-Ferdinand le jufie, roi d’Aragon , lui fuccéda en
1416. Franc, généreux, bienfaifant, guerrier intrépide
, habile politique , ami des arts, prote&eur
des fciehces, favant lui-même , galant à l’excès ,
Alphonfe fut allier toutes ces qualités, & c’eft de
leur affemblage qu’il fe forma ce caractère de grandeur
, qui lui mérita le furnom de magnanime. La
jaloufie de la reine Marie , fon' époufe , éloigna
Alphonfe de fes états d’Aragon. Ce prince, un des
plus beaux hommes de l’Europe, ainioit une damé
de la cour, dont il avoit eu un fils. La reine fit
- empoifonner fa rivale. Alphonfe, trop grand pour
-fe venger d’une femme , quelque fenfible qu’il fût
à cette perte, prit le parti d’aller diftrairé la dou-
• leur hors de fon royaume , par des voyages &
des expéditions militaires. On'conjura contre lui :
un des coiifpirateurs, touché de remords, vint fe
jetter à fes pieds, lui découvrit la confpiration , &
lui donna la lifte des coupables1. Alphonfe la déchira
fans la lire, & dit : Je vous pardonne, afin que vous
allier dire aux conjurés que je prends plus de foin d'e
leuj vie, qu ils rien prennent eux-mêmes. Il montra
la même grandeur d’aine en plufieurs autres occa-
fions ; & lorfqu’il fe vit dans la néceffité de punir,
le fang d’un feul verfé à regret, lui parut fuffifant
pour expier le crime de tous. Reconnu roi de Sir
Qo