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yêque dé Meaux; il erra enfuite dè ville en ville^
foit dans le royaiune, foit hors du royaume, laiflant
par-tout des traces de fon paflage. Poitiers &.Nérac
l ’accueillirent & l’écoutèrent. A Bourges où il
avoit reçu & donné Tes premières leçons., des d is ciples
prêchoient en fon nom. Calvin fe croyant
oublié du lieutenant-criminel Morin ,o fa . revenir
à Paris, mais il fe hâta d’en fortir, y voyant les,,
bûchers dreffés contre les fe&ateurs de Luther &7
les fiens ; il retrouva la meme rigueur, dans tout
le royaume, il quitta ce royaume & alla chercher
«n afyle à Ferrare auprès de laducheflè Rénée,,
femrhe d’Hercule d’Eft, fille, de Louis XII. Cette
princelfe haïflbit la mémoire de Jules II'qui avoir
perfécuté fon père, & elle n’aimoit guères les fuc-
ce fleurs de Jules. Elle avoir puifé à.la cour de
François I , fon. beau-frère', le. goût des belles-:
lettres, qui entraînoit au moins l’indulgence pour
les opinions nouvelles ; elle, avoit écouté les- Luthériens
, elle écouta Calvin, Calvin la fixa.dans.
fa fe&e. L e nom de. Calvin étoit déjà d’une célé- j
brité fufpe&e en Italie. Pendant fon-féjour à Ferrare,.
il fe déguifa fous le nom. de Heppeville,. mais fes.
talens & fa daârine le trahirent,.l’inquifition le
menaça, il revint en France, puis.il voulutpaffer.
en Allemagne ., où il partit dans laiùite aux diètes
& aux conférences, .mais où il frit toujours effacé j
par Luther , front il modîfioit la, do&rine, &.dont
il déteftoit la tyrannie,... n’étant pas moins tyran ,
lui-même. IUuiialloit un empire.particulier, ils’en
fit un. à, Genève. Guillaume Farel enétoit alors le,
principal _miniftre:, i l engagea-Calvin à partager les
travaux > de fon apofWlat ; Calvin avoit peu de
grâce & dé facilité à parler, il laiffa Farel prêcher
& fe mira enfcigner la théologie, qji’il n’avoitpourtant
point apprife dans les-écoles, & , qu’il n’en -
fàvoit peut-être que mieux; Farel tonnoit env
chaire contre, l’églile. Romaine,. Calvin écrivoit
contre elle avec-force & avec goût; ilfortifibit & .
augmentoit la révolution qui avoit été faite-avant
lui par Farel ; mais ayant.voulu changer trop bruf-
quement des rits auxquels Genève tenoit encore
par habitude, & ayant fait manquer la cène à.
pâques par fon obftination. à ne vouloir point
d’hofries., il fè fit chaffer de Genève ; il. alla en-
fèigner à Strasbourg, o ù , pour fè confoler, il
époufa Idelette dû Bure.. Elle étoit veuve d’un
anabaptifre, il la convertit à .fa ièé le, il en eut un
fris qui mourut jeune, mais combien il. me refte
d’enfans dans toute la chrétienté ! difoit-il-dans la
fuite.
On a. dit que ce,fils ayant éié mordu d’un chien.
enragé, Calvin l’âvoit recommandé à faint Hubert,,
qui guérit ce fils à,la fois de la rage & du. calvi- \
nifme. On a. dit qu’on avoit propofé à Calvin lui- î
même de fe convertir, & qu’il avoit répondu en
. foupirant . : Il efl trop tard , je me. fuis, engagé trop
avant, mais f i c étoit à recommencer, je .ne quitterais
point la foi de mespères. On a dit que Calvin ayant
voulu faire .accroire, qu’ilfayoit reffufciter les morts, \
C A E
y . ^ 4U1 '•umreiauoit le mort pour contrefaire
eiljr r6- le reffufcitéjfe trouva mort réellement, & ne
renufcita point. Oh a dit.. . . . Que n’a-t-on pas dit ?
Continuons - de ne dire que ce qui eu vrai ;
Calvin avoit un grand parti dans Genève, il y fut
rappelle ; bien-tôt fon crédit éclipfa,tout autre cré-
~ ■ il donna feul. à la religion de Genève, fa forme
definitive, il en régla la doctrine & la difcipline, i l
fut le chef prefque abfblu. de cette églife ; il eut
aufîi la plus grande influence fur le gouvernement;
c iv il, il régna en. un mot diamant plus defpoti-
qyeirient à . Genève ,.. qu’il n’y . paroiffoit. que le
zélateur de la liberté.
François I..avoit fecouru les Genevois-contre le'.,
duc de. Savoye .alors fon ennemi. C’étoit fà deftinée :•
d être, l’allié des ennemisvde fa religion^ Pour comble
de contradiélion, ces gens qu’il protégeoit à -.,
Genève, etoieiit pour la plupart fes propres fujets
qy il auroit brûlés en France, &.,qui s’.étoient rangés ■
en foule fous les drapeaux de Calvin. Telles étaient, -
les inconféquences du zèle perféeuteur, mis- aux.:
prifes avec la politique.. Calvin attiroit, raffémbloit.
ces françpis fugitif, il- les fubflituoit aux catholi-
flue la. réforme chaffoit de Genève.^ii leur .-
afmroit une .patrie & . la liberté, il les attachoit à-
fa doélrinè particulière , il .s’emichifToit dés pertes .
volontaires- dé Françpis I c e p e n d a n t il. avoit
donné à .ce roi imprudent dés confeils »utiles ; il lui
avoit dedie ion-livre dt Vinfiitution, où dans fa pré- -
facè.il plaidoit avec.éloquence lacaufe, des. perfécu- -
tés &. avec adrefTe la caufe de la réforme, Rien.de.plus- >
feduifant que cette préface, elle fèînble didée par
la raifon & par l’humanité, elle eft faite frir le..*
modèle des anciennes, apologies dé la religion,,
chrétienne préfentées aux. empereurs qui la. per-
fécutoient; rien de. plus ingénieux que ce-que, l’au*
teur y dit des t pères de l’églife, foit pour, les rap--
procher de lajéforme,fbitpour excufer la réforme-
de s’éloigner d’eux quelquefois ? Le livré de l’infli-,
tution.a de la. méthode & del’enfemblec’eft iïufa
corps de dodrine, mérite qui manque & à chacun,
des ouvrages de .Luther en particulier &<à l’aflèm- -
blage entier de fes écrits, ..qui n’offre prefque rien
dafryftématique.. L ’infritution efr un des livres dont.;
la ^réforme fe glorifie le plus , & avec le plus.de
raifôn. Le parlement de Paris fit brûler ce livre l e .
14 février i^ ^ . Le.jéfuite Gautier y trouvoit cent,
héréfies tout jufre, le cordelier Feu - Ardent en .
trouvoit .1400. Ces .fortes, de calculs né font jamais
bien exads»..
Les écrits polémiques de- Calvin, d’un côté contre
le concile de Trente & les catholiques , de l’autre
contre les luthériens & les diverfes fedes de la-,
réforme, fans,avoir le mérite de l’infritution, ont
bien plus de grace & de douceur que ceux de
Luther ; Calvin paye pourtant'trop fou vent encore
le tribut, de groffièreté que le genre polémique..
fembloit exiger au feizième fiècle.
Tout efr contradidion. & inconfëquence chez les:
hommes. Ce Calvin T qui ., pour. fon premier ou—
e a l
Vrage , avoit* commenté le traité de Sénèque fur la
clémence, & qui dans fon livre de l’inftitution faifoit
rougir François I de brûler des hommes* pour des
opinions, efr le même qui fitbrûler Servetà Genève
pour des opinions folles fur la trinité, il fit trancher
la tête à Perrin, citoyen difiingué de Genève,
parce qu’il, s’allarmoit de l’affluenee des François
dans cetteville, ou plutôt il les fit périr tous deux,
parce qu’ils étoient fes ennemis ; mais les violences.
que les pafîions exercent dans leur, fureur
paffent avec ces paffions; celles que le préjugé
commet de fang-froid & par principe , n’ont ni
bornes ni remède. L’humanité auroit donc eu plus
à ctaindre de l’erreur de François I , & de, fes,
dodeurs que des emportemens de Calvin, fi Calvin
n’eût pas donné la même erreur pour bafe à fes
violences , & n’eût pas joint une théorie fangui-
naha à une pratique cruelle ; il foutint, ainfi que.
Théodore de Bèze, contre Caftalion, qu’il falloir
punir de mort les hérétiques, & il.fit ôter à ce..
Caftalion, un des plus favans hommes & des plus
fages de la réforme , qu’il ne trouvoit ni aflèz
docile ni aflèz inhumain, une chaire qu’il lui avoit
procurée dans le collège de Genève, puis~il le.
perfécuta, & le calomnia. ( Voye^ l’articleB o l s e c . )
Cet efprit de difpute & d’intolérance fit échouer
lè projet que Calvin avoit formé d’établir au B réfil.
une colonie de fa féde. G ’étoit fur la fin du règne
de Henri I I ; l’amiral.de Coligny,.encore, catholique
à l’extérieur , mais déjà calvinifte dans l’aine,.
féconda.ce projet,.& fit partir quelques vaifteaux
fous la conduite de Durand de Villegagnon, chevalier
de Malte., vice-amiral de Bretagne, nouveau,
calvinifte.
Les miniftres difputèrent tant & fur mer & fur
terré1-) qu’ils fcandalisèrent la colonie , qui fe fit
catholique, aufli-bien que Villegagnon. Ainfi l’intolérance
prodiiifoit par-tout fon eftet; celle de
François I , & de Henri II faifoit des calviniftes,
celle de Calvin faifoit des catholiques ;, Genève fè
peuploit de François en ouvrant fes portes aux
perfécutés, elle fefut dépeuplée, fi elle eût continué
à. perfëciÇÆr elle-même.
Calvin livra la France aux furies fous les règnes
foibles de François-H & de Charles IX. Il y alluma
la guerre civile comme Luther L’avoit : ailu-
mée en Allemagne. La conjuration d’Amhoife , le .
maflacre de V a fly , la bataille, de Dreux, .l’aflaf-
fmat du duc- de Guife François, & fes fuites, furent !
les fruits de fa doélrine &de fes intrigues. Il mour-ut
au milieu de ces horreurs le 27 mai 1564 à Genève,
âgé de cinquante-fix ans.-On fait aflèz quels troubles
fes difciples causèrent dans la. fuite en Angleterre-
& en Ecoflè fous le nom de Puritains..
• Luther & Calvin ont par-tout allumé la difcordè
& détruit la fubordination» Ils ont d’ailleurs eu de
commun tout ce.-, qui appartenoit à leur fiècle &•
àTeur méfier de.difputeurs^ l’arrogance,.l’intôlé-
æance, ce befoin ridicule de..fe vanter, ce befoin
grofliet.de. dire des. injures, Calvin fur. ces. deux- *
c a l g g »
1 articles sWervoit plus que Luther qui ne s’obfer-
voit fur rien ; Calvin recherchoit la gloire de la
modération & celle de la modeflie ; Luther fougueux
dans fa jatfance comme dans fes injures,.
outroit l’arrogance comme il outroit tout ; les-
louanges que Calvin fe donnoft, dit M, Bolfuet
fortoient par force du fond de fon coeur & rom--
paient violemment toutes les barrières.
Quant aux injures, le même Boffuet dirqull eûfc:
aimé mieux elfuyer la colère impétueufe & info--
lente de Luther que la froide amertume & la.:i
profonde malignité de Calvin. Celui-ci étoit un rai«-
fonneur plus, exaû, plus méthodique, un écri--
vain plus correct, plus précis, plus élégant, plus--
fage ; il appartient à l’hilloire littéraire de fotr
fiècle ; Luther étranger à toute littérature, ne peut-,
être réclamé que par l’école. M. Boffuetlui trouve '
cependant plus de génie, quelque chofe dé plus:
original & de plus v if ; il croit que Calvin ne:
l’emporte fur Luther que par l’étude, il doute que:
le génie de Calvin eût été auffi propre à échauffer
les efprits & à émouvoir les peuples que celui de:
Luther. En effet, on doit reconneîtré entre ces -
deux hommes la même différence qui fe trouve-
dans tous les arts, foit libéraux, foit méchaniques , .
entre, le génie qui invente, & le génie qui per-
tecrionne. Le lècond plaît davantage-, mais fans le -
premier il n’eût peut-être pas exifté.
( Quant aux moeurs & au cara&ère , le- premiers
etoit plus aimable & avoit plus d’amis que le fécond , *
il cultivoit lafociété , il {e permettoit la gaîté, rL
goutoit les plaifirs , fur-tout ceux de la table;;
Calvin, toujours malade , chagrin, plein d’humeur',,
ronge de vapeurs, étoit fobre & chafte , vivoit :
retfre, ne connoifloit d’autre plaifir que d écrire '
& de dominer. Sa religion sèche févère n’ac- •
cordoit rien aux fens ni à la foibleflè ; fa vie auf-
tere &- uniforme n’accordoit rien à la-fociété
Geneve, fous fa direction , étoit uir gtand fémi-
naire où rien- de libre ni de gai n’étoit admis ;
perfecuteur atroce à l’égard de fes ennemis, précepteur
toujours trifte à l’égard de fes difciples,.
on put fe piquer d’être de fes amis par vanité, on*
n-y fut jamais porté par aucun attrait. Voyez l’ar- *
ticle Bèze, (Théodore de*) .
N’oublions pas d’obferver que le défintéreflemen^ •
de Calvin égala au moins celui de Luther; il n’eu*-
jamais que cent écus de gages, & n’en voulut pas
avoir plus. Lorfqu’il quitta Strasbourg pour retourner
à G enève , les hàbitans de Strasbourg voulu- -
rent lui conferver avec le droit de bourgeoifie, le
revenu d’une prébende qui lui avoit été affign» •
chez eux-poiir fes leçons, il le refufa, & n’accepta
que la continuation du droit de bourgeoifie. On :
ne trouve guères cette vertu dans un pareU degré
que chez les gens en qui l’ambition de■ dominer
■ \ur les efpnts, abforbe toutes les facultés & anéan-
: ut tout autre defir.
.3 GALVO-GUALBES , (F rançois d e Y
é ■ ~^r' ) Catalan au fer vice de la Fi an c e co n n u