
négociation délicate, avoit moins bien fervi le
dauphin Ton maître, que le roi de France. Voici
le témoignage que lui rend Humbert en 1353 ,
plusieurs années après la ceflion du Dauohiné.
Propter multa fervitia & obfequia nobis impenfci fide-
liter 6* longevis temporibus per dileélum & fidelem
nofirum, dominum Amblardum,dominum Bellemontis,
& c . Ce qui femble prouver qw’Amblard s’étoit
rendu aufli agréable au prince , qui fe dèpouilloit
volontairement, qu’à nos princes qui recueilloient
de fi riches dépouilles.
2°* Humbert ,de Beaumont , premier du
nom de la branche d’Autichamp , qui fous les règnes
de Charles V I , & de Charles V I I , rend à la couronne
les plus fignalés, fervices , &. s’attache toujours
au parti légitime ; qui, dans des lettres du
prince de Piémont, depuis duc de Savoie, Louis,
eft qualifié : Speflabilis arnicus & conjiliarius nofler
dileêhiS' , & qui dans beaucoup d’autres aéies, eft
qualifie : Strenuus miles, fpeflabilis miles ; & enfin,
magnifique & puiffant feigneur.
3®. Laurent de Beaumont de Saint-Quentin
, Balthasar & Jean de Beaumont g ditnes
compagnons de gloire du chevalier Bayard,
l qui combattirent avec lui à Marignan, à la
Bicoque , à Pavie.
4°. Mais le perfonnage le plus confidérable à
tous égards de cette maifon, eft le trop fameux
baron des Adrets. On fait que ce capitaine ",
d’abord huguenot furieux , fe rendit redoutable
aüx catholiques du Dauphiné & des provinces
voifines, par fa valeur & fa barbarie. On fait le
mot d’un lôldat qu’il faifoit précipiter, & qui s’ar-
rêtoit toujours fur le bord du précipice : Monfieur,
je vous le donne en dix. Ce mot valut la grâce au
foldat. Les huguenots qui rioient des violences du
baron , tant qu’il fut de leur parti , furent les
plus ardens à les lui reprocher , quand il fe fut
fait catholique , & il paroît qu’ils les ont beaucoup
exagérées. Aucune des branches de la maifon de
Beaumont aujourd’hui exiftantes , ne defcend du
baron.
Les armes de cette maifon, font: De gueules à
la fafce d’argent f chargée de trois fleurs de lys d’açir.
La tradition de la famille , eft qu’elle portoit anciennement
trois rofes ou trois . lofanges , & que
les fleurs de .lys mifes à la place, font une con-
ceflion du.roi Philippe de Valois, en récompenfe
des fervices rendus à la France, par Amblard de
Beaumont.
Amitié de Beaumont, c’étoit là le mot cara&é-
riftique de cette maifon, & il en vaut bien un
autre.
BEAUNE. ( Jacques de ) baron deSemblançai,
( Pli fi. de Fr. ) Lautrec en 1522 ayant perdu le
Milanès, fe plaignit de n’avoir point reçu quatre
cens mille écus qu’on lui avoit promis pour cette
expédition , le roi fait venir le furintendant Sem-
blançai, & lui demande compte des quatre cens
mille écus qu’il l’ayoit chargé de faire tenir à Par- J
mée d’Italie. Semblançai déclare que le jour même
où il devoit envoyer cette fomme, la duchefle'
d’Angoulême avoit exigé qu’il la lui remît, e‘n
l’affu rant quelle fe chargéoit de l’événement ; il
foutient la'même chofe devant la duchefle, qui lui
donne un démenti formel & demande vengeance
de fa calomnie ; mais avec quelque hauteur &
quelque avantage qu’une femme toute puiflante,
qu’une mère révérée , accablât devant Ion fils un
miniftre fans appui , François I n’eut pas be-
foin de toute fa pénétration pour reconnoître le
vrai coupable. En effet, la duchefle fut obligée de
convenir qu’elle s’étoit fait remettre dans le temps
dont il s’agifloit, quatre cens mille écus , mais c’étoit
, difoit-elle , le produit de fes épargnes, c’étoit
un dépôt qu’elle avoit confié au furintendant, qui
lui en devoit même encore une partie, toutes allégations
que Sèmblànçai perfifta toujours à nier.
Semblançai refta en place, mais la duchefle jura
fa perte.
Semblançai avoit joui jufqu’alors d’une réputation
fans tache, il s’étoit diftingué par un efprit
d’ordre & d’exaélitude qui formoit un préjugé
avantageux pour fa probité. Renfermé dans les
fondions de fon miniftère , il vivoit parmi les intrigues
& les pallions, fans y prendre part. Le roi
avoit pouf lui une amitié qui tenoit du refpeâ, it
l’appelloit fon père. On trouve dans les manufcrits
de Béthune, une lettre de Semblançai du 15 oâobre
15 z i » par laquelle il fait au roi de fortes repré-
fentations fur fa dépenfe , & dans cette même
lettre il lui dit formellement : Vous ave^ pu en-
tendre par madame, la provifion qui a été donnée pour
le fecours de M. de.Lautrec. Paroles qui femblent
ne pouvoir s’entendre que des quatre cens mille
écus donnés à la duchefle dAngoùlême .pour l’armée
de Lautrec.
La duchefle d’Angoulême avoit toujours montré
une eftime fingulière pour Semblançai, avant
que la néceflité de fe défendre eût obligé ce miniftre
de l’accufer elle-même, ce qu’on ne peut
pas fuppofer qu’il eût ofé faire, s’il n’avoit ,eu la
vérité pour lui. Dans une lettre* du 2.^ oélobre
152 1, où il pourroitbien encore être queftion des
quatre cens mille écus deftinés pour Lautrec, elle
dit : J'ai été acertenée que le principal feçours de la
dépenfe efi venu par le moyen du fleur de Semblançai
& par les emprunts particuliers1 qu’il,a faits en fon
propre & privé nom , & dont il a fait’ cédulles &
promgffss en divers lieux, & comme bon * loyal 6»
ajfeElionné ferviteur, n’a jamais regardé à fa sûreté
pour l ’avenir, mais y a mis le tout pour le tout & pour
dix fois plus qu’il n’a vaillant. Le roi le doit rémunérer
de fes fervices, aïnfi que chacun eongno'0 qu’il
mériïe , & qu’il appartient à recongnoiflre à ung f i
grand maiflre.
Peut-on à la leâure de cette' lettre ne pas frémir
d’horreur en fongeant à la récompenfe que la duchefle
d’Ângoulême procura dans la fuite à Sem-
blancai !
En 1524 il étoit encore à la tête des finances ;
Bonnivet alors avoit reperdu le Milanès, le roi
vouloit aller le reconquérir, mais l’argent man-
quoit ; on propofa encore à Semblançai d’en avancer
, il ofa refùfer , en alléguant qu’il lui étoit déjà
dû trois cens mille livres ; ce refus lui fit perdre fa
place & fa faveur. Il rendit fes comptes, & prouva
qu’en eftét le roi lui redevoit trois cens mille livres ;
cette fomme lui fut allouée malgré fa difgrace &
la haine de la duchefle d’Angouléme ; c’étoit en
1525 : la duchefle gouvernoit alors en l’abfence de
fon fils. Combien il falloit que Semblançai eût
raifort !
La duchefle voulant libérer l’état de cette fomme,
& foutenir ce qu’elle avoit dit, intenta un procès
civil à Semblançai pour être payée de ce qui lui
reftoit dû de fon prétendu dépôt; cette idée d’un
dépôt confié au furintendant étoit une défaite dont
elle s’étoit fervie au hafard, lorfqu’elle s’étoit vue
preflee par les reproches de fon fils. Ce fut au
bout de trois ans quelle s’avifa de la renouveller,
lorfque toute puiflante par l’abfence de fon fils &
par la difgrace du furintendant, elle crut pouvoir
aifémept accabler celui-ci : Semblançai, qui favoit
que la prétention de la duchefle n’avoit aucun fondement
, ne s’en inquiéta guères & alla vivre en
paix dans fa terre de Balan fur le Cher, près de
Tours; il y étoit encore au mois de juillet 1526,
& même plus tard. Cependant il fe formoit en fe-
cret contre lui un orage, qu’il contribua, lui-même
à groflir par l’imprudente vivacité avec laquelle
il fe mit à folliciter fon paiement , dans un temps
où les malheurs du roi laiflbient l’état abfolument
fans reflburces ; il fut aifé à la duchefle d’empoi-
fonner une démarche à la vérité légitimé, mais un
peu déplacée, & de faire regarder comme coupable
une demande qui n’étoit qu importune. On
rechercha toute la conduite du furintendant, non
par des voies juridiques, mais par ces moyens
tortueux que l’intrigue & la haine favent employer
avec*tant de fuccès contre l’innocence. On menaça,
on intimida un nomme Prévôt, de Tours,
commis de Semblançai, on lui montra les lup-
pliees tout prêts à le punir comme complice du
furintendant, s’il n’en devenoit l’accufateur. On
fut par lui tout ce qu’on voulut favoir, tous les
profits dé la place de furintendant devinrent autant
de malverfations ; enfin quand l’acharnement à lui
chercher des crimes eut vaincu la difficulté de lui
en trouver , le procès civil fut ' transformé en
procès criminel; auffi-bien ce procès civil n’avoit
pas réuffi, car Semblançai avoit prouvé que, bien
loin qu’il dût de l’argent à la duchefle, c’étoit la
duchefle qui lui en devoit ; mais s’il étoit coupable
de péculat, on ne lui devoit plus rien ; on le mit
donc à la Baftille, on lui fit fon procès par com-
miflion , & ce procès aboutit à un arrêt du 9
août 1527 , qui, lans parler du divertifiement des
fonds deftinés pour l’Italie, 'déclare vaguement
Semblançai convaincu de concuflions & de mal-.
1 verfations, confifque fes biens, fur lefquels il prélève
une fomme de trois cens mille livres par
forme d’amende envers le roi ( c ’étoit précifément
la fomme que le roi lui devoit ) , condamne le fur-
intendant à être pendu à Montfaucon, ce qui fut
exécuté, & ne parle des conteftations civiles ,
élevées entre la duchefle & le furintendant, que
pour déclarer qu’il ne ftatue rien fur cet article.
On lit dans le journal de la duchefle d’Angoulême
, écrit depuis cette aventure, ces paroles remarquables
:
« L’an 1515, 1516, 15 1 7 , 1518, 1519, 1520,
15 2 1 , 152.2, fans y pouvoir donner provifion,
v mon fils & moi fumes continuellement dérobés
« par les gens de finances. »
Si c’eft à Semblançai qu’elle en v e u t , il n’y a
qu’à rapprocher le «journal, de la lettre qu’on a citée
plus haut, on y verra le menfonge mal-adroit de
l ’iniquité qui fe dément & qui fe trahit elle-même.
On peut dire que ce fut la duchefle d’Angoulême
qui vola lâchement & les gens de finances & fon.
fils & l’état.
Elle fit plus que de voler l’état, elle le perdit.
Moins coupable encore par fon avidité que par fa
haine, .elle vouloit, en retenant les quatre cens
mille écus, faire échouer l ’expédition de Lautrec,
pour pouvoir le détruire & détruire avec lui le
crédit de la comtefle de Château-Briant fa foeur ,
maîtrefîe du roi ; elle avoit efpéré fermer à Lautrec
toutes les avenues du trône & empêcher l’é-
claircifîement, qui en effet fans l’entremife du
connétable de Bourbon, ennemi de la duchefle
d’Angoulême , n’âuroit peut-être jamais eu lieu. ’
Semblançai étoit innocent, le peuple en jugea
ainfi dès le temps de fon fupplice, il n’imputa la
perte du Milanès qu’à la mauvaife conduite de
Lautrec & à la perfidie de la duchefle d’Angoulême.
« Lautrec, difoit-il, après avoir à diverfes
» reprifes épargné les ennemis qu’il pouvoit acca-
» hier , conferve fon crédit à la cour, parce que
>» la comtefle de Chateau-Briant étoit fa foeur. La
» duchefle d’Angoulême, après avoir trahi le roi
» & facrifié l’état à fes paflions, eft toujours trioni-
» phante & règne encore defpotiquement, parce
» que le roi eft fon fils. Un citoyen vertueux, un
« miniftre vigilant , un vieillard vénérable , parce
» qu’il eft foible & fans appui, parce que la mère
« du roi le perfécute & qu’une maîtreffe ne le:
» défend pas , eft traîné indignement au gibet.
jj Pour prix des longs fervices qu’il a rendus avec
jj honneur à plufieurs rois, il périt à foixante-deux
jj ans d’un fupplice réfervé aux hommes les plus
jj vils & aux crimes les plus bas. »
On varie fur la manière dont cet illuftre malheureux
foutint fon fort.
Les uns prétendent qu’il mourut en fage, en
héros chrétien , qui triomphe d’une mort injufte ,
qui, fans envier les fuccès paffagers du crime, s’enveloppe
dans fon innocence & attend un meilleur
fort dans une patrie plus heureyfe. Ils mettent même