
jaloux de tout, devint jaloux du connétable de
Luynes, & parut fe- repentir d’avoir élevé fi haut
ia fortune ; il difbit fouvent avec aigreur le roi Luynes.
Voilà le roi qui entre, dit-il un jour à Bafiompierre,
en voyant de Luynes à l’armée, fuivi de toute la
cour 8c des principaux chefs., Bafiompierre , qui
vraifemblablement favoit le peu de Conféquencé de
ces dépits paftagers, bu qui étoit ami de de Luynes,
répondit : Vous me pardonnerez, Jire , c'ejl un connétable
qui fait voir la grandeur & les bienfaits de
fon maître. La réplique du roi fut encore plus aigre
& plus menaçante. Lès amis du connétable s’alarmèrent
de cette jaloufie, & voulurent lui en faire
craindre les effets; Vous n'y entendez rien, leur dit
le connétable, il efi bon de lui donner de ces petits
chagrins. C ’étoit peut-être connbître bien Louis XIII ;
& Richelieu parut penfer ainfi. Quel miniftre fut
plus roi 8c affeCta plus le fafte & le pouvoir royal
que Richelieu ? Quel roi fut plus jaloux de fon mi-
niflre, & montra plus cette jaloufie que Louis XIII,
à l’égard de Richelieu ? 8c Richelieu mourut tout
puifîant. Cependant Louis XIII avoit fait afTaffiner
le Roi Concini.
ALBERTI ou d e A l b e r t i s ( L é o n -B a p t i s t e . ) ,
{Uift. litt. mod. ) architecte, peintre & mathématicien,
dit le Vitruve Florentin, a écrit fur les arts.
Son traité de architeélurâ , feu de re tzdificatorïâ, fut
célèbre & eut plufieurs éditions. Son traité fur la
peinture a été réimprimé à la fuite du Vitruve
'd’Amflerdam , 1649, in-folio. Il vivoit dans le quinzième
fiècle.
ALBIZI OU d e A l b i z i s , om B a r t h e l e m i d e
PiSE. (Hifi. lin. mod.) Voyez tout Ge qu’il faut ,
favoir de ce cordelier à l’article A l b e r t ou A l b e r e
E rasme.
Le cardinal Albifi, mort en 1^84 âgé de 91 ans,
cft connu pour avoir drefle la bulle d’Urbain VIII
, du 6 mars 1642,, la -première qui ait été donnée
contre le livre de Janfénius.
ALBOIN , ( Hifl. mod. ) roi des Lombards, doit
être regardé comme un fondateur d’empire; ce fut
lui qui établit les Lombards en Italie vers l ’an' 5 68
ou 569. Il étoit fils d’Audoin, auffi roi des Lombards
, & fe fignala fous lui en Germanie dès fa
tendre jeuneffe dans une guerre contre les Gépides :
au fort delà mêlée il apperçoit'TurifmQdeoiçTurif-
mondjfils de Turifende, roi des Gépides ; il court à fa
rencontre , l’attaque , le renverfe & le tue. Ce fut
le fignal de la viâoire ; les Gépides concernés pren- :
nent la fuite & font taillés en pièces.
Le trait que je vais rapporter fait connoître quelques
ufàges de ces temps & de ces peuples; peint
au naturel leurs moeurs, leur fimplicité, le caractère
de leur audace, leur refpeCt pour l’hofpita-
lité , & le mélange de groffièreté, de grandeur oc de
vertu qui diftingue toutes ces nations Germaniques.
Les Lombards jugeant que la victoire éclatante
remportée par le jeune Alboin, l’avoit rendu digne
d etre admis à la table du ro i, demandèrent à Au- 1
doin cette récompenfe de la valeur de fon fils t
« Vous favez, leur répondit Audoin, que l’ufage
» confiant de la nation s’y oppofe, & qu’aucun fils
” de roi ne peut être admis à la table de fon
» père , s’il n’a été armé par un roi étranger «.
A ce difcours, Alboin comprit que ce feroit
doubler l’honnèur d’être armé par un roi étranger,
que de l’être par un roi ennemi ; il prend avec lui
quarante jeunes hommes choifis .& d’une valeur
éprouvée, 8c va trouver le roi des Gépides. Turifende
lui fait .l’accueil le plus favorable, l’admet
à fa table, le fait afleoir à fa droite, à la place qu’oc-
cüpoit autrefois Turifmond fon fils ; fa vertu fe fit
cet effort ; mais fon coeur paternel ne put foutenir
ce fpeCtacle fans fe troubler ; de profonds foupirs
trahirent fa douleur^ des larmes coulèrent de fes
yeux ; il fe tourna en gémiffant vers Alboin : « La
» place où vous êtes, lui dit-il, eft celle où mes
” yeux étoient accoutumés à voir mon fils ; faut-il
» y voir aujourd’hui fon vainqueur & fon meur-
» trier »?
A ces mots, un autre fils qui reftoit à Turifende,
& qui avoit eu peine jufqu’alors à fe contenir, Cu-
nimond s’élève contre les Lombards, les infulte,
& mêlant aux injures une raillerie groffière, il les
compare à des jumens noires aux pieds blancs ,
parce qu’ils portoient des chauflures blanches. Un
Lombard de la fuite d'Alboin répond fièrement :
« Tu fais trop avec qu’elle vigueur favent ruer
» ces jumens aux pieds blancs : va voir fur le
» champ de bataille les os de ton frère, épars à
” l’aventure, comme ceux du plus vil bétail au
» milieu des prairies ». La querelle s'échauffe , les
Gépides paroifferit vouloir courir aux armes ; les
Lombards portent- tous à la fois la maiïî fur leurs
épées : le roi fe lè v e , fe jette entre les - Gépides
& les Lombards, arrête les uns, appaife les autres :
» Je ne fouffrirai point, dit-il, qu’on opprime ainfî
» des étrangers dans ma maifon ; cette indigne
» viCtoire feroit exécrable devant Dieu & devant
» les hommes». LerefpeCt qu’il in (pire, calme tous
les éfprits ; il redouble d’attentions & d’égards pour
Alboin, il lui donné les armes de Thurifmond 8c
le renvoie, avec une fûre efcorte, à fon père, à
la table duquel Alboin vint s’affeoir en vainqueur,
étonnant fes citoyens du récit de fon audace & delà
générofité de Turifende.
Alboin fuccéda à Audoin fon père , & Cunimond
à Thurifende. Cunimond n’avoit pardonné à fon
rival, ni l’affront qu’iflu i avoit fait, ni celui qu’il
comptoit en avoir reçu ; il ne refpiroit que la
vengeance ; on courut aux armes , 8c dans le premier
combat la nation Gépide fut exterminée. A lboin
tua Cunimond de fa main, lui coupa la tête,
8c fit de fon crâne un vafe à boire, félon un ufage
barbare de diverfes nations Scythiques, Scandinaves
& Germaniques. Il n’en époufa pas moins
Rofemoride, fille de Cunimond, femme fingulière,
que le mélange dé quelques vertus avec beaucoup
de vices a rendu célèbre, & qu’un fentiment nap
ftirel de piété filiale-, jetta dans un enchaînement
bizarre de crimes & de malheurs. Alboin étoit
veuf de Clodefmde, fille de Clotaire, premier roi de
France.*
Les Lombards étoient devenus le peuple le plus
puiffant de la Germanie : l’Empire les craignoit
& recherchoit leur alliance : Juftinien leur avoit
abandonné la Pannonie, pour qu’ils ferviffent de
barrière à l’Italie contre les autres peuples barbares
; il avoit fourni des fecours aux Lombards
contre les Gépides : les Lombards en avoient fourni
a leur tour à Juftinien contre les Goths. Ils avoient
aidé Narsès, ce grand général de l’Empire, à écrafer
Totila : dans cette expédition ils avoient connu
l’Italie.
Voici à quelle occafion ils y retournèrent pour
s’y établir.
Narsès étoit devenu fufpeCt pour avoir été trop
Utile. Ses conquêtes 8c les richeffes qu’elles lui avoient
procurées , avoient excité l’envie ; les Romains,
qui le haïfloient, le perdirent dans l’efprit de 7uf-
tin ll, neveu & fuccefîeur de Juftinien , & fur-tout
dans l’efprit de l’impératrice Sophie. Jufiincrut trop
aifément qu’un mot fuffiroit pour perdre un homme
tel que Narsès, il le rappella,& envoya Longin pour
commander en fa place en Italie , fous le noüveaü
titre d’exarque. L’indifcrète & fupèrbe Sophie ,
joignant l’infulte à l’injuftiçe, écrit à Narsès :
n Hâtez votre retour ; les femmes vous-attendent darts
y> ' le Gynécée pour filer avec vous ; venez leur diflri-
*> huer la laine , c'efi l'emploi d'un eunuque ». Narsès
lui répond : Je vais vous ourdir une trame que
vous ne démêlerez de votre vie. Il rappelle ces Lombards
qui avqient déjà vaincu avec lui : Quittez 5
leur dit-il, vos pauvres campagnes de Pannonie ;
venez partager avec moi les délices de cette fertile
Italie. Une pareille propofition flattoit un peuple
guerrier & un prince avide de conquêtes. Alboin la
reçut ayec tranfport ; il parcourut en vainqueur la
Vénétie, Milan, la Ligurie, fit le fiége’ dePavie,
& pénétrant par la Tufcie ou Tofcane , porta la
terreur jufqu’aux portes de Ravenne 8c de Rome.
On lui a reproché quelques violences inévitables
dans une pareille expédition ; il chercha toujours
a en arrêter le cours, il vouloit faire aimer fon
joug, il étoit naturellement jufte & généreux,
autant qu’un barbare & un conquérant peut l’être.
Il fignala fon entrée dans Pavie par la clémence,
& grâce à fon caraCtère bienfaifant, la tyrannie
des Lombards en Italie eut d’heureufes prémices.
Il fixa le fiége du royaume à Pavie. Son régné
fut de trois ans 8c fix mois, il l’employa tout entier
à conquérir, & les peuples conquis ne furent point
trop à plaindre.
Sa mort fut le crime de Rofemonde fa femme.
Cette union forcée d’uile captive avec le vainqueur
& le meurtrier de fon père , dut avoir peu
de douceur pour Rofemonde, 8c Alboin eut l’imprudence
de lui rappeller d’une manière cruelle ?
les raifons qu’elle avoit de le haïr. Un jour, à
Vérone, dans un feftin , il voulut faire l’effai de
cette fatale coupe qu’il avoit formée du crâne de
Cunimond , 8c il obligea Rofemonde d’y boire ;
Buvez gainent avec votre père, lui dit-il. Si Rofemonde
avoit pardonné V mort de Cunimond, elle
ne put pardonner l’ufage qu'Alboin lui faifoit faire
de ces affreufes 8c refpe&ables dépouilles : dès-lors
elle jura fa mort. Mais ce qui cara&érife plus particulièrement
les moeurs Gépides & Lombardes ,
ce font les étranges moyens qu’employa Rofemonde
pour le perdre. Elle fit entrer, dans fes vues, un
officier du roi, nommé Helmige, qui même avoit
été nourri avec lui. Helmige engagea Rofemonde à
faire part de fon projet à un homme d’une force
furhaturelle & d’une audace éprouvée -, nommé
Pérédée : celui-ci en eut aftez d’horreur pour s’y
refùfer , mais non pour en avertir Alboin. Pérédée
entretenoit un commerce de galanterie avec une
des femmes de Rofemonde, la reine prit fa place,
8c trompa Pérédée à la faveur de la nuit; elle ne
laifia durer fon erreur qu’autant qu’il le falloit,
pour qu’il fe rendk coupable : Reconnais Rofemonde,
lui dit - elle alors , & vois quel efl déformais ton
fort; choifis de mourir de la main du tyran ou de
l'immoler ; après l'outrage que tu viens de lui faire, ta
perte e(l infaillible, f i tu ne le.préviens. Pérédée fe
regardant comme enchaîné au crime, confentit à
tout les trois conjurés prirent leurs mefures.
Rofemonde eut foin d’écarter toutes les armes,
& pendant qu’Alboin dormoit, elle attacha fi fortement
fon épée au chevet du lit, qu’elle lui en
ôta entièrement l’ufage ; alors elle introduifit les
meurtriers dans fa ehambre._^/£ai« s’éveille, voit des
aflaffins fondre fur lu i, met la main fur fon épée,
fent qu’elle réfifte 8c qu’il eft trahi, il ne s’abandonne
pas lui-même,,il faifit un efeabeau, fcabello
fuppedaneo , avec lequel il fe défend quelque temps ;
mais il fuccombe enfin, il expire percé de coups.
La douleur & l’indignation qu’excita la mort
d'Alboin forcèrent les meurtriers à la fuite, après
qu’Helmige ayant époufé Rofemonde, qui , ce ^
femble, auroit dû plutôt époufer Pérédée, eut
tenté vainement de recueillir le prix de fon crime,
en s’emparant du trône ; les Lombards révoltés
vouloient la faire périr ; Rofemonde le fauva, &
ce fut pour fa perte ; elle étoit entrée-dans une
carrière de crimes & de malheurs, d’où il ne lui
fut plus poffible de fortir. Elle fe mit, avec fon
nouvel époux , fous la protection de l’exarque
Longin , qui leur donna un afyle à Ravenne. Helmige
8c Rofemonde s’étoient emparés des tréfors
d'Alboin ; foit que ces tréfors tentaflent la cupidité
de Longin, foit qu’il crût que le titre de mari de
Rofemonde lui fourniroit des moyens plus fûrs de
femer la difeorde parmi les Lombards, chez qui la
reine pouvoit avoir un parti, il lui fit la propofition
de fe défaire d’Helmige & d e l’époufer. Toutes
les paffions entroient fortement dans l’ame de
Rofemonde ; elle avoit immolé fon premier mari