
cm co,nftatent,leur defcendance , & .par la. même
raifon il eft inipdflîble de les convaincre d’erreur»
Il eft vrai que depuis environ trente-fix fiècles les
filiations font dêpofées dans les archives publiques.
Cet ufage , religieufement obfervé, fut introduit
parAdnm, qui fut un des ancêtres.de Mahomet.'
Ajj refie, un peuple aufii peu nombreux , qui n’a
point contrarie d alliance étrangère , qui n’a jamais
efluye de révolutions, qui , dans fon loifir folitaire,
eft toujours occupé des intérêts de fa vanité 3 a pu
du moins plus facilement conferver le fouvenir de
les ancêtres & la fuite de les générations.
Les arts nieçliapiques .ne durent pas beaucoup
fe peneéfipnne^ chez un peuple qui epro.uvoit peu
de befoins. Comme leurs produirions ont moins
d’éclat eue d’utilité, c’ejî plutôt dans les villes qu’au
milieu des deferts qu’on les voit éclore, parce que
le befoiri eft créateur de' l’induftrié. le s Arabes,
uniqueme nt occupés à faire la guerre aux hommes
oc aux animaux, n’excellèrent qu’à fabriquer des
c inetères, des arcs & des dards. Leurs toiles de
coton ne furent jamais fort eftunéesl
Les fciences graves & férieufes qui s’appuient du
fecours des calculs, qui demandent une méditation ‘
profonde pour lier le principe avec les conféqiien-
ces3 ne peuvent prendre de grands accroiiïemens
c^ez une nation dominée par une imagination toujours
embrâfée. Ces fciences , bannies des climats
voifins du tropique, ont été remplacées par les arts
d’agrément. C ’eft-là qu’on découvre le berceau de
la poéfie & de l’éloquence, qui à peine éçlo-
fes , y font parvenues à une prompte maturité. Les
Arabes, en fortant des mains dé la nature, font
toi« poètes & orateurs. Une langue harmonieufe
& fécondé qui admet des : figures audaçieufes , fà-
vcri.'e fur ce point leurs penchans fortunés. La
ra fon ne fe montre chez eux que parée des grâces
de la poéfie, & la morale dépouillée de fon auf-
terite, s infinue plus aifêment dans les coeurs. L’émulation
multiplie les produâions du génie : les
pièces font recitees dans les afièmblées publiques
& l’on décerne des honneurs & des récompenfes à
1 auteur qui a le mieux reufli. Les femmes, revêtues
de leurs robes nuptiales, chantent la gloire du
vainqueur dont les louanges font encore célébrées
par fes rivaux, & les pièces couronnées font déposées
dans les archives de la nation. Les orateurs
étoient honorés des mêmes diftindions; Leur éloquence
étoit une profe harmonieufe&cadencée,faite
pour leurs oreilles , accommodée au génie de leur
langue, & à la trempe de leur caradère: mais elle
ne peut fervir de modèle aux étrangers. Toutes
ces pièces enfantées par l’imagination n’ont aucune
chaîné dans les raifonnemens, ce font des fentençes
fans liaifon qui fe fuccèdent & fe choquent avec j
bruit, des tranfitions fubites & inattendues, des
éclairs qui ébiouiflent plutôt qu’ils n’éclairent ;
enfin l’imagination bondiffahte & vagabonde fe
promène d’objets çn objets, & n’en Jaifie entrevoir
que la fuperficie.
Ce fut encore dans l’Arabie que l'apologue prit
nariiance : cette manière d’inftruire a , dans tous les
temps, été en ufage chez les peuplés de l’Orient,
qui aiment à envelopper d’un voilevnyftérieux les
choies les plus communes, pour en relever la di-
?s j4raies fur-tout ont fait briller leur fub-
tihte a deviner des énigmes: Ils fe glorifient d’avoir
P.roduit Locman, dont les traits-font trop reffeni-
bians a ceux d’Efope , pour qu’on t n puilîè nié-
connoitre l’identité. Ce célèbre labulifte a fervi de
modèle a tous ceux qui l’ont fuivi. Ainfi ce peuple,
aide de fon feul genie, a ptiifé , dans fon propre
tonds , les nchefles que les autres ont empruntées
de: leurs .voifins. >
L ’éducation de la jeuneffe n’eft point confiée à
des ml tumeurs mercenaires qui fe chargent fans
pudeur d’enfeigner ce qu’ils ignorent & ce que leurs
éleves doivent oublier dans un âge plus avancé.
Chaque pere de famille chez les Arabes en règle
la police, & à fon défaut , c’eft à celui qui a le
privilège de l’age, & la fupériorité dé la fagefie ,
quelt confie remploi glorieux de former les moeurs
des enlans. Ce n’efl point par des maximes furan--
nees¶ïites qu’il les inflruit ; au lieu de tous ces-
apophtegmes rebutans, il n’oppofe que fes exemp
t? P£“r reflifier leurs penchans : & comme il eft
mterefle a perpétuer la gloire de fa famille, il fe
monu-e toujours pur & réfervé , pour ne point
étouffer en eux le germe héréditaire des vertus,
hes Arabes lubj ligués par l’exemple , font pendant
toate leur vie ce que faifoient leurs pères.
La langue Arabe, qui eft la iangùe favante.des
Mnlulmans , eft nue de celles qui difputent l’honneur
d etre la langue-mère originaire. Ses titres
fans etre decififs, etabliffent fa haute antiquité. Le
pays ou elle eft en ufage, eut des habitans dans les
îecles les plus recules , de nouvelles colonies n’y
font point venues chercher des établiffemens; U ne
lubit jamais de domination étrangère , & s’il eut
à lutter contre des invafions ,. ce furent des torrens
paffagers qui fe diffipèrent. Ainft le langage n’eut
point a effuyér ces altérations qu’occafionnent le
mélangé de différens peuples. Sa fécondité & fon
harmonie n’ont pu être que l’ouvragé tardif du.
temps. Riche jufqu’à la profufion, elle offre fou-
vent le choix de cinq, cens mots pour exprimer
une feule & même chofe. Ses tropes hardis, fes
métaphores fécondes augmentent encore fon abon-
dance : or comme elle fe montroitavec la même
parure & la même’magnificence dans les fiècles
ou le refte des nations étoit plongé dans la plus
epaifle barbarie, on ne peut lui contefter une origine
affez ancienne pour légitimer fes prétentions
au titre dainefie. Cette langue eft eompofée de dif-
ierens dialeéles, dont le plus eftimé eft celui des'.
Koreishites , parce que c étoit celui que parloitle
prophète légifiateur. Les autres font tombés dans
une efpèce de mépris; Les premiers caractères ne
font plus d’ufage; Morabe, du temps de Mahomet,
leur en fubfiitua de nouveaux, qui font appellés.
encore aujourd’hui les enfans de Merâbe. Ce fut
avec ces caractères que Je Koran fut écrit pour la
première fois. Quoique moins imparfaits que les
anciens, ils étoient encore informes & grofliers :
on leur en fubftitua de plus nets & d,e plus réguliers
, qui furent perfectionnés dans la fuite par le
fecrétaire du dernier calife Abbaffide ; & ce font ceux
qui font en ufage aujourd’hui.
Les Arabes avoient des ufages qu’ils tenoient
de leurs pères, & qui leur étoient communs avec
la plupart des peuples de l’Orient qui n’avoient aucune
relation avec eux ; ce qui femble démontrer
que ces ufages s’étoient établis par le befoin du
climat. La circoncifion doulo.urèufe qu’ils tenoient
d’Ifmaël, a été retenue par la perfuàfion qu’elle
arrêtait les ravages de certaines maladies dont la
fource eft peut-être heureufement tarie. La diftinc-
tion des viandes permifes & prohibées étoit une
leçon donnée par l’expérience , qui avoit appris que
les alimens qui influent fur le phyfique , avoient
également une influence fècrètc fur le moral : ainfi
une fage police étoit autorifée à interdire la chair
de porc & des autres animaux immondes qui pou-
voit également altérer la fanté & les moeurs. Les
ablutions n’ont rien de bifarre que les cérémonies
preferites pour en afîiirer l’efficacité. Les Arabes ne
connoiffoient point lufage du linge & de la toilç;
la pouffière du défert enlevée par le vent s’attache
à leur corps & lès rend fales & dégoûtans. La
chaleur du climat, les tempéramens lecs & brûlé
s, les maladies de la peau , dont la lèpre étoit
la plushideufe, trouvoient dans les lotions un remède
facile & peu difpendieux , & par conféquent
convenable à un peuple indigent : cette inftitution
politique & religieufe n’a rien de pénible ,& fi la
religion ne l’eût pas preferite, les Arabes feroient
par plaifir ce qu’ils font par devoir.
La polygamie , autorifée par l’exemple des patriarches
, s eft perpétuée dans l’Arabie, quoique
ce ne foit point un privilège dans un pays où le
divorce eft permis, fans qu’on foit obligé d’alléguer
d’autres motifs que fes dégoûts, Plufieurs cantons
avoient fur le mariage tdes ufages particuliers
bien contraires à l’ufage prefqtié univerfel. Les
Troglodites , par exemple, pofledoient leurs femmes
en commun , & chez les Sarrafins le mariage
n’étoit qu’une union paflagère , formée par un befoin
réciproque. Les Arabes attachoient un grand
honneur à la fécondité ; & comme ils fe croyoient
formés d’une argille plus pure que le refte des
hommes, ils étoient perfuadés que leur efpèce ne
pouvoit être trop multipliée : errans & folitaires
dans leurs déferts , ils croient que la trifte uniformité
d’une vie paflee toute entière avec le même
objet, les plongeroit dans lin afloupiflement perpétuel
, au lieu qu’une famille plus nombreufe diversifie
leurs occupations & leurs plaifirs : tout,
jufqu’aux jaloufies domeftiques , les réveille & les
fait fortir de la langueur. Les femmes fupportent
fans murmure le jong qui leur eft impofé ; leur vie
laborîeufe, les détails domeftiques dofit elles font
fùrchargées, écartent loin d’elles les paftions qui
corromproient leur coeur & troubleroient la paix
du ménage. La difcipline à laquelle on les aflùjet-
tit depuis l’introduéfion du mahométifme, eft bien
plus auftère que celle des premiers temps ; elles
-accompagnoient autrefois leurs maris à la guerre ,
elles préfidoient aux fêtes, & jamais cette liberté
ne dégénéroit en licence ; la chafteté étoit une vertu
nationale , & la crainte de perdre un coeur dont
elle? n’avoient que le partage , les précautionnoit
contre une chûte dont le fcandale les auroit réduites
à une indigence abfolué.
Les Arabes naturellement guerriers,n’attendirent
que les circonftances pour être cônquérans ; longtemps
pacifiques & obfcurs, ils ne prirent les armes
que par l’avidité du butin, & jamais pour
étendre leurs limites ; ils méprifoient trop les hommes
pour défirer de les avoir pour fujets. Ils mar-»
choient fans ordre & fans difcipline ; mais accoutumés
à combattre les bêtes féroces, ils portoient
le courage jufqu’àla férocité. Quelques hordes plus
fauvages que les autres vendoient leur fang &
‘leurs fervices à des rois aflez riches pour les payer ,
& c’étoit moins par un fentiment de gloire , que
par l’efpoir du butin , qu’ils renonçoient à la douceur
de leurs folitudes. Les Romains & les Perfes
avoient dans leurs armées un corps de Sarrafins,
qui fouvent fixa le fort des combats ; quoique , fa-
tisfaits de leur indépendance , ils fe fiflent un
fcrupule d’attenter à la liberté de leurs voifins, ils
donnèrent à l’Egypte des rois -qui font connus fous
le nom. de pafteurs : leur plus grande gloire fut de
n’avoir jamais fubi de domination étrangère. Sé-
foftris, dont les exploits pouvoient bien n’être que
fabuleux, ne fe rendit maître que de quelques villes
maritimes qu’il fut obligé d’abandonner. Les Perfes,,
prote&eurs 4e quelques tribus, ne leur donnèrent
jamais la lo i , & on ne trouve l’Arabie dans aucun
dénombrement de leurs provinces. Les Spartiates
accoutumés à vaincre y firent une invafion, & fe
repentirent de leur témérité. Les préparatifs que
fit Alexandre à fon retour des Indes, prouvent
qu’il regardoit cette conquête comme digne de1 tout
fon courage : la mort l’arrêta au milieu de ceprc-
■ je t , & l’on ne peut décider quel en auroit été le
fuccès. Les fuccefleurs de ce héros qui en tentèrent
l'exécution , n’éprouvèrent que des défaites. La
réponfe des Arabes à Démétrîiis fait connoitre leur
mâle fermeté & leur indifférence pour la gloire des
armes.» RoiDémétrius,lui dirent-ils, quelles font
» tes prétentions ? qu’exiges - tu de nous ? cruel
jj motif t’engage à troubler le filence de nos déferts ,
jj où la nature marâtre n’offre à fes enfans que des
jj moyens pénibles de fubfifter. Nos plaines, arides
jj & fabloneufes n’ont d’attraits pour nous que par
jj la liberté dont nous y jouilfons, & que tu veux
jj nous ravir. C’eft cet amour de l’indépendance
” naturelle qui nous rend fupportables des mau*
n inconnus aux autres habitans de la terre. Ces