
iut uns continuité cîe triomphes & de profpérités.
I.n ulperftmon étoit alors une épidémie nationale,
% plus le calife étoit borné, plus il fo rapprochait
de ceux a qui il avait à commander. Un
véritablement grand homme eût échoué , & il
rendit. C e cm':f i ignorant, & ennemi de tout ce
qui pouvoir l'éclairer , ht réduire en cendre la bibliothèque
d'Alexandrie, monument de la magnificence
des Ptolomées, qui a voient raffemblé, à
grands frais, dans cet augufte fan&uaire, les plus
riches produirions du génie ; & pour autorifer cet
anathème contre les progrès de la raifon, il dit :
« Si les livres dont cette bibliothèque eft compoféè
renferment les vérités déjà contenues dans l’alco-
ran, ce font des fuperfluités dont il faut fe dé-
barraiîer ; s’ils en combattent les maximes, ce font
des iources d’erreurs qu’il faut tarir, pour arrêter
la contagion *». Ses viaoires ne purent le garantir
des coups d'un furieux, qui mécontent d’un jugement
rendu contre lui, le frappa de trois coups de
poignard dans la mofquée, lorfqu’il faifoit la priere
publique. Cet aflaffin , avant d’être faifi, enfonça
fon poignard tout fanglant dans fon propre fein.
Omar ne fùrvécut que trois jours à fa bleffure ; il
mourut à l'âge de foixante-trois ans, fans vouloir
désigner fon fucceffeur. Sa confcience délicate lui
fàiloit craindre de faire un mauvais choix ; & quand
on le preiia de nommer fon fils : Hélas ! repondit
il, c en eft déjà trop, qu’il s’en foit trouvé un dans
ma famille, qui ait oie le charger d’un aulîi pelant
fardeau , dont il faudra rendre compte à l’éternel
au jour des vengeances.
Omar, avant que de mourir, avoit nommé fix
compagnons du prophète, pour préfider à la nomination
de fon fucceffeur ; les fuffrages fe réunirent
pour Othman, qu’Omar en avoit jugé indigne, à i
caufe de fon avarice. Cette vile paillon prend des
forces en vieil liffant, & elle règne fans rivales à
mefure que les autres s’éteignent.' Cette élévation
fut la fource des troubles qui agitèrent le nouvel
empire. Les Alides & les Abaffides, mécontens de
voir dans d’autresmains un fceptre qu’ils regardoient
comme leur héritage, furent contraints de fe prof-
terner devant la nouvelle idole ; & ne pouvant bri-
fer leur frein, ils le blanchirent d’écume: le nouveau
calife, fans fe mettre à la tête de fes armées,
remporta par-tout des victoires, & fes fuccès im-
poierent-filence à la cenfure. Ses généraux conquirent
toutes les provinces de la Perfe & delaBac-
triane, qui reftoient à fubjuguer ; leurs armes vic-
torieufes pénétrèrent jufques dans la Tartarie. Tandis
que les empires de l’Orient font engloutis par ce
déluge de Barbares, Moavie, parent du prophète &
L- plus grand capitaine de cefiècle de guerre, entre
dans la Nubie, & foumet au joug Mufulman tout
l’Occident de l’Afrique^ Les îles de l’Archipel s’é-
puifent en tributs pour fe racheter ; celles que la
nature de leur fo l, ou le défaut d’induftrie avoit;
condamnées à une éternelle indigence, furen t le tombeau
de leurs habitans, trop pauvres pour affouvir
1 avarice de leurs vainqueurs infatiables. Moavie,
maître de Rhodes, fait brifer le fameux coloffe
dont tout le mérite étoit dans la difficulté vaincue -
& de fes débris, if charge neuf cens chameaux;
delà fe répandant dans la Sicile, il menace l’Italie
quin’étoit plus peuplée que de Sybarites & d’efclaves.
Le calife, féduk par la fortune, fubflituo.it les
délices de la mollefle à l’auftérité des moeurs antiques.
Sa vie ne fut plus qu’un fommeil qu’il goûtoit
dans le fein des voluptés, dont les plus innocentes
fcandalifoient ce peuple farouche ; il s’éleva bientôt
des mécontens qui pafsèrent rapidement du murmure
à la rébellion. Il étoit regardé comme l’ufur-
pateur du patrimoine d’A li, par une faction d’autant
plus redoutable, qu’elle étoit compoféè de dévots
qui favoient haïr oc perfécuter. On lui reprocha de
ne confier le gouvernement qu’à d’indignes favoris,
qui n’avoient d’autres titres que d’être les complices
de fes débauches ; & que les tréfors publics, fermés
aux befoins de l’état & du mérite infortuné, ne s’ou-
vroient que pour enrichir fes parens & fes flatteurs.
Ces plaintes bien fondées furent encore appuyées
par la calomnie; on fabriqua des lettres revêtues
de fon fceau , & adreffées aux gouverneurs pour
leur ordonner de fe faifir des mécontens, & de les
faire empaler. Ces lettres furent rendues publiques.
Les féditieux inveftiffent fon palais , qui n’éroie
qu’une vile cabane. Il n’a plus d’efpoir que dans lar
proteâion d’Ali qui, fans avoir aucun titre, étoit
tout-puiffant dans Médine. Ali lui envoie fes deux
fils qui, fans être armés, défendent l’entrée de fa
maifbn pendant quarante-cinq jours : la qualité de
petits-fils du prophète en imppfe à la fureur des
mutins ; mais s’étantun jpur éloignés pour aller chercher
de l’eau , les affaiblis profitent de leur abfeii-
ce, & forcent.les portes. Othman, âgé de quatre-
vingt-deux ans, ne leur oppofe d’autre bouclier que
l’Alcoran qu’il place fur fon eftomach, & qu’ils teignent
de fon fang , & il tombe percé de douze coups
de poignard. Son corps refia trois jours fans, fépuî-
ture; on ne daigna pas même le purifier , & on l’inhuma
fans lui rendre aucuns honneurs funèbres, avec
les mêmes habits dont il étoit vêtu lorfqu’on l’avoit
poignardé. Othman étoit d’une haute taille : fa phy-
fionomie: étoit noble & gracieufe; il avoit le teifit
brun & la barbe fort épaiffe. Il fut bien fupériear
aux deux califes qui l’avôient précédé.; mais fon^f-
prit trop cultivé, ne fut pas fe plier au génie de fa
nation; & c’eftparLe caraélère, plutôt.que parles
talens, qu’on réuffit à gouverner. Il donna une nouvelle
édition de l’Alcoran , qu’il fe faifoit un plaifir
de méditer. On a fait un recueil de fes maximes »
fous le nom de concert harmonieux. Il étoit brave,
& à l’exemple de fes deux prédécefleurs/il ne jja-
rut plus à la tête des armées, lorfqu’il fut élevé au
califat. Il eft difficile de le jufiifier d’avarice, puif*
qu’à fa mort on trouva dans fon tréfor cinq cens
millions de dragmes, trois cens cinquante.mille pièces
d’or ; rich.enes immenfes & dont on p'oprroit révoquer
en doute la réalité, quand onfàkies profufions
pour enrichir fes favoris. Mais l’Arabie étoit i
alors un gouffre où tout l ’or des nations vendit s’engloutir.
Son règne fut de douze mois lunaires.
A li, exclu trois fois d’une dignité où l’appelloit
fa naiflance, & dont il étoit beaucoup plus digne
que fes prédéccffeurs, eft enfin proclamé calife par
le fuffrage unanime de tous les zélés Mufulmans. Il
montra d’abord de l’éloignement pour un trône qu’il
voyoit environné d’écueils. Son ambition éteinte ou j
calmée par l’âge & l’expérience, la deftinée d’Oth- j
.man, les haines qui divifoient la nation étoient dé ;
jufies motifs de fes dégoûts..Si vous voulez, difoit- i
i l , me difpenfer de ce Fardeau pénible, je vous don* !
lierai l’exemple de l’obéiffance que vous devez à ce* j
lui que vous choifirez pour maître. Les preffantes :i
follicitations du peuple vainquirent fa réfifiance, & i
fes ennemis fecrets furent les plus empreffésà lui ;
rendre hommage : une faftion puiffante, compoféè j
rie ceux qui l’avoient autrefois privé du califat, ne i
cherchoit qu’un prétexte pour le précipiter de la |
chaire où elle n’avoit pu l’empêcher de monter.
Aiesha, la plus jeune & la plus chérie des femmes !
riu prophète, dirigeoit les refforts de cette faélion,
& quoiqu’elle ne fût plus dans l’âge de plaire, elle
avoit encore la fureur d’aimer; cette paffion l’avoit
jetée dans les intrigues de la politique : le titre de ;
veuve d’un envoyé de Dieu , lui donnoit beaucoup
ri’afcendant fur les coeurs. Tendre autant qu’ambi-
tieufe , elle vouloit élever au califat, Tneia qui ;
n’avoir d’autre titre à cette dignité , que le talent de !
lui plaire. Les Ommiades, outragés dans le meurtre
d’O thmanfervirent fâ paffion; & Moavie, qui
étoit. le chef de cette famille, étoit à la tête d’une
armée vifiorieufe, accoutumée à vaincre fous lui.
Ali étoit trop clair - voyant, pour ne pas voir
. l’orage fe former. Mais fon caractère inflexible ne 1
put fe ployer aux moyens de'le diffiper. Doux & :
modéré comme homme privé, il ne croyoit pas i
qu’un calife, dût fè prêter à une politique humaine, i
qui carfeffe ceux qu’elle veut tromper. Il ne voit
dans cette-faâion qu’un refte impur de ceux quil’a-
'Voient privé de fon héritage, en l’éloignant du califat.
Il confond fes intérêts avec la caufe du ciel,
& regarde les rebelles comme autant de facrilèges
qu’il eft de fon devoir de punir. Les foudres de la
religion font les armes qu’il emploie pour intimider
les coupables. Il flétrit par des anathèmes la mémoire
de fes trois prédéceûeurs qui s’étoient affis
fur un trône ufurpé.
Ce coup qui frappoit tant de têtes groffit le nombre
des mécontens; les trois califes flétris étoient
leur ouvrage : Aiesha, qui avoit contribué à leur
élévation, le crut intéreflée à venger leur mémoire,
elle calomnie Ali & lui impute le meurtre d’Othman :
elle écrit à tous les gouverneurs , & les invite à fe
joindre à la mère des croyans , qui n’eft armée que
pour punir des facrilèges. Ses lettres firent des im-
preffionsdifférentes. Les uns en les recevant fe prof-
temèrent à terre , & promirent de verfer leur fang
pouf elle ; d’autres, retenus par leurs fermens, s’aifer
mirent dans l'obéi ffance au calife. Cétoit â la
Meque que le feu de la rébellion étoit le plus allumé.
Thela, amant de cette femme arfificieufe, y
porte la tunique enfanglantée d'Ofbman , qu il ex-
pofe dans le temple, oc cette tunique devient l’étendard
de la révolte. Aiesha, à la t été d’une arrnee,
fort de la Meque & pénètre dansllrack, où Thela
avoit de nombreux partifans. Aii ufe de la plus
grande activité polir arrêter fes progrès ; il la joint,
oc voulan t prévenir l’effuflon du fang Mufulman, il
aime mieux négocier que combattre ; mais la fière
Aiesha preflentant qu’il faudroit fe foumertre a des
conditions trop dures, fe détermina à tenter le fort du
combat. Alors on vit les deux armées embrafées du
même fanatifme , engager une action fi meurtrière,
qu’il fembloit que la victoire dépendit de l’extinction
d’un des deux partis. Aiesha montée fur un chameau
, parcourt les rangs, & faifimt retentir le camp
du nom de Mahomet, elle infpire'àtous le mépris
des dangers & de la mort. Les hommes ne font jamais
plus intrépides que quand ils combattent fous
les ordres d’une femme. Il feroit honteux de lui
céder en courage, & alors toutfoldat eft héros. Thela
percé de coups, tombe expirant à fes pieds. Sa
mort la rend plus furieufe ; elle fe précipite dans la
mêlée, où fon chameau percé de dards, la laifie au
pouvoir du vainqueur. A li, pénétré derefpeâ pour
une ennemie qui étoit la veuve du prophète , fe
contenta de lui ôter le pouvoir de nuire. Il la fit conduire
fous une forte efeorte à Médine, où elle fit
fon entrée moins comme une captive, que comme
une fouveraine qui vient prendre poffeffion de fes
états. Mais elle fut condamnée’à languir enfermée
le refte de fa vie ; & les vains honneurs qu’on lui
rendit, ne purent la confcier de l’impuiffance de
former des nuages & des tempêtes; Ion malheur
lui fut d’autant plus fenfible , qu’elle avoit toujours
été heureu'e.
Le fang répandu dans cette bataille n’étouffa pas
la femence de la révolte. Moavie , fameux par fes
victoires , étoit à la tête de l’armée de Syrie, dont
les foldats aflociés à fa gloire, étoient réfolus de
partager fa fortune. A li , pour prévenir de nouvelles
fcènes de carnage, lui offre des conditions avanta--
geufes, qui font rejertées avec mépris. Moavie fe
fait proclam ercalifcà Damas, &expofelur la chaire
de la Mofquée la tunique d’Othman , quon avoit
fauvée de la défaite d’Aiesha : cet ambitieux, fous
prétexte de le venger, n’a d’autre deffein que de le
remplacer. Les deux armées relièrent pendant plu-
fieurs mois en préfence, & tout fe paffa en efear-
mouches fanglantes, où les troupes d’Ali eurent
toujours l’avantage. Après bien des négociations in-
fruchieufes, il fallut fe réfoudre à terminer la querelle
par les armes. Le combat s’engage avec fureur:
les Syriens qui n’avoient que du courage, ne purent
foutenir l’impétuofité des Alidesanimès du fanatifme;
ils commençoient à plier, lorfque Moavie ordonne
aux foldats d’appliquer fur leur eftomach, les exem-
! plairçs de l’alcoran. Les fuperftitieux qui faifoient