
à-peu-près fur le plan de Fin (Htut du bienheureux
Philippe de Néry. Sa fociété naiflante fe propofa
deux objets auxquels elle a toujours été fidèle, la
prière & l’inftruaion, conformément à ces paroles
de l’apôtre : Nos vero minifierio verbi, & orationi
infantes erimus ; il y a feulement entre l’infiitut de
Philippe de Néry & celui de M. de Bérulle, cette
différence, que les maifons de l’oratoire en Italie
font ifolées & entiéremènt indépendantes les unes
des autres , au lieu qu’en France leur union fous
un même chef & leur communication réciproque
en forment une véritable congrégation. Elle reçut
bientôt les plus grands accroiuemens. On ne peut
rien ajouter à l’éloge éloquent que M. BoiTuet en a
fait. « Bérulle n’a point voulu, d it- il, donner à
?> cette compagnie d’autre efpric que l’efprit même
v de l’églife, ni d’autres règles que fes canons, ni
33 d'autres fupérieurs que fes évêques , ni d’au-
« très liens que fa charité, ni d’autres voeux fo-
n lemnels que ceux du baptême & du facer-
5» doce.
j> L à , une fainte liberté fait un faint engagement,
» on «obéit fans dépendre , on gouverne fans com- 9> mander : toute l’autorité eft dans la douceur, &
si le refpeét s’entretient fans le fecours de )a 3) crainte. La charité , qui bannit la.crainte , opère
»> un fi grand miracle ; & fans autre joug qu’elle- 33 même , elle fait non-feulement captiver, mais
33 encore anéantir la volonté propre.
» Là , pour former de vrais prêtres, on les mène
33 à la fource de la vérité : ils ont toujours en main
33 les livres faints pour en rechercher fans relâche la
33 lettre par l’étude , l’efprit par l’oraifon, la profon-
33 deur par la retraite, l’efficace par la pratique, la fin
» par la charité à laquelle tout le termine, & qui eft
33 l’unique tréfor du chrétien. 33 ( Bojjuet, oraif.
funeb.du P, Bpurgoin, 4 io***. 1662. )
Les vertus & les talens de M. de Bérulle pou-
yoient être trop utiles* à la cour pour qu’elle négligeât
de les employer. En 1624, on l’envoya
négocier à Rome la paix de laValteline, & folli-
citer une difpenfe pour le mariage de la princeffe
Henriette-Marie de France avec le prince de Galles
( depuis Charles I. ). Il obtint ce dernier article,
non fans quelque difficulté, & l’année fuivante il
accompagna en Angleterre cette illuftre princeffe,
digne & courageufe époufe du plus infortuné des
rois. « Les prêtres de l’oratoire, que le grand Pierre
v> de Bérulle avoit conduits avec elle , dit Jfofluet,
( Ornif. funeb. de la reine d’Angl. ) « y donnèrent
33 par leur piété aux autels leur véritable décora-
93 tion , & au fervice divin fa majefté naturelle,,..,
33 L’églife défolée, qui autrefois poüvoit à peine
33 gémir librement, oc pleurer fa gloire paffée, foi-
33 loit retentir hautement les cantiques de Sion dans
33 une terre étrangère. 33
M. de Bérulle revenu en France, 8c portant
toujours l’amour de la paix 8c la charité au milieu
des intrigues & des agitations de la cour, travailla
plufieurs fois à réconcilier avec Louis XIII la reine
fâ mère, le duc d’Orléans fon frère, le prince de
Condé, le duc d’Epernon, &c. Il fut fait cardinal
le 10 feptembre 1627. Dès le mois d’avril 1628, fa
fon té s’altéra eonfidérablement ; après une langueur
affez longue, il parut avoir repris fes forces,
mais il eut une rechute le 27 feptembre 162.9, & il
mourut le 2 oétobre de cette même année , âgé de
64 ans, 7 mois 8c 28 jours. Le jour même de fa
mort , étant déjà dans une efpèce d’agonie, il
voulut célébrer les faints myftères, il ne put achever
, ce qui donna lieu à ces deux vers,;
Ceepta fuh extremis nequeo dum facm facerdbs
Berficere , atfaltem yiéfima perfiçiam,
« Je ne confommerai point le focrifice ‘comme
33 prêtre , mais comme viftime. 33
Il ne mourut pas cependant à -l’autel, on eut le
temps de lui adminiftrer le viatique & l’extrême-
onftion, en profitant de quelques intervalles de
connoiffance. Il mourut dans la maifon des prêtres
de l’oratoire de la rue- Saint-Honoré. Il a làiffé des
lettres de direction fpirjtuelle, & quelques ouvrages
de controverfe & de piété.
Le cardinal du Perron difoit ■: Si vous voule{ convaincre
des hérétiques envoye^-les-moi : f i vous voule£
les convertir, envoyeç-les à M, de Genève ( François
de Sales ) ; mais f i vous defireç les convaincre & les
convertir tout enfemble1 adreffesyles à M. de Bérulle,
BERWICK, (J acques de Fitz-James, maréchal
de^ ( Hifi. dé Fr. & d’Anglet. ) fils du duç
d’Yorck (depuisJacques I ï ) & d’Arabelle Churchill
, étoit neveu par fa mère du fameux Churchill,
lord Marlborough. «Telle fu t, dit M. de
Montefquieu , 33 l’étoile de cette maifon de Chur-
33 chill, qu’il en fortit deux hommes, dont l’un ,
33 dans le même temps , fut deftiné à ébranler, Sç
33 l’autre à foutenir les deux plus grandes monar-
33 chies de l’Europe. 33
5 M. de Berwick naquit le 21 août 1670 ; il n’eut
d’abord d’autre nom que celui de Fitz-James, il
fut envoyé en France à l’âge de fept ans, pour être
élevé dans la religion catholique ; on le mit
au collège de Juilly avec fon frère, depuis duç
d’Albemarlç, puis au collège du Pleflis, puis à
celui de la Flèche par le confeildu père Péters. Les
etudes des deux^fr.eres ne furent interrompues que
par un voyage qu’ils firent en 1684 en Angleterre,
pour voir le duc d’Yorck leur père. Le duc d’Yorck,
Jaques I I , fuccéda en 1685 à Charles II fon frère ; 1 annee fuivante M. de Berwick quitta Paris où il
faifoit fes exercices , pour aller faire fes premières
armes en Hongrie fous le duc de Lorraine Charies
V , le héros de l’Europe depuis la mort eje M. de
Turenne arrivée en 1675 , & la retraite du grand
Condé, qui mourut cette même année 1686. M. de
Berwick ou Fitz-James étoit au fiége de Bude pris
par le duc de Lorraine le 2 feptembre ; il ne paroît
pas penfer comme M. le préfident Hénault & quelr
ques auteurs, « que ce prince fit une grande faute
fe de rie pas marcher tout de fuite à l’armée ôfto-
»3 mane, qu’il eût détruite dans la confternation où
33 elle étoit. 3* M. de Berwich rapporte au contraire
dans fes mémoires ,• que le duc de Lorraine marcha
contre les T u r c s , qùi ne jugèrent pas à propos
de hafarder la b a t a i l l e & fe retirèrent : qu’alors
le duç de Lorraine rentra dans fes,lignes > démarche
que M. de Berwick paroît approuver : « c a r ,
dit-il, « quand une fois les Turcs fe retirent, il
S3 feroit non-feulement inutile, mais très-dange-
éy reux de les fu iv re , v u qu’on ne peut fe flatter
33 de les atteindre, & que pour peu que l’on dé- 3> range fes rangs , ils reviennent avec une telle
33 précipitation e t ufle telle furie, que les m eilleures
1) troupes courent rîfque d’en être culbutées. 33
M. de Berwick étoit encore ( e n 16 8 7 ) à la bataille
de Mohacs , gagnée par le même duc de
Lorra ine, dans le même lieu o ù , en 15 2 6 , Louis ,
roi de Hongrie, avoit été défait par les T u rc s , &
avoit péri avec toute fon armée.
Pendant l’hiver de 1686 à 16 8 7 , M. de Fitz-
James fut créé'fluc de Berwick, & au retour de la
campagne, le roi fon père lui accorda encore d’autres
faveurs.
L e 20 juin 1688 , la reine d’Angleterre accoucha
de ce prince de G a lle s , Jacques I I I , dont on a
Voulu fi injuftement contefter la légitimité. « La
s> reine douairière , le chancelier, & to u t ce qu’il y
33 avoit de perfonnes confidérables à la cour & à
33 la v ille , fe trouvèrent dans la chambre de la
* reine lors de fa naiflance, le roi ayant eu foin
» d’ordonner qu’on les avertît ; la princefle de
33 Danemarck , fille du ro i, ( qui fut depuis la
reine Anne ) « étoit abfente , oc l’on croit qu’elle
» alla exprès aux eaux de B a th , afin de ne pas être
» à raccouchemenfv
33 Le prince d’Orange envoya le comte de Qui-
3> leftein foire au roi fes complimens ; mais en
3> même temps il appuyeit par toute forte d’arti-
» fices la fable de la fuppofitïon. Le filence de la
3> princefle de Danemarck fur cette matière, étoit
33 une augmentation de foupçons. Elle avoit d’au-
33 tant plus de to r t , qu’elle favoit mieux que per-
ï» fonne la vérité de la groflefîe de la reine, ayant
33 plufieurs fois, mis la main fur le ventre nud de
ï> la rein e, & fenti l’enfant remuer. 33 Ces détails
•fur un fait qui a été fi diverfement raconté par les
fiiftoriens des diflerens partis r ne peuvent manquer
d ’intérefler ceux qui aiment la vérité. « Nul
» prince, continue M. de Bervick ,'rieù. venu au
»» mdnde en préfence de tant de témoins .«I.. . j’y 3» étois ; & malgré mon refpeâ & mon .dévoue-
» ment pour le ro i, je n’aurois jamais pu don-
» n.er les mains à une aéfion aufîi déteftable que
» celle de vouloir fuppofer un enfant pour ôter la
» couronne aux véritables héritiers ; & après la
» mort du r o i , je n ’aurois pas continué à foutenir
» les intérêts d’un impofteur.»
La révolution d’Angleterre arriva peu de temps
après j; outre les circonftances connues de cet éyénement
,011 en trouve de particulières dans les mémoires
de Berwick ; telle eft cette belle réponfc que 1 archevêque de Cautorbérx, refté fidèle au roi Jacques
avec fix autres évêques, fit à un gentilhomme
que la princeffe d’Orange lui avoit envoyé pour lui
demander fa bénédiâion : Quand elle aura obtenu
celle de fon père, je lui donnerai volontiers la mienne.
Ce mot rappelle l’application terrible que fit en
chmre un prédicateur jacobite, à cette même princeffe
d’Orange au moment de fa mort, des paroles
que Jéhu avoit dites au fujet de Jézabel :Ite 6-fe-
pelite malediSam illam q u ia filia regis eft. Aller,,
donner la fèpulture à cette malheureufe , puifqu-enfin
c’eft la fille d’un roi. Liv. 4 des rois fcbl'q , verf. 24.
M.de Berwick fuivit le roi fon pèreïTèxpédition
d Irlande ; dans un combat livréIe’25 avril 1689, il
reçut à l’épine du dos une forte contufion , pour 'laquelle
il fallut lui faire quelques incifions : C’eft, dit-il,
l’unique blefiure que j'aye eue de ma vie. On fait que
le fécond coup qu’il reçut, l’emporta. Henri IV fon
bifayeul, qui, félon l’expreffion du maréchal de
Biron , avoit tant fait le carabin , n’avoitde même
jamais été bkffé qu’à la retraite d’Aumale , quoi-
qutl eut été dans le plus grand danger à la bataille
de .Fomaine-Françoife.
M. de Berwick étoit à la bataille de la Boyne
- où le prince d’Orange reçut cette légère bleffure’
qui fit faire enTrance tant de feux de joie, parce
qu’on le crut mort, & où fon général, M. de
Schomberg, fut tué.
En , il accompagna fon-pére fur la côte
de Normandie , où il devoit s’embarquer avec lui
pour l’Angleterre. Il vit comme lui les effets de la
• malheureufe affaire de la Hogue, qui ruina toutes
les elpérances de Jacques II. Il alla fervir en Flandre
fous M. de Luxembourg ; il étoit à la bataille-
deSteinkerque. L’année fuivante, :1 fut fait pri-
fonnier à la bataille de Nerwinde, par le brigadier
Churchill fon oncle, frère du lord Marlborou».
Le brigadier le préfentarau prince d'Orange. M. de
Berwick fut échangé. 11 fervit encore fous le maré-
chaL de Luxembourg en 1694 ; & après la mort de
ce général , arrivée dans le cours de fes triomphes,,
en 1695 , il fervit fous le maréchal de Villeroy. l!
vit faire beaucoup de fautes , & il les obferve. ’
En 1696, il y eut un nouveau projet d’expédition
en Angleterre ; mais Louis XIV ne voulut y envoyer
des troupes qu’après que les feigneurs jaco-
bites auroient pris les armes, & ceux-ci ne vou-
loient fe déclarer qu’après l’arrivée des troupes
françoifes ; le duc de Berwick fut envoyé en Angleterre
pour traiter avec eux, & les engager à.
prendre confiance dans les promeffes de LouisXIV
“ Il avoit, dit M. de Montefquieu, une mauvaifô
» commiflîon, qui étoit de déterminer ces feigneurs
» à agir contre le bonfens; il ne rèuffit pas.»
Il fervit encore en 1697 fous le maréchal de
Villeroy. Il avoit époufè en 1695 la fille du comte-
de Clanricatd, de la maifon de Bourie, en Irlande •
elle mourut en 1698 „ laiffaut un fils, qui a fermé