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' nation. Tout peuple libre eft un peuple belliqueux ;
aulïi voit-on que les Cananéens fe fer voient avec
avantage de toutes fortes d’armes & fur-tout de
chariots armés , dont les Egyptiens leur avôient
appris l’ufage. Leur exceffive population les obligea
de fe répandre dans la Syrie & dans cette
partie de l’Egypte qui eft contiguë à l’Arabie. Cette
émigration a peut-être donné naiftànce aux pafteurs
Phéniciens, que Manéthon allure avoir été les
conquérans de l’Egypte.
Les Cananéens le plongèrent de bonne heure
dans l’abomination d’une groftîère idolâtrie. Il pa-
roît que ce fut chez les Chaldéens qu’ils puisèrent
leurs erreurs & leurs rites facrés ; mais ils allèrent
bientôt plus loin que leurs maîtres. Le légillateur
des Hébreux, fcandalifé de leur culte infenfé ,
ordonna de couper leurs bois facrés, d’abattre
leurs autels & leurs fimulacres ; ce qui femble
indiquer qu’ils n’avoient point de temple , puifqu’ils
ne furent point enveloppés dans la prolcription.
Leurs relations avec les Egyptiens leur infpirèrent
une haine opiniâtre contre tous ceux qui le nour-
^riflbient de la chair de certains animaux. Le fcan-
dale de leurs cérémonies & leur doftrine licen-
tieufe firent germer chez eux tous les vices, &
attirèrent fur leurs têtes les vengeances célefies,
dans le temps qu’Abraham vint s’y établir avec
Loth fon neveu. La vallée de Siddim , où les villes
de Sodome & de Gomorrhe étoient fituées, ve-
lioit d’être envahie par Kodor-Loamer, roi d’Elam.
Les habitans, trop ners pour fléchir fous un maître,
prirent les armes, & leur défaite humilia leur
orgueil républicain. Loth fut du nombre des pri-
fonniers. Abraham, inftruit de fa détention , s’arme
pour le délivrer; il remporte une vidoire éclatante
, & rompt les fers des prifonniers. Ce fuc-
cès , qui ne devoit intéreffer que la reconnoiffance
des Cananéens envers le Dieu des batailles, les
enivra d’un fol orgueil, & leurs moeurs devinrent
encore plus corrompues. Les impuretés les
plus fales n’empruntèrent plus de voile pour cacher
leur difformité rebutante. Tant d’excès provoquèrent
les vengeances divines ; quatre villes furent
détruites par une pluie de foufre & de feu. Cette
vallée, autrefois fertile & peuplée, ne fut plus qu’un
lac bitumineux & un défert.
Dans la fuite, les Cananéens refusèrent à Moïfe
un pa!Tage fur leurs terres. Ce refus fut puni par
des ravages qui ne furent réprimés que par un
ordre émané de Dieu même. O g , roi de Bafan,
implacable ennemi des Juifs, avoit alors plus de
jfoixante villes fous fa domination. Ce prince nous
eft dépeint comme un fier géant, dont le lit de
fer avoit neuf coudées de longueur : fa force &
fes richeffes ne fervirent qu’à relever la gloire des
Hébreux qui le vainquirent dans un combat où il
fut tué.
Jofué, après la mort de Moïfe, rentra dans la
terre de Canaan, où-, par l’ordre de Dieu, il porta
fer & Ja gamme, Çewx des habitans qui firent
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afiez têriiéraires polir liii bppofer de la réfiftance
expirèrent par le glaive. Les merveilles opérées
pendant fix ans par ce faint condu&eur des Hébreux
, fe lifent dans nos livres facrés. Une partie
des Cananéens qui avôient furvécu au carnage de
leurs concitoyens , fe réfugia dans la baffe Egypte,
où ils fondèrent une nouvelle monarchie. Après
leur difperfion , le pays fut occupé par une race
d hommes barbares, connus fous le nom à'Anikins ,
qui fut exterminée par les Ifraélites. L’amour de
la patrie rappella plufieurs fugitifs qui s’en étoient
eux-mêmes exilés. Ces calamités, qui dévoient les
abattre, ne purent les détruire, & dix ans après,
on les voit reprendre leur fupériorité fur les Hébreux
, qu’ils réduifirent en efclavage. Dieu touché
de rhumiliation de fon peuple, fufcita une femme
forte, nommée Débora , qui confondit l’orgueil des
tyrans des Hébreux. Jérufalem fut affiégée & prife
par David ; les Cananéens eurent enfuite une guerre
fanglante à foutenir contre le roi d’Egypte, qui
detruifit la ville de Jefer, dont tous, les habitans
furent paffés au fil de l’épée. Salomon, fortifié
du fecours des Egyptiens, les rangea fous fa domination
: il eft à préfumer qu’ils embraffêrenf
pour la plupart la religion judaïque ; malgré leur
docilité , ils furent exclus des dignités de l’état,
ils rampèrent dans les fonctions les plus abjeâes*
Salomon les employa à la conftruâion des fuper-
bes monumens qui ont immortalifé la gloire de fon
règne.
Les Moabites, peuples de la teçre de Canaan ;
defcendoient de Moab, né du commerce incef-
tueux de Loth avec fa fille aînée. Ils habitoient
fur les montagnes qui fervent de barrière à la mer
Morte. Leur pays pouvoit avoir quarante lieues
en longueur & autant de largeur. Les uns les
placent dans l’Arabie, & les autres dans la Célé-
Syrie : leurs montagnes dominoient fur des plaines
fertiles & fur de riches prairies, ©ù s’engraiftoient
de nombreux troupeaux. La pofleffion leur en fut
donnée par Dieu même, qui défendit aux Hébreux
de leur enlever cet héritage. Cette défenfe
ne fit que des prévaricateurs. Les Moabites fou
vent attaqués, opposèrent une vigoureufe défenfe ;
& forcés de vivre dans un état de guerre, ils fe
formèrent, par une longue expérience , dans l’art
des combats. Us profitèrent de la foiblefle de l’empire
romain qui penchoit vers fa ruine, pour faire
des conquêtes ; & après avoir été opprimés, ils
furent ufurpateurs à leur tour , & ils envahirent
tout le pays qui appartenoit aux tribus de Ruben
& de Gad.
Il paroît que ce peuple n’étoit qu’une fociété de
pafteurs, qui n’avoit d’autres richeffes que fes
troupeaux. C’eft dans nos livres faints qu’il faut
chercher les traits qui les cara&érifent : e’eft là
que nous apprenons qu’ils avoient la circoncifiort
en horreur. Ce fut ,une des principales raifons qui
fit défendre aux Juifs de s’allier avec eux. Usétoient
gouvernés par des rois qui n’étoient proprement
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que les exécuteurs des ordres de la nation ; car
les rois de ces nations n’étoient alors que de fim-
ples chefs de pafteurs. Loth leur avoit donné des
idées faines fur la religion ; mais l’ignorance où
ils vivoient plongés , les entraîna vers l’idolâtrie ;
Baal-Peor devint l’objet de leurs adorations ,& ils
lui rendirent le même culte qu’on rendoit à Priape.
Leurs cérémonies n’étoient que des obfcénités ,
qui manifeftent que ces peuples étoient brûlés des
feux de l’impureté. Ils avoient encore deux autres
divinités privilégiées ; Chemos, à qui ils offroient
de la fiente & tout ce qu’il y avoit de plus fale ;
& Nebo , qu’ils avoient emprunté des Babyloniens,
& qu’on croit être le même que le Mercure des
Grecs.
Les Ifraélites errans dans le défert, vinrent camper
dans leurs plaines. L’impuiffance de réfifter à
des hôtes fi dangereux, les fit recourir à Balaam ,
qui, comme tous les prophètes de ce temps, avoit
la réputation de pouvoir faire périr des armées &
des nations entières par la vertu de fes imprécations
& de certaines paroles myftérieufes, qui
n’étoient que bizarres. Ce prophète faifoit fa réfi-
dence dans la Méfopotamie , fes oracles lui avoient !
attiré la vénération des peuples. Les ambaffadeurs
envoyés par les Moabites , lui firent les plus
éblouifiàntes promeffes , pour l’engager à venir à
leur fecours. Il parut d’abord infenfible aux appâts
de la fortune, oc il ne céda qu’aux importunités
d’une fécondé ambaflade. Dieu lui avoit d’abord
défendu de fuivre les envoyés ; mais Balaam, fé-
duit par l’appât des préfens, obtint enfin permif-
fion de partir. Un ange s’oppofa au paffage de
l’âneffe fur laquelle le prophète étoit monté , & qui
fe plaignit des coups qu’elle recevoit. L’ange devenu
vifible, permit au prophète de continuer fa
route, avec défenfe de faire autre çhofe que ce
que Dieu lui prefcriroit. Quelques rabins prétendent
que c’eft moins une réalité qu’-une vifion
prophétique ; mais c’eft affoiblir l’autorité du texte
laçré, que de le foumettre à des interprétations
arbitraires. Ce prophète , au lieu de faire des imprécations
contre les Ifraélites-, reçut au contraire
lin ordre exprès de Dieu de maudire quiconque
oferoit fe déclarer contre eux. Après avoir été
.reçu avec magnificence, des Moabites, il les quitta,
en les aflùrant que les Hébreux feroient toujours
triomphans tant qu’ils feroient fidèles à leur loi.
Ainfi il leur confeilla d’employer les charmes de
la volupté pour les faire tomber dans la prévarication.
Ce confeil eut l’effet qu’on s’en étoit promis.
Les filles introduites dans le camp, fe livrèrent
à la proftitution ; & pour prix de leurs faveurs,
elles exigent que leurs amans le profternent devant
leurs idples. Dans l’ivrefle de la débauche, ils ne
peuvent réfifter à la féduétion & abandonnent
leur Dieu , qui bientôt les punit de leur prévarication.
Dans la fuite des temps, les Moabites leur
enlevèrent la partie orientale du pays de Canaan,
dont ils s’étoient rendus les maîtres. Mais enfin
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Dieu, touché de leur repentir, leur fufcita un li-
bérateur dans Ehud ou Aod qui, chargé de porter le
tribut impofé à fa nation, enfonça fon poignard dans
le fein d’Eglon, roi des Moabites.
Il fe met à la tête des Hébreux, & remporte
une vifloire décifive fur les Moabites, dont la
tyrannie fut détruite. On ne les voit reparoître
que fous le règne de Saiil, qui voulut les punir
de l’afyle qu’ils avoient donné à David. Le roi
prophète monté fur le trône, leur fit une guerre
cruelle qu’ils s’étoient fans doute attirée, & les
deux tiers de la nation furent paffés au fil de l’épée :
ils payèrent dans la fuite aux rois d’Ifraëlf un
tribut annuel de cent mille agneaux & autant de
moutons. Toujours vaincus & toujours rebelles
ils furent enfin fubjugués par Joram qui détruifit
leurs vdles avec leurs habitans. Leur roi enfermé
dans une fortereffe, immola fon fils à fesidoles.il
en réfulta une efpèce de miracle, puifque les sffié-
gés faifis d'horreur, aimèrent mieux fe retirer que
de s’expofer au défefpoir de ce prince forcené.
Les Moabites réparèrent bientôt leurs pertes • &
foutenus de leurs voifms, ils pénétrèrent jufqu’à
l’occident de la mer Morte. Les Ifraélites trop
foibles contre une armée fi nombreufe, mirent leur
confiance dans Dieu : la divifion fe mit parmi leurs
ennemis, qui s’exterminèrent les uns les autres.
Apres ce défaflre, ils n’en furent que plus ardens
a effacer la honte de leur défaite. Ils vainquirent
les Edomites, dont ils firent périr le roi dans les
flammes. Dieu irrité de cette barbarie, leur dénonça
fes vengances parla voix de fes prophètes
& fes menaces eurent bientôt leur effet. Salnta-
nafar, roi d’A ffirie, fe rendit maître de leur pays :
fon fils & fon fucceffeur fut fans celle occupé à
réprimer leurs rebellions. Sedécias eut l’imprudence
de les appuyer dans leur révolte ; U en Au puni -
les perfides alliés l’abandonnèrent, & eux-mêmes
furent fubjugués par Nabuchodonofor. Depuis ce
temps, ils ne formèrent plus de corps de nation ,
& on les confondit avec les autres habitans des
«elerts dans la Syrie.
Les Ammonites, autre peuple de la terre de
Canaan, defcendoient d’Ammon , né du commerce
incefiueux de Loth avec fa fille cadette. Ils habi-
toient dans une contrée de la Célé-Syrie dont on
ne peut pas déterminer les limites. Les enfans
d Ammon en chafferent les premiers habitans, oui
font reprefentes comme une race de géans. On
ignore s ils avoient beaucoup de villes : on ne con-
noit que Rabba, que Ptoloinée-Philadelphe embellit,
& qui de fon nom fut appellée Philadelphie
Leurs moeurs & leurs infiitutions politiques font
tombées dans l’oubli, ainfi que le nom de leurs
rois ; ce qui prouve qu’ils n’ont rien fiiit d’éclatanr
Ils admettoient la circoncifion : cette conformité
avec les Juifs ne fut point un principe d’union
entre ces deux peuples; il étoit défendu aux Ifraé-
lites de former des alliances avec eux jufqu’à la
dixième génération, C ’étoit une punition du refus