
cet ordre pour Ton attachement au cartéfianifme, '
philofophie encore nouvelle alors, 8c perfécutée
par cette raifon , car 1\ fprit d’intolérance a toujours
voulu appliquer à la philofbphie la loi théologique
qui protcrit toute innovation. Mort en 1734 à la
communauté des prêtres de faint François de
Sales.
BELLE-ISLE. Voye^ Fouquet.
BELLENGER , (François) do&eur de Sorbonne
, favant qui n’étoit que favant, & qui n’eft
guères connu que pour avoir écrit contre un favant
qui avoit du talent & du goût : il prouva très-
bien , dit-on, que M. Rollin ne favoit pas fi bien
le grec que lui, mais il prouva auffi que M. Rollin
favoit faire un meilleur ufage que lui du grec qu’il
favoit. Les favans efliment allez la critique que
l’abbé Btllenger fit de Rollin, mais perfonne ne la
lit. Si cependant ce cenfeur a relevé des fautes
réelles , Ion ouvrage n’efl pas fans quelque utilité,
mais M. Rollin a été d’une utilité générale, il a
enleigné l’hiftoire ancienne aux gens du monde Sc
à tous ceux qui ne peuvent remonter jufqu’aux
originaux. On a encore de l’abbé Bellenger une traduction
de Denis d Halicarnaffe , 8c une traduction
de la fuite des vies de Plutarque par Rowe. Il a
laifie aufli le manufcrit d’une traduCfion d’Hérodote
avec des notes. Né dans le diocèfe de Lifieux,
mort à Paris en 1749, âgé de foixante-un ans.
BELLIEVRE. (Pompone de) C’eft le nom
d’une famille originaire de • Lyon , qui a produit
plufieurs hommes de mérite & conftitués en dignité.
1 °. Claude de Bellievre , premier préfident
au parlement de Grenoble.
2°. Le chancelier de Bellievre , fon fils ; né à
Lyon en 1529, chancelier en 1599, mort en
1607.
30. Nicolas de Bellievre, fils du chancelier
mort doyen du confeil le 8 juillet -1650.
4°. Pompone de Bellievre , fils de Nicolas,
mort premier préfident au parlement de Paris le
15 mars 1657. On lui doit l’établiffement de l’hô-
pital-général de Paris.
5q. Albert de Bellievre, fon oncle, & frère
de Nicolas , archevêque de L yon, prélat favant;
mort en 1621.
6°. Claude de Bellievre , fon frère, auffi archevêque
de Lyon , & auffi très-inflruit. Mort le
19 avril 1612.
BELLIN, (Nicolas ) ingénieur-géographe de
la marine. On a de lu i, fous le titre dû hydrographie
françoife, une fuite de -cartes marines au nombre
de quatre-vingt ; des Effais géographiques fur les
i f es britanniques, in-40. Sur la Guiane , in-40. Lé
petit Allas maritime , quatre vol. i/z-40.
BE LLOI, ( Pierre - Laurent Buirette de )
de l’académie françoife , naquit à Saint-Flour en
Auvergne, le 17 novembre 172.7. Amené à Paris
à l’âge de cinq ans , 8c ayant bientôt après perdu
fon père , il fut élevé par Philippe-Henri Buirette ,
fon onc’e, avocat célèbre au parlement de Paris, qui,
fuivant l’ufage, le deftina nu barreau ; mais fcs
talens l’appelloient au théâtre ; il réfolut d’obéir
à la nature, plutôt qu’à fes parens.
Pour cultiver les lettres, pour quitter feulement
le barreau, il falloit qu’il s’arrachât de la maifon
de fon oncle ; il chercha les moyens de remplacer
les bienfaits de cet oncle, 8c- de ne devoir plus
rien qu’à lui-même. Il étoit fans reflources, fon
goût le portoit au théâtre , il fe fit comédien.
Il eut le courage de s’expatrier, 8c ce fut alors
qu’il fe de gui fa fous ces noms de Donnont de Belloi,
dont le dernier , qui lui efl refié, efl devenu célèbre
; il pria fes parens de l’oublier, de le mettre
au rang des morts ; fa mère le pleura, le bénit 8c
lui pardonna ; elle accepta même , comme un gage
de leur tendreffe mutuelle , l’hommage qu’il lui fit
en partant du foible patrimoine que fon père lui
avoit laiffé ; elle le regarda comme un dépôt doublement
facré qu’elle devoit non feulement garder ,
mais faire valoir pour fon fils abfent : elle eut foin
de placer chaque année les revenus, autant qu’il
lui fut poffible, 8c M. de Belloi , en retrouvant
dans fa fucceflion tous ces intérêts devenus un
nouveau capital, reconnut le*Coeur de fa mère. Il
efl confolant de penfer que cette mère tendre &
indulgente a vécu affez pour voir la gloire
de fon fils, & non pas affez pour avoir la douleur de
le perdre. Elle efl morte en 1773 , deux ans avant
fon fils.
M. de Belloi, quelque idée qu’on- veuille fe former
de l’étât qu’il ennobliffoit , n’avoit rien à
craindre de cet état ; la nature lui avoit donné dans
le caraâère 8c dans l ’efprit une dignité qui fe fai-
foit fentir dans tout fon éxtérieur, & qui le pré-
fervoit également du danger, ou de s’avilir lui-
même , ou d’être avili par les autres ; il infpiroit
à tout le monde une bienveillance mêlée-de ref-
peél ; dans toutes les cours où il exerça fon art,
il fut l’ami de tous nos miniflres, & reçut des-
fouverains mêmes des marques de fatisfadion 8c
d’éflime.
Il revint à Paris en 1758, pour faire jouer fa
tragédie de Titus, qui fut donnée le mercredi des
cendres de l’année fuivante. Les précautions qu’il
avoit prifes pour cacher fon nom 8c fa famille ,
par égard pour cette famille même , donnoient
lieu aux bruits les plus étranges ; les uns, fur la foi
du nom qu’il avoit choifi, le croyoient un bâtard
de l’ancienne 8c noble maifon de Belloi en France
8c de Morangle ; d’autres lui donnoient une origine
auffi fauffe, plus romanefque 8c plus myfté-
rieufe. On racontoit qu’une femme inconnue ve-
noit, à des termes fixes , lui payer, foit comme
don, foit comme dette, une femme proportionnée
à fes befoins : elle ne mettoit qu’une condition à
cette libéralité ; c’eft que la main qui la faifoit,
feroit toujours ignorée, 8c qu’on ne,feroit aucune
tentative pour pénétrer ce fecret. La condition fut
remplie pendant quelque temps ; mais enfin la
curiofité l’emporta, 8c cette femme venant ira jour
de porter fon tribut, s’apperçut qu’elle étoit fuivie ;
elle s’arrête, elle appelle M. de Belloi, lui reproche
fon infidélité, lui déclare que le trahi efl
rompu , 8c part avec tant de précipitation, quille
échappe aux yeux qui l’obfervoient. Cette hiftoire,
qui eu celle du chevalier d’Arcis dans les Mémoires
de Ravamies , fut appliquée à M. de Belloi ; nous
ignorons fur quel fondement.
' Titus n’eut point de fuccès : l’auteur réfifla aux
-inflances qu’on lui fit de courir les rifques d’une
fécondé repréfentation , circonflance qui fournit à
la parodie un vers dont elle dut s’applaudir :
Titus perdit un jour > un jour perdit Titus.
Beaucoup d’auteurs fe font bien trouvés d’avoir
été moins modefles 8c moins dociles : il efl vrai
que la plupart des fuccès obtenus ou arrachés de
nos jours à la fécondé repréfentation, après une
chûte à la première, reflemblent au triomphe de.
ce plaideur, qui, pour éviter les frais 8c les embarras
d’une infeription de faux, détruit une fauffe
obligation par une fauffe quittance. Prefque tous
les jugemens du théâtre font faux, parce que toutes
les impreffions, foit en bien , foit en mal, y font
toujours exagérées ; c’efl le jugement du cabinet,
combiné avec celui du théâtre , qui forme le juge- '
ment du public , le jugement qui refie. Ce jugement
efl favorable à la pièce de Titus. Toutes les
autres pièces de M. de Belloi ont reuffi , foit de
fon vivant, foit après fa mort. On ne dèfefpère
pas de faire encore réüffir celle-là : il y a , fans
parler du refie, un cinquième aéle très-tôuchant,
. & qui pourroit faire beaucoup d’eftet.
Obfervons que l’efprit patriotique du Siège de
Calais s’annonçoit déjà dans Titus ; c’étoit l’ouvrage
d’un coeur françois. La harangue du conful Annius
à l’empereur dans le fénat ,'rappelloit l’époque de
1744 8c l’aventure de Metz. Le fujet même étoit
allégorique. Ces monflres qui attentent aux jours
de Titus, étoient, dans l’intention de l’auteur,
l’emblème fenfible d’un évènement qui occupoit
tous les efprits dans le temps où l’auteur compofoit
fa pièce en 1757. '
Dans fa chûte même , M. de Belloi avoit été ranimé
par le fentiment de fes forces; en faifant
imprimer Titus, il avoit pris pour épigraphe ces mots
que dit Pompée dans Lucain, après la perte de la
bataille de Pharfale:
Nec fie mea fata premuntur ,
Ut nequeam relevare caput.
Cette devife fut une.prédi&ion.
L’auteur croyoit avoir remarqué que le public
goûtoit moins alors cette fimplicité des pièces de
Racine , où tout efl développement, 8c où le poète
parle à l’ame plus qu’aux yeux ; le goût du temps
lui parut plus favorable aux coups de théâtre, aux
incidens, à la pompe du fpeétacle ; il crut pouvoir
concilier ce goût avec les règles de l’unité , avec
l’avantage de la fimplicité, en réunifiant dans un
même intérêt, en ramenant à un même but Ja
multiplicité des incidens : il voulut d’ailleurs profiter
de la réforme heureufe qui, interdifant le
théâtre aux fbeâateurs, permettait d’y montrer
une grande aaion dans tout fon éclat 8c toute la
majefté ; il donna Zelmire. Le fuccès de cette pièce
fembla juftifier l’idée qu’il s’étoit faite de la prédi-
leélion de fon fiècle pour les pièces chargées d’in-
cidens 8c de coups de théâtre. On fe rappelle 1 e-
tonnement mêle d’effroi qu’excita la fcélératefie
fublime , l’intrépide impudence d’Antenor , lorfque
retenu par Zelmire, au moment où il alloit aflaf-
finer Ilus, qui ne le voyoit pas , il abandonne à
Zelmire le poignard qu’elle veut lui arracher, 8c
la charge elle-même du crime qu’elle venoit d empêcher.
L’impreffion fut fi forte, 8c l’illufion u
complette, qu’un des fpeélateurs fortant de fa place,
par un mouvement involontaire, eleva la voix ,
pour avertir Ilus qu’on le trompoit, 8c qu Antenor
étoit l’affaffin. _
Les amateurs de la tragédie virent avec plaifir
que l’art de produire de grands effets 8c de faire
des impreffions profondes , n’étoit point perdu.
Le récit du dévouement d’Euftache de Saint-
Pierre , 8c des bourgeois de Calais, efl très-interef-
fant dans Froiffard ; mais Froiffard n’efl guères lu
que des favans, 8c cé trait comparable à tout ce
que l’antiquité a célébré de grand 8c de généreux,
refloit, pour ainfi dire, cache dans un coin de notre
hiftoire. Pafquier l’a rapporté avec une froideur
qui n’étoit pas propre à tirer ce fait de l’obfcurité.
M. de Sacy, de l’académie françoife , efl le premier
qui ait paru en fentir tout le prix , 8c qui fe
foit livré au plaifir de le retracer avec enthoufiafme.
( Voye^ fon Traité de Vamitié, livre fécond. ) Il invite
les auteurs dramatiques françois à traiter ce
fujet. M. le maréchal de Duras crut devoir le pro-
pofer à M. de Belloi.
Les repréfentations du Siège de Calais firent
époque , 8c parurent faire révolution. Le^ confeil
d’Horace, celebrare dôme fie a fa8a, avoit ete trop
négligé ; M. de Belloi eut la gloire de rendre croyable
ce que les anciens nous racontent des Tyrtées
8c des Timothées : il révéla aux François le fecret
de leur amour pour l’état ; il leur apprit qu à travers
leur légèreté, leur malignité, ils portoient au
fond de leur coeur ce fentiment vertueux, toujours
prêt d’éclater au premier cri de 1 honneur. Le
mouvement fut rapide, 8c cet heureux effet eut
été plus général encore, fi l’on n’eut voulu le
rendre univerfel. L’enthoufiafme qui exagère tout,
l’efprit de parti qui corrompt tout , l’intolérance
qui fe mêle à tout, voulurent commander aux efprits
8c les difpofèrent à devenir injuftes. Louer ou
critiquer le Siège de Calais , fut une affaire d état ;
Ja pièce 8c l’auteur devinrent des objets facrés
comme la patrie elle - même ; reprendre un vers