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fa fermeté en contraire avec l’air effrayé, abattu, du
lieutenant-criminel Maillard, qui le menoit à la
mort. Ce contrafte a fourni à Marot une épigramme
contre ce juge :
Lorfque Maillard , juge d'enfer, me noie
A Montfaucon Semblançai l’aine rendre ,
A votre aùvis , lequel des deux tenoit
Meilleur maintient Pour le vous faire entendre ,
Maillard fembloit homme que. mort va prendre, .
Et Semblançai fut fi ferme vieillard ,
Que l'on cuidoit pour vrai qu’il menât pendre
A Montfaucon le lieutenant Maillard.
D’autres difent que Semblançai montra dans ces
affreux momens une foibleffe bien pardonnable à
fon âge & à fon malheur ; qu’il pleura beaucoup
fur la rigueur de fon fort & fur l’injuflicé atroce
qu’il éprouvoit, qu’il fe flatta même que le roi
ne la laifferoit point confommer ; qu’étant arrivé
à une heure après-midi à Montfaucon, il obtint à
force de prières qu’on différât l’exécution jufqu’à
fept heures , pour donner le temps à la grâce d’arriver
; qu’ennn lorfqu’il eut appris, par le prêtre
qui l’exhortoit, que le roi étoit inéxorable, il s’abandonna
au boureau en gémiffant, & en s’écriant:
Je reconnois trop tard qu'il vaut mieux •fervir le
maître du ciel que ceux de la terre ; f i f i avais fait
pour Dieu ce quefai fait pour le roi , fe n recevrois
une autre récompenfe
C ’eft à cette horrible aventure qu’il faut attribuer
la haine attachée encore aujourd’hui au nom
de la duçheffe d’Angoulême. Abufer du pouvoir
pour faire périr un innocent, en le chargeant de
les propres crimes, c’eft fans doute l’attentat le
plus énorme que l’on puiffe commettre contre
l’humanité.
La cour conferva long-temps avec amertume le
fouvenir de cette violence. Brantôme rapporte une
anecdote que la duçheffe d’Usès lui avoit apprife ;
elle avoit été dans fa jeuneffe attachée à la du-
cheffe d’Angoulême , & toujours, dit Brantôme,
fûrt éveillée de quelque bon mou Le roi l’appelloit un
. jour fa fille ; à ce nom elle fe mit à pleurer. « Sire ,
dit-elle, « apres le traitement que vous ave% fait à
votre père, que ne doit pas craindre votre fille ? n
Le roi ne fit que fburire de cette leçon, mais la
duçheffe d’Angoulême la trouva fort mauvaife.
On a remarqué que ce titre de père fembloit avoir
été plus d’une fois fatal aux fujets à qui les princes
l’ont donné. Néron le donnoit à Corbulon, l’empereur
Commode au préfet Julien, François î
à Semblançai , Charles IX à l’amiral de Co-
ligny. Néron & Commode firent périr, l’un Cor-
bulon , l’autre Julien , François .I fit pendre
Semblançai, Charles IX fit égorger l’amiral de
Coligny. Mais ces petites obfervations n’ont qu’un
petit mérite de Angularité ; & le même Charles IX
donnoit le même titre de père à Ville roy, dont la
carrière fut brillante & heureufe.
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La perfidie de Prévôt à l’égard du furintendanf;
lui valut une place de général c-es finances , & le
fit nommer commiffaire à la confifcation de celui
qu’il avoit trahi.
Le furintendant étoit fils de Jean de Beatme,
argentier des rois Louis XI & Charles VIII. De
trois fils que laiffa le furintendant, l’un fut archevêque
de Tours , l’autre évêque de Vannes ;
Guillaume , l’aîné , fut banni, quand fon père fut
pendu ; mais en 1529 il fut rétabli dans fes biens
& dignités. Renaud de Beatme , archevêque de
Bourges , entre les mains duquel Henri IV fit fon
abjuration dans l’églife de faint Denis le dimanche
25 juillet 15-93-, étoit fils de Guillaume.
BEAUPOIL, (Hifl. de Fr.) Nom d’une ancienne
famille de Bretagne , dont étoient, le marquis de
Saint-Aulaire , célèbre par les agrémens de fon ef»
prit, & par fon heureufe vieilleffe , reçu à l’académie
françoife en 1706 malgré Boileau, mort à
Paris le 17 décembre 1742 , dans fa quatre-vingt-
dix-huitième année : 8c le marquis de Lanmari,
ambaffadeur de France en Suède, mort à Stockolm
le 24 avril 1749.
BEAURÀIN , (Jean de) {Hifl. litt. mod. )
géographe du roi, difciple de Pierre Moulart San-
fon , fut employé dans fa partie à l’éducation de
M. le Dauphin, père de Louis XVI. Il eft principalement
connu par fa defeription topographique
8c militaire des campagnes du maréchal de Luxem-»
bourg, depuis 1690 jufqu’en 1694, Paris, 1756,
trois volumes in-folio. Né en 1697. Mort le n
février 1771.
Son fils, qui fuit la même carrière, a donné de
même la campagne de 1674 du grand Condé ,
Paris, 177$, in-fol. 8c prépare celles du vicomte
de Turenne.
BEAUSOBRE, ( Isa a cd e ) {Hifl. litt, mod.)
né à Niort en 1659, fe réfugia en Hollande , pour
échapper à la perlécution allumée contre les pro-
teftans , parmi lefquels il s’étoit fait remarquer. Il
avoit; été condamné à faire amende honorable ,
pour avoir brifé les fceaux du roi appofés a la porte
d’un temple, après que l’exercice public de la religion
proteftante eût été défendu. Il paffa à Berlin
en 1694; il fut fait chapelain du roi de Prüfte, &
çonfeiller du confiftoire royal. On a de lui plu-
fieurs écrits polémiques 8c autres. Son Hifloire
critique du manichéifme eft fur-tout eftimée. Ses
fermons font affez connus. Il a beaucoup travaille
à la Bibliothèque germanique. Mort en 1738.
B E AU V AU , {Hifl. mod.') grande & illuftre
Ittaifon, originaire d’Anjou, 8c qu’on croit defeen-
due de ces anciens comtes d’Anjou , qui ont donné
une fuite de fénéchaux héréditaires à la France,
une longue fuite de-rois à l’Angleterre , une autre
fuite de rois à Jérufalem. On rapporte deux preu-»
ves générales de cette defcendance, l’une, que,
comme le porte un titre de l’abbaye de S. Serge
d’Angers, Raoul , feigneur de Beauvau 8c • de
Jarzé, rendit hommage en 1025 au comte d’An-
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jou, l’épée au côté , & le chapeau fur la tête, à
caufe de la parenté, cum gladio & birètta propter
parentagium ; au lieu que les autres feigneurs s’ac-
quittoient de ce devoir à genoux, tête nue, &
fans épée. La fécondé preuve fe tire de la chronique
d’Anjou; on y voit que la nobîeffe de cette
province marchoit toujours fous la bannière de
Beauvau, ce qui prouve que les comtes d’Anjou
reconnoiffoient les feigneurs de Beauvau pour leurs
parens ; euffent-ils fouffert que la noblefte de leurs
états marchât fous une bannière étrangère ?
Et Foulques l’Angevin , feigneur d'un beau vallon ,
Qui fit prendre à fes fils de Beauvau le furnom.
dit l’auteur du poëme de Charlemagne.
Les principaux perfonnages de cette maifon
font :
i ° . Foulques I I , tué à la guerre contre les infidèles.
. '
2 0 . René, mort en 1266, des bleffures qu’il
avoit reçues à l’expédition de Naples , où il avoit
fuivi Charles, comte d’Anjou , frère de faint
Louis.
30. Jean I I I , & Pierre fon fils , qui rendirent
dutiles fervices aux rois de Naples Louis I , Louis II
8c Louis III de la fécondé branche d’Anjou de la
maifon de France.
4°. Ifabeau de Beauvau, mariée en 1454 à
Jean de Bourbon, fécond du nom , comte de
Vendôme. François de Bourbon, leur fils, fut le
bifayeul de Henri IV. On a remarqué qu’au moyen
de cette alliance, formellement reconnue par
Louis XIII & Louis X V , rois de France", &
par Jacques DI, roi d’Angleterre , d’ailleurs conf-
tante,, toutes les têtes couronnées de l’europe
defeendent de la maifon de Beauvau.
50. Jean I V , oncle d’Ifabeau, chambellan de
Louis XI & du roi René. Achilles de Beauvau,
fon bâtard, fut digne de ce nom par /a valeur.
6°. Louis de Beauvau, mort en 1596, avec la
réputation d’un grand général. Il s’étoit formé fous
lé fameux prince de Parme, Alexandre Farnèfe.
70. Henri I , fameux par fes fervices & fes
voyages. Ce fut lui qui fut chargé de négocier
avec Rome pour le mariage du duc de Bar avec
Catherine, feeur de Henri IV.
8°, Le marquis de Beauvau , fon fils, dont
nous avons les Mémoires.
90. Paul, tué à la batailled’Hochftet en 1704,
oncle de M. le maréchal de Beauvau.
io ° . Louis-Antoine , coufin-germain de M. le
maréchal de Beauvau, illuftre par fes talens, &
pour la guerre , & pour les négociations , par fes
fervices & fes exploits dans les campagnes de
Philisbourg, de Prague & de Menin, mort glo-
rieufement fous les yeux du roi Louis X V , en fe
rendant maître du chemin couvert d’Ypres le 23
juillet 1744, à trente-quatre ans.
1 1 J. Marc , père de M. le maréchal de Beau-
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vau, grand d’Efpagne, prince du Saint-Empire,
grand écuyer, miniftre plénipotentiaire , chef du
eonfeil de régence à Florence, du duc de Lorraine,
grand duc de Tofcane . depuis empereur.
i2°, Alexandre de Beauvau-Craon , frère
de M. le maréchal de Beauvau, colonel du régiment
de Hainault, tué à dix-neuf ans à la bataille
de Fontenoy, le 11 mai 1745.
Tu meurs, jeune Craon ! que le ciel moins févère
Veille fur les deftins, de ton généreux frère !
Poëme- de Fontenoi•
Ce frère , chef aéhiel de la maifon de Beauvau
eft grand d’Efpagne, prince du Saint-Empire, capitaine
des gardes du roi de France, chevalier de
fes ordres, gouverneur de Provence, maréchal
de France, l’un des quarante de l’académie françoife,
honoraire de l’académie des belles-lettres, &e,
digne de tous ces titres,
Qui te Follio , amat, veniat quo te quoique gaudet.
Les branches cadettes de cette maifon ont fourni
aufli beaucoup de citoyens utiles, 8c de guerriers
illuftres. La branche de Rorte, François y dit de
Nerlieu, mort au fiège de Bofleduc en 1620. La
branche de Pange, Jean, tué à la bataille cf’Ivry
en 1590. La branche de Précigny, Bertrand &
Antoine , fon fils, premiers préfidens laïcs de la
chambre des comptes vers la fin du quinzième
fiècle. La branche de T ig n y , Charles-René, tué
à la bataille de la Marfaille le 4 oâobre 1693 ;
Claude-Charles, fon frère, qui étant moufquetaire,
entra le premier dans la ville de Valenciennes ,
lorfqu’elle fut prifepar les moufquetaires en 1677 ;
Il fut bleffé à la bataille de Fleurus le premier
juillet 1690. La branche du Rivau, Pierre , mort
des bleffures reçues à la bataille de Caftillon ,
contre les Anglois en 1453 ; François , tué en 1569
à la bataille de Jarnac ; Jacques , mort des bleffures
reçues dans un combat contre un parti de
la ligue en 1592 ; un autre Jacques, in faveur duquel
la terre du Rivau fut érigée en marquifat le
14 juillet 1664. La branche de Rivarennes,.
Martin, tué à la bataille de Senef en 1674; Jacques,
tué à la bataille de Caffel le 11 avril 1677.
La maifon de Beauvau a produit aufli plufieurs
prélats d’un mérite diftingué. Jean, évêque d’Angers,
bienfaiteur du cardinal Balue, 8c, pour un
temps , viélime des intrigues de cet ingrat. ( Voye%
Balue. ) Gabriel, 8c Gilles-François , fon petit-
neveu, évêques de Nantes, l’un en 1636, Faut-re
en 1677. Pierre-François , évêque de Sarlat, mort
en 1701, fur-tout René-François, archevêque de
Narbonne, élève & neveu du précédent.. Louis
XIV l’avoit nommé , en 1700, à l’évêc-hé de
Bayonne, puis en 1707, à l’évêché deTournay.
Cette dernière place ayant été prife en 1709 par
le prince Eugène, M, de Beauvau refufa de faire