'CSS B OS
3> chez, clifoît-on aux catholiques , notre confor-
s» mité avec des gens qu’il vous plaît d’appeller
» hérétiques ; cette conformité fait notre gloire.
Nous continuons la chaîne des vrais fidèles qui
y> fe font fepafés d’une églife adultère, lorfqu’au
» commencement du quatrième fiècle vous ac-
» ceptâtes ces dons empoifonnés, ces dotations
J> illégitimes, ces grandeurs temporelles anathé-
» matifées par l’évangile. Nous allâmes fous le
» nom de Vaudois pleurer dans le filence & dans
» la folitude, la dépravation de l’égliiè, la chute du
» pape Sÿlvefire, & le culte fimple & pur dé nos
■ j) pères profane par tant de cérémonies payennes.
>> Nous nous femmes cachés à vos yeux ; qüand
j» vous avez pu nous découvrir, vous nous avez
J> perfecutes, nous n’en avons que mieux reffemblé
j> aux premiers chrétiens , & vous à leurs bour-
» reaux. Nous protefions aujourd’hui plus que
» jamais fous d’autres noms contre votre idolâtrie
» & votre tyrannie , & parce que nous vous
j> rappelions à la pureté de l’évangile, vous nous
j> appeliez novateurs, comme fi vous aviez pu
s> prefcrire contre l’évangile , comme s’il y avoit
» cTautre nouveauté que d’abandonner cette loi
» fainte ».
. Les Vaudois ne fe corrtentoient pas d’une origine
fixee au temps deConfiantin, ils imaginèrent une
tradition qui remontoit jufqu’à l’àn 120 de Père
chrétienne, epoque où l’égiife étoit une, parce
qu’elle étoit pure. Depuis ce temps leurs prédé-
ceffeurs n’avoient ceffé de s’oppofer aux abus qui
dès-lors commençoient à fe gliffer dans leglife , &
eux fouis étoient refiés, entièrement purs. Ainfi
fes protefians remontoient par les Vaudois jufqu’au
commencement du fécond fiècle, & là ils fe con-
fondoient avec la primitive églife.
Mais un fouffle du favant Bojfuet renverfo tous-
ces châteaux de cartes. Il fait voir aux protefians r
i G- Que les Vaudois n’ont rien de commun
avec les Albigeois, que les Albigeois ou Petro-
Brufiens, ou Henriciens, ou Touloufoins, ou Bulgares.
, ou Cathares, ou Poplicains, ou Patariens,
car ils ont eu tous ces noms, font de vrais Manichéens;
il demande aux protefians s’ils veulent
l’être y & fi le maniejiéiïme efi cette chaîne de '
.vérités prolongée jufqu’à eux..
Il montre, 2Q; que la fo&e des Vaudois ou
Infabbattés ou pauvres de Lyon , ne remonte qu’à
Fan 1169. Or que gagneroient les protefians à
remonter jufques-là ? Il refieroit toujours cette
cmbarraflante quèfiiom: Où étoit Véglife avant 1160 ? •
3°-M. Bojfuet fait voir aux protefians- des différences
fi énormes entre leur doârine & celle des
Vaudois, qu’il n’efi pas poflible de rapporter les
uns & les autres à la même églife..
Il leur enlève de même les Viclefites, qui d’ailleurs
ne font que du quatorzième fiècle, les Huiii-
te s , foit Taborites, foit Calixtins,. qui ne font que
du quinzième, & les frères de Bohême , nés‘de j
B O S
ceux-ci en 1457 feulement, de forte qu’il les réduïf
à leur origine connue du feizième fiècle;
A la vanité des fyfiêmes, & à la folie dès fables ^
la réforme ajouta le ridicule des prédiéfiôns pour
donner courage aux protefians perfécfités leur’
annoncer par des indudions & des calculs tirés de
l’apocalypfe , la fin de la perfécution , c’eft-à-dire ,
la mort de Louis XIV ou celle de M. de Louvûis.
M. Bojfuet tantôt daigne réfuter prefque férieufe-
ment celles de ces folies qui pourroient avoir pour
les foibles quelque chofe de fpécieux, tantôt fe
contente de livrer ces vifionnaires à tout le ridkuler
de leurs vifions.
A travers foutes ees difcuflions ou épineufes par
la nature du fujet ou plaifantes par l’abfurdité des
erreurs réfutées, on re'connoît l’éloquent Bojfuet
à fes élans, à de certains traits philofophiques &
; profonds, qui n’appartiennent qu’à lui,: tels que
celui-ci, par exemple.
n On parle toujours dès flatteurs dès princes-ÿ-
» oc on ne dit rien des flatteurs des peuples;-
» Tout flatteur, quel qu’il foit, efi toujours un ani-
” mal traître & odieux : mais s’il falloir comparer’
” flatteurs des rois avec ceux qui vont flatter
” dans le coeur dès peuples, ce fecret principe
» d-’indocilité & cette liberté farouche, qui efi là'
” caufe des révoltes , je ne fais lequel ferôit le
*» plus honteux».
Luther , Calvin , Théodore de Bèze, les princi--
paux chefs de la ' réforme , devenus perfécuteürs;
après avoir été perféeutés, difoient : Jefus-Chrifi
ejt venu pour jetter le glaive au milieu du mondei-
« Ayèugles, s’écrie M. Bojfuet, qui ne veyoiènt pas;
» où qui ne vouloient pas voir quel glaive Jefus-
ri Chrifi avoit jette , & quel fang il avoit-faitrépan-
» dre : il efi vrai que les loups , au milieu defquels-
» il envoyoit fes difciples, dévoient répandre le
» fàng de fes- brebis- innocentes, mais avoit-il dit
» que fes brebis cefferoient d’être brebis & ré-
» pandroient à leur tour le fang des loups ? L ’épée*
» des perféeuteurs a été tirée contre les- fidèles ,•
|. » mais les fidèles tiroient-ils l ’épée ? »
Si les brebis ne verfent point le fang des loups
à plus forte raifon ne fe transforment-elles pointr
.en loups pour égorger les brebis égarées. On de-
! fireroit qu’un prélat d’une auffi grande autorité que
Bojfuet, eût voulu s’expliquer plus nettement fur
l’abus cruel de livrer les hérétiques au fupplice. Il
attribue aux princes chrétiens le droit d’employer'
le glaive contre leurs fùjets ennemis dè Téglife ±
le droit, dit-il, efi certain , mais , ajoute-t-il, ( &
puiffent tous- les fouverains faire la plus grande;
attention à ce mot ! ) mais la modération n’en ejl pas
moins nècejfaire. Qu’elle foit donc fans bornes &
fans réferve cette modération, & pourquoi faut-il
que Bojfuet cherche à excufer une rigueur qu’il ne;
fauroit approuver ?.
» On J ait, dit-il, que les loix romaines condam-
n notent"à, mort les Manichéens »,
Mais les loix romaines ne pouvoient- elles
B O S
avoir fort, & toutes les loix font-elles également
bonnes ?
Le faint roi Robert , ajoute-t-il, les jugea dignes
du feu.
Le roi Robert rie peut - il pas s’être trompé ?
Peut-on s’en rapporter aveuglément aux lumières
du fiècle où il vivoit ?
Les jéfüites auteurs de l’hiftoîrè de l’églrfe gallicane'
font prefque ouvertement l’apologie de
i?inquifition & de fes bûchers; on voit qu’ils fe
complaifent dans l’énumération & dans la defcrip-
tion des tourmèns qu’on faifoit fouffrir aux hérétiques.
Si les Jurieu * les Bafnage & tant d’écrivains
protefians prennent le parti de la nature contre un
zèle qui paroît l’outrager, ees auteurs leur oppofem
ce paffage de M. Bojfuet : « Il y a un endroit faut
cheux qui fe préfente toujours .à la mémoire lorfque
» ces mejjîeurs nous reprochent la perfécution des
ii hérétiques , c’efl l’exemple de Servet & des autres
ày que Calvin fit bannir ou brûler par la république de
» Genève, avec Vapprobation exprejfe de tout le parti ;
s? à quoi le même prélat ajoute l’exemple de tous
» les états protefians, qui ont décerné des peines
j> très - fevères contre les catholiques ; tout le
*j monde fait aufii comment le parti Gomarifte
» traita celui des Arminiens en Hollande, com-
s> ment les Puritains d’Angleterre en usèrent à
» l ’égard du roi Charles I , protecteur des épif-
» copaux JJ,
A tout cela, il n’y a peut-être qu’un mot à répondre.
Récriminer ce n’eft pas fe jufiifier. Calvin ,
les Gomariftes , les Puritains avoient-ils raifon, &
faut-il lés imiter ? Ils avaient tort, dira-t-on, parce
qu 'ils défendoient l’erreur ; mais nous, nous défendons
la vérité. Eh! n’eft-ce pas une raifon de plus pour
ne point employer la perfécution ?
Les ouvrages théologiques de Bojfuet lui procurèrent
la plus grande gloire à laquelle un-théo4-
ïogien puiffe afpirer, celle d’opérer plufieurs con-
Verfions éclatantes; on fait que fon livre de Yex-
pofition de la foi acheva de décider M. de Turenne
à faire fon abjuration , il convertit’ Peliffon &
Brueys ; celui-ci avoit voulu par vanité, fans doute,
difputer contre Bojfuet , il fut écrafé, & eut la
bonne foi de fe rendre ; mademoifelle de Duras,
dame d’atour de Madame, defira d’éntendre M..
Bojfuet & le minîfiré Claude conférer devant elle
fur les matières controverfées entre les catholiques
& les protefians ; la conférence fe tint chez madame
ia comteffe de R-oye, le premier mars 1678. Claude
fut vaincu , & mademoifelle de Duras fit fon abjuration.
Un incrédule ‘ayant entendu prêcher
Bojfuet, dit : Si je pouvais être converti, ce ne pourrait
être que par lui,
M. Bojfuet étoit l’oracle du Clergé aufli-bien que
des fimples fidèles. Ce fut lui qui, en 168a , fut
chargé de défendre les libertés de F églife gallicane,
& les quatre fameux articles de l’affemblée du
Clergé,
On a de lu i, dit M, de Yoltane, cinquante-tm•
Ê O S '669
ouvrages ; mais ce font fes oraifons funèbres ,
fon difcours fur VKifioire univerfelle qui font conduit
à l’immortalité. Ce difcours fur i’hifioire univer-
felle , ouvrage fi fubfiantiel, fi fécond en réfiiltàts,
& d’une concifion fi inftruâive, prouve qu’il avoit
toujours au befoin l’éloquence propre du genre
qu’il traitoit. Dans fes oraifons funèbres-, il déployé
toute la grandeur de Dieu, toute la misère de
l’homme, toute la majefté.de la religion. Sa profe
efi prefque par-tout, & dans fa familiarité même,
i-mpofante Comme les vers d’Athalie. Il fait delà
langue un ufage inconnu jufqu’à lui ; il la plie, il
la dompte, il lui imprime fon caraélère de prophète
& d’homme infpiré ; il la rend digne de diéler les
oracles de la divinité. Les grands effets, les rnou-
vemens qui entraînent, le ton qui fubjugne ne
font qu’à fon ufage. On a mille fois cité cette
exclamation qui étonne à force d’être naturelle.
O nuit défafireufel O nuit effroyable, Sce. M. Thomas-
& M. d’Âlembert ont cité avec admiration la fin-
de rora-ifon funèbre du grand Condé.
j> O prince ; le digne fujet de nos louanges & de
» nos regrets. . . . . . . Agréeç ces derniers efforts
jj d’une voix qui vous fut connue. Vous mettre^ fin à
»■ tous ces ' difcours. Au Lieu de déplorer la mort dès
» autres, grand prince , dorénavant je veux apprendre
» de vous à rendre la mièiine fainte : Heureux , Ji
» averti par ces cheveux blancs, du compte que je
33 dois, rendre de mon adtninijlration , je réferve au
» troupeau que’je dois ndurrir.de la parole de vie
m les défiés d’une voix qui tombe, & d’une ardeur
» qui s’éteint.
» Dans cette péroraifoh touchante, dit M. Thomas
, » on aime à voir l’orateur paroître & fe
» mêler lui-même fur la fcène. L’idée impofante
y d’un vieillard qui célèbre un grand homme , ces=
y cheveux blancs, cettë voix affoiblie, ce retour
>. fur le paffé, ce coup-d’oeil ferme & trifie fur
y l’avenir , les idées de vertus & de talens, après
’» les idées de grandeur & de gloire ; enfin là
jj mort de l’orateur jettée par ltii-même dans le
» lointain, & comme apperçue par les fpeaateurs ,
» tout cela forme dans l’âmè un fentiment profond
y qui a quelque chofe de doux, d’élevé, de mé-
» lancolique & dé tendre. Il n’y à pas jufqu’à
y l’harmonie de ce morceau qui n’ajoute au fen-
y timerft , & n’invite l’aine à fe recueillir , & à
y fe repofer fur fa douleur
y La réunion totichante, dit aufii M. d’Alern-
bert, » què préfente ce tableau, d’un grand homme
y qui n’efi plus, & d’un autre grand homme qiii
y va bientôt difparoître y , pénètre Famé d’une
» mélancolie douce & profonde , en lui faifant en-
»■ vifager avec douleur l’éclat fi vain & fi fugitif des
»■ talens & dé la renommée, le malheur de la eon-
» dition humaine, & celui de s’attacher à une vie
» fi trifie & fi eoùrte «.
Pour nous , fi nous avions à cîioifir dans les
oraifons funèbres, de Bojfuet, le morceau le plus
propre à donner une idée de fon éloquence &. de