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B A Y A R D , ( le chevalier, Pierre du T er-
r a il ) {Hifi. de Fr.) La vie du chevalier Bayard
a été ' écrite par fon' fecrétaire , qui ne s’eft pas
nommé ; elle a paru pour la premièreiois en r 5 2 7 ,
trois ans après la mort de Bayard. L’ame de ce
héros y paroît réunir toutes les vertus, fans aucun
mélange de défauts. On pourrait croire, ou que
fauteur a été aveuglé par fon zèle, ou qu’il n’a
voulu que préfenter aux hommes un modèle chimérique
& inimitable, fi fon récit n’était confirmé
par celui de tous les hiftoriens contemporains,
foit françois, foit étrangers , tels que Jean d’Auton,
Martin & Guillaume du Bellai-Langei, Symphorien
Champier, Gnichardin , Paul-Jove, Galeas Capella
Mambrino Rofeo, &c. Cette vie n’eft qu’une fuite
d’exploits étonnans & d’aéfions vertueufes. Toujours
vainqueur dans les tournois* dans les combats fingu-
liers, hardi dans les .coups de main, favant dans
les expéditions plus importantes , il fut le plus
grand des guerriers. Doux, fimple , modefle dans
la fociètè , amant délicat, ami fincère, franc chevalier,
pieux, humain, libéral, il fut le meilleur
des hommes. On ne lit point, fans verfer des larmes
de tendreffe , d’admiration & de plaifir, , tout ce
qu’il a fait pour l’humanité, pour la gloire , &
pour la galanterie. La bienfaifance, qui embellit
& anima toutes fes vertus , joint un intérêt touchant
à l’éclat inipofant de fa réputation.
Blefle mortellement à l’affaut de Brefle , il fut
porté dans une maifon ennemie, qui s’attendoità
toutes les horreurs du pillage ; le maris’étoit enfui
dans un couvent; deux jeunes filles, malheureu-
fement belles, s’étoient cachées dans un grenier,
pour éviter la brutalité du foldat : leur mère tremblante
n’efpéroif' rien de ces précaution£. Bayard
raffemble cette famille éperdue , la raffure , a
confole, la met à l’abri de tout péril, refufe la
rançon qu’on lui offre, reçoit un prefent de la
mère pour ne la pas défobüger , le rend a fçs fillçs,.
& joignant toujours :1a galanterie à la generoüte,
reçoit d’elles deux bracelets, & d’autres petits ou-
vra»es qu’il promet de garder t'oùjours.pour l’amour
d’elfes. Père, mère, filles, tout pleure a fespieds
de joie & de reconnoiffance, Bayard pleure avec
eux leur jure lui-même une reconnoiflànce éternelle,
& leur laiffe, en partant, des regrets qu<=
n’infpire guèrès.jle: départ;d’un .ennemi.
U n ‘officier envoyé, pour Ceeoniei Bayard dans
un coup de main, dont Bayard fehl eut tout l’bon-
ùéur, réclama la moitié du. butin, qui etoit m -
menfe ; Bayard foutint. tes droits , & le confeil
de guerre jugea en fa faveur. Bayard entendit
cet officier regretter amèrement la fortune qui
lui èchappoit : uNous ferons donc riches tous
» deux, dit-il, cette fortune que vous difpuneza
„v o tre fupérieor, recevez-la de votre ami. Il lui
„ donna fa moitié & dififUJua 1 autre aux fols>
dats. » ■ . & , 1 1
La misère avoit force une mere de vendre la
beauté d’une fille honnête & vertueufe, aux plai-
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firs de Bayard. Les larmes, le défefpoir de cett6
fille inftruifent Bayard de fon innocence; il ref*
pe&e la fille , il réprimande la mère, il marie cette,
fille à fon amant, il la dote, il met la mère à l’abri
de la misère ; il fait trois heureux, il l’eft lui-
même.
Telle fut l’ame de Bayard'. Pour fes exploits,
ils remplirent toute l’hiftoire de fon temps ; il
a^pit commencé à fe fignaler fous Charles. V III,
a- ' la journée de Fornoue ; fa gloire militaire il-
luflre le règne entier de Louis XII, & les neuf
premières années du règne-de François I. Depuis
qu’à l’exemple d’Horarins Codés, il avoit défendu
leul contre les Efpagnols , un pont fur le Gariglian
& fauyé.l’armée françoife, en retardant la marche
de l’ennemi vainqueur , il avoit pour devife un
porc-épic, avec ces mots faits pour lui feul. Vires
agrninis nnus habet.
C ’étoit aufli, avec les mots : cojninàs & eminus ,
celle de Louis XII , qui peut-être* voulut la partager
avec lu i, comme François I après la bataille
de Marignan, où Bayard s’étoit furpaffé ,
voulut être- armé par lui chevalier.
Bayard étoit d’un fang refpe&able, toujours dévoué
à la patrie, toujours verfè pour elle. Avant
la réunion du Dauphiné à la France, fes ancêtres
mouroient pour les dauphins de Viennois , dont
ils étoient iujets, ils moururent pour leurs Rois
depuis la réunion. Le trifayeul du chevalier fut
tué fous les yeux du roi Jean à la bataille de Poitiers;
fon bifayeul, à la bataille d’Azincourt; fon
’ ayeul, à celle de Montlhéry ; fon père, fut mis
hors de combat à la journée de Guinegafte, par
une grande; blefïùrequi lui ôta pour toujours l’u- .
; fage d’un bras ; le chevalier mourut à la retraite
de Ronsagnano. Les du Terrails ne furvivoient
guères aux malheurs de la France , quand ils pou-
yoient obtenir la mort. |
Plufieurs auteurs confondent cette retraite de
Romagnano où périt Bayard , Sc où. il : s’agiffoi*
; de paffêr , à la vue d’un ennemi fiipérieuren
forces* la rivière-de la Sefii-a, entre Romagnano
8c Gattiiiàra, avec l’affaire de Rébec ; parce que
Bayard, accoutumé d’ailleurs à vaincre , fut malheureux
dans ces deux expéditions. C’eft une erreur
où on tombe affez communément, pour qu’il
puiffe être utile d’en avertir].
L’amiral de Bonnivet qui, par des mcfures mal
prifes , avoit fait battre à Rébec le V chevalier
Bayard, ayant été. mis hors.de combat au paflage
de la Sema, & voulant échapper au connétable
de Bourbon, fon ennemi petfonnel,, qui le pour-
fiiivoit , manda le chevalier Bayard : « Vous
» voyez ,’ lui ditdl, que je. ne. fuis plus en état ni
» de combattre , ni de commander ; je vous re^>
» mets le fort de l’armée, fauvez-la, s’il eft pôfli-
>t ble. » Il eft bien tard, lui répondit Bayard* em-
core fenfible à l’affaire de Rébec ; mais n’importe,
mon ame ejl à Dieu & ma vie à tétât. Je vo.us:prOi
mets de fauver l’armée aux dépens de mes jours*
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Vandeheffe, à qui Bonnivet confia l’artillerie, en
jura autant ; 8c tous deux ne tinrent que trop
bien parole. Vandeneffe fut tué fur la place , d’un ;
coup d’arquebufe à croc. Le chevalier Bayard en
reçut un aufli dans les reins , qui lui fit crier ,
Jéfus , mon Dieu! je fuis mort. Il mourut comme
il avoit. vécu. Ses dernières actions portent le caractère
de cette fimplicicé héroïque oc chrétienne,
qu’il avoit fignalée toute fa vie. Au défaut de croix,
il baifoit la croifée de fon épée ; n’ayant point de
prêtre , il fe confeflbit à fon maître d’hôtel, il con-
foloit fes amis & fes domeftiques, il bravoit fans
orgueil 8c fans foibleffe la rébellion triomphante.
Pleure^fur vous y Monfieur, dit-il au connétable de
Bourbon, qui s’atténdriflbit à la vue de ce héros
expirant, pleure^ fur vous-même y pour moi je ne
fuis point à plaindre. Je meurs en faifant mon devoir,
vous triomphe^ en trahijfant le vôtre. Vos fucces font
affreux , & le terme en fera funefie.
La retraite des François ayant laifle Bayard entre
les mains des Impériaux, le marquis de Pefcaire
lui rendit tous les honneurs qu’il aimoit a rendre
à la vertu, quand elle n’étoit plus à craindre ; il
le fecourut mourant, il le pleura mort, 8c les regrets
dont les Êfpagnols honorèrent la cendre de
Bayard, ne le cédèrent point à ceux des François.
Bayard n’avoit que des admirateurs 8c des
amis,_ parmi les ennemis mêmes, qui avoient plus
d’une fois éprouvé fa générofité, lorfque le fort
des armes les avoit fait tomber entre fes mains.
Bayard mourut en 1524, âgé de quarante-huit ans.
Il n’étoit point marié. Il lama uno fille naturelle.
Les principaux évènemens de fa vie , les principaux
traits de fon oaraâère , font habilement
fondus dans la tragédie connue de Gaflon & Bayard.
B A YER , (Hïfl. lïtt. mod. ) c’eft le nom de deux
fovans dans des genres -différens, l’un ayeul, l’autre
petit-fils. L’ayeul , nommé Jean , né à Aus-
bourg , mathématicien 8c aftronome habile , publia
en 1603, fous le titre de Uranometria, une
defcription des conftellations.
Le petit-fils, nommé Thèophile-Sigefroy, s’attacha
particulièrement à l’étude d^s langues, même
du Chinois:: il fut bibliothécaire à Konisberg, puis
pîofefleur des antiquités Grecques 8c Rbmaines, ’
à Péfersbourg. On a de lui le Mufoeum finicum,
imprimé en 173»© , 2 vol. in-8°. Hifloria regni
Baêlriani , 1738 i/z-40. 8c quelques autres ouvrages;
il mourut à Pétersbourg, cette même année
1738.
B A Y L E , ( Pierre ) ( Hift. liu. mod. ) Defmai-
feaux a fait une vie énorme de Bayle. Toute la
vie des gens de lettres efi dans leurs ouvrages ;
il eft rare que ces hommes paifibles 8c retirés ayent
d’ailleurs une hiftoire bien chargée d’évènemens.
Bayle naquit au Carlat, petite ville du comté de
Foix, en 1647. Il fut élevé dans le Calvinifme.
11 touchoit encore à l’âge de l’enfance, lorfqu’un
curé lui fit abjurer cette doârine ; mais il ne tarda
pas à rentrer dans la communion qu’il avoit quittée.
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Il craignit les édits contre les relaps , qui déjà
préparaient la révocation de l’édit de Nantes 8c
les dragonades , il s’enfuit en Suiffe. En 1675, il
difputa 8c obtint au concours une chaire de phi-
lofophie à Sedan ; mais elle fut fupprimée en 1081,
8c Bayle fut obligé de fe retirer à Rotterdam. D’abord
la renommée l’y annonça favorablement, 8c
fit créer pour lui une chaire de philofophie 8c
d’hiftoire; mais bien-tôt il y retrouva la perfé-
cution. Le miniftre Jurieu , dont le fanatilme a
fait tant de tort à fa fefte, devint pour lui un
ennemi implacable , foit comme le difent quelques
auteurs, parce que le philofophe étoit trop
bien avec fa femme, foit parcequ’il réfuta mieux
que lui l ’hiftoire du calvinifme du P. Maimbourg.
D ’un autre côté, le roi d’Angleterre Guillaume III,
flathouder de Plollande , qui gouvernoit defpoti-
quement les Pays-Bas, 8c qu’on appelloit roi de Hollande.
& flathouder d’Angleterre, eut polir fufpeél
un françois 8c un philofophe, dont les écrits publics
8c particuliers tcndoient à infpirer la paix,
tandis que Guillaume ne refoiroit que la guerre
8c ne cherchoit qu’à embrafer l’Europe. Sa politique
fombre 8c inquiète féconda les fureurs de
Jurieu , 8c les magiftrats de Rotterdam eurent
ordre, en 1696, d’ôter à Bayle fa chaire 8c fa
penfion. L’étude lui tint lieu' de tout; la fortune
n’étoit rien pour cet homme vraiment defintéreffé.
Sa vie plus tranquille 8c plus indépendante en
fut plus heureufe. Son Didionnaire qui parut en
1697 , fournit encore des armes contre lui à la
haine de Jurieu, moins par quelques hardicffes 8c
quelques irrévérences qu’on y trouve, que par le
bon eforit , la raifon oc la lumière, qui par-tout
y bleflent les regards du fanatifme 8c de la fu-
perflition; Jurieu fouleva contre Bayle , les pédans
8c les îiiéchans, ce qui eft toujours aifé aux pédans
8c aux méchans ; enfin Bayle chaffé par la
perfécution , de ce pays de liberté, alloit, dit-on ,
chercher la liberté dans un pays réputé alors pays
de perfécution ; la France, fa patrie, lui r’ouvroit
fon fein , le gouvernement lui offrait un afyle ,
avec une penfion de fix mille livres, lorfque la
mort le furprit à Rotterdam , en 1706. Il avoit
59 ans, 8c l’on pouvoit attendre encore de nouvelles
produ&ions d’un homme fi laborieux. On
a tant écrit 8c tant parlé pour 8c contre Bayle ,
que chacun a fon opinion arrêtée fur cet homme
célèbre. Ses écrits font aufli tellement connus,
qu’il nous fuffira d’en rappeller ici le titre. Outre
fon grand Di&ionnaire hiftorique, en 4 volumes
in-folio , dont les meilleures éditions font celles
de 1720 8c de 1740, il a laifle beaucoup’ d’autres
ouvrages qui ont été recueillis en 4 autres volumes
in-folio : fçavoir, i °. Les penjées diverfes fur la comète
qui parut en 1780. z°.Les Nouvelles de la république des
lettres. 30 .L e Commentaire philofophique fur ces paroles
de l’évangile : contrains-les d’entrer. 40. Les
réponfes aux que fiions d’un provincial. c°, Des
. Lettres.