fe replongent dans les révolutions & dans l’anarchie
; mais le fouvenir des jpnrs heureux dont ils
avoient joui fous le gouvernement du maréchal de
Boucicaut les ramena encore plus d’une fois à la
France.
Pendant le temps de fon gouvernement, le maréchal
fit la guerre dans le Levant avec beaucoup
de gloire & fouvent de fuccès ; il fit lever aux
Turcs le fiège de Conftantinople & reconquit
plufieurs places pour l’empereur grec. L’épitaphe
de Boucicaut, qu’on lit à Tours, dans la chapelle
de fa famille , derrière le choeur de l’églife de faint
Martin, lui donne le titre de grand connétable de
l ’empereur, & de l’empire de Constantinople.
Ce fut le maréchal de Boucicaut qui afliégea
dans Avignon l’anti-pape Benoît X III, lorfque
Charles VI las de tous fes fubterfuges & de la
durée du fchifme, voulut le forcer à l’abdication.
Boucicaut fut encore fait prifonnier à la bataille
d’A z incourt, & mené en Angleterre , il y mourut
en 1421. C ’eft un des plus braves guerriers dont
s’honore la chevalerie Françoife.
BOUDIER ( René ) ( Hiß. litt. mod. ) avoit des
talens de toute efpèce, des connoiflances dans tous
les genres , & étoit médiocre en tout ; mais il avoit
beaucoup de moyens de jouiffance, & il les con-
ferva long-temps ; à quinze ans il favoit beaucoup
de langues, il étoit déjà au nombre des littérateurs,
il mourût à quatre-vingt-dix ans à Mantes
au mois de novembre 1723 , oc on ne dit pas qu’il1
eût beaucoup perdu de fes facultés ; il écrivit fur
l’hiftoire Romaine , fur l’hifioire de France, fur les
médailles ; mais il n’eft connu que par cette épitaphe
qu’il fe fit à lui-même, & dans laquelle il nous
paroît un peu févère de vouloir trouver de l’impiété
au dernier vers, comme fi dans ce badinage
le poète eût été obligé de s’exprimer avec une
précifion théologique fur l’immortalité de l’ame.
' J’éteis gentilhomme normand ,
D’une antique & pauvre noblefle ,
Vivant de peu tranquillement
Dans une honorable pareflè :
Sans celle le livre à la main ,
J’étois plus férieux que trifte ; .
Moins françois que grec & romain ;
Antiquaire, archi-médaillifte ;
J'étois poëte, hiftorien . . . . .
Et maintenant je ne fuis rien.
BO U D O T , ( Jea n ) {Hiß. litt. mod.) impri-,
meiir-libraire de Paris, connu par fon petit dictionnaire
latin , corrigé & perfectionné par mef-
fieurs Lallemant.
BOUFFLERS , {Hiß. de Fr. ) ancienne & il-
lufire maifon dePicardie ; elle tire fon nom de la terre
de B o u f f i e r s , fituée dans cette province dans le :
comté de Ponthieu fur la rivière d’Authie, entre
Heidin & Abbeville', terre pofledée de temps im- ,
mémorial & fans interruption par les feîgneurs de
cette maifon.
Ceux d’entr’eux qui appartiennent le plus particulièrement
à l’hiftoire ; font: 1®. Henri qui accompagna
faint Louis aux croifades.
20. Guillaume II fon fils, qui accompagna le
comte d’Anjou, frère de faint Louis , à la conquête
du royaume de Sicile, & qui acquit beaucoup de
gloire à la bataille de Bénévent, où Mainfroy fut
tué en 1266.
30. Aleaume I , petit-fils du précédent, qui fe
fignala l’an 1304 à la journée de Mons en Puelle
contre les Flamands, & dans d’autres expéditions.
4°. Pierre I I , petit-fils du précédent, pris à la
bataille d’Azineôurt.
50. Pierre I I , fils du précédent, député par le
duc de Bourgogne , pour la paix d’Arras en 143$ ,
aida le dauphin à faire lever aux Anglois le fiège
de Dieppe, prit fur eux d’affaut Gerberoy , accompagna
en 1450 Charles VII à la conquête de
la Normandie. Deux de fes fils, Jean & Colard,
furent tués à la bataille de Nanci en 1477.
6°. Jacques I , leur frère aîné , fe diftingua fort
à la bataille de Guinegate en 1479.
7° . Adrien I , fon petit fils à celle de Pavie.
8°. Adrien II , fils d’Adrien I , aux combats de
faint Denis, de Moncontour, d’Auneau.
9°. Robert & Nicolas , petits-fils d’Adrien I I I
chevaliers de Maïthe, furent tués fur les galères de
la religion le 28 feptembre 1644.
io ° . Le plus célèbre de tous, eft le maréchal de
Bouffiers. Le détail de fes fervices & de fes exploits
excéderoit l’étendue que nous pouvons donner à
chaque article ; nous ne parlerons que des prin cipaux.
Elève des Condé, des Turenne, des C réqui,
des Luxembourg, des Catinat, il fut bleffé au
Combat de Woerden en 1673 5 il eut grande
à la viéloire d’Ensheim , du 4 o&obr.e 1674, où il
fut encore bleffé ; il prit poffeflion de Cafal, le
30 feptembre 1681. Au renouvellement de la guerre
en 1688 , il prit Keiferlauter , Creutznach & Op-
penheim ; en 1689 , Kocheim fur la Mofelle; en
1691, il fut bleffé au fiège de Mons & bombarda
Liège. En 1692, il fut fait colonel du régiment des
gardes & bombarda Charleroi ; en 1693 , il- prit
Fûmes le 6 janvier, & fut fait maréchal de France
le 27 mars. En 1695 , il fe jetta dans Namur, qu il
défendit contre le roi Guillaume ; il y fut retenu
prifonnier au mépris de la capitulation, fous prétexte
que les François avoient manqué à d’autres
capitulations précédentes, mais il fut renvoyé au
bout de quinze jours. Ce fut le maréchal de Bouffiers
qui commanda en 1698, le camp de paix qu’il y eut
à Compiègne pour liinftruétion de M. le duc de
Bourgogne ; on y a beaucoup vanté, plus même
qu’il ne le falloit peut-être, la magnificence & la
grande dépenfe de M. le maréchal de Bouffiers ; il
eût été beaucoup plus utile d’apprendre à commander
des camps , foit de paix , foit de guerre,
avec le moins de dépenfe poflible, Les deux chofes
que les hommes ont le plus vantées dans tous les
temps font précifément les deux qui leur font les
plus furieftés : la guerre & la magnificence.
Dans la grande guerre de la fucceflion d’Efpagne,
M. le maréchal de Bouffiers commanda en 1702
l’armée de FJ.#idre fous M. le duc de Bourgogne,
&pouff#îfaennemis jufques fous le canon de Nimé-
gue. En 1702 encore , il gagna le combat d’Ekeren ,
Fe 30 juin. En 1704 , il fut fait capitaine des gardes
du corps. En 1708 & 1709, il acquit beaucoup de
gloire au milieu des défaftres de la France. Sa défende
de Lille eft regardée comme un des plus mémorables
exploits de cette guerre. » Je fuis bien
» glorieux, lui dit le prince Eugène , d’avoir pris
» Lille défendu par vous, mais j’aimerois mieux
encore l’avoir défendu comme vous », Le roi
our récompenfer M. de Bouffiers, le fit pair de
rance, & donna la furvivanca de fon gouvernement
de Flandre à fon fils aîné.
En 1709. » M. le maréchal de Bouffiers , dit M. le
préfident Hénault, » par cette générofité vraiment
» Romaine, qui a fait fon caraaère, avoit demandé
» & avoit obtenu d’aller fervir fous les ordres du
» maréchal de Villars, quoiqu’il fût fon ancien;
» M. le maréchal de Villars ayant été bleffé, ce
j > fut M. de Bouffiers qui fit la retraite , & il la fit
» en très-bon ordre ».
Il perdit fon fils aîné le 22 mars 1 7 1 1 , & obtint
pour le puîné, âge de cinq ans, le gouvernement
de la Flandre ; c’eft ce dernier qui eft mort à Gênes
le 2 juillet 1747, commandant des troupes que
JLouis X V avoit envoyées aux Génois.
Elevez dans vos vers
Un monument au géné/eux Bouffiers-,
Il eft d'un fang qui fut l’appui du trône ;
Il eût pu l’être , & la faulx du trépas
Tranche fes jours échappés à Bellone,
Au fein des murs délivrés par fon bras.
Il laiffaun fils, mort fans enfans le 13 feptembre
1751. Le maréchal, fon aïeul, étoit mort à Fontainebleau
le 22 août 1711 cinq mois après fon fis aîné.'
Mais la maifon de Bouffiers fubfifte avec éclat dans
d’autres branches.
BOUGAINVILLE, ( Jean Pierre) ( Hijt. litt.
mod.)littérateur également eftimable parles moeurs
& par fes écrits, auteur de la traduétion de l’anti-
Lucrèce, du Parallèle d’Alexandre & de Tahmas
Kouli-Kan, de plufieurs bons mémoires & de
plufieurs bons éloges inlérés dans le recueil de
l ’académie des belles-lettres. Il fe piquoit de ne
s’être pas permis un feul hiatus dans fon Parallèle
d’Alexandre & de Tahmas Kouli-Kan ; en général
,les bons écrivains les évitent naturellement par le
feul fentiment de l’harmonie, ils évitent, & même
avec quelque foin les hiatus formés par la même
voyelle ; il alfa à Athènes ; nè & élevé ; &c. quand
Vhiatus eft formé par deux voyelles différentes,
nourri Avec ttiolleffie „ ménagé Avec art, 8cc. ce n’eft
pas proprement un hiatus dans la profe ; il n’y a
point là de défaut, & c’eft une peine bien fuperflue
que d’éviter cette rencontre indifférente de voyelles,
qui ne nuit pas plus à l’harmonie que celle des
confonnes. Ce foin minutieux & inutile peut même
nuire beaucoup plus au ftyle que tous les hiatus du
monde par l’air de contrainte & de recherche qu’il
doit lui donner.
M. de Bougainville, né à Paris le premier décembre
1722, fut admis en 1746, âgé de vingt-
trois ans feulement, dans l’académie des belles-
lettres, où il avoit déjà remporté un prix. M. Fréret,
fecrétaire perpétuel de cette académie, étant mort
en 1749 , M. de Bougainville lui fuccéda dans cet
emploi, que les infirmités nées avec lui, & qui
empoifonnèrent le court efpace de fa v ie , l’obligèrent
de quitter en 1755 , & il eut pour fucceffeur
dans le fecrétariat, M. Le Beau. Il fut reçu à l’académie
françoife en 1754. Il étoit aufli de l’académie
de Cortone, & garde de la falle des antiques
du Louvre. Il mourut à Loches le 22 juin 17(53 ,
dans fa quarante & unième année , chez madame
de Baraudin, fa foeur, femme du lieutenant de roi
de cette ville. M. de Bougainville , fi célébré par fes
expéditions maritimes & militaires, eft leur frère.
M. Le Beau, dans l’éloge de M. de Bougainville
l’académicien , a rapporté de lui des vers de
tragédie qu’on ne çonnoiffoit point; ils n’ont pas
la couleur tragique, mais il y en a de fort beaux.
Le fujet eft la mort de Philippe, roi de Macédoine,
père d’Alexandre. Philippe entreprend ce qu’Alexandre
exécuta, il veut aller conquérir la Perfe.
Démarate, Corinthien, retiré à fa cour, veut lui
■ daire craindre de la part de la Grèce, ce qui en effet
auroit dû arriver pendant l’expédition d’Alexandre,
& ce qui n’arriva pas, c’eft-à-dire, un foulevement
général de cette contrée récemment foumife, contre
la Macédoine dont elle devoit porter impatiemment
Ie joug ; Philippe lui répond par ces vers que nous
choififfons.
Je crains peu contre nous la Grèce mutinée,
De fes plus fiers guerriers la fleur eft moiflbnnée.; Z
Que peut-elle fans chefs , fans foldats, fans vaifleaux&
De fa fidélité fa foibleflè eft le gage. '
Les Grecs , de leurs ayeux , n'ont plus que le langage...
Peuple ingrat, qui me hait & m'aime par accès ;
Qui moins grand qu'indocile , & plus fougueux que brave.
Ne fait pas être libre , & frémit d’être efclave.. . .
Rétabli dans fes droits par ma main vengerefle ,
De vos amphitryons l’augufte tribunal
M'a d'une voix commune élu fon général.
Que dans fes murs déferts, Sparte en vain menaçant«
Elève fourdement une voix impuiflante... .
Qu’importe à ma grandeur ? j'eftime Démofthènes ,
C’eft mon rival, c’eft l’ame & le héros d’Athènes j-
De fes cris généreux l’éloquente fureur
A fouvent de fon peuple enflammé la valeur :