
tême pacifique ; il fit demander à Scipion une
entrevue pour traiter de la paix. Ces deux grands
capitaines, pénétrés d’une admiration réciproque,
fe donnèrent les louanges les plus délicates , &
ne purent convenir des conditions du traité. Chacun
fe retira dans fon camp pour fe difpofer au
combat. Annibal, forcé d’engager une aaion à la
tête d’une multitude fans ducipline & fans courage
, en prefagea les fuites funefles. Il combattit,
fon armée fut vaincue ; mais il conferva toute fa
gloire. La défaite des foldats mercenaires entraîna
la perte de toute l’armée ; le corps de réferve,
compofé de vieux foldats qui avoient fervi en
Italie , fut inébranlable : la plupart moururent
avant d’avoir été vaincus. Ces braves guerriers
furent l’éloge du maître qui leur avoit donné des
leçons ; les Carthaginois , les Romains , 8c fur-tout
Scipion, réunirent leurs voix pour applaudir à
.fa capacité. La paix fut conclue à des conditions
fort humiliantes pour les Carthaginois ; mais elle
fut bientôt violée par les Romains qui refusèrent
de rendre les otages, fous prétexté qu'Annibal
étoit toujours à la tête d’une armée. Le fénat
de Carthage le deftitua du commandement, pour
l’élever à la première magiftrature. Il remplit les devoirs
de fuffète avecFintelligence d’un homme qui au-
roit vieilli dans les fondions de cet emploi. Les'finan-
ces furent administrées avec un défintéreffement qui
lui étoit naturel; les impofitions furent réparties
avec égalité, les abus furent réformés. Quelque
temps après Rome envoya des députés chargés
^’ordres fecrets de fe défaire $ Annibal, foupçonné
d’intelligence avec Antiochus, qui faifoit des préparatifs
de guerre contre les Romains. Annibal
pénétra leur deffein , 8c le prévint par la fuite. Il
alla joindre le roi de Syrie à Ephèfe, 8c il l’eut
bientôt affocié à fes vengeances , l’aflurant que
c ’étoit aux portes de leur ville* que les Romains
étoient faciles à vaincre. Il ne lui demanda que
cent vaiffeaux 8c dix-fept mille hommes de débarquement,
pour faire une defcente en Italie. Le
fénat envoya Viiiius en ambafîade vers Antiochus ;
on dit que Scipion lui fut donné pour collègue ,
& que dans une entrevue qu’il eut à Ephèfe
avec Annibal, il lui demanda quel avoit été, félon
lu i, le plus grand capitaine? C e A Alexandre,
répondit le Carthaginois, & Pyrrhus efl le fécond
parce qn’ii a fu vaincre les Romains. Interrogé
quel étoit celui à qui il affignoit le troifième
rang. A moi, répondit-il avec confiance. Et que
feriez-vous donc, lui dit Scipion , fi vous m’aviez
yaincu ? Je me ferois, répliqua - 1 - i l , nommé le
premier.
La guerre fut déclarée. Il tâche de fe fortifier
de FalEance de Philippe de Macédoine. Les con-
feils cPAnnibal ne furent point fuivis. On lui donna
le commandement d’une flotte qui en vint aux
mains avec les Rhediens ; mais il fut mal fécondé,
trahi même par un général Syrien , qui prit la
fiiite avec foa efcadre ; il n’eut que la gloire de ■
faire une belle retraite. Antiochus fe détermina à
la paix, dont une des conditions fut de livrer Annibal
; mais il eut la dextérité de fe foüftraire à la
pourfuite de fes ennemis,il alla chercher un afyle à la
cour de Prufias, roi de Bithynie, qui le mit à la
tête de fes armées. Il l’employa contre Eumènes,
roi de Pergame , allié des Romains, qui le voyant
prêt à fuccomber , envoyèrent Flaminius à la
cour de Prufias pour fe plaindre de l’afyle qu’il
donnoit à leur ennemi. Ce monarque, violateur
de la foi des traités , fit inveftir la maifon par
des fatellites ; toutes les avenues furent occupées
par cette troupe d’aflaflins. Ce grand homme ,
qui n’étoit attaché à la vie que par l’efpoir de
fe venger des Romains, prévint la honte d’être
leur captif, en avalant dupoifon. Avant d’expirer,
il fit les imprécations des mourants & des opprimés
contre fes ennemis, en invoquant les dieux
garants & vengeurs des droits de rhofpitalité.
Enfin, tenant dans fes mains la coupe empoilonnée,
il dit : (8c ce furent fes dernières paroles ) Délivrons
les Romains de l’inquiétude que leur caufe un
vieillard décrépit, dont il ne peuvent attendre la
mort.
Telle fut la fin de ce grand homme, qui mourut
âgé de foixante-dix ans dans un village de Bithynie *
appellé Lybijpi. On grava fur fa tombe cette inf-
cription : Ici repofe Annibal. Ce nom feul faifoif
naître une plus grande idée, que les panégyriques
les plus éioquens. Malgré toutes les couleurs
odieufes dont les hifioriens romains ont noirci fon,
portrait, ils ont eu allez de pudeur pour refpe&er
fes talens, & lui accorder quelques vertus : voici
à-peu-prés l’idée que nous en donne Tite-Live.
Annibal, également n'é pour tous les emplois, eût
été un grand magiftrat dans des temps pacifiques ,
comme il fut un grand capitaine dans un fiècle de
guerre. L’obéiflanee n’eut pour lui rien de pénible,
& revêtu du commandement, il l’exerça fans orgueil.
Tant qu’il fut fubordonné à Afdrubal, il fut
chargé des entreprifes les plus périlleufes. Audacieux
fans témérité, c’étoit dans les plus grands
•dangers qu’il déployoit cette intrépidité tranquille,
qui fait tout prévoir & ne rien craindre. Le foldat,
qui marchoit fous fes ordres, étoit animé du feu
de fon courage. Son corps , endurci par le travail,
fupportoit toutes les fatigues. Les chaleurs les plus
exceflives, les froids les plus rigoareux, ne pou-
voient altérer fâ vigueur naturelle. Sobre 8c frugal,
il fe nourrifibit d’alimens greffiers, 8c n’en ufôit
que pour contenter la nature. Ennemi de tomes
les voluptés, il réfiftoit fans efforts à toutes leurs
amorces. Il n’avoit point de temps marqué pour
dormir, & il ne fe repofoit que quand il n’avoit plus
rien à faire. Ce n’étoit pas fur le duvet, fur la
laine ou la plume qu’il goûtoit le fommeil ; la terre
lui fervoit de lit. Il ne cherchoit point le filence
des palais pour dormir, c’étoit dans le tumulte du
camp qu’il prenoit fon repos ; c’étoit - là qu’on le
voyoit couché parmi les fentinelles, ou dans le
00 rps-dc-garde. Simple, 8c même négligé dans fes
vêtemens, il ne fe difiinguoit que par la magnificence
de fes armes 8c la beauté de fes chevaux.
Le même écrivain ne nous fait pas un portrait
aufli avantageux de fon coeur. Il le peint cruel
jufqu’à la férocité , parjure, & toujours prêt à
" enfreindre les droits les plus facrés ; impie 8c fa-
crilège , méprifant les dieux & leurs miniftres. On
fixe fa mort à l’an 3821 du monde. (T— n . )
ANNIUS de VITERBE , ou Jean Nanni ,
dominicain, {Hifi mod. ) maître du facré palais
fous le pape Alexandre V I , efl principalement
connu par fes dix-fept livres d’antiquités, imprimés
à Rome en 1498 in-fol., & en 1552 in-8°. C ’eft
une compilation qui a induit en erreur les igno-
rans, 8c même quelques favans. Il y entaffe tous
les écrits fuppofés, attribués aux anciens auteurs;
tels que Xénophon , Philon, 8cc. On croit que ce
n étoit qu’un homme crédule, 8c non pas un im-
pofieur ; mais l’inconvénient feroit le même pour
les lettres, fi on n’en avertiffoit pas. Il mourut à
ftome en 1502, âgé de foixante-dix ans.
ANSEGISE. ( Hifi. mod. ) C ’eft le nom de deux
perfonnages connus ; l’un abbé, a rendu fervice
-aux lettres, en recueillant les capitulaires de Charlemagne
8c de Louis le Débonnaire , dont Baluze
a depuis donné une fi bonne édition : l’autre, étoit
archevêque de Sens, le pape Jean VIII le fit primat
des Gaules 8c de la Germanie, primatie à laquelle
s’opposèrent Hincraar tk d’autres évêques.
Le premier mourut en 854, le fécond en 883.
ANSELME. ( Hifi. mod. ) C ’eft le nom de plu-
fieurs perfonnages connus , tels que : i Q. laint Anselme , natifd’Aoufte , abbé du Bec en France,
archevêque de Cantorbéri en Angleterre. Prélat de
l’églife alors militante, il pafîa toute fa vie dans
les combats eecléfiaftiques ; il vécut au milieu des
difputes fur la proceflion du Saint-Efprit , de la
rivalité de l’anti-pape Guibert, & du pape Urbain II
8c de la grande querelle du facerdoce & de l’empire.
Il fut brouillé avec Guillaume le Roux, roi
d’Angleterre , mauvais roi, pour la querelle d’Urbain
8c de Guibert, Guillaume étoit pour Guibert,
Anfielme, pour Urbain. Retiré à Rome , il difputa
fur la proceflion du Saint-Efprit contre les Grecs ,
au concile de Bari en 1098. Rappellé en Angleterre
par Henri I , frère & fuccefîeur de Guillaume
le Roux, il fe brouilla encore avec lui pour la
querelle des invefiitures, & fut encore errant en
France 8c en Italie. Il revint mourir à Cantorbéri ;
fa mort arriva en 1109. Il étoit né en 1033. Doin
Gerberon a donné en 1675 une bonne édition de
fçs oeuvras in-folio.
20. Anselme , mantouan , évêque de Luques
en Tofcane, ne mérite guères qu’on en parle que
par le fingulier fcrupule qui lui fit remettre fon
évêché, parce qu’il avoit, félon lui , eu le to r t,
8c même commis le crime d’en recevoir l’invefii-
tme de l’empereur Henri IV. On peut croire qu’il ,
n’y perdit rien, 8c que le pape Grégoire VII lui
rendit fon évêché. Mort en 1086.
3 0. Le P. A n s e lm e , auguflin déchauffé , fi
connu par {àn Hifloire généalogique & chronologique
de la maifon de France & des grands officiers de la
couronne. Mort à Paris , fa patrie, en 1694, âgé
de foixante-neuf ans. Son ouvrage, d’abora imparfait
& fautif, efl devenu meilleur par le travail
de Dufourny 8c des pères Ange 8c Simplicien,
fes continuateurs. Dans l’état ou efl aôuellement
cette utile compilation , elle efl eftimée , confultéc
8c citée , malgré beaucoup d’omiflions 8c de
fautes.
4 ° . L’abbé A n s e lm e , ( A n t o in e ) connu par
des fermons 8c des panégyriques , 8c par quelques
difîertations inférées dans les mémoires de
l’académie des inferiptiens 8c belles - lettres, dont
il étoit membre. Il avoit été précepteur du marquis
, depuis duc d’Antin. Il etoit né en 1652 à
l’Ifle en Jourdain, petite ville de l’Armagnac; il
mourut à fon abbaye de Saint-Severin en Gafco-
gne en 1737.
ANSER , ( Hiß. anc. ) poëte latin, qui loua
Marc-Antoine, 8c à qui Marc-Antoine donna une
maifon de campagne à Falerne, don précieux pour
un poète , 8c pour tout homme de lettres. Virgile
auroit-il voulu faire une équivoque fur le nom de
ce poète, qui lignifie une oie, lorfqu’il a dit :
Argutos imer firepere Anfer oloresl
ANSON, ( G e o r g e s ) ( H if i. mod.') L’amiral
A n fo n , fi connu par -fon voyage autour du monde,
fut un des plus heureux navigateurs, des plus intrépides
guerriers 8c des plus honnêtes hommes de
l’Angleterre. Son expédition de Payta, au Pérou ,
en 1741, aufli glorieufe pour lui, aufli funefle aux
vaincus, aufli utile aux vainqueurs que l’avoit été
trente ans auparavant l’expédition de Rio-Janeiro,
dans le Bréfil, par le fameux du Guay-Trouin;
une foule d’autres expéditions moins importantes
8c moins décifives, mais qui furent toujours le
triomphe du petit nombre fur la multitude 8c du
talent fur la force ; l’audace avec laquelle il fit
doubler le cap Horn à une petite chaloupe de huit
canons, preqaier navire de cette efpèce qui ait oie
pafler ainfi d’une mer dans un autre, 8c qui s’empara
depuis, dans la mer du Sud, d’un bâtiment
efpagnol de fix cents tonneaux, dont l’équipage, dit
l’Auteur des fiècles de Louis X IV 8c.de Louis X V ,
ne pouvoit comprendre comment il avoit été pris
par une barque venue d’Angleterre dans l’Océan
Pacifique ; la confiance avec laquelle il foutint,
pendant la navigation la plus longue 8c la plus
pénible, les fatigues, les dangers, les maladies,
les tempêtes de diverfes mers, dont qiJelques-nnes
lui étoient inconnues; la courfe qu’il fit de la mer
Pacifique à la mer des Indes , d’Acapulco aux ifles
Mariannes, a la Chine, aux ifles Philippines, pour
enlever le galion de Manille, qu’il enleva, quoique
ce galion fût encore plus fort que lui lorfquii