
du cardinal, & il la perfécutadans la fuite, parce
qu’elle n’avoit pu l’aimer. Le duc de Buckingham
vint en France chercher la princelTe Henriette femme
de Charles I. Il devint auffi amoureux de la reine
Anne ; on a prétendu qu’il avoit été plus heureux , :
du moins cet homme brillant & avantageux ne
négligea rien pour le faire croire ; » cet attache-
» nient de l’ame qui couvre tant de dangers fous
y> une délicieufe furface , femble avoir été fouffert
5j par la reine, dit M. Hume; & c’eft en effet
ce qui réfulte du récit de madame de Motteville ,
à qui la reine avoit laiffé voir toutes les affections
de fon ame. Je répondrais bien au roi de
votre v e r tumais non pas de votre cruauté , difôit la
princeffe de Conty à la reine, après une conversation
que Buckingham venoit d’avoir avec cette
reine , en préfance de la princeffe. Mais fi la reine
fe bornoit à l’attachement de l’ame, Buckingham
ne favoit pas toujours commander à fes tranfports ;
on fait même qu’il ofa être entreprenant, oc que
s’étant trouvé un moment à l’écart avec Anne
d'Autriche , à Amiens , où elle étoit allée avec :
la reine-mère conduire la reine d’Angleterre, il
l’obligea de rappeller fa fuite. On dîfîimula ou
l’on déguifa cette infolence d’un ambaffadeur qui
étoit en France pour un fùjet agréable , 8c qui
étoit agréable lui-même, mais Richelieu s’enfouvint. :
La guerre étoit alors fort animée en France
contre les proteôans , 8c la Rochelle étoit menacée.
Soubife, frère du duc de Rohan , vint à Londres
demander du fecours, il en obtint, 8c Buckingham
voulut le conduire lui-même ; il revint fecrétement
à Paris, fe préfenta chez la reine, 8c fut congédié avec
un reproche qui annonçoit,-dit M. Hume , moins
de colère que de bonté ; il ne fut congédié qu’après
avoir été admis, qu’après avoir exprimé fa paf-
fion par des dàfcoürs 8c des tranfports, que la
comteffe de Lannoy, dame d’honneur de la reine,
fut obligée de réprimer. L f reine étoit au li t , la
..comteffe de Lannoy étoit affife au chevet,
Buckingham baifoit le drap 8c les couvertures,
avec toute l’yvreffe , tout le déliré de l’amoui; ;
fon langage étoit afforti à fes mouvemens. La
comteffe de Lannoy lui dit d’un ton févère, que
-ce n’étoit pas là l’ufagé de France ; » un étranger
» amoureux, répondit-il , ne peut s’affujettir à
» vos ufages «. La reine crut devoir paroître of-
fenfée, 8c le renvoya. Cette fcène éclata ; plufieurs
domeftiques de la reine furent exilés pour avoir
favorifé cette entrevue, entre autres Putanges,,
fon écuyer, dont la conduite dans l’affaire d’A miens
, avoit déjà fait naitre quelques foupçons.
Richelieu fit interdire à Buckingham tout
voyage en France à quelque titre 8c fous quelque
prétexte que ce pût être ; lorfque le duc reçut
cette défenfe , » jç ne reçois, dit-il, de loi que de
91 l’amour , je la reverrai malgré eux, 'malgré elle,
ii & malgré moi «, Madame de Motteville infinue
que la reine 8c la ducheffe de Chevreufe , fa
Cpnôdpntç , qui aimoit le lord Hpllandt, ami de
Buckingham , fe permetioient de faire des voeux
pour la flotte angloife. On dit que le cardinal de
Richelieu pour, fe donner le temps de faire conf-
truire la digue, au moyen de, laquelle il prit la
Rochelle , profita contre le duc de Buckingham
de cet amour même que la reine Anne avoit fu
lui infpirer ; on exigea que la reine écrivît à fon
amant, 8c qu’elle le priât de différer rembarquement
qu’il projettoit ; Buckingham, dit-on, facri-
fia fon devoir 8c fa gloire à ce chimérique ainour.
Il obéit à la fouveraine de fon coeur, 8C lorfqu’en-
fïn honteux de fa foibleffe 8c: preffé par les inf-
tances des Rochelois, il voulut partir, lorfqu’au
moment du départ, il fut tué par Fe lten ,
lorfque malgré la mort, la flotte arriva devant la
Rochelle , la digue étoit conftruite 8c le port
fermé.
Le cardinal de Richelieu', attentif à féparer
Louis XIII de fa mère , de fa femme , de fon
frère, de tous ceux qui pouvoient avoir des droits
fur fon coeur 8c qui pouvoient s’intéreffer le plus
fmcèrement à lu i, avoit prévenu l’efprit de ce
prince contre la reine Anne, en lui perfuadant
que pendant la maladie dont il avoit penfé mourir
à Lion en 1630, elle s’étoit confolée par. l’ef-
pérance d’époufer -Monfieur ; la reine , juftement
indignée de cette accufation , ne s’en étoit deffenduç
qu’en difant : J ’aurois trop peu gagné au change.
Lorfqu’en 1643 elle vit le foi mourant ; elle fit
un dernier effort pour le tirer d’une erreur f t x
injurieufe pour elle. On fait la réponfe févère que
lui fit Louis XIII. Dans l’état oh je fuis ; la religion
m’ordonne de vous pardonner ,* mais elle ne m’ordonne
pas de vous croire. *
Le roi ne pouvant ôter la régence à une mère J
voulut du moins borner fon autorité' .par l’établif-
fement d’uii confeil de régence ; mais le parlement
déféra fans reftridion à la reine la régencé 8c la
tutelle. Son adminiftration fut celle du cardinal
Mazarin , auquel elle donna toute' fa confiance 8c
par les çonfeils duquel elle fe gouverna conftam-
ment, même lorfque cédant atix violences de la.
fronde^ aux arrêts du p a rlement8c' à ce cri
public, point de Mazarin, ce miniftre fut obligé
de s’éloigner jnfqU’à deux fois , Anne lui-conferva
une amitié fidèle, à laquelle la licence général«
donnoit Un autre nom dans les chanfons, dans les
libelles 8c dans la plupart des mémoires du temps.’
Elle avoit dans l’efprit une galanterie qui prétoit
Ji toutes ces imputations. Le cardinal de Retz dans
fes mémoires, donne'une liffe nombreufe des
amans dont elle avoit paru né pas dédaigner l’hommage
, peu s’en faut qu’il ne fe* mette du nombre.
On lui avoit confeillé de prendre avec elle le ton
i de la galanterie 8c de l’amour, pour effayer d’effacer
dans fon coeur le. cardinal Mazarin, 8c il infinité
que ces tentatives, ne parurent point déplaire.
C ’eft d’après cette idée que le grand Coudé encouragea
le marquis de Jarfay à faire une déclaration
d’amour à la reine , 8c trouva mauvais
tjii elle s’en Offensât 5 mais cette Idée étoit une
infulte, 8c Condé alors ne vouloit que braver la'
reine. L’afcendant que le cardinal Mazarin eut
toujours fur fon efprit, le ton defpotique, quelquefois
même dur, dont il lui adreffoit fes ordres
fous le nom de confeils, du fond de' fon exil à
Cologne 8c à Bouillon , peuvent faire foupçonner
que, fi la reine fut en effet capable d’une foibleffe,
ce fut pour ce minière. Elle fut trouver cependant
de la fermeté contre lui-même dans une occafion
importante* Louis XIV étoit devenu amoureux de
raademoifelle de Mancini 8c vouloit l’époufer. Gn
voit par les lettres du cardinal Mazarin qu’il combattit
fortement cette inclination 8c ce défir ; mais
tout le monde ne Convient pas que cette oppo-
fftion fut bien fincère 5 madame de Motteville
prétend que Mazarin fut tenté de laiffer agir l’amour
du roi, 8c de mettre fa nièce fur le trône. » Il pref-
w fentit adroitement la reine mère, dit l’Auteur du
» fiècle yde Louis XIV. Je crains bien , lui dit-il,
9> que le roi ne veuille trop fortement époufer ma.
m nièce. La reine qui connoiffoit le mmiflre, com-
w prit qu’il fouhaitoit ce qu’il feignoit de craindre.
Elle lui répondit'avec la hauteur d’une princeffe
y> du fang d’Autriche, fille, femme 8c mère de
M rois, 8C avec l’aigreur que lui infpiroit depuis
» quelque temps un miniftre' qui affeâoit de ne
" » plus, dépendre d’elle. Elle lui dit : Si le roi étoit
it capable de cette indignité, je me met trois avec.
H mon fécond fils à la tête de toute la nation contre
» le roi & contre vous a. Mazarin ne pardonna
jamais, dit-on, cette réponfe à la reine.
C ’eft à la reine Anne çpie la cour de France dût
en partie ces agrémens, cette politeffe qui la dif-
tingue. dans l’Europe , fur-tout cette galanterie
noble 8c délicate dont la ducheffe d’Orléans, Henriette
d’Angleterre, fut encore de fon temps même
8c après elle, un plus parfait modèle 8c un plus
digne objet. L’églife du Val-de-Graee eff un monument
de la magnificence & de la piété d’Anne
d’Autriche. Elle mourut d’un cancer ,À le 20 janvier
1666, âgée de 64 ans. Anne , ( Hifl. mod.') reine d’Angleterre , fille
ide Jacques II 8c d’Anne Hyde, fa première femme,
naquit le 6 février 1664. Quoique Jacques I I ,
alors duc d’Yorck, fût catholique ; 8c que le roi
Charles II fon frère inclinât vers le çatholicifme,
la nation , qui étoit protefiante 8c qui faifoit la
loi à fes maîtres fur, l’article de la religion, les'
obligea d’élever les princeffes Marie & .filles
du duc d’Y orck, dans la religion réformée. Anne
époufa le 17 août 1683 Georges, prince de Dànvî
nemarck , dont elle eut plufieurs enfans, mais tous
morts jeunes 8c dont aucun ne lui a furvécu. Anne
étoit l’objet de la prédilection de fon .père , 8ç dans
la révolution , qui le renverfa du trône, il foutint-
ayec affez de courage le malheur d’être trahi 8c
détrôné par la princeffe Marie, fa fille aînée 8c
par le prince d’Orange fon gendre, mais quand il
apprit la fuite de fa chère Anne, vaincu par la
douleuf, il fondit en larmes ., 8c s’écria comme
David : Soutenez - moi , mon Dieu ! mes propres
‘ enfans m’ont abandonné.
Pendant que ce malheureux père étoit au défefi
poir, la rage de fes ennemis alloit jufqu’à l’ac-
cufer d’avoir fait périr, par zèle de religion, cette
même fille dont l’ingratitude «lui perçoit le coeur
8c fi cette abominable 'calomnie n’eut été promptement
détruite par la connoilTance certaine qu’on
eut de l’exiffence de la princelTe Anne & du lieu de
fa retraite, les couteaux étoient déjà tirés , on
alloit faire, un maffacre général des prêtres &des
moines , qu’on regardoit comme les auteurs de
fa mort. Apprënons à craindre le fanatifme.
Pendant le règne de Guillaume & de Marie, la
fituation de la princeffe Anne, qui, au moyen
de l’exclufion de Jacques II & de fon fils, étoit
l’héritière préfomptive, fut difficile & embarraf-
fante. Les communes avoient toujours voulu que
la princefle Ame eut en Angleterre un état indépendant
‘de Guillaume„& de Marié, & ces projets
faifoient ombrage au roi & à la reine; Marie interrogea
fur ce point fa foeur -, qui répondit
qu’elle avoit entendu dire en effet que fes amis
voulpient faire quelque chofe pour elle. Vos amis 1
■ répliqua aigrement la reine , en ave^ - vous
d'autres que le, roi & moi, ? Depuis ce temps il y
■ eut entre les deux, foeurs une froideur allez fem-
' blable à une rupture ouverte , & la princeffe
; Anne entretenoit avec fon père des liaifons très-
fufpeftes à Guillaume III. Churchill, lord Marl-
borough , qui avoit été favori de Jacques I I , &
dont la foeur avoit été la maîtreffe de ce prince , mais
qui l’ayoit abandonné dans le temps de fa révolution
, & qui depuis avoit ferv) avec éclat contre
lui dans la guerre,d’Irlande, Churchill forma en
faveur de ce même Jacques II une confpiration
pour laquelle il fut mis à la tour; Lady Marl-
borough , fa femme, jgouvernoit la princeffe Anne .
on exigea que cette princeffe la renvoyât, Anne
' affeéta.de paroître par-tout avec elle; la reine ar-
’ rivant a ™ fpeétacle où la ducheffe de Marlboroueh
I étolt a« c 1» Princeffe , envoya: ordre à la ducheffe
’ de forttr , elle obéit,, & la princeffe fortit avec
: elle; on lui.ôta fes gardes, on défendit aux dames
de la cour de la voir; elle fe retira dans la ville
de Bath, & fa difgrace fut publique. A la mort de
Marie,.arrivée en 1694, Anne étoit encore brouillée.
avec cette Princeffe, & ne put obtenir de la
voir ; elle fe réconcilia depuis avec Guillaume
& le laiffa régner : il eût été difficile de l’en
empêcher.
Guillaume III étant mort le 19 mars 1702 fans
laiffer d’enfans de la princeffe Marie d’Angleterre
fa femme , Anne monta fur le trône, & avec elle
le duc & la ducheffe de Marlborough. La ducheffe-
gouvernoit la reine & la cour, le duc gouvernoir
& îlluflroit la nation. Le règne d'Anne eut préfoue
exaflement la durée de la grande guerre de la
fuccefiïon d Efpagne , ainft elle ne régna que pour