
Charles-Quint fit peut-être un plus bel éloge encore
de Langey. Cet homme, dit-il, en apprenant fa
mort, m'a fait Jeul plus de mal que tous les François
enfemble. 11 mourut en voulant fervir la patrie. Les du
Bellay jugeoient que l’amiral d’Annebaut la fervoit
mal, quoiqu’avec de bonnes intentions peut-être ;
ils lui imputoient d’avoir manqué volontairement
deux expéditions propofées par Langey, & dont
le fuccès, difoient-ils, étoit infaillible , l’une pour
furprendre Cafal, l’autre pour enlever entre Carmagnole
, ville d’Eftellon & Quiers, l’armée impériale
, qui étoit alors très - affaiblie. Langey fut
lenfible au mépris qu’il crut que d’Annébaut avoit
pour fon expérience & fes lumières. L’amour du
bien public, le zèle pour le fervice du ro i, peut-
être quelques mouvemens de cet orgueil que rien
n’étouffe, & que les grands talens nourriffent, tout
lui perfuada qu’en ne l’écoutant point, on ruinoit
les affaires ; il voulut aller lui-même faire au roi fur
ce fujet, des repréfentations qu’il eroyoit nécef-
faires ; il partit, comme avoit fait en 1518, dans des
conjonctures à peu-près pareilles, le vieil & fier maréchal
de Trivulce ; il brava les rigueurs de la faifon,
les infirmités qui l’accabloient, les approches de la
mort qui le pourfuivoit, & qui l’arrêta en chemin
à faint Saphorin, fur la montagne de Tarare, le 9
janvier 1543.
Martin mourut à Glatigni dans le Perche,de 9
mars 1559.
. Jean, leur frère, dont Brantôme parle dans le
morceau cité ci-deffus, fut évêque de Paris, cardinal
,. & mourut à Rome, le 16 février 1560, doyen
du facré collège ; il furpaflbit tous les prélats de fon
temps en lu ; ières & en éloquence ; il fut de tous
Jes ambaffadeurs de François I , celui qui fit le plus
refpeâer fon maître dans les cours étrangères. Il
étoit fi refpeéié lui-même, qu’à la mort de Marcel
I I I , en 1555 , il fut queftion de l’élire pape.
René, autre frère des du Bellay, évêque du Mans,
étudioit la phyfique , & foulageoit les malheureux.
Mort à Paris en 1546.
Euftache, leur neveu , fùccefleiir du cardinal
dans l’évêché de Paris, fe diftingua aufii par fa
fcience & fon mérite ; il brilla au concile de Trente,
il fe démit enfuite de fon évêché ; il mourut dans
la retraite en 15.65,
Joachim , leur parent, chanoine & archidiacre
de Paris, nommé à l’archevêché de Bordeaux,
réuffit beaucoup dans la p.oéfie, tant latine que
françoifè. Il mourut à trente-cinq ans le premier
janvier 1560.
BELLE A U , (R emy) (Hifl. litt, mod. ) poète
François du foizième fiècle, qu’on ne lit plus., mais
dont le nom célèbre dans fon temps appartient à
l’hiftoire de la poéfie françoifè. Il fut un des fept
poètes qui formoient ce qu’en appella la Pléiade
françoifè. On faifoit cas de fes paftorales. Ronfard
Tappelloit le Peintre de la nature ; mais Ronfard ne
fç çonnoiffoit ni en nature ni en peinture poétique.
Remy Belleau naquit à Nogent-le-Rotrou dans le
Perche , en 152.8, & mourut à Paris en 1577. Ses
poéfies ont été recueillies en deux volumes in-1 1 ,
Rouen, 1604.
BELLEFOREST, (F rançois d e ) (Hifl. litt\
mod. ) eft à-peu-près parmi les hiftoriens modernes,
ce que Remy Belleau , dont il étoit contemporain,
eft parmi les poètes. On ne le lit plus; mais fon
nom eft refté. Son ouvrage le plus connu, eft fon
Hifloire générale de la France, qu’il a pouffée juf-
qu’à l’année 1574, & qu’un autre auteur , nommé
Gabriel Chapuys, a continuée jufqu’en 1590, Paris,
1600, deux volumes in-fol. Belleforêt a fait aufii
une Hifloire particulière des. neuf rois de France qui,
ont eu le nom de Charles , & quelques autres ouvrages
peu eftimés , dans le genre hiftorique. Il a
traduit, avec un écrivain peu connu , nommé
Boaiftuau, des Nouvelles de Bandello. ( Voye^ Ban-
dello. ) Né en Guyenne en 1530, mort à Paris
en 1583,
BELLEGARDE, {Hifl. de France.) Maifon de
Saint Lari de Bellegarde. De cette maifon étoit le
maréchal de Bellegarde , favori de Henri III, qu’on
appelloit le torrent de la faveur, & dont la faveur
s’écoula comme un torrent. Il mourut en 1579.'
Céfar de Saint-Lari, fon fils, fut tué à vingt-
cinq ans à la bataille de Coutras en 15 87, laiftant
un fils qui fut archevêque de Sens, prélat favant
& janfénifte, ami de M. Arnauld, & zélé défen-,
four de la fréquente communion.
Roger de Saint-Lari & de Termes , duc de
Bellegarde , pair de France, grand écuyer, premier
gentilhomme de la chambre, maître de la garde-
robe , chevalier des ordres du roi, gouverneur
de Bourgogne & de Brefie, furintendant des mines
& minières de France , ne fut pas moins torrent de
fortune que le maréchal de Bellegarde, fon oncle ;
mais ce torrent ne s’écoula pas du moins fi rapl?
dement ; il eut la faveur de trois rois , Henri III,
Henri IV & Louis XIII ; il eut aufii celle des
maîtreffes. C’eft cet homme à bonnes fortunes fi
brillant, qui eut, dit-on , le dangereux honneur
d’être le rival heureux de Henri IV auprès de la
marquife de Verneuil. On conte qu’un jour H enrilV
ayant voulu furprendre fa maîtrefle, & étant venu
fans être attendu lui demander à Couper, démarche
fouvent imprudente , apperçut le duc de Bellegarde
qui achevoit de fe cacher fous le lit ; il parut
p’avoir rien vu. Seulement à la fin du repas il
roula un pot de confitures fous le lit, en difant : I l
faut que tout le monde vive. Trait de gaîté & de
bonté où on reconnoît bien Henri IV.
Voici un autre trait où on ne reconnoît ni l’une
ni l’autre de ces qualités , mais où on reconnoît
bien les paflioqs. Il eft rapporté par un des continuateurs
des Vies des hommes illuflres de la France,
qui ne cite point fes autorités : Henri IV apprend
que fa maîtrefle a donné un rendez-vous au grand
écuyer Bellegarde ; la vengeance l’égare, il envoie
chercher
B E L
chercher Praflin, fon capitaine des gardes, & le
charge d’une com million fi odieufe & fi honteufe ,
que Thiftorien n’a ofé l’exprimer que par ce mot :
I l lui dlEle des ordres fanglans. Praflin obéit ; il arrive
avec grand bruit au lieu du rendez - vous ,
frappe à coups redoublés, cherche par-tout où il eft
affuré de ne rien trouver , laifîe toutes les avenues
libres à la fuite, trouve, comme de raifon,, la
marquife feule & dormant de ce profond forameil
que procure l’innocence ; il fe garde bien de la réveiller;
il va trouver le roi qui ne dormoit pas,
& lui redonne à lui-même le repos & le fommeil,
par le compte au’il lui rend de fa commiflion.
C ’eft ainfi. qu’il eft permis de tromper les rois. Des
courtifans machiavelliftes prétendent au contraire
qu en pareil cas c’eft la foiblefle dominante du
prince, c’cft-à-dire fa jaloufie qu’il faut flatter
fervir. Don Lope, dans la comédie intitulée : Don
Garde de Navarre, oii le prince jaloux , développe
très-bien cette do&rine infernale.
Et le plus prompt moyen de gagner leur faveur,
C’eft de flatter toujours le foible de leur coeur .. .' •
C’eft-là le vrai fecret d’être bien auprès d’eux . . . .
. . . . . . . .* . . L’art des courtifans
Ne tend qu’à profiter des foiblefles des grands ,
A nourrir leurs erreurs.. . . . . , . . ,
Je fuis donc feulement, par d'utiles leçons-,
La pente qu’a de prince à de jaloux foupçons.
Son ame femble en vivre« & je mets mon étude
A trouver des raifons à fon inquiétude ,
A voir de tous côtés s’il ne fe pafle rien
A fournir le fujet d’un fecrct entretien ;
Et quand je puis venir enflé d’une nouvelle ,'
Donner à fou repos-une atteinte mortelle.
C’eft lors que plus il m’aime , & je vois fa raifon
D’Une audience avide avaler ce poifon ,
Et m’en remercier comme d’une victoire _
Qui comblèrent fes jours de bonheur & de gloire.
On pourrait demander comment ce dernier trait
peut être de Henri I V , & comment les deux traits
peuvent être du même homme ? Comment un
même fait peut exciter dans la même ame deux
mouvemens fi contraires ? Henri étoit- il jaloux ,
ou ne l’étoit-il point ? .
Henri étoit amoureux. Eh ! qui ne connoît point
l’inconféquence des pallions , leur marche inégale
& irrégulière, comment on eft indulgent aujourd’hui
& inexorable demain, comment le plaifir de
confondre l’infidélité, en montrant de la fupériorité
& de la bonté, peut fuffire aujourd’hui à la vengeance,
comment le lendemain il faut du fang pour
l’aflouvir ; combien d’ailleurs la récidive de ce qui
déplaît,déjà, choque & irrite , combien en tout il eft
facile & dangereux d’irriter celui qui aime, qui
hait & qui peut tout
Le duc de Bellegarde avoit été un des mignons
de Henri I I I , qui avoit accumulé fur fa tête tant
Hifloire. Tout. I. Deuxieme Part,
B E L
de places & de dignités, qu’on pouvoit lui en otet*
beaucoup & lui en laifier beaucoup.
n J’ai oui dire au vieux maréchal de Villeroy,
dit l’abbé de Choify dans fes Mémoires , que M.dé
» Bellegarde , autre favori, étoit, à la mort de
» Henri I I I , grand écuyer de France , foui pre-
v mier gentilhomme de la chambre, & maître de
» la garde-robbe. Il alla aufli-tôt trouver H enrilV ,
» & dès le premier foir coucha aux pieds de foit
» li t , comme faifoit alors le premier gentilhomme
ï>. de la chambre. Henri IV lui dit : Mon fleur de
» Bellegarde, comptons enfemble : je vous laijfe ta
n charge de grand écuyer ,* mais il faut que vous
n partagiez votre charge de premier gentilhomme de
j? la chambre avec le vicomte de Turenne , qui a tou-
» jours été le mien ,* & que vous cedie\[ celle de maître
n de la garde-robbe à Roquelaure » qui efl aujfi le
n mien.
» Le marquis d’Ambré, qui eft un vieux réper-
» toire, m’a conté que le roi Henri IV s’etant
» éveillé la nuit, appella M. de Bellegarde , & lut
n propofa de céder la moitié de fa charge de pre-
» mier gentilhomme de la chambre au vicomte de
» Turenne ; que deux heures après s’étant encore
» éveillé, il lui propofa de céder à M. de Roque-
» laure la moitié delà charge de maître de la garde-
31 robbe; & que Bellegarde lui dit : Eh ! bien,freT
u je le veux bien ; mais ne vous réveille^ plus , s il
n vous plaît ic.
Henri IV le dédommagea de ces facrifices, en
lui donnant le gouvernement de Bourgogne , en
le faifant chevalier des ordres, & en lui laifiant
autant de crédit que la marquife de Verneuil eit
exigea pour lui. En 1602 , on découvrit des mines,
dont on crut que l’exploitation feroit avantageufe ;
on en donna la furintendance à Bellegarde.
Louis XIII le fit duc & pair en 1620 ; mais il
tomba dans la difgrace du cardinal de Richelieu ,
,& fut du nombre de ceux qu’opprima la vengeance
de ce miniftre, fous le pretexte du mariage de
Gafton avec Marguerite de Lorraine en 1631. En-
1639, il céda fa charge de grand écuyer au jeune
Cinq-Mars, alors favori, moyen de fortir de difgrace
, mais non de rentrer en faveur à fon âge. Il
mourut en 1646. Bellegarde , (Jean-Baptiste Morvan de connu fous le nom de l’abbé de Bellegarde, a fait
des traductions peu eftiinées de quelques pères de
l’églife , tels que faint Jean - Chryfoftome , faint
Bafile, faint Grégoire de Nazianze, &c. & de
?uelques auteurs profanes , nommément d’O vide.
L a' fait de fon chef quelques écrits moraux qu’on
ne connoît guères, & qui font effacés depuis longtemps
par des ouvrages de même genre faits à-
peu-près fur les mêmes fujets. Ceux de l’abbé de
Bedegarde ont pour titres : Réflexions fur ce qui
peut plaire & déplaire dans le monde. Réflexions fur
le ndicule. Cet auteur étoit né en 1648 dans le
diocéfe de Nantes ; il avoit été foize ou dix - fept
ans jéfuite, & avoit été obligé, dit-on, de quitter
E e e e