
Mnérnon, fou père : il employa cet intervalle à
acheter des partifans, & dès qu’il fe crut aflez
puiflant, il donna en fon nom , les ordres qui juf-
qu’alors avoient été revêtus du fceau de fon père..
Les Perfes qui ne voyoient en lui que le meurtrier
de fa famille, allumèrent le feu de la révolte
dans toutes les provinces. L’Afie mineure , 1a Syrie,
la Phénicie, refufèrent de lé reconnoître pour roi.
Tous les gouverneurs des provinces furent déclarés
les chefs de la révolte. Les impôts qu’on avoit
coutume de verfer dans le tréfor du*roi-, furent
deftinés à lui faire la guerre. La rivalité divifa les
chefs, & ceux qui avoient été les plus féditieux
devinrent les plus fournis. Datame, gouverneur
de Cappadoce , foutint feul tout le poids de la
rébellion , il fe rendit maître de la Paphlagonie,
où il fe maintint avec gloire jufqu’au moment qu’il
fut affafliné par un traître dont il avoit été le
bienfaiteur. Sa mort fit rentrer dans l’obéiffance
toutes les provinces, qui ne reconnurent plus qu’un
feul maître. Artaxerxes, poffefleur paifible de fes,
états, n’ufa de fon pouvoir que pour fe livrer à
la vengeance. La rébellion qui venoit de-, s’éteindre
lui en fit craindre une nouvelle. Tous ceux
qui pouvoient la rallumer, furent fes viâimes : il
prononça un arrêt de mort contre tous les princes
de fa famille ; fon oncle fut inveffi avec cent de
fes enfans, & tous périrent percés de flèches. Ocha
fa fceur, dont il avoit époufé la fille, fut enterrée
vivante. Tous les grands qui lui faifoient ombrage,
furent immolés à fes foupçons, il fembloit moins
vouloir régner fur des nommes que fur des dé-
ferts.
Ce fléau de l’humanité eut autant d’ennemis qu’il
lui refta de fujets. Artabaze, gouverneur de l’Afie
mineure , donna le* lignai de la révolte. Artaxerxes
fit marcher contre lui foixante & dix mille hommes
qui furent taillés en pièces par Charès, général
des Athéniens, partifans d’Ârtabaze. Le monarque
les menaça de les faire repentir un jour
d’une alliance qui étoit un attentat contre les traités.
Charès fut rappellé. Artabaze privé de la main
qui pouvoit le défendre , implore l’appui des Thé-
bains qui lui fourniffent cinq mille hommes, avec
léfquels il remporta plufieurs vi&oires : les Thébains
fe laiffèrent corrompre par ï’or d'Artaxerxes. Trois
cens talens les rendirent infidèles à leurs engage-
mens, & Artabaze deftitué de toutfecours, le réfugia
chez Philippe de Macédoine. Sa retraite ne
mit point fin aux troubles de la Perfe : les Sido-
niens & les Phéniciens armèrent pour recouvrer
leur indépendance, & ils taillèrent en pièces les
troupes des gouverneurs de Syrie & de Cilicie,
qui furent contraints de laifler cette -révolte impunie.
Les Gypriots fuivirent l’exemple des Phéniciens
«rebelles. Le roi de Carie fut chargé de mettre
tout à feu à fang dans leur île , tandis
avL Artaxerxes , à la tête de trois cens mille hommes
de pied & de trente mille chevaux, màrchoit cont
r e la Phénicie. Mentor le Rhodien, que les Phéniciens
avoient mis à la tête de leur armée, fe.
fentit trop foible pour réfifter à cette multitude de
combattans ; il faifit cette occafion pour élever fa
fortune aux dépens de fa gloire : il offrit au monarque
de lui livrer Sidon, & de paffer à fon fer-
vice avec le corps de troupes qu’il avoit à fes
ordres : cette propofition fut acceptée , & Arta-
xerxès ne crut pouvoir trop acheter une fi belle
conquête & un fi grand capitaine. Les Sidoniens
trahis s’enfermèrent avec leurs femmes & leurs
enfans dans leurs maifons , & y mirent le feu.
Plus de quarante mille habitansfe précipitèrent
volontairement dans les flammes : aéfefpoir qui
n’a rien de furprenant chez des peuples libres, ou
qui veulent l’être, & que la néceflïté réduit à
l’alternative de mourir ou de ramper fous un
maître.
La deftinée de Sidon en fit craindre aux autres villes
une aufli déplorable. Toutes également emprefféés
à rentrer fous l’obéiffance, implorèrent la clémence
du vainqueur. Quoique la clémence ne fût point
une vertu naturelle à. Artaxerxes , il aima mieux
les traiter en fujets qu’en rebelles , parce que voulant
porter la guerre en Egypte, il lui eût été dangereux
de faire des mécontens : il étendit fa géné-
rofité jufques fur les Cypriots qu4il .laiffa fous la
domination paifible de leur roi. Après avoir pacifié
Chypre & la Phénicie , il marcha contre l’Egypte
avec trois armées,’ dont une feule eût été
lumfante pour en faire la conquête. Nèétenabo ,
qui en oecupoit alors le trône, avoit des forces
beaucoup inférieures ; mais il mettoit fa confiance
dans des étrangers merêénaires, dont la guerre
étoît le métier & l’unique reffource: Mentor qui
commandoit l’armée perfane , fit publier que fon
maître , magnifique dans fes récompenfes & terrible
dans fes châtimens, exigeoit une obéiffance
prompte , & qu’il fauroit punir févèrement les
téméraires & les rebelles. Les étrangers corrompus
par fes largeflës , trahirent Ne&enabo , & furent
renvoyés dans leurs pays , chargés de préfens.
Artaxèrxes retourna triomphant à Ëabylone qu’il
enrichit des dépouilles de l’Egypte ; quand il n eut
plus d’étrangers ni de rebelles à combattre, il
s’âffoupit dans les débauches, fe repofant du foin
de l’empire fur l’eunuque Bagoas & fur Mentor
le Rhodien. L’eunuque, Egyptien de naiffance,
étoit aufli attaché aux fuperftitions de fon pays ,
que fon maîtreffes trouvoit aviliffantes J & ce fut
pour venger fa religion & fon pays, autant que
par ambition , que cet eunuque fe fit un devoir
de l’empoifonner avec toute., la famille royale.
(T-iv.) .
( Ce fut Tpzxccapi Artaxerxes avoit profane les
temples de l’Egypte , & fait tuer le boeuf Apis ,
que l’eunuque Bagoas regarda comme un devoir
de l’empoiforiner. Il ne vit point dans cette aéfion
un régicide , il n’y vit que l’expiation & la jufte
punition d’un facrilège. Artaxerxes III, mourut l’an
338 avant J, C. )
ARTAXIAS , ( Hijîoire ancienne. ) lieutenant
d’Antiochus-le-Grand, profita des diffentions de la
maifon des Séleucides, pour fe rendre indépendant
dans l’Arménie, dont fes fervices lui avoient mérité
le gouvernemental rechercha l’alliance des Romains,
qui le maintinrent dans fon ufurpation,qu’il affermit
lui-même par fes manières affables & populaifes ;
& .fa domination s’étendit fur tout le pays fitué
entëe la Cappadoce, l’Ibérie, la Médie & la Méfo-
potamié. Poffefleur paifible de cette région, il vit
fon alliance recherchée par Pharnace , roi de Pont,
& par Eumène, roi de Pergame , qui fe faifoient
une guerre fanglante, où les Syriens étoient entrés
pour favorifer Pharnace. Les Romains, arbitres des
querelles des rois de l’orient, leur ordonnèrent de
quitter les armes. Les hoftilités ceffèrent ; & dans
le traité de paix, dont ils diâèrent les conditions,
le titre de. roi d’Arménie fut confirmé à Artaxias ;
dès qu’il eut un titre pour regner, il fit de fa province
un empireflor-iffant.La ville d’Artaxate, dont
il jetta les fondemens, devint la capitale de ce
nouvel empire & la réfidence des rois. «Annibal
qui avoit une haute idée de fon courage & de fes
talens, fe rendit à fa cour dans l’efpoir de l’affocier
à fon reffentiment contre les Romains. Artaxias,
plus jaloux d’affermir fa puiffance que de faire des
conquêtes nouvelles, le traita honorablement fans
fe laifler féduire par fes promeffes. Quelque temps
après , Antiochus Epiphane lui redemanda les provinces
qu’il ayoit ufurpées. Là guerre fe ralluma.
Artaxias perdit une bataille fans rien perdre de fa
gloire, Il tomba au pouvoir du vainqueur, & mourut
dans- la captivité,. ( l’an 179 aVant J. G. ),fa détention
ni fa mort ne changèrent point le deftiri de
l ’Arménie, qui forma pendant 227 ans un royaume
«dépendant fous quatorze rois ' defcendus & Artaxias.
( T— N. )
ARTEMISE, reine (THalicarnaJJ'e, {^Hifl. anc. )
fille de Lygdamis, roi d'Halicarnaflë, de Gosj de
Calidon oc de plufieurs autres contrées, fut une
de ces femmes privilégiées, qui, tenant leurspaflions
affervies à leur ratfon, fe font montrées dignes de
commander aux hommes. Après la mort de fon
père & de fon mari, elle tint.les rênes de l’état
.pendant la minorité de fon fils, dont elle augmenta
les pofleflions : ayant appris que Xerxès méditoit
une invafion dans la Grèce , elle faifit'cette occafion
de montrer, qu’elle' favoit combattre , comme elle
favoit gouverner; & fans attendre les foilicitations
du monarque afiatique, elle fît équiper une petite
flotte, dont les vaifleaux ne le-cédoient en magnificence
qu’à ceux des Sidoniens. Cette princefle voulut
la commander elle-même , & quoiqu’elle n’eût
aucune expérience de la navigation , elle fut un
témoignage que le génie efl: propre à tous les .gm-
plois. Xerxès étonné de fon intelligence,'i’appella
dans tous fes confeils ; & lorfqu’on agita s’il étoit
avantageux d’engager une a&ion dans le détroit
dé Salamine , elle fut la feule qui en repréfenta
le danger, elle difoit que. les Grecs ■ étoient
plus expérimentés dans la marine "que les Per fes >
& que la perte d’une bataille feroit fuivie de la
ruine de l’armée de terre. Il lui paroifloit plus avantageux
de tirer la guerre en longueur, & de s’approcher
du Péloponèfe , perfuadée , comme elle
l’étoit, que l’armée des Grecs , compofée de diffé-
rens peuples qui'avoient leurs, intérêts particuliers
à ménager, fe difliperoit pour aller défendre fes
propres foyers. Le fuccès juffifia la fageffe d’un
confeil qui ne fut pas fuivi. Ce fut elle qui dans
ce combat^ qu’elle avoit défapprouvé, donna à
tous l’exemple de l’intrépidité. Xerxès, frappé de
fii réfiftance héroïque, s’écria que les hommes combattaient
en femmes, & que les femmes combat-
toient en hommes. Il falloit- qu’elle parût bien redoutable
à fes ennemis, puifque les Athéniens eurent
la baflefle de mettre fa tête à prix.
(Ils ne mirent pas proprement fa tête à prix, car
ils promirent au contraire dix milles dragmes, ( cinq
mille livres de notre monnoie) pour recompenfeà
quiconque la pounoit prendre en vie ; fur quoi
M. Rollin fait cette reflexion : « S’ils l’euflentprife,
» elle n’auroit mérité que d’être comblée de louan-
.« ges & d’honneurs ». Sans doute, & ce mot efl:
la condamnation de la baflefle barbare du procédé
des Anglois du quinzième fiécle, envers la Pucelle
d’Orléans, qui étoit plus obligée encore de défendre
fon roi qu\Artemife në l’étoit de féconder Xerxès
dans fon irruptionï )
Xerxès , qui- fe repentoit de n’avoir point fuivi
fes avis, la confulta trop tard fur le parti qui lui
refloit à prendre pour réparer une perte qu’il au-
roit dû prévenir. Artemife qui le voyoit déterminé
à rentrer dans fes états, & à laifler Mardonius dans
la 'G rè ce , ne s’obftirîa point à combattre fa^réfo-
lution ; mais prévoyant le mauvais fuccès d’une
guerre conduite par un généraLfans talens & fans
expérience, elle né voulut point en partager la
honte, & elle follicita fon retour dans fes états.
Xerxès, après l’avoir comblée d’éloges & d’honneurs
, la fit conduire ayec une forte efcorte jufi
qu’à Ephèfe ; & pour témoignage de fon eftime,
ii lui confia plufieurs de fes enfans nés. de fes con-
cubines qui l’avoient fuivi dans cette guerre. Les
autres aétions de cette princefle font tombées dans
l ’oubli ; mais ce que l’iiifloire nous a confervé ,
fuffit pour lui afligner une place parmi les plus
grands hommes. ( T—n . )
( On fait que la bataille de Salamine efl: de l’an
480 avant J. C. ) Artemise ( Hiji. anc. ) reine de Carie, femme
de Maufole, roi de Carie , s’efl: rendue immortelle
par fa tendrefle conjugale, & fur-tout par les regrets
dont elle honora la mémoire. de fon époux.
Ce prince qui venoit de fubjuguer les îles de Rhodes
& de Cos , fut enlevé par une îhort prématurée
au milieu de fies conquêtes. Son époufe, vivement
touchée de fa perte, lui éleva un fuperbe
tombeau qui a fervi de modèle à tous les üècles
fuiyans dans les' pompes.funéraires. On donne en-
Hhh a