
c’eft lui qui a publié l’infidèle & intêreffante histoire
d’Eco (Te, de Buchanan , fon ami, qui lui en
avoit confie la révifion. Ils étoient unis dans un
même intérêt de religion contre Marie Stuart, fi
cruellement diftamée dans l’ouvrage de Buchanan.
A R C , (Jeanne d’ ) dite la pucelle <rOrléans
( Hijl. de France. ) Orléans, preffé par les Anglois
ions le règne de Charles V I I , alloit fe rendre ou
être forcé, quand Jeanne d'Arc, ou la pucelle
d’Orléans parut.
L’aventure de Jeanne d'Arc efi le plus fîngulîer
des phénomènes hiftoriques. Les annales d’aucun
peuple ne préfentent une femme fi extraordinaire r
pi des exploits fi incroyables & fi certains. En
écartant de l’hifioire de Jeanne à*Arc tout le merveilleux
, c’eft-à-dire le furnaturel dont il étoit allez
fimple de l’embellir, il reftoit encore une multitude
de faits afîez étranges pour excufer l’incrédulité,
affez prouvés pour ne pas laiffer lieu même au
doute.
Jeanne à- Arc, née enr 14 ra de parens pauvres, au
village de Donremy-lur-Meufe, fe préfente en
1428, à feize ans, pour fauver la France. Son pays
avoit fouffert, comme le refie dù royaume, dès
ravages de la guerre , & la haine nationale contre
îës Ànglois étoit alors au plus haut point. Jeanne
fut élevée dans l’horreur du nom anglois ; on lui
parloit fans celle des droits & des malheurs de
Charles V U , prince digne d’un meilleur fort : fon
ame s’échaufibit à ces récits.; Ne pouvant fervir le
ro i, elle prioit pour lui ; elle dèmandoit à. Dieu un
libérateur & un vengeur pour la France ; bientôt
elle demanda d’être elle - même ce libérateur , &
bientôt elle fe crut exaucée. Jamais on ne v it un
enthoufiafme plus vrai, plus foutenu, plus noble,
plus rapidement, plus univerfellement communiqué.
Cet enthoufiafme pouvoit être augmenté chez
elle par des diipofitions phyfiques. » Elle n’avoit,
dit un auteur moderne, «que l’extérieur de fon
» fexe, fans éprouver les infirmités qui en carac-
« • térifënt la foiblefle : cette difpofition de fes or-
» ganes devoit néceflairement augmenter la force
» active de fon imagination «. Quoiqu’il en foit,
il efi certain quelle allégua des révélations ; laifions-
fes révélations*
Laifions aufli là connoiflance qu’elle eut de la
journée des Harengs, annoncée par elle à Baudri?
court, commandant de. Vaucouîeurs , avant que
la nouvelle en fût arrivée ; laifions le talent quelle,
eut de difiinguer le roi dans la foule, fans avoir
jamais vu même fon portrait, qui fe trouvoit fur
tant de pièces de monnoie , & ce grand fécret de
Charles VII qu’elle lui révéla, 8c dont ni l’un ni
Vautre n’ont jamais parlé ; laifions encore un. coup
tout le merveilleux , & voyons ce qu’elle a fait
réellement.,
Laifions encore la quefiion fi Jeanne étoit vérU
tableraient pucelle, quefiion qu’on jugeoit alors fort
importante, parce qu’on la croyoit liée avec celle
de, la. forceilerie* Rapportons-nous-en fur ce point
à ta reine de Sicile & aux dames de Gaucourt &.
de Tiennes, qui , après un examen rigoureux, furent
convaincues de la virginité de Jeanne.
Obfervons feulement que. les Anglois „ quoique
par grofîièreté & par une bafie vengeance, ils ne
l’appellafient jamais que la'P ..des Armagnacs,
n’ont jamais réellement élève un doute fiir la pureté
de fés moeurs ; qu’elle étoit ferupuleufement
attachée à toutes les bieiifcances de fon fexe; que
quand elfe fe troüvbit dans quelque Ville de gar-
nifon, elle couchbit toujours avec line femme d’une
Vertu reconnue dans la ville ; que dans les camps
elfe gardoit fon armure la nuit, & avoit toujours >
deux de fes.frères à fos cotés..
Lorfque Jeanne féprésenta d’abord à Baudricourt,,
il la renvoya comme, une vifionnaire ; elle.avoit
dû s’y attendre, elfe ne fe rebuta point;,elle revint
, elle parla, elle étonna Baudriceurt, qui enfin -
l’éiivoya au roi: I.Ile afiiira le roi quelle feroitr
' lever le fiège d’Orléans, 8c qu’elle le •'•méne-
roit à Reims pour être facré ; elle étonna la cour
entière , comme elle avoit étonné fe commandant :
de Vaucouîeurs ; oh commença bientôt à prendre -
; confiance en elfe..
; Le parlement alors fiégeant à Poitiers, fut chargé
de l’examiner ; il lui demanda des fignés de fa
miflion. « Qu’on me mène à Orléans , dit-elle , 8c~
» on en verra des lignes certains«» Tous fes discours
annonçoient cette impatience de combattre ■
& cette aflùrance de. vaincre. .
; « Mais, lui dit-on, vous demandez dès troupes ; :
» Dieu ne peut-il pas fauver la France fans em-
» ployer d’armée « ? Le raifonnement.étoit prefiant.
La pucelle n’y fit qu’une réponfe : d’enthoufiafte...
» Les gens d’armes-, dit-elle, combattront en mon -
« Dieu, & 1e Seigneur donnera là viâoire «.
Elle vient à Blois , on y préparoi t un convoi ;
pour Orléans ;/elle. raffemble les prêtres , elle en >
! forme une efpèce dé bataillon {acre, qui marche
à la tête des troupes, en chantant des hymnes,
que- lés foldats répétoient avec tranfport ; tous la .
croyoient infpirée,.tous fembloiènt infpirés à leur"
tour. Le convoi , efeorté de-fix mille hommes
pafie au milieu des ennemis. La pucelle efi reçue
en triomphe dans» Orléans ; Dunois' & la Hire
marchoient à fes côtés? Dunois ne doutoit pas-
qu’elle ne fût infpirée, il en parloit encore dans
fa vieilleffe avec le même enthoufiafme.
Les jours fuivans , d’autres convois, d’autres fe-
cours, furent introduits dans la ville-,, toujours-
. protégés par là pucelle , qui fe tenoit avec un;
corps de troupes entre la ville 8c les Anglois.
Jeanne procédoit en règle; avant de fortir de
Blois 8c de commencer la première hoflilité, elle.
_ avoit faitfommer les Anglois de rendre le royaume,
au fouverain légitime. Les Anglois chargèrent de-
chaînes fon meflager ; elle l’envoya redemander ;
-r elle fe plaignit de cette violation du dtoit des gens
8c menaça d’ufer de repréfaiUes. Les afiiégeans lui
écrivirent des injures ; mais Us renvoyèrent le
Hérault.
On réfolut dans Orléans de reprendre des forts
dont les Anglois étoient les maîtres 8c qui ferroient
de près la ville. La pucelle fommaencolles Anglois
d’abandonner ces forts; mais , pour n’expofer
perfonne, elle envoya fes lettres au bout d’une
flèche dans le camp des aflïégeans. « Anglois , leur
marquoit-elle, « vous qui navezi aucun droit a ce
« royaume, Dieu vous,ordonne, par moi, Jeanne
« la pucelle, d’abandonner vos forts 8c de vous
j» retirer : je vous ferois tenir ma lettre plus hon-
33 nêtement, fi vous ne reteniez pas mes heraults U.
Des injures furent encore la feule réponfe à ce
jiifte reprophe ; mais la terreur dont les Anglois
étoient frappés , perçoit à travers leurs faux me- ,
pris; Us la croyoient forcière, 8c cette-idée n étoit ,
pas propre à les rafliirer.
Le premier fort, après un affaut de quatre heures
, efi emporté ; le furlendemain on en emporte
deux autres.! Dans tous ces affauts, Jeanne paroif-
foit toujours la première, fon étendart à la main..
A l’attaque d’un autre fort, une terreur panique
s’empare des François au moment où ils plantoient
leurs échelles, Us fuient, en défordre ; la pucelle
ne pouvant les retenir, couvre la retraite. Les
Anglois enhardis par cette faite, fortent du fort.
Jeanne, indignée qu’on osât la pourfuivre , fe rer
tourne, 8c s’avance feule vers les Anglois ; on eut
hortte de ne la pas fuivre,.on eut honte d’avoir
fui à fes yeux : on repouffe-les Anglois, 8cle fort.
efi emporté d’afiàiit.-
Enfin on devoit attaquer le dernier 8c le plus
important de ces forts. Jeanne pafîa la nuit fous
les armes, 8c le lendemain n’en monta pas moins
la première à l’affaut ; bleffée à la gorge, . elle fut
forcép de fe retirer. Les Anglois crurent avoir rompu
le charme; les François perdirent courage;Dunois
lui-même, fatigué d’un combat.qui avoit duré
prefque tout le jour, fongeoit à la retraite. Jeanne
reparoît au bout d’un quart-d’heure, n’ayant pris
que le temps de faire mettre le premier appareil à fa
blefiùre , les Anglois confiernés à fa vue lui cèdent
la viâoire, 8c chaffés de tous leurs forts, ne fon*
gent plus qu’à lever le fiège d’Orléans.
On a une lettre du duc de Bedfort, régent d’Angleterre
8c de France pendant la minorité de
Henri V I , dans laquelle il mande en Angleterre
l’état des affaires. « Toutréufliffoit, dit-il , jufqu’au
• « temps du fiège. d’Orléans; mais depuis cette
« époque, ajoute-t-il, un coup terrible aétéfrap-
« pé fur nous par la main de Dieu. .Ce revers efi
« caufé en grande partie par la crainte fuperftitieufe
» qu’ils ont conçue d’une femme , vraie difciple de
» Satan , formée du limon de l’enfer, appéllée
« la pucelle, laquelle s’efi fervie d’enchantemens
» 8c de fortilèges. Ce revers 8c cette défaite, non
« feulement ont fait périr ici une grande partie
» de nos troupes , mais ont encore en même temps
» découragé le refie de la. manière, la plus éton-
» nante,8c ont au contraire ranimé les ennemis 8cc.«.
Cette lettre d’un ennemi efi le plus beau monument
de gloire pour la pucelle; voilà le plus fin-
eère aveu de l’efiroi que fon nom feul infpiroit aux
Anglois. V . % .
C’étoit fans aucune arme#meurtriere , c’etoit avec
fon feul étendart que Jeanne les foudroyoit ainfi :
voilà ce que 1e leàeur aura peine à comprendre;
en fongeant à tant de victoires fi rapides., fi étonnantes
, il fe repréfente la pucelle au milieu du
carnage, les mains teintes de fan g , donnant la
mort à tout ce qui réfifie. Au contraire , cette
guerrière, an fil humaine que vaillante , abhorroit*
le fang , s’expofoit aux coups, 8c n’en portoit point ;
elle ne fe fervoit jamais de fon épée : « Je veux.
,3) chaffer les ennemis du ro i, difoit-elle; mais,je
» ne veux tuer perfonne «. En effet,. il ne paraît*,
pas qu’elle ait jamais donné la mort ; elle couroit
par-tout dans les rangs ennemis avec fon etendæt,.
toujours la première au combat, la dernière a la
retraite. Son ardeur , fon audace, fa certitude de-
vaincre, fon étendart qu’on croyoit magique , fa
grâce dans les exercices, fa férenite dans le péril
voilà le prefligs qui- eonfternoit 8c diffipoit fe^-
ennemis.
La ville d’Orléans fut délivrée le 8 mai 1429 ;
les ennemis fe retirèrent avec précipitation , abandonnant
leurs malades , leurs vivres, leur artillerie
, leur bagage. On voulut les pourfuivre 8c troubler
leur retraite ; Jeanne s’y oppofa. « Laifions-
3) les fuir, dit-elle., l’objet efi rempli, point de
J» carnage inutile«. Quelle philofophie pourroit
valoir cet enthoufiafme vertueux ?
Orléans étant délivré , il falloit fe mettre au
large, en reprenant les placesvoifines. On courut,
à Gergeau , qui étoit défendu par le comte de-
Suffolck; le détachement françois de ce fiège étoit
commandé parle duc d’Alençon. Dès qu’on fut
fous les murs de Gergeau : Avant, gentil duc ! à
Vajfaut ! s’éevie la pucelle. Dans les inomens périlleux,
elle lui difoit: Ne craigne^ rien, j ’ai promis
à la duchejfe d’Alençon- de vous, ramener fain &
fauf. Tous les traits des affiégés étoient dirigés
contre elle. Parvenue au haut de fon échelle, elfe
alloif' arborer fon étendart fur les murs ; cet éten—
dart efi déchiré, un autre coup l’atteint à la tête,.
8c la renverfe dans le foffé.. Elle fentit que c’étoit
le moment de redoubler d’enthoufiafine ; elfe fe
relève, elle remonte : Amis, amis', s-écrie-t~e]le
Jus, fus ! notre Seigneur a condamné,, les Anglois :
ils Jont à nous, bon courage.Gergeau efi forcé; le
comte de Suffolck efi.pris avec un de fes frères;,
un autre de fes frères efi tué ; de douze cents
■' hommes qui compcfoient la garnifon.,.onze cents
‘ font taillés en pièces, le refte efi fait prifonnier».
Meun efi repris avec la même facilité on afiîège
Beaugency, Beaugency capitule. Mais il refibit à
vaincre les Anglois en bataille rangée;
Les Anglois s’avancent dans la plaine dè Patay
en Beauce , av&c des forces fùpérieures, fous .laa