
gaire des hommes, & quelle a rèfer-vé le limon
le plus précieux pour compoYer ceux de leur efpèce.
Ce préjugé eft fortifié par les prérogatives attachées
à la naiflance : ce n’efl qu’à la laveur d’une
longue fuite d’aïeux qu’on peut prétendre aux dignités
de l’Eglile, dont les richeffes entretiennent
la fplendeur des familles.
^La conftitution aéhielle de Y Allemagne eft à-peu-
près la même que dans fon origine. C ’eft un refte
de ces confédérations formées par plufieurs tribus,
pour alfurer l’indépendance commune contre les
in valions étrangères. Cette région étoit autrefois
habitée par différens peuples, qui avoient une identité
dorigine, de langage & de moeurs, & dont
chacun avoit un gouvernement particulier indépendant
des autres. Le pouvoir des rois étoit limité
par la lo i, & les intérêts publics étoient dîfcutés
dans les affemblées nationales. Les Germains,
toujours armés, & toujours prêts à combattre &
à mourir pour conferver leur indépendance &
leurs pofleflions, furent fouvent attaqués, quelquefois
vaincus, & jamais fubjugués. C’eft le feul
peuple de la terre qui n’ait point obéi à des maîtres
étrangers. Les Romains y firent quelques conquêtes
, mais leur domination y fut toujours chancelante
, & jamais .il ne comptèrent la Germanie
au nombre de leurs provinces. Il eft vrai que les
différèntes républiques ne connurentTpas toujours
allez le prix de leur confédération , & que fouvent
divifées d’intérêts eu de haines perfonnelles., elles
s’affoiblirent par des guerres domeftiques, au lieu
de réunir leur forces contre les oppreffcurs. Elles
euffent été invincibles , fi elles avoient eu autant
de politique que de courage.
Quoique YAllemagne eût été, dans tous les temps,
le théâtre de la guerre, elle a toujours été fur-
chargée d’habitans. Son exceflive population la fait
appeller la pépinière des hommes. C’eft un privilège
dont elle eft redevable à la falubrité de
l’air qui entretient la vigueur du corps, & à la
fertilité de fon fol qui fournit des fubfiftances faciles
au cultivateur. Les rivières, dont ce pays eft
arrofé , favorifont fa fécondité naturelle & ,fe s
relations de commerce. Des bains d’eaux minérales
, chaudes & tempérées, offrent des reflburces
paillantes contre les maux qui affligent l’humanité.
Quoique le climat & le fol ne foient pas favorables
à la culture de la vigne, on recueille fur les
bords du Neckre & du Rhin, des vins fort efti-
més. Les bords de la mer, beaucoup plus froids,
ne connoiffent pas cette richeffe ; mais on y fait
d’abondantes moiffons de bled, & l’on y nourrir
des troupeaux nombreux dans de gras pâturages.
Les Francs, qu’on regarde comme originaires
de la Germanie, furent les premiers qui en changèrent
la eonftittition. Après avoir été les conqué-
rans des Gaules , ils repayèrent le Rhin, & fe
rendirent les maîtres de tout le pays renfermé entre
le Danube & le Mein. Charlemagne étendit plus
loin fies conquêtes ; & après avoir fubjuguê la
Saxe & la Bavière, il porta fies armes victorien fe
jufiques dans les provinces voifines de la Pologne
& de la mer Baltique. L’Allemagne, fous ce prince
conquérant & fous le règne de fon fils, ne fut,'
pour ainfi dire, qu’une province de France , dont
elle fut détachée par le partage imprudent que les
, Ie débonnaire firent de fon riche
héritage. Elle échut à Louis II à titre de royaume ;
& fies deficendans la poffédèrent depuis 840 jufiqu’à
911 i que Louis l’enfant mourut fans laitier de
poftérité. Alors Y Allemagne fut rendue élective ;
& fiéparée de la France, elle forma un gouvernement
particulier, fous le nom d'empire Romain,
titre ftérile, q u i, loin de contribuer à fia fplendeur
, l’a inondée d’un déluge de calamités renaif-
fiantes.
Le chef du corps Germanique prend le nom
d’empereur des Romains, fans poffèder l’héritage
des anciens maîtres. du monde. L’origine de cet
ufiage fe découvre dans la foibleffe des peuples
d’Italie, opprimée par des barbares, & fur-tout dans
l’ambition des papes qui, voulant-fe fouftraire à la
domination des Got'ns, des Lombards & des Grecs ,
choifirent Charlemagne pour protedeur : il lui déférèrent
un titre qu’ils n’avoient point droit de lui
donner; mais ils ne purent faire palier fous fa domination
les peuples qui obéiffoient à des maîtres
étrangers. La majefté de ce prince fut révérée dans
Rome, il y fut reconnu empereur , exerça tous
les afiies de fouverainetévil cpnferva les magiftrats
& la conftitution, non pas qu’il n’eût le droit.de
les changer, mais par une fuite de fa politique*
poiir ménager de nouveaux fujets, & les attacher
à fa domination.
Les .Romains fe laffèrent bientôt d’avoir pour
protecteurs Sc pour maîtres, des princes afiez puif-
fans pour être impunément leurs tyrans. Les papes,
•empreffés d’envahir le pouvoir fuprême, fomentèrent
en fecret le m^gntentement du peuplequi
commença à rougir çvfR'è allervi à des fouverains
étrangers ; & dès qinfs furent appuyés de la mul- '
titude , ils abusèrent des foudres de l’églifo contre
tous ceux qui refusèrent de ployer fous leur defpo-
tifme. Les rois d'Allemagne 9 à qui le titre d'empe-.
reurs des Romains ne fufeitoit que des guerres, fe
défiftèrent fucceffivement de leurs droits, & aban-.
donnèrent-le fiège de Rome aux papes qui ; pen*
dant plufieurs fiècles, bouleversèrent l’Europe pour
s’y conferver. Mais en renonçant à la réalité du
pouvoir, ils continuèrent à fe parer d’un titre vain
& pompeux ; & , à leur éleâion , on les fait encore
jurer qu’ils feront les défenfeurs de l’empire ,
mot qui n’offre aucune idée, &qui n’impofo aucune
obligation, puifqu’il ne refte aucun veftige de cet
empire. Ils ont même aboli l’ufage d’aller fe faire
couronner à Rome, ufage qui coûta, tant de fan g
à l’Europe ; & les princes électeurs, n’exigent point.
l’accompliffement de leur ferment : les dépenfos de
cette cérémonie épuifoient Y Allemagne, 6c enrichif-
foient l’Italie,
Allemagne, comme dans les premiers temps, eft
•encore gouvernée par différens fouverains, dont
l’empereur eft le chef; mais, dont le pouvoir eft
reftraint par celui des états de l’empire, qui font
compofés des princes , dont les uns font ecclé-
ïiaftiques, & les autres féculiers. Cette dignité,
depuis Charlemagne , a toujours été élective.
Quoique toute la nation fût convoquée pour don-
mer fa voix, il. eft confiant qu’il n’y eut prefque
jamais que les princes, les évêques 6c la nofileffe ,
qui donnèrent leur fuffrage. Le nombre des électeurs
eft aujourdhui reftraint à neuf, dont trois
font eccléfiaftiques : favoir les archevêques de
Mayence , de Trêves & de Cologne. Les fix autres
font le roi de Bohême , le roi de. Pruffe ,
les ducs de Bavière , de Saxe , de Hanovre,
<& le comte Palatin du Rhin. On ne peut fixer le
temps où ces princes fe font approprié ce privilège
exclufif : la plupart des droits ne font que
d’anciens ufages. L’opinion la plus générale en
fixe l’époque à Othon III. Il eft probable que les
premiers-officiers de l’empire , qui tenoient dans
leurs mains tout le pouvoir, s’arrogèrent le droit
d’éleélion. La bulle d’O r les confirma dans une
ufurpation , dont ôn rie pouvoit les dépouiller. Le
ch e f de tant de fouverains eft fort limité dans
l’exercice du pouvoir fuprême : il ne peut rien
décider fans le concours des princes ; &- dès qu’il* ■
eft élu , il confirme par fes lettres & par fon fceau
les droits & les privilèges des princes, de la no-
bleffe & des villes;
L empereur 8c lès éleâeurs font les fouis princes-
qui foient véritablement fouverains , parce' qu’ils
font affez puiffans pour faire refpeâer leurs privilèges
8c la foi des traités. La couronne impériale
, après avoir ceint le front des princes de
Saxe, de Suabe, de Bavière & de Franconie, &c.
paffa fur la tête du comte de Habsbourg, tige de
là maifon d’Autriche, dont les deficendans ont
étendu leur •domination dans les plus belles-provinces
de 1 Eùrope , plutôt par une politique fage
& fuivie, que par la force & l’éclat dés armes:
L’extinétion de cette augufte maifon en a fait pàf-
for l’héritage dans celle de Lorraine', qui, à ce que
quelques-uns ont prétendu , avoit une origine
commune avec elle.
La maifon des comtes Palatins du Rhin fe glorifie
de la plus haute antiquité. Sa domination s’étend
depuis les Alpes jufqù’à là Mofolle : elle eft
divifée en deux branchés principales, dont l’une
qui defeend de Rodolphe , a pour chef l’éleéleur
Palatin ; l’autre qui defeend de Guillaume, pofféde
la Bavière. ( La branche Guillelminé eft aujourd’hui
éteinte, & la branche Rodèlphine ou Palatine réunit
les deux éle&orats. ) La branche Palatine des Deux-
Pontsi a donné des rois à la Suède, & des fouverains
illuftre's à plufieurs pays- de Y Allemagne. On peut
dire à la gloire de cette maifon , qui pofféde au-
fourdliui deux éleétorats, qu’elle a été dans tous
ies temps féconde en grands tommes, (
La maifon de Saxe, qu’on voit briller dans le
berceau de Y Allemagne, paroît aufli grande dans
fon origine, qu’elle l’eft aujourd’hui. La Thuringe,
la Mifnie , la haute 8c baffe Luface qu’elle pofféde
, font fituées au milieu de Y Allemagne. Elle
eft divifée en deux branches qui en forment plufieurs
autres. L’Erneftine, qui eft l’aînée, a été
dépouillée de l’éleélorat qui a paffé dans la branche
Albertine. Si les poneftions de cette maifon
' étoient réunies fur une feule tête , elles forme-
roient une puiffance redoutable : les princes de
Gottha, de Veimar , d’Hildburghaufon, &c. n’ont
plus que l’ombre du pouvoir, dont leurs ancêtres
avoient la réalité.
La maifon électorale de Brandebourg eft parvenue
au dernier période de la grandeur, fous
un roi philofophe oc conquérant : fos poffefiions
s’étendent au-delà de Y Allemagne , où il eft maître
de la Poméranie ultérieure , de la Marche de
Brandebourg, de la Pruffe érigée en royaume,
. de Clèves , de la plus grande partie delà Siléfie,
des évêchés d’Halberftad, de Minden, de Bamin,
& de i’Archévêché de Magdebourg. Cet état con-
fidérable par fon étendue, prend chaque jour de
nouveaux açcroiffemens par fa population , dont
les progrès font favorifés par la fertilité du fol #
6c par les encouragemens du gouvernement.
L’éleétorat a paffé dans la maifon de Brunf-
vic - Hanovre qui a aufli la gloire d’occuper le
trôné d’Angleterre. Lespoffeflions de'cette maifon,
quoique divifées, lui donnent un rang confidéra-
ble parmi les princes fouverains de Y Allemagne.
L’éleétorat de Bohême eft tombé dans la maifon
d’Autriche : les éleéleurs eccléfiaftiques font chanceliers
de l’empire. Celui de Mayence doit exer-
i cer cette dignité en Allemagne ; celui de Trêves ,
j dans la Gaule 8c la province d’Arles à laquelle les
Allemands confervent toujours le titre de royaume
; celui de Cologne dans l’Italie. On peut juger
' par ce partage que leurs fondions font trop fimples
pour être pénibles : il n’y a que le premier à qui
fon titre impofe des obligations réelles.
Chaque éledetir eft haut officier de l’empire. Le
duc de Bavière - prend Je titre de grand - maître :
c’eft lui qui, dans la folemnité du couronnement,
porte la couronne d’or. L’éle&eur de Saxe, en fa
qualité de grand maréchal, porte l’épée. Celui de
Brandebourg, comme grand chambellan , porte le
feeptre. Le Palatin, comme grand tréforier, diftri-
bije au peuple les pièce? d’o r , dont l’empereur a
coutume de faire des largeffes après fon couronnement.
Enfin, chaque éle&eur a fa fon&ion , qu’il
fait exercer par des vicaires , fur - tout depuis
que plufieurs d’entr’eux, revêtus du titre de rois,
croiroient fe dégrader, en defeendant à des devoirs
qu’on n’exige que d’un fujet* Lorfque l’empire
eft vacant, & qu’il n’y a point de roi des romains
, Téle&eur de Saxe 6c le Palatin font les
vicaires de l’empire. 1^Allemagne ? plufieurs fitrtes de fouverains qui,