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donnoient occafion, fur-tout ceux qui attaquoîent
les gens par des endroits vifs & fenfibleS, ou fur
des fautes capitales, dont les taches paffoient h la
poftérité par le moyen, de l’impreffion, & deve-
noient éternelles. Il n’eft pas hors de propos de
rapporter à cette occafion un exemple de fenfibilité
allez remarquable , pour mériter d’avoir place ici.
En l’année 1725 , le roi de Prude (Frédéric II
du nom ) qui, pendant le temps de fon règne , a
toujours eu une attention extraordinaire à former
des régimens compofés des plus grands hommes
& des mieux faits de l’europe , obtint de S. M.
T . C. la permifîion d’en lever en France , & principalement
à Paris, où la permifîion fu t, dit-on,
affichée publiquement. On ne manqua pas de faifir
une occafion fi glorieufe à la calotte , & en même
temps fi digne (Fblle. Il parut auffi-tôt un arrêt
burlefque de la part de la calotte , par lequel elle
ordonnoit la levée de régimens compofés des plus
grands hommes du royaume. Après y avoir détaillé
, d’une manière affez comique, le s avantages
d’une haute taille, onfiniffoit l’arrêt par ces vers-:
Voulons que l’on fe conforme
Pour la hauteur & la forme
\Au cordeau des enrôleurs ,•
Et pour animer les coeurs
De ces nouvelles milices,
Leur donnons pour leurs épices
Vingt-cinq mirlitons de poids »
Ou cent écus navarrois »
Qu’ils recevront fur la moufle
Qu’océan , quand il rebroufle ,
Laifle aux rives de Stettin.
Fait au.confeil calotin ,
L’an mil fept cent vingt-cinquième
Et d'oètobre le quinzième.
Le brevet fut trouvé plaifant; mais la raillerie
déplut à S. M. P. , d’autant plus que fes fujets
commençoient d’en rire tout haut. La vente & la
le&ure des brevets fut défendue à Berlin. On juge
aifèment que dès râïfons à-peu-près pareilles, contribuèrent
à les interdire dans le pays de leur naiffance.
On ne voit rien aujourd’hui qui reffemble ni à
la mère folle, ni au régiment de la Calotte fa j .
Mais la médifance & la fatyre n’en font pas moins
à la mode. Les différentes pallions qui agitent
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l’efprit humain dans les diverfes fituations où il fe
trouve pendant la v ie , font la véritable origine
de la médifance , & enfuite de la fatyre &
de la cenfure. On ne doit pas être furpris que les
hommes s’y-laiffent aller fi aifèment, 8c qu’ils'
aient plus ou moins de difpofition à railler ou fa-
tyrifer ceux qui les maltraitent,ouquiles choquent,
ou qui leur déplaifent. Avec cela, tel eft le génie
des nommes, que quand même ils louent ce qui
mérite d’être loué, ils fe réfervent toujours de quoi
reprendre, de quoi blâmer. La plus légère faute,
la moindre démarche change leurs idées ; alors le
blâme l’emporte , & le penchant à la fatyre fe développe.
Supérieurs, égaux, inférieurs, tout pafferoit
en revue devant eux , fi l’on n’arrêtoit leur licence.
De tous les peuples de l’Europe, l’Anglois eft
celui qui, jufqu’à préfent, a de mieux confervéla
liberté de la langue & de la plume ; ailleurs ' on
parle , on chanfonne encore : mais on eft borné à
certains objets, franchit-on ces bornes , c’eft fans
fe faire. connoître. Le François a fès vaudevilles 5.
il lui faut cela pour le confoler & pour lui faire
oublier fes chagrins ou fa misère. On peut lui appliquer
ce vers d’Horace :
Cantabit vacuus coram latrone viatorr
Ce caraftère d’efprit fournit aux François une
fource inépuifable de faillies qui diffipe leur mau-
vaife humeur, & les ramène tout d’un coup de
la triftefte à la joie. De ces faillies qui pour l’ordinaire
font aufti plaifântes.qu’ingénieufes & originales
, on voit naître continuellement des chan-
fons, des vaudevilles , qui amufent agréablement
le public, & les divertiffent eux-mêmes. Heureufe
difpofition qui donne une infenftbilité qu’on peut
dire raifonnabîe , puifque rien n’eft plus digne de
la raifon que l’art de diminuer les foucis, & la recherche
des moyens qui peuvent procurer la tranquillité
à une vie de courte durée. On doit à cette
difpofition l’humeur fociable, l’enjouement & la
véritable urbanité, qui difpofe à la raillerie & à-
une fatyre gaie & plaifante , qu’on poiirroit appel-
ler une fatyre fociable,. parce qu’elle, eft l’effet
d’une humeur libre & enjouée , qui , loin d’interrompre
la fociété, l’entretient, Ja_ divertit, &
fouvent même la corrige par fès railleries : rïdendo•
dicere verum qui'd vetat. La joie , l’amufement & le
plaifir, font par-tout les principes dès fociétés-
{a) Pafquin & Marforio , fi célèbres en Italie ne leur reffëmblent que par une liberté très-fatyrique, fouvent fi adieu fe
& fi exceflïve,, qu’elle irrite même.ceux qu’elle n’attaque pas. Cette liberté eft l’effet du génie des Italiens naturellement:
portés à l’excès & à railler amèrement. Pafquin , qui a donné fon nom à ces fatyres & libelles diffamatoires que l’ont
appelle Pafquinades , 8c Màtforio font deux ftatues que l’on voit encore à Rome'. Marforio eft un mot corrompu de M a r -
-tisforum , nom du quartier où fe voit cette ftatue. Pafquin a pris le fieq.d’un railleur fort plaifant , grand difeur de bons
mots & fort fatyrique , chez qui s’aflembloient les gens dç ce caractère & les nouvelliftes dont le génie eft d'ordinaire
fatyrique & emporté. Les coups de langue qui fe donnoient ‘dans la boutique de cet artifan , acquirent le nom dè pafqui-
71 a des , d itM iffo n & infenfiblement on lui attribua tout ce qui ie difoit de piquant & de. fatyrique dans la ville . pour
mieux pêrfuàdîer que ces mots piquans venoient de lui , on les affichoît fur une ftatue qui étoit à fa porte , & peu à peu
cette ftaiae prit le nom de Pafquin, Voye\ h s Mémoires de Sallengré,
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d'amitié, des affemblées, des fpeâades, des coil-
verfations , des cotteries., &c. Perfonne n’en doute ;
mais a-t-on bien remarqué que la raillerie & la
critique y font toujours de la partie, que fouvent
m ême il doit y entrer unfelfatyrique,qui réjouit les plus
fêrieux ; que fans ce fe l, tout y languit ; que les
efprits qui font dans le fang ,• étant plus animés &
plus fubtils fous un ciel ferein , dans un air pur,
au milieu d’une belle faifon, ou dans quelque cir-
conftance agréable, manquent rarement alors de
conduire l’imagination de la plaifanterie à la raillerie
, & à. des faillies fatyriques. Cela fe remarqué
dans tous les endroits où l’on a coutume de
s’affembler pour fe divertir, cabarets , guinguettes,
8c dans les lieux deftinés aux fpeétacles. Cela fe
remarque aufti dans les fociétés d'amitié les plus
régulières; & enfin, dans les parties qui font à la
campagne,où l’on trouve encore d’agréables reftes
de la première liberté de l’homme, & de l’égalité
des conditions.
La poéfie donne du tour & de l’agrément à la
raillerie; & pour la produire, il faut que l’imagination
foit échauffée. Qu’e ft-te qui pourroit la
mieux échauffer que la joie & le plaifir ? On ne
doit donc pas être furpris que la poéfie ait accompagné
les jeux & les badinages dès la première
enfance du monde ; mais on s’eftfervi d’elle avec
plus ou moins de délicateffe, félon le temps. On
en a ufé à fon égard fuivant le temps & félon fon
génie, ou le goût du fiècle. ( M. B e g u i l l e t . )
CALPRENÈDE, ( Gautier de Costes , fei-
gneur de la) gentilhomme ordinaire du roi,fut employé
dans des négociations, mais il n’eft connu
que par fes romans de Caffandre, de Pharamond,
fur-tout de Cléopâtre ; il ne l’eft point du fout par
fes pièces de théâtre * dont quelques-unes, telles
que le comte d’EJfex * 8c,la mon de Mithridate, ont
été refaites par Thomas Corneille & par Racine.
Le cardinal de Richelieu ayant entendu la leéture
d une de fès pièces, dit que les vers lui en pa-
roiffoient un peu lâches. Ce mot bleffa l’orgueil
gafeon de la Calpren'ede : I l n y a jamais rien eu de
lâche , répondit-il, dans la maifon de la Calprenede.
Defpréaux a dit de, lui dans l’art poétique :
Tout a l’huméur gafeonne en un auteur gafeon,
Calprenèdé & Juba parlent du même tqnr '
CALPURNIE, ( Hift. Rom. ) fut la quatrième
des femmes qu’époufa fucceflivement Jules Céfar.
Elle étoit fille de Lucius Pifon qui fuccédà à fon
gendre dans le confulat, en faveur de cette alliance.
Epoufe tendre & fidèle d’un mari volage, elle ne
fut occupée que du foin dé fon bonheur & de fa
vie. Elle avertit plufieurs fois Céfar de la conjuration
formée contre lui, & le jour même qu’il fut
maffacré y-elle fe jetta à fes genoux pour l’empêcher
de fe rendre au fénat. Après le meurtre du dictateur,
elle pouvoit jouir avec éclat de toutes fes
richeffes; mais occupée de fa vengeance, elle en-
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voya tous fes tréfors à Marc-Antoine, pour le
mettre en état de punir les affaflins. ( T — n )
CALPURNIUS, ( Voye-f) Némésien.
CALVERT ( George ) ( Hift. d’Anglèt. ) Secrétaire
d’état, fous le roi Jacques I , en 1618,
établit fous Charles I , des colonies dans le Mari-
land, & fit autant chérir les Anglois en Amérique
par fa douceur, que les navigateurs Efpagnols y
avoient fait détefter leur nation par leur cruauté.
Mort à Londres en 1632.
CALVIN ( Hifl. môd. ) Jean Cauvin dont le
nom traduit en latin, fit Calvinus, 8c retraduit en
françois, fit Calvin, nâquit à Noyon le 10 Juillet
1509. Gérard Cauvin fon père, fut d’abord tonnelier
à Pont-l’Evêque, enfuite procureur fifcal de l’évêque
de Noyon; jeanne le Franc, fa mère, étoit
fille d’un cabaretier de Cambray ; deftiné par fes
parens à l’état ecclefiaftique, Calvin eut à douze
ans une chapelle dans la cathédrale de Noyon,
à feize ans la' cure de Marte ville, qu’il permuta
deux ans après pour celle de Pont-l’Evêqué qu’il
garda près de cinq ans. Deux fois curé, il ne fut
jamais prêtre; ce défordre, ce relâchement fean-
daleux dans la difeipline, doit être compté parmi les
abus qui décréditoient alors Féglife romaine & qui
favorifèrent la réforme. Pendant quil éfoit curé a
Marteville ou à Pont-l’Evêque, il faifoit à Paris
fes humanités au collège de la Marche 8c fa philosophie
au collège de Montaigu; il apprenoit les loix
à Orléans fous Pierre de l’E toile, & à Bourges fous
le célèbre Alciat. Dans la même univerfité de
Bourges Melchior Wolmar , Allemand, lui enfei-
gnoit le grec, & lui infpiroit les principes du lu-
théranifme. Calvin n’eut jamais d’autre maître de
théologie que fon parent Robert Olivetan, 8c que
le grammairien Wolmar. Inftruit par leurs leçons,
il couroit les répandre de village en village, 8c le
feigneur de Linières, qui prenoit plaifir à l’entendre,
difoit : du moins celui-ci nous dit quelque chofe
de nouveau. A vingt-un ou vingt-deux ans Calvin
donna une confultation en faveur du divorce
d’Henri V I I I , mais il voulut détourner ce prince
du projet d’un fécond mariage, & il fe déclara
hautement contre la fuprémarie. Il vendit fa cure
8c fa chapelle, & vint dogmatifer à Paris. L’héréfie
avoit déjà- gagné jufqu’au reâeur de l’univerfi-
té , Nicolas Cop. Il fut cité au parlement fur ta
dénonciation de deux Cordeliers, pour un fermon
tout hérétique qu’il avoit prononcé âuxmathurins lé
jour delà touffaint 1533 & que Calvinzvoit compofé.
Le re&eur ayant reçu des avis fecrets d’un membre
du parlement, ne comparut point 8c s’enfuit à
Bâle. Le lieutenant-criminel Morin alla au collège
de Fortet pour arrêter Calvin qui y demeuroit &
qui fe fauva promptement à Angoulême. La reine
de Navarre, foeur de François I , qui connoiffoit
Calvin 8c qui eftimoit fes talens, appaifa ce premier
orage. Calvin féduifit pour un temps
Louis du Tillet, chanoine de ta cathédrale d’An-
goulême, frère du greffier en chef & de Fér
A^aaa %