
roi Louis VIII ; le comte de Flandre \ qui n’avoît
point d’autres héritiers que la comteffe de Hainault,
la foeur, mère d’Ifabelle, avoit promis, en faveur
de ce mariage, d’affurer au roi de France le comté
d'Artois ; Philippe à la mort du comte de Flandre ,
demanda donc à Baudouin de Hainault , nouveau
comte de Flandre, le comté d'Artois ; ce fut fur
les terres du comte de Flandre, & les armes à la
main, que Philippe fit cette demande, il fallut tout
accorder. Philippe eut le comté d'Artois ; mais le
comte de Flandre faifit, félon l’ufage, le.premier
moment d’embarras où fe trouva Philippe pour,
.rentrer dansYArtois fil reprit Arras : Philippe en fit
le fiége j le comte vint au fecours. Les armées étant
en prèfence, le comte fe retira , même avec quel-
,que apparence 'de défordre. Philippe le pourfuivit,
oc s’engagea dans des chemins étroits & couverts
entre des marécages, fituation défefpérée, où il ne
pouvoit ni avancer, ni reculer , ni combattre; il
avoit négligé de s’affurer des ponts pour la retraite ,
& l’ennemi les avoit fait rompre. Philippe, pour fe
tirer d’un fi mauvais pas, prit l’engagement de rendre
Y Artois ; mais quand il fut à Paris, dit Mézeray, il
ne trouva que trop de gens-qui Taffurèrent qu’une
promelfe faite par force n’oblîgeoit à rien, & qu’un
feigneur ne pouvoit s’engager valablement envers
un valfal rebelle. Il garda donc l’Artois, qui fut
donné en apanage à Robert , frère de S. Louis,
tige de la branche d'Artois.
Dès-lors ce comté devoit être fujet à réverfion,
à défaut d’héritiers mâles; mais l'es principes de la
loi-des apanages étoient encore mal éclaircis.
En 12.97, Y Artois fut érigé en comté-pairie par
Philippe-le-Bel, en faveur de Robert I I , fils de
Robert I , c’étoit une inféodation nouvelle dontja
condition effentielle étoitla réverfion à la couronne :
a? Je décore votre terré, je vous décore vous
y> même d’un titre éminent, a condition de retour
» à la couronne. « Tels furent les principes généraux
de la pairie, comme ceux des apanages. Obfe'rvons
que du temps de l’éreétion du comté d'Artois en
pairie, les principes des apanages étoient bien développés
, & pouvoient répandre de la lumieré fur
ceux de la pairie. Si un domaine détaché de la couronne
pour être le partage d’un fils de France,eft fujet
à réverfion, à défaut d’héritiers mâles, en vertu
de la loi falique & de l’inaliénabilité du domaine
de la couronne , à plus forte râifon ce''domaine efl;
il réverfible, quand on y a joint une dignité éminente
, & dont les fonctions paroiffent ne convenir
qu’aux mâles. Ainfi le comté d'Artois fembloit être
dans le cas de la réverfion faute d’héritiers mâles,
& comme grand-fief de la couronne, & comme
apanage, &' comme pairie ; il fembloit ne pouvoir
appartenir à une femme. Il y a bien loin de ces
principes, à priver un petit-fils de la fücceffion de
fon ayeul paternel, en faveur d’une fille; c’eft cependant
ce qui arriva.
Robert I , avoit été tué à la bataille de'la Maf-
foure en 1250; RobertII, à la bataille de Courtrai
en 1302 ; Philippe, ‘fils de Robert I I , Sc père de
Robert I I I , étoit mort du vivant de fon père, des
bleffures qu’il avoit reçues à la bataille de Furnes
en 1297.: le ' prix de tout ce fangfùtpour la comteffe
Mahaud, fille de Robert II. Robert III, pour
.avoir eu le malheur de perdre fon père avant fon
ayeul, perdit le~droit de leur fucceder. La comteffe
Mahaud, fa tante, lui difputa l'Artois, alléguant
que la coutume de cette province n’adraettoit point
la repréfentation, même en’ ligné direéte. Il nous
fembîe que les grands-fiefs dévoient être confidérés
comme de petits états, & que la fücceffion aux états
doit être réglée par d’autres principes que les fuccef*
fions particulières; il nous femble de plus que la fuc-
ceffionàun apanage & à une pairie devoit être réglée
par la loi générale des apanages & des pairies. Philippe.
le-Bel en jugea autrement, & Mahaud, à la mort de
Robert I I , fut mife en pofleffion de l’Artois. Robert
III étoit mineur alors ; à fa majorité il réclama, on fe
fournit de part’& d’autre à l’arbitrage du ro i, .qui
fit une efpèce de tranfa&ion entre les parties, en
laiffant toujours Y Artois à Mahaud.
Cette princeffe avoit époufé Qthelin ,. comte de
Bourgogne ; elle en avoit un fils & une fille ; la
fille .époufa Philippe-le-Long. Mahaud étoit comtefîe
d'Artois j elle étoit pair de France, elle en fit les
fondions aü facre de Philippe-le-Long, fon gendre ;
elle foutint la couronne fur la tête au roi avec les
autres pairs, chofe fans exemple & auparavant &
depuis, & qui excita l’indignation publique. C ’étoit
en effet un grand exemple des contracüâions humaines
de voir une femme qui excluoit fon
neveu de la fücceffion d’un père & d’un ayeul, fou-
tenir la couronne fur la tête d’un roi élevé au trône
par la loi falique, au préjudice de la fille de fon
frère; les pairs de France étoient les juges nés des
queftibns qui concernoient la Couronne; ils étoient
les interprètes, les gardiens & les confervateurs de
la loi falique ; ainfi cette femme étoit juge née &
cohfervatrice de la loi falique, au mépris de laquelle
elle regnoit ëii Artois.
Cette même femme avoit féance au parlement,’
& ce qui doit fur-tout paroître d’une irrégularité
choquante, elle opina, comme les autres pairs, dans
fon procès contre Robert d'Artois.
Le fils unique de Mahaud mourut , mais la fille
étoit reine de France ; Robert cependant fe trouvant
alors le féul mâle de la branche. (YArtois, fit en
131^ une tentative nouvelle, & il la fit à main
armée ; la nobleffe & le peuple fe déclarèrent pour
lu i, tant.fa caufe paroifloit ou jufte ou favorable.
La feule ville de Saint-Omer lui ferma fes portes, &
demanda f i le roi Vavoit reçu a'comte les -députés
de Rbbert ayant répondu qu’ils n’en favoient- rien,
adotic, répondirent ceux de la ville, nous ne forâmes
mie faifeurs - de comtes d’Artois : mais f i le roi
l’eût reçu a comte, nous Vdimijfions dictant qifùn autre.
Réponfe très fage, & qui nous paroît unir au refpeél
& à l’obéiffance dûs au fuzerain, fexpreffion d’un
defir & d’un regret en faveur de Robert, Philippe*
ie-Long, qui régnoit alors , s’arma pour Mahaud,
fa belle-mère, Robert fuccomba, il fut même obligé
de fe conftituer prifonnier au châtelet, à Paris; on
le réconcilia, comme on put, avec fa tante, qui
refia en poffeflion du comté, conformément à un
nouvel arrêt du mois de mai 1318 ; cet arrêt ordonna
que ledit Robert amafl ladite comteffe comme fa
chière tante , & ladite 'comteffe ledit Robert comme fon
ion nepveu. Mais on n’aime point en vertu d’un
’arrêt : on prit foin de donner à celui-ci toute la
iolemnité poffible. Robert & Mahaud en jurèrent
î ’obfervation fur les évangiles.
$ Cependant Robert eut à fon tour un moment de
faveur; il avoit époufé la foeur de Philippe-de- Valois",
& ayant trouvé l’occafionde défendre les droits
idg fon beau-frère contre Edouard, il s’acquitta de
çe noble & juftè emploi avec un zèle, échauffé fans .
dôme par fes intérêts, mais qui parut mériter une
'irécômpenfe ; fa terre de Beaumont-le-Roger fut
. erigêe par Philippe-de-Valois en comté-pairie.
Jufques-là Robert d'Artois étoit intéreflant ; nous
plions le voir coupable.
Il faut faire connoître ce prince, qui fut à la fois
le fléau , de la France '& de l’Angleterre
Troja & patries communis etynnis.
Son hiftoire exige des détails, & quoiqu’elle ait
été parfaitement éclaircie par M. Lancelot, elle
offre encore quelques points à examiner.
Plufieurs auteurs, tels que Duhaillan , Belleforêt,
Mézeray, lé père Daniel, fans entreprendre de
jùftifier Robert d’Artois, Ont cherché ä lui concilier
la pitié du leélenr ; ils ontâecufé Philippe de Valois:
d’une ingratitude condamnable, & d’une rigueur
excefiive envers ce prince., M. Lancelot les a réfutés;
il montre par-tout Philippe-de-Valois jufte,
patient, plein de clémence ; & Robert d’Artois toujours
coupable.
M. Villaret cherche à diminuer les crimes de ce
dèrnier, mais il lui en laiffe encore beaucoup.
Röbert dt Artois avoit fervi l’état fous cinq rois,
Philippe-le-Bel , Louis-Hutin, Philippe-le-Long,
Cliarles-le-Bel, Philippe-de-Valois, avec le même
zèle que fes pères. Philippe-de-Valois, dans les lettres
d’érection de Beaumont-le-Roger en corn té-
pairie, rend témoignage à la valeur de ce prince,
à fes talens, à lafageffe de fes confeils ; il eft vrai que
Philippe-de-Valois étoit fon beau-frère & fon ami.
L’avènemént de Philippè-de-Valois au trône parut
à Robert une occafion favorable pour faire révoquer
les arrêts de 130.2, de 1309 & de 1318, qui
avoient adjugé P Artois à la comteffe Mahaud, fa
tante ; le temps n’avoit pu foumettre fon aîné à
cette décifion , affez étrange en effet : -mais il déf-
hônora fa caufe par l’indignité des moyens qu’il
‘employa pour la défendre.
La comteffe Mahaud avoit donné toute fa confiance
a Thierry - d’Irechon, d’abord prévôt d’Aire,
enfuite évêque d’Arras. Le gouvernement de ce
minière, peu agréable à la province, excita des
| foulevemens parmi la nobleffe : on voit Louis-
Hutin & Philippe-le-Long fouvent occupés à éteindre
ce feu ; on fuppofe avec affez de vraifemblance
que Robert dû Artois l’âttifoit fecrètement, il chercha
même ouvertement à profiter de ces troubles
pendant la régence de Philippe-le-Long.
L evêque d’Arras avoit eu un commerce au moins
fufpeâ avec une femme déshonorée , nommée
Jeanne, de Divion, que tous les auteurs appellent
là Divion, de fon nom de.fille, celui de fon mari,
Pierre de Broyé, étant à peine connu. L’évêque, en
mourant, fit à cette femme un legs confidérable.
La comteffe Mahaud, exécutrice du teftament de
l’évêque , ne voulut point que la Divion profitât
de cette libéralité, foit. à caufe du fcandale, foit par
d’autres raifons; elle la chaffa même de la.province.
Les dépofitions de quelques témoins entendus dans
i ’affairé dé Robert a Artois, pourroient faire penfer
que l ’attachement de Mahaud pour l’évêque d’Arras
paffoit les bornes de la confiance, & qu’il entroit
un peu de jaloùfie dans fa rigueur à l’égard de la
Divion. Quoi qu’il en foit, la Divion , pour fe venger
, alla offrir fes dangereux talens à Robert d'Artois
& à la (comteffe de Beaumont fa femme ; elle
vint concerter avec eux les moyens de leur fournir
de nouveaux titres, qui. puffent enlever le comté
d'Artois à Mahaiid.
La plupart des témoins repréfentent la Divion
comme une femme à qui les plus grands crimes
étoient familiers. M. Villaret cherche à croire que
Robert d'Artois , fùt pendant quelque temps trompé
par elle; qu’il crut qu’en effet elle étoit dépofitaire
de papiers qui pouvoient fervir à fa caufe ; qu’il le
publia, qu’il' le dit au roi de bonne-foi, que conduit
au crime par l’erreur, il ne vit l’abîme qu’a-
près y être tombé ; qu’inftruit enfin que cette femme
n’avoit que de faux titres à lui fournir, il les accepta
, moitié par orgueil, pour ne point ’ revenir
fur fes pas , moitié par cupidité, pour ne pas renoncer
à- fes efpérances. Tous ces rafinemens n’ont-
pas de fondement bien fenfible dans l’hiftoire, &
puifque Robert d!Artois confentit d’être fervi par
des falfifications, qu’importe qu’il ait été un moment
dansTerreur ? Quoiqu’il en foit, voici le plan
qu’on traça & le roman qu’on inventa.
» Lorfqu’en 1280, Robert I I , comte d'Artois,
” avoit marié Philippe fon fils, père de Robert I I I ,
” avec Blanche de Bretagne , il lui avoit cédé en
” faveur de ce mariage, la propriété*du comté*
» $ Artois. On avoit fait deux expéditions du contrat
” de mariage, ainfi que des ratifications & confirmations.
L’une de ces expéditions avoit été remife
” au roi Philippe-le-Hardy & avoit été enregifirée
” en la cour, l’autre deftinée pour les archives d’Ar-
” ras," étoit refiée, à l’infçu de tout le monde
” pntre les mains de. l’évêque d’Arras. » Ce prélat
avoit été chancelier de Robert I I , comme il l’étoit
de Mahaud, & il n’avoit pas eu moins de part à
la confiance du père qu’à celle de. la fille. » A la
” ïn0rt de Robert I I , qiiiavoit fùrvécu de quatre