
tour. Le refus infultant qu’il eflùya, fut la caufe
ou le prétexte d’une guerre, où plus de cinquante
mille Carthaginois périrent dans une feule bataille j
ce coup violent dont Carthage , déjà fi chancelante,
fut frappée, épuifa fes forces languiffantes ; elle
accepta la paix à des conditions humiliantes, dont
la néceflité & fa foiblefle lui déguifèrent l’ignominie.
Les Carthaginois , par leur dernier traité avec
les Romains , s’étoient fournis à ne jamais prendre
les armes , fans l’aveu du fénat ; ils avoient violé
cet engagement en portant la guerre en Numidie.
Les Romains alléguèrent cette infra&ion pour
avoir un prétexte d’abattre entièrement çette ancienne
rivale de leur puifîance. Pour calmer leur
reflentiment réel ou affeélé, le fénat de Çarthage
déclara Afdrubal criminel d’état, comme auteur
d’une guerre où Mafliniffa avoit été véritablement
l’agreueur. Mais les Romains vouloient trouver
Carthage coupable, parce qu’ils vouloient perdre
Carthage ; ils propofèrent des conditions de paix
fi dures, que les Carthaginois aimèrent mieux
s’expofer à tout fouffrir , que de foufcrire à leur
entière dégradation. Cette république commerçante
ne forma plus qu’un peuple de foldats ; tous
fe revêtirent de la cuirafle & du bouclier les
temples, les palais & les places publiques furent
des atteliers où les femmes & les vieillards , tra-
vailloient avec les artifans , à fabriquer des dards
des épées, des cuirafles f f des boucliers ;?.tout
retentiffoit du briût^des marteaux & des enclumes.
Afdrubal, ignomiuieufement banni de fa patrie-, y
fut rappelle avec gloire, pour combattre ce mêmç
ennemi, auquel une politique timide l’avoit fa-
crifié; on le mit à la tête de vingt mille hommes;
pour commander au-dehors ; mais bientôt refferré
par les Romains , il s’enferma dans Nephèfe qui
fut afliégée & prife d’alTaut : foixante mille hommes
furent enfevelis fous les ruines. Afdrubal ne
fut point enveloppé dans ce carnage , il rafferabla
une nouvelle armée, & continua de harceler les
Romains. Il eût mieux, aimé commander dans la
ville que hors des murailles ; mais fon caraélere
farouche le faifoit redouter des citoyens, qui ai-
moient mieux obéir à un autre Afdrubal à qui ils
avoient confié le commandement. Le premier ac-
cufa fon concurrent de trahifon j celuirci ne s’a-
baifîa point à fe juftifier fon filence fut regardé
comme l’aveu de fon crime, & il fut manacré
par la multitude indignée. Notre Afdrubal lui fut
fubftitué dans le commandement de la ville, dont
il eut pu retarder la chute , s’il eût fu régler l’im-
pètuofité de fon courage , & maîtrifer la violence
de fon caraélère. Le premier fuccès des Romains
ne fit qu’aigrir la férocité de ce général, il s’abandonna
à des excès qui, fans réparer fes pertes , le
rendirent plus odieux ; il fit emmener fur les remparts.
tous les prifonniers ; & à la vue des alîié-
geans, il leur fit couper le nez , les pieds , les
mains , les oreilles, les yeu x , & arracher la peau
de deffus le corps avec des peignes de fer ; en- fuite il les fit précipiter du- haut des remparts :
c’étoit ôter tout efpoir d’accommodement & de pardon.
Quelques convois étant entrés dans la v ille,
qui déjà depuis long-temps éprouvoit les horreurs
de la famine , Afdrubal les fit diftribuer à fes feules
troupes , comptant pou? rien le relie des ha-
bitans ; on murmura d’une diftin&ion fi odieufe &
fi cruelle ; il fit périr ceux dont les murmures
parvinrent jufqu’à lui. Carthage comprit enfin que.
ion plus cruel ennemi étoit dans fes murs ; les.
principaux citoyens, pleins dé confiance dans la
générofité de Scipion, fortent de la ville & vont
fe préfenter à lui en habit de fupplians ; ils lui
demandent d’accorder la vie à tous ceux qui vou-
droient fortir de Carthage , & un moment après ,
on voit arriver cinquante mille , tant hommes que
femmes, qui furent reçus avec bonté ; neuf cens
transfuges, miniftrès des fureurs dû Afdrubal, ne
purent obtenir cette faveur, qui fut également re-
fufée à leur général impitoyable'. Ces hommes dé-
fefpérés prennent la réfolution de vendre bien cher
leur vie ; ils fe retranchent dans le temple d’Ef-
culape avec Afdrubal, fa femme & fes enfans; ils
auraient été invincibles s’ils avoient pu fe fouflraire
à la famine. Afdrubal trembla pour fa v ie, & paf-
fant de la fureur à l’abiu.ternent, il abandonne les
transfuges, il fort, furfive-nem: du temple, tenant
une branche d’olivier dans Tes mains , & va fe
profterner aux pieds de Scipion. Sa femme abandonnée
avec fes enfans au reflentiment d’une fbl-
datefqpe défefpéré.e, ne peut fe réfouclre à partager
fon ignominie. Les Romains, du haut des remparts
expofept à. fes; yeux fon mari ; les transfuges,
vomifient contreslui lés plus horribles imprécations ,
& plutôt que d’imiter £1 lâchgté, fis prennent çon-
feit de leur feiil défefpoir , ils mettent le feu au
temple, aimant mieux être la proie des flammes,
que d’expirer fous les verges & les haches des
bourreaux. Pendant qu’on allumoit le bûcher, la
femme & Afdrubal fe . pare de fes plus fiches habits,
& fe mettant à la vue de Scipion, ayec fes.. deux;
enfans dans fes bras, elle éleve la voix & lui crie :
u Romain-, je ne fais point d imprécations contre toi,
» tu ne fais qu’ufer du droit de la guerre ■ mais puifle
» le génie de Carthage confpirer ayec toi pour punir
»le parjure qui a trahi fa patrie, fes dieux, fa fem-
» me & fes enfans ». Elle s’adrefle enfuite à fon per-»
fide époux : « oh ! le plus lâche & le plus fçélérat
» des hommes , raflafie tés yeux de ces flammes qui
» vont nous dévorer, moi& mes enfans ; notre fort
» eft moins à plaindre que le tien nous allons ter-
» miner nos fouffrances. Pour toi, indigne capitaine
» de Carthage, va fervir d’ornement à la pompe
» triomphale de ton vainqueur , va fubfi à la vue
» de Rome vengée,la peine due à tes crimes : » aufli-
tôt elle égorge fes enfans, lés. jette dans le feu, 8ç
s’y précipite avec eux. ( T--n. )
ASEIGY , ( terme de la milice Turque.) c’eft le
çuifmier des janiflaires, qui, outre cet office, eft
obligé d’arrêter les prifonniers, de les garder & de
le s mettre aux fers, ou de les garrotter , félon qu’il
eft ordonné par I’oda-bafbg ; il porte pour marque
de fon emploi un grand couteau dans fa gaine,
pendu au côté. (.V.)
A SEK I, ou comme l’écrivent quelques hifto-
riens , affekai^ ( Hiß. mod. ) nom que les Turcs
donnent aux fultanes favorites , qui ont mis au
monde un fils. Lorfquune des fultanès du grand-
feigneur eft parvenue par-là au rang iïafeki, elle
jouit de plufieurs diftinétions, comme d’avoir un
appartement féparé de l’appartement des autres
fultanes, orné de vergers, de jardins , de fontaines,
d’offices, de bains , & même d’une mofquée : elle
y eft fervie par des eunuques & d’autres domefti-
ques. Le fultan lui met une couronne fur la tête,
comme une marque de la liberté qu’il lui accorde,
d’entrer fans être mandée , dans/kappar tement impérial,
aufli fouvent qu’il lui plaira ; il lui affighe
lin homme de confiance pour chef de fa maifon-,
& une nombreufe troupe de baltagis deftinés à
exécuter fes ordres : enfin elle -accompagne l’em-
pereur lorfqu’il fort de Conftantinople en partie de
promenade ou de chafle, & qu’il veut bien lui
accorder ce diverti {fernem. Le fultan règle à fa
volonté la penfion des ajekis : mais elle ne peut
être moindre de cinq cens bourfes par an. On la
nomme pafchmakiik ou pajînalk, qui fignifie Jan-
dale, comme fi elle étoit deflinée à fournir aux
fandales de la fultane, à*-peu-près comme nous di-
fons, pour les épingles ,vpour les gants, &c. Les Turcs
ne prennent point de ville , qu’ils ne réfervent une
rue pour le pafchmakiik. Les ajèkis peuvent être
regardées comme autant d impératrices, & leurs. ,
fiépenfes ne font guère moindres que celles d’une -
époufe légitime. La première de toutes qui donne
un enfant mâle à l’empereur, eft réputée telle,
quoiqu’elle n’en porte point le nom, & qu’on ne
lui donne que celui de première ou grande favorite
, biiy'uk afeki. Son crédit dépend de fon efprit,
de fon enjouement, & de fes intrigues pour captiver
les" bonnes grâces du grand-feigneur ; car depuis
Bajazet î , par une loi publique, les fultans n’é-
poufent jamais de femmes. Soliman II la viola pourtant
en faveur de Roxelane. Le fultan peut honorer
de la couronne & entretenir jufqùà cinq ajekis à
la fois : m is cette dépenfe énorme n’eft pas toujours
de fon goût, & d’ailleurs les befoins de l’état
exigent quelquefois qu’on la retranche. Les ajekis
ont eu fouvent part au gouvernement & aux révolutions
de l’empire turc. Guer, Moeurs & ife c s
des Turcs, tome 11. (G).
ASELLI, (G aspard ) ( Hiß. mod. ) médecin
de Crémone, découvrit les veines laélées dans le
méfentère, & publia fa découverte dans une dif-
fertation de venis laEleis. Il étoit profefleur d’anatomie
à Pavie, & mourut à-Milan en 1626.
ÄSEN APHAR, ( Hiß. des Suifs. ) roi d’Aflyrie, I
^ui envoya les Cuthéens dans le pays des dix Tri-
| bus, après en avoir emmené captifs tous les ha-
bitans.
ASENETH , ( H i j l . f a i n t e . ) fille de Putiphar ,
femme de Jofeph, mère d’Ephraïm & de Manafles.
O11 croit que ce Putiphar n’eft point le mari delà
femme qui voulut féduire Jofeph , & qui l’accufa
d’avoir voulu la féduire.
ASER, ( Hïfl. fqikje. ) fils de Jacob 8c deZél-
pha, fervante de Lia, fa femme , chef d’une des
douze Tribus. ■
ASFELD, ( Claude - François Bidal , Maréchal
d’) étoit d’une famille Suédoife. La reine
Chriftine avoit fait fon père baron ; le maréchal,
alors lieutenant-général, fe diftingua en 1707 à la
bataille d’Almanza, & contribua beaucoup à cette
viéloire. Le roi d’Elpagne, Philippe V , pour re-
' connoître les fervices qu’il lui avoit rendus en E{-
pagne , nommément dans Je royaume de Valence,
lui permit d’ajouter à fes arme s celles de ce royaume,
; avec cette infeription : Bellicce virtutïs in Hifpaniâ
: prccmium. En 1734-, lorfque le maréchal de Ber-*
' wick eut été tué d’un coup de canon devant Phi-
lisbourg, ce fut le^jnaréchal d'Affeld, qui acheva
fon ouvrage, en réfiuifant Philisfiourg , .le_ i-8 jiiil-
iet ; il avoit éfé fait maréchal de France le 14 juin
précédent, Il mourut à Paris en 1743.
L’abbé d ’A s f e l d , fon frère , (Jacques Vincent
Bidal ) trayafiloit en fociété avec le célèbre abbé
du Guet, & a eu part à quelques-uns des ouvrages
qui ont paru fous le nom de ce dernier. Il fut exilé
en 1721 pour janfénifme. C’étoit la folie du temps
d’exiler pour.-cëtte caufe.
ASHLEY COOPER , (Antoine) ( Hifloire
d’Angleterre. ) d’abord l’un des membres de la car
baie , devenu depuis le fameux lord Shaltsbury
chancelier d’Angleterre. On appelloit la cabale un
confeil particulier que Charles I I , roi d’Angleterre
s’étoit fait d’après fon goût & fes. vues, & on
l'appelloit ainfi parce que les noms des cinq per-
fonnes qui le çqmpofoient , formeient par leurs
lettres initiales le mot cabal. C’étoient Clifford,
Aslilcy , Buckingham , ^rlîngton , Zauderdale.
Charles II difoit d Ajhley que d étoit le plus faible
. & le plus méchant, de tous les hommes, oc il con'ti-
nuoit de s’en fervir. Afhley nourri dans les trou-
' blés civils*, tour-à-tour paftifah de Charles I, &
de Cromwel, n’avoit aucun principe, réunifloit
’ les qualités les plus oppofées , formoit à la fois
les projets les plus difeordans ; miniflre défpotique ,
fujet fàélieux , il entroit dans tous les partis &
n’étoit d’au eui. : fi divifoit îa cour & foulevoit le
peuple. Il avoit toujours , félon fon expreflion,
dix mille gaillards de bonne volonté qui n attendoient
qu’un fignal de fa part pour Jaccager Londres : zélateur
ardent de la prérogative royale en public, il
étoit toujours le chef fecret de Toppofition. Auteur
de tous l'es confeils violens,. fes juge mens , fes
décrets dans les fondions de l’office de chancelier „
furent toujours ’ diftingués par la modération &
l’équité»