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afyle» Le pontife menaça Wratiflas, dont tout le
crime étoit d’avoir refpeélé les droits de l’hofpita-
lité , & rempli les devoirs de la reconnoiffance.
Boleßas abandonné par fon ami, déchiré par fes
remords, erra long-temps de contrée en contrée^
Les hifioriens.ne s’accordent point fur le genre de
fa mort ; l’opinion la plus probable eff qu’indigné
de'la foibleffe de fes amis, horrible à lui-même,
toujours pourfuivi. par l’image de Staniflas mourant
fous les coups, & de fes fujets égorgés fans
pitié , un fuicide fut le dernier de fès crimes.
Ce prince fut un trifte exemple des périls qu’entraîne^
la prospérité, un bonheur moins confiant
lui eût confervé fes vertus. Si la fortune avoit
changé, fon coeur eut toujours été le même. Juf-
qu’à l’époque de fon féjour dans Kiovie yB oie fias
efl un héros : depuis cet inflant fatal, c’efl un tyran
; & fon hifloire offre un contrafle qui n’apprend
que trop à ne jamais louer les princes qu’a-
près leur mort. On l’avoit furnommé le Hardi &
le Libéral| l’habitude de l’appeller ainfi lui conferva
ces titres, quoiqu’il les eut démentis. ( M, d e
S a c y . )
BOLESLAS i n , fiirnommé Crivoufle , {Hiß. de.
Poloone. ) étoit fils d’Uladiflas : Sbignée, bâtard du
mêmp prince, fe lia d’intérêt avec fon frère ; tous
deux voyoient avec une jaloufie fecrète le palatin
de Cracovie régner fous le nom dUIadiflas, ab-
forber dans fa famille toutes les richeffes de l’état,
prodiguer les honneurs à fes créatures, 8c effacer
par fa magnificence celle des princes du fang.Sbi-'
gnée leva le premier l’étendart de la révolte.
Boleßas, né avec un 'caractère plus doux , héfita
quelque temps à fuiyre cet exemple ; enfin fa haine
contre le palatin l’emporta dans fon coeur fur la
tendreffe qu’il avoit pour fon père. Il alla joindre
fes forces à celles de Sbignée. Uladiflas prêt à
tremper fes mains dans fon propre fang, marcha
contre eux. Les armées fe trouvèrent en préfence
l’an 1099. Les prélats fe firent médiateurs, & conclurent
la paix. Le palatin en fut la viâime ; chaffé
de la cour, il fe jetta dans une fortereffe qu’il avoit
fait bâtir. Les dèux princes fe préparoient à l’y
affiéger , lorfque le vieux duc alarmé pour fon
âmi, alla le rejoindre, réfolu de vaincre ou de
périr avec lui. Boleßas & Sbignée, après avoir
conquis une partie de la Pologne à la faveur delà
haine générale qui pourfuivoit le palatin, parurent i
fous les murs de Plockzco, afyle redoutable de leur
père & de leur ennemi.
On alloit préluder par une attaque, lorfque l’ar
chevêque de Griefne, prélat ami de la paix, engagea
Uladiflas à reléguer le palatin en Ruffie, le
fit rougir de la préférence qu’il accordoit à fon
favori fur fes enfans, & fut perfuader au palatin
qu’en s’exilant lui-même , il alloit mettre le comble
à fa gloire , 8c qu’il étoit beau de facrifier fa fortune
au repos de l’état. Uladiflas mourut peu de
temps après en 1102; prince .foible, qui fatisfait
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du titre de duc, n’ofa prendre celui de roi, parce
que la cour de Rome l’avoit ôté à Boleflas II.
Boleflas ne fut pas plutôt fur le trône, que Sbignée
frere, autrefois ion ami, maintenant fon rival,
forma d’abord une cabale cbfcure, puis un parti
puiffant, enfin une ligue offenfive avec le duc de
Bohême , les peuples de Pruffe 8c de Poméranie,.
les Saxons & les MoraVes. Bientôt tout fut en
armes , les Hongrois 8c les Ruffes accoururent air
fecours de Boleflas, alliés incommodes qui ruinèrent
la Pologne, fous prétexte de la défendre. L’archevêque
joua encore le rôle de médiateur & le joua
en vain. Boleflas reprît tout ce qu’il avoit perdu ,
punit par des ravages les nations qui avoient fe-
condeJa révolte de ion frère, le vainquit lui-même,
lui pardonna, & lui laiffa le duché de Mazovie.
Sbignee etoit un de ces efprits féroces, qu’un pardon
aigrit, & qui,des bienfaits qu’on leur prodigue ,
fe font des armes contre leur bienfaiteur. Il renoua
fon premier complot, fut pris les armes à la main,
& feroit mort fur un échafaud, _ fi Boleflas, a qui
il vouloit ôter la couronne 8c la v ie, n’avoit implo-'
re pour lui la clémence de la noblefle affemblée.
Banni de la Pologne, il erra long-temps fans trouver
d’afyle, méprifé , rebuté par-tout, 8c. n’eut pas
même la trille confolation cFinfpirer la pitié. Il vint
fe jetter aux genoux de fon frère qui lui rendit fon
duché , il n’y rentra que pour fignaler fon ingratitude.
Une troifième conspiration auflitôt découverte
que formée fut lë dernier de fes crimes. On prétend
que des feigneurs Polonois, indignés de tant
de perfidies , le maffacrèrent l’an 1108. ;
Délivré d’un ennemi, d’autant plus dangereux
qu’il lui étoit cher, Boleflas en eut bientôt un autre
fur les bras, c’étoit l’empereur Henri V , qui
vouloit rendre la Pologne une fécondé fois tributaire
de l’Empire ; la royauté & l'indépendance
des fouverains ayant été, difoit-il, anéantis par la
bulle, qui excommunioit Boleflas I I , affamn de
l’évêque Staniflas. Arrêté devant Lubuz par la
vigoureufe réfiflance de cette place ,* il pénétra plus
avant, toujours côtoyé par l’armée de Boleflas ,
qui fentant l’infériorité de fes forces, harceloit fou
ennemi, le détruifoit en détail, 8c lui coupoit les '
vivres.
Malgré ces obflacles , Henri alla mettre le fiègê
devant Glogow fur l’Oder ; les efforts des affail-
lans , le courage féroce , 8c la confiance inépuisable
des Glogoviens, rendront ce fiège à jamais
mémorable.
Boleflas fongeoit à raffembler des troupes pour
les fecourir, lorfque des députés vinrent lut annoncer
une capitulation , par laquelle les habitans con-
fentoient à fe rendre , fi dansTefpace de cinq jours
ils n’étoientLecourus par une armée; ils ajoutèrent
qu’ils avoient donné la plupart de leurs enfans en
otage ; que ces viélimes de la patrie allorent périr
fous le, fer d’un bourreau , s’il ne fecouroît les
affiégés, ou ne leur permettoit de livrer la place
à l’empereur. L’armée de Boleflas n’étoit point
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encore affemblée. Le délai étoit court: «retournez
37 vers vos' compatriotes, leur répondit le duc, 37 dites-leur que je vais me mettre en marche
» pour les délivrer ; mais que fi j’arrive trop tard,
y ils ne balancent point à facrifier leurs enfans ;
37 que le fang de ces viélimes, dont je plains l’in-v
37 nocence, appartient à l’état, & que la nature
37 perd fes droits quand ils font oppofés à ceux de
>7 la patrie 77. Les députés rentrèrent dans Glogow.
Les habitans ranimés par leurs difcours réfolurent
de fe défendre jusqu’au dernièr foupir. L’empereur
fit donner Taffaut, 8c plaça les otages’ ail premier
rang, croyant que leurs pères n’oferoient lancer
leurs traits fur de fi chers ennemis : il fe trompa,
leur pàtriotifme , qu’on ne peut admirer fans horreur,
les avoit rendus impitoyables ; ils égorgèrent
leurs enfans, _8c lavèrent dans lè - fang des
Allemands, celui dont ils venoierit de fouiller leurs
mains paternelles. Boleflas fentit ce qu’il devoit à
de tels fujets, attaqua l’armée impériale, la tailla
en pièces, & força l’empereur à demander la paix.
Une double alliance en fut Te fceau, Boleflas époufa
la foeur de Henri ; 8c Chriflipe , fille aè ce
prince , fut deflinée au jeune Uladiflas, prince de
rologne.
Ce royaume, après tant de fecouffes, auroit joui
d’un calme profond, fila fureur des croifades né
lui avoit enlevé, vers 1 1 10 ,fies plus fermes appuis.
La nobleffe vendit fes bièns,- abandonna fa patrie ,
pour aller tuer des Sarrafins, 8c gagner des indulgences.
Un prince Danois, qui vint apporter en Pologne
la mauvaifè fortune qui le fuivoit, ralluma
les feux de la guerre ; c’étoit Pierre, chaffé du'
Danemarck par Pnfurpateur A b e l, qui avoit fait
périr Henri fon frère & fon roi. Boleflas fit équip-'
per une flotte , la commanda en perfonne, 8c def-.
cendit fur les côtes de Danemarck. L’horreur qu’inf-
piroit la tyrannie d’A be l, -ouvrit au duc des conquêtes
faciles , il n’eut qu’à fe montrer pour tout
ioumettre. Abel détrôné, banni, méprifé, alla
cacher fa honte .& fes crimes loin de fes états. Boleflas
pouvoir alors fe faire couronner roi de Danemarck
, il avoit le pouvoir en main ; le feul titre
de vengeur de Henri fuffifoit pour réunir les fuf-
frages en fa faveur ; mais fatisfait d’avoir délivré
les ^Danois , il dédaigna de régner fur eux, rendit
à la nobleffe les places dont il s’étoit emparé, & la
liberté de fechoifir un roi; & retourna en Pologne
l’an 1129, couvert de gloire , adoré dans fes conquêtes
comme dans fes états,,
Ce prince fut la viélime du penchant qui le rem
doit fenfible aux larmes des malheureux ; un Rufle
vint fe jetter dans fes bras, 8c lui dit qu’il avoit
cté chaffé par fes compatriotes , que fon attachement
au roi de Hongrie étoit la caufe dé fa prof-
criptiori ; Boleflas le crut, le combla de bienfaits,.
& lui donna le gouvernement de Wiflica. Le perfide
ne fuit pas plutôt maître de cette ville, qu’il
réduifit en cendres ; les Ruffes entrèrent auffi-
tot en Pologne*, trompèrent Boleflas flux une rufe
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aufli lâche que la première, l’attirèrent dans une
embûfcade, 8c défirent fon armée. Il n’étoit point
accoutumé' à ces revers ; honteux d’avoir vécu
trop d’un jou r , fa mélancolie le conduifit au tombeau
en? 139, après avoir vécu 54 ans, dont il
en avoit régné 36. L’hiftoire de la vie fuffità fon
éloge. {M. d e Sacy.')
BOLESLAS I V , furnommé le. Frifé, ( Hifl. dè
Pologne. ) étoit le fécond des fils de Boleflas I I I ,
Dans le partage que ce prince fit de fes états, il
eut le duché de Mafovié, le territoire de Culin &
la Cujavie ; fes frères Uladiflas, Miceflas 8c Henri ,•
obtinrent dîfférens domaines. Uladiflas fut couronné,
fes frères lui rendirent hommage : mais
dans ce partage on avoit oublié le jeune Cafimir,
tendre enfant qui n’ayoit ni affez de lumières pour
connoître fes droits, ni affez de force' pour les
défendre. A peine Uladiflas fut-il monté fur le trône,
qu’animé par la reine Chriflinp, il voulut dépouiller
fès frères de leurs’ apanages. La nation s’y oppofa.
8c parut prêté à fe foule ver en faveur de ces.
princes. Uladiflas qui avoit fu fe faire des ennemis
de fes frères 8c de fes fujets, chercha des alliés
hors de la Pologne, il y attira les Ruffes ; la nation
muette d’effroi n’ofa pas même fecourir les princes
par de vains murmures. Uladiflas les afliégea
. dans Pofiian. Après avoir foutenu plufieurs affauts,
f preffés par la famine, un noble dèfefpoir précipita
i les affiégés fur le-camp’ d’Uladiflas ; les Ruffes fu-
| rent taillés en pièces, le roi s’enfuit en Allemagne,
; les trois frères s’emparèrent de Cracovie, toute la
nation d’une voix unanime déclara Uladiflas déchu
; de tous fes droits à la couronne, 8c la mit fur la
! tête de Boleflas l’an 1146.
; Uladiflas avoit cherché un afyle à la cour de
I Conrad : il lui demanda des troupes pour lui rou-
! vrir l’entrée • de la Pologne ; mais cet empereur
| poffédé de la manie qui règnoit alors , aima mieux
j aller maffacrer les Sarrafins qui ne lui avoient fait
( aucun mal, que de fecourir fon allié, 8c de comp»
i ter un roi de Pologne au . nombre de fes vaffaux.
L’armée chrétienne, ayant été détruite par la per-
| fidie de l’empereur d’Orient , Conrad rentra en
Allemagne ; 8c profitant de cette leçon terrible
| qui coûtoit plus à fes fujets qu’à lui-même, réfolut
d’empioyer au rétabliflement d’Uladiflas le relie
;■ des forces qu’il aVoit deflinées à la ruine des.infidèles.
Il entra en Pologne ; Boleflas, avare du
| fang de fes fujets, crut qu’un prince ami de l’hu-
1 manité devoit rejetter la voie des armes , quand
; la politique pouvoit affurer le fuccès de fes def-
p feins, il fe rendit au camp de l’empereur , parla
|avec tant d’éloquence, peignit avec tant de vérité
'la tyrannie d’Uladiflas, les maux que fes frères
; 8c lui avoient foufferts dans Pofnan , 8c juflifia fi
| clairement la révolution , qu’il fubjngua tous les. 1 efprits , émut tous les coeurs, 8c força Conrad à
| fe retirer.
| Mais l’empereur Frédéric Barberouffe qui lui flic-'
céda, raffembla toutes les' forcés de' l’empire’ è!|;
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