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«’être afliirée par ce honteux facrifice. Ses trois fils
la troublèrent bientôt par leur humeur turbulente
& leur goût pour la guerre. A lfo n , fur le récit
qu’on lui fit de la beauté d’A lvide, fille du Roi de
Gothland, en devint amoureux. Dè s-lors, il jura
de ne pas prendre de repos que cette princefTene
fut en fa puifiance : ce ne fut qu’après avoir paffé
par une fuite d’avenmres trop fingulières pour être
vraies, qu’il parvint à voir fa flamme couronnée.
Les grâces de fa nouvelle époufe ne purent retenir
long-temps ce jeune prince dans l’oifiveté ;
la mer avoit été le théâtre de fes exploits , il y reparut
avec Alger fon frère. La fortune ne tarda
pas à leur offrir une occafion de fignaler leur courage
: ils rencontrèrent la flotte des trois fils d’Ha-
xnund, roi d’un canton de la Suède. On fe battit
de part & d’autre avec acharnement : la nuit fépara
les combattans fans qù’on eût pu décider de quel
côté avoit penché la viâoire. Le lendemain, chaque
chef s’apperçut que le combat de la veille avoit
11 fort diminué le nombre de fes troupes , qu’il
reftoit à peine allez de monde pour ramener la
flotte dans les ports. On ne parla plus de fe battre ;
& l ’impuiflance défaire la guerre fit à l’inftant ligner
la paix aux deux partis. Alfon retourna en Danemark
, auffi indigné de n’avoir pas gagné la bataille
qu’un autre l’eût été de l’avoir perdue. Il équippa
une nouvelle flotte, & vint attaquer les princes
Suédois qui , fe fiant trop fur la foi des' traités ,
n’étoient point préparés à le recevoir. Heiwin &
Hamund qu’il rencontra les premiers, furent lés.
victimes de leur fécnrité ; mais Hagbert ayant appris
la défaite de fes frères, vint fondre à fon tour
fur les Danois, à l’inftant où , chargés de butin, ils
remontoient fur leurs vaiffeaux. Alfon & Alger
furent faits prifonniers dans cette occafion , & le
vainqueur les immola fans pitié aux mânes de fes
frères. ( M. d e Sa c y.')
( Toutes ces antiquités ont peu de certitude. )
ALFRED LE GRAND , ( H iß . (TAngleterre, j
Vers le même temps oh les Normands rava-
geoient la France , 8c préparoiçnt leur établifîe-
ment dans le pays , qui de leur nom fut appeilé
Normandie, les mêmes peuples du nord, fous le
nom de Danois, faifoient encore des conquêtes plus
confidérables en Angleterre. La même caufe qui
avoit ouvert la France aux Normands, le défaut
de marine, ouvrit aufii l’Angleterre aux Danois ;
& ces barbares trouvant peut-être moins d’obf-
tacles dans la réfiflance des Anglois que dans celle
des François, tournèrent leurs vues en Angleterre
beaucoup plutôt qu’en France vers un établifle-
ment folide. Leurs premières incurfions dans l’un
8c l’autre pays, ont à - peu - près la même époque ;
cependant, dès le milieu du neuvième fiècle, on les
voit déjà établis dans quelques provinces d’Angleterre
, oh ils cultivent des campagnes & paroif-
fent déterminés à fe fixer. Après, les viciflitudes
ordinaires de la guerre fous Egbert, fous Etelwolph
& fes fils ? l'Angleterre, au commencement dq
A L F règne $ Alfred, fe trouvort prefque également par4
tagêe entre les Anglois 8c les Danois, la balance
penchoit même du côté‘des Danois, & b«e uôt elle
fut emportée. Une irruption foudaine de c j peuple
renverfa du trône Alfred , 8c l’obligea d’errer de
contrée en contrée , {bus divers déguifemens, raf-
femblant en fecret les coeurs qui lui reftoient fidèles
, les inftruifant, les encourageant, fachantfouf-
frir & attendre, comme la Suède a vu depuis , fon
Guftave Vafa , caché dans les forêts de la Dalê-
carlie, méditant , au fond des mines, ou iltravail-
loit avec des efelayes , le grand projet d’affranchir
fon pays. On raconte^ qu Alfred, retiré a la campagne
,. chez un fermier feul inftruit de ce qu’il
étoit, fe chargeoit de toute forte d’emplois, pour
mieux féconder fon déguifement , en fe rendant
utile à cet homme qui l’avoit pris à titre de valet.
La femme de ce fermier n’étant pas dans le fecret,
chargea UH jour Alfred de faire cuire des gâteaux;
Alfred les teifla brûler, & fut grondé ; la fermière
lui dit avec humeur qu’il auroit plus d’emprefle-
ment à -les manger qu’il n’avoit eu d’attention à
les faire cuire, 8c le menaça de le renvoyer, s’il
ne deyènoit plus foigneux. C’efl du fond de cette
abjeéliôn qu Alfred cpnduifant de l’oeil fes grands
defleinS;, & guidant fes guerriers déguifés comme
lu i, fut tout - à - coup s’élever avec eux au comble
de la puiflance & de la gloire. Après avoir palTé
trois jours dans le camp des Danois, deguife en
joueur de harpe , obfervant tout ce qui s’y pafloit,
témoin de leur négligence "& de leur fecurité, il
donne aux fiens le lignai d’agir, & tous les Danois
font maflacrés ou fournis. Bientôt une puiffante
marine qu’il fut créer en fort peu de temps, ferma
l’entrée de fon pays aux autres bandes de ces peuples
que le nord eût pu y envoyer, 8ç les Danois,
devenus chrétiens, parurent s’accoutumer au joug
avec moins de peine. S’ils continuèrent de troubler
le royaume fous les règnes fuivans, c’étoient les,
mouvemens de fiijets faftieux & révoltés, non les
incurfions d’un ennemi étranger. Différence eflen-
tielle entre la politique d'Alfred 8c celle de Charles-,
le-Simple,. Elle eft toute à l’avantage.du premier,
Charles démembra la France en faveur des Normands
, Alfred avoit fu incorporer les Danois à 1«*
nation. Mais ce n’eft point avec Charles-le-Simple
qu’il faut comparer Alfred , c’efl: avec Charlemagne.
A lfed , ainfi que Charlemagne, forma la
conftitution de fon pays , augmenta & pçrfe&ionna
la légiflation , l’art militaire, la marine; porta dans,
toutes les parties de l’adminiftration, l’ordre, la lu-,
mière 8c la v ie , protégea & cultiva les fciences ;
il eft reconnu pour le fondateur de l’ùniverfité
d’Oxford , peut-être à plus j ufte titre que Char-?
lemagne n’eft réputé l’être des univerfités de Paris
8c de Pavie. Il fut l’homme le plus éloquent, le
plus fage 8c le plus {avant de fon royaume; il en
fut le meilleur poëte, 8c il faut lui tenir compte de
ce mérite , puifqu’il n’en fut pas moins un grand
roi. Il fiit meme inventeur de quelques, arts plus
nêcefiaires,
A L G hèce flaires. Ce fut lui qui apprit à fe$ doncîtoÿèrtS
l’art de bâtir en brique ; avant lu i, on ne bâtifloit
. qu’en bois, ce qui rendoit les incendies frequens oc
défaftreux. Une feule invention utile devroit illustrer
plus que cent batailles. Alfred d ailleurs eft plus
intéreflant que Charlemagne, en ce qu’il connut le
malheur 8c qu’il en profita ; qu’ennemi des conquêtes
8c de la manie des grands empires , il coiv
lacra tous fes talens au bonheur de fes fiijets , 8c
que, prefque toujours armé, il ne le fut jamais que
pour leur défenfe. S i, à l’exemple de Charlemagne,
il convertit fes ennemis , ce fut fans les baptifer
comme lui dans le fang ; fon gouvernement eut
quelque chofe de moins fàftueux 8c de plus paternel
que celui du monarque françois. Alfred fut tel
enfin, que l’hiftoire ,_ qui juge les rois, n a trouve
aucuifâ Reproche à lui faire.
C ’eft lui qui, par les embelliflemens qu’il fit à
Londres , rendit cette ville la capitale de 1 Angleterre.
Alfred commença de regner vers 1 an 871
©u 8 7 2 ,8c mourut le 28 octobre 899 ou 900.
ALGAROTTI ( F r a n ç o i s , ) Hifl, Lut. Mod. )
né à Padoue en 17 12, joignit à l’etude le fecours
des voyages pour étendre fon goût 8c fes connoiflan-
ces ; il parcourut l’Italie , la France, l’Angleterre ,
l’Allemagne,la Pologne, la PrufTe,laRuffie,8c fejour-
na long-temps dans pliifieurs de ces pays; un voyage
de Ruffie, i/z-12. traduit en françois 8c imprimé en
1769 eft un des fruits de ces cour fes utiles ; ce fut
à Paris qu’il compofa fon Nc-wtonianifme pour les
Z)ames, ouvrage qu’on a beaucoup compare avec
la Pluralité des Mondes de Fontenelle, 8c qui eft
xefté au-deflbus dans l’opinion publique • peut-être
fon traduéteur, M. du Perron de Caftera, lui a-t-il
fait tort en France ainfi qu’au Çajnoëns ; des euais
fur la peinture, la mufique, l’architeélure font des
monumens de fes connoifTances dans les arts fon
ouvrage intitulé : Il Congreffo dî Cithem, eft célébré ;
par une fuite de ion goût éclaire pour les arts, il
a introduit des réformes heureufes dans l’Opéra
italien. Ses oeuvres ont été recueillies^ en 1705 a
Livourne en 4 vol. i/z-8 . Elles ont ete traduites
«n françois, 8c imprimées à B.erlin en 1772 > en $
vol. in - 8 ° .'Quel qpe fpit le fort de ces oeuvres
dans la poftérité, ce ne fera pas une médiocre gloire
pour M. Algarotti d’avoir été fi agréablement célébré
par M. dp Voltaire, dans l’epitre qui com*
mence par ces vers : $
Enfant du Pinde & de Cithère ,
Sage & brillant A lg a r o t t i
Et plus encore dans l’épître adrefTée aux académiciens
partans pour aller déterminer la figure de la
terre :
Lorfque ce grand courier de la philofppbie , & c . , . »
Et vous, A l g a r o t t i , vous cigne de Padoue ,
Elève harmonieux du cigne de Mantoue , &c.
M. Algarotti eft du petit nombre des gens de let-.
très auxquels on a rendu juftice , 8c que la fortune
p’a point traités en marâtre. Le roi de Prude lui
Jfifloire. Tçjn, /.
A L G *7? , ‘donna l’ordre du mérite , le titre de comte, & le
I fit fon chambellan. L e ro i de Pologne, Auguftell,
1 auprès duquel il s’étoit fixé, lui donna le titre de
j confeiller intime pour les affaires de la guerre. Ces
faveurs des rois & les éloges de M. de Voltaire
ont rendu fa perfonne en quelque forte plus célébré
que fes ouvrages, fi voulut revoir I t a l ie , & mourut
à Pife, le 23 mai 1764. II fit lui-même fon
maufolée par goût pour les arts, d it-o n , Ce aulti
fans.doute pour ne pas abandonner aux autres le
foin de fa gloire. Il fit aufii fon épitaphe : Hic jac
Algarotus , fed non omnïs. Infcription qui peut pa-
roître vaine, fi on l’entend dans le fèns d Horace ■:
non omnis moriar, mais qui n’eft que Ample, ii oa -
la prend, comme on le doit, dans un fens purement
chrétien« ' , x
ALGUAZIL, f. m. ( Hiß. mod. ) en Efpagne,
eft le nom des bas -officiers de juftice , faits pour
procurer l'exécution des ordonnances du magiftrat
ou juge. Alguazil répond affez à ce que nous appelions
ici fergent ou exempt. Ce nom eft originairement
arabe , comme plufieurs autres que les. Ei-
pagnols ont confervés des Sarrafins ou Mores, qui
ont long - temps régnés dans leur pays.- ( Q )
A L I , (Hiß. des,Califes. Hiß. des feiles rèlig. )
fils d’Abu Thaleb , étoit coufin-germain de Mahomet
, qui dans la fuite le choifit pour fon gendre ;
les Mufulmans , pour relever fa gloire, dilent
qu’il fut le premier difciple du prophète, 8c meme
qu’il fit profeffion de l’iflàmifme dans le ventre
de fa mère qui le mit au monde dans le temple
, de la Mecque ; ils ajoûtent que par des împulfions
fecrettes, il l’empêchoit de fe profterner devant
les fimulacres des faux dieux ; lorfque Mahomet
eut formé le deflein de déclarer fon apoftolat,
il choifit Ali , âge de neuf ans, pour être fon lieutenant
ou fon vifir. Comme la ,feâe naiflante ne
comptoit point encore de nombreux ^ profelites ,
cette dignité n’impofoit point d’obligations qui
exigeaffent. des lumières 8c de 1 expérience. C eft
à cet âge, que le coeur fufceptihle de toutes fortes
d’impreffions eft ouvert à la féduéfion. Ali^ naturellement
complaifant 8c docile, fut bientôt fub-
jugué par le ton impofant du prophète. La gloire
d’être aflocié aux fondions de l’apoftolat, facilita
les progrès de la féduûion, 8c quoiqu’il eût une
conception, vive 8c facile, quoiquil eut le goût
de tous les arts, il tint fa raifon captive fous le
joug des préjugés. Sa foumiffion aux volontés du
prophète, 8c fa crédulité le firent regarder comme
• l’inftrument le plus propre à élever l’édifice de la
religion naiflante, dont l’auteur avoit coutume de
dire, A li eft pour moi, 8c je fuis pour lui il
tient auprès de moi le même rang qu Aaron te-
noit auprès de Moyfe : je fuis la ville ou la véritable
fcience eft renfermée, 8c Ali en eft la porte,
Aufli-tôt quç l’âge lui permit de faire l’eflai de
fon courage , il donna des témoignages d’une intrépidité
impétueufe qui fe précipitoit dans les dan-«,
eers. 8c fembloit défier la mort. Mahomet l’em«
4 & Mm