
tour du coupable à Carthage : mais une mort prématurée
lui épargna la honte d’expier fur la croix
le crime de Ion ambition. ( T -n ! ) Amilcar , fils de Gifcon, banni de Carthage,
qui vécut malheureux à Selmonte, & petit - fils
de cet Amilcar qui fe précipita dans un bûcher à la
journée d’Himère. Ses concitoyens, pour le con-
foler de la perfecution fiifcitée à fa famille, l’élevèrent
au commandement de leur armée de Sicile.
Ce fut lui qui réprima les projets ambitieux
de l’autre Amilcar qu’il remplaça dans cette île.
Agathocle afîiègeoit alors Agrigente, & il fe fiat-
toit que la prife de cette ville entraîneroit la conquête
de toute la Sicile : Amilcar y envoya une
flotte de foixante voiles qui ôta au tyran l’efpoir
de s’en rendre maître. Syracufe fut infultée jufques
dans fes murailles ; quarante vaiffaux Carthaginois
entrèrent dans fon port où ils brûlèrent tous
les vaifleaux de tranfport. Amilcar abufa des droits
de la vi&oire, & barbare dans la profpérité , il
fit couper les mains aux prifonniers qui s’étoient
rendus à difcrétion. Agatnocle ne pouvoit point
être fürpafîe en cruauté ; il ufa du droit de
repréfailles envers tous les Carthaginois qui tombèrent
fous fa puiffance. Le fénat de Çarth.age
crut devoir employer toutes les forces de la république
pour terminer avec gloire une guerre fi
meurtrière. Il équipa une flotte de cent trente
galères , de foixante vaifTeaux de guerre & de deux
cents navires de tranfport qui furent fubmergés.
Cette perte répandit la confternation dans Carthage
où tous les murs furent tendus dé deuil, cérémonie
ufïtée dans les grandes calamités. Amilcar
rafîembla les débris de la république , dont il
forma une armée de quarante mille hommes de
pied & de cinq mille chevaux. La meilleure partie
de ces troupes lui fut fournie par les Siciliens
mécontens, contre qui le tyran exerçoit les plus
cruelles vengeances. Il falloit qu’une, bataille décidât
du fort de la Sicile. Les deiix armées n’étoient
féparées que par une rivière. Agathocle étoit campé
fur une hauteur vis-à vis des Carthaginois, poftés
fur le mont Enomas, célèbre par le taureau d’airain
de Phalaris. L’a&îon s’engagea par une efcar-
mouche. Les Siciliens eurent d’abord l’avantage,
lorfqu’un nouveau renfort fît pencher la fortune
du côté des Carthaginois. Agathocle vaincu
fît fa retraite vers Gela; & furie bruit que Syracufe
étoit afîiégée, il fe fit un devoir d’y entrer pour la
défendre. Il étoit fans efpoir delà conferver, lorfqu’il
exécuta un projet que le plus audacieux oferoit à
peine concevoir : ce fin de tranfporter le théâtre
de la guerre en Afrique. Tandis qu'Amilcar fub-
jugue les villes de la Sicile fans défenfe, & qu’il :
ravage le territoire des villes rebelles, il s’engage
dans un défilé au milieu des ténèbres de la nuit.
Son armée dont il ne peut diriger les mouvemens,
l ’abandonne & prend la fuite en défordre. Iltombe
au pouvoir du vainqueur qui lui fait efîuyer les plus
grands outrages. Lesparens de ceux qu’il avoit facrifiés
à fes vengeances, le traînèrent avec ignominie
dans les places publiques ; ils lui firent couper la
tête 8c les mains qu’ils envoyèrent à Agathocle
en Afrique. Lorfque cette offrande lui fut préfen-
tée , il s’approcha de Carthage pour la faire voir
aux habitans qui, à l’exemple des foldats, fe prof-
ternèrent devant la tête de leur fuffete. ( T-n . ) Amilcar , furnommé Barca , donna naiffance
à cette fa&ion fi fameufe fous le nom de Barcine..
Sa famille, confidérée par fes richeffes 8c fes fer-
vices , étoit encore relpe&ée par la nobleffe dé
fon origine, il defcendoit des anciens rois de T y r .
Il étoit jeune encore quand il fut élevé au commandement
de l’armée de Sicile, 8c dans fes premiers
effais, il fit voir qu’il n’avoit pas befoin du
fecours de l’expérience. Sévère par fyftême , il
rétablit la difcipline militaire , 8c apprit au foldat
à obéir. Avant de tenter la fortune d’un combat, il
eut la patience d’étudier le caractère des généraux
qui lui étoient oppofés. Il fatigua fes troupes par
des marches & contre-marches qui n’avoient d’au*-
tre but que de les familiarifer avec les exercices
de la guerre. La prife d’Erix donna un grand éclat
à fes armes , & il eût pourfuivi plus loin fes avantages
, fi le conful Ludatius n’eût difperfé, près des
îles Egates, la flotte de l’amiral de Carthage, qui
devoir fàvorifer les opérations & Amilcar. Les Romains
, maîtres de la mer, lui coupèrent toute
communication avec l’Afrique. Ce revers le mit
dans l’impuiflance dé faire la guerre avec gloire ;
il fentit la néceffité de faire la paix,. 8c il la demanda
comme un général qui ne craignoit point
de faire la guerre. Les Romains, fiers de leurs victoires
, exigèrent que l’armée Carthaginoife leur
remît fes armes. Amilcar répondît : Je me foumet*
trai plutôt aux tourmens & à la mort, que de rendre
aux ennemis de ma patrie, ces. mêmes armes qu’eltb
m a confiées pour la défendre.
Les deux partis, également épuifes par là guer-
, re , conclurent une paix qui fut humiliante pour
j les Carthaginois- Amilcar, forcé d’y foufcrire, en
conçut une haine implacable contre lès Romains.
Carthage débarraffée dè cette guerre , en eut une
plus cruelle à foutenir contre fon armée de Sicile,
qui étoit paflee en Afrique. Le tréfor public étant
epuifé , ne pouvoit fàtisfaire à l’avarice des mer-
cénaires qui , en exagérant leurs fervices, en exi-
geoient le falaire. Carthage marchanda avec eux
comme s’il fe fût agi d’une denrée de commerce.
Ils demandèrent Amilcar pour arbitre, & voyant
qu’on négligeoit dè les fàtisfaire, ils fe raflemblè-
rent au nombre de dix mille hommes, tant Liguriens
que Gaulois Illyriens. Carthage leur oppofe
Hannon qui fut vaincre fans favoir profiter de là
viétoire. Son incapacité détermina à lui fubftituer
Amilcar, qui , quoique inférieur en force, livra
deux combats où il eut toujours l’avantage. Il ufa
avec modération de la viétoire : tous lès prifonniers
eurent l’alternative de fe retirer dans leur patrie
ou de féryir dans fes troupes : cette clémence
rendit les rebelles plus féroces : ils crurent
ou’on ne les ménageoit que parce qnon les ci ai-
enoit. Gifcon qui avoit été leur ami & leur bienfaiteur
» fe trouvoit alors dans leur camp pour
tâcher de les ramener à leur devoir ; il lui coupèrent
les mains , le battirent de verges 6c len-
fevelirent tout vivant dans une folie r tous les
autres prifonniers furent lapidés; tous les Carthaginois
qui tombèrent entre leurs mains, expirèrent
dans les tourmens. Amilcar crut devoir mer de
repréfaïlles ; il expofa tous fes prifonniers aux be-
tes féroces. Les fa&ions qui divifoient la- république
, s’opposèrent au fuccès de fes operations,
ïlannon lui fut affocié dans le commandement. 11
y avoit trop d’oppofition dans leur caractère ,
pour qu’il y eût de l’unanimité dans leurs operations.
Le fénat «prévint les fuites d'e leur divinon,
en déférant aux foldats le droit de mettre à leur
tête celui qu’ils en jugeraient le plus digne : tous
les fuffrages fe réunirent fur Amilcar. Cinquante
mille rebelles dominoient dans les campagnes, 8c
fiers de leur fupériorité, ils cherchoient- 1 occa-
lion de livrer bataille. Amilcar les affoiblk par des
efcarmoiiches multipliées, 8c fécond en rufes, il
les enferma dans un défilé où il leur etoit aulii
dangereux de combattre que de faire leur retraité.
Ils fe retranchent dans leur camp où la famine les
•réduit à manger leurs prifonniers 8c leurs efclaves»
Spendius , avec deux autres- chefs des rebelles ,
muni d’un fauf-conduit, fo rend'dans la tente d A-
milcar qui accorde lapaixà condition que les rebelles
mettraient bas les armes, 8c qu’ils feraient renvoyés
avec-un feul habit. Les rebelles-ne voyant
pas leurs députés revenir allez tôt au gre de leur
impatience, fe crurent trahis» Ils prennent les armes
fous les ordres de Mathos, 8c livrent un combat
où quarante mille rebelles furent écrafés par
les éléphans. Mathos fe retire dans Tunis , eu il
eft bientôt afîiégé : il fait plufieurs forties ou il
déploie le courage du défefpoir. Séduit par fes premiers
fuccès, il engage une adion générale ou il
fut mal fécondé par lès mercenaires. Mathos fut
pris 8c conduit à Carthage, ou il fùbit la mort la
plus cruelle. Les atrocités ou s abandonnèrent
les deux partis , firent donner a cette guerre le
nom d’inexpiable;
Amilcar,. après avoir éteint le feu dè ces difcor-
des civiles, punit ceux qui avoient favorifé les rebelles.
Les Numides 8c plufieurs autres peuples de
l’Afrique y furent fournis. Il fë rendit enfuite en
Efpagne, où il fignala fon arrivée par la conquête de
Tarte, 8c par des vidoires remportées fur les Celtes
&leslbériens , dont la principale riobieffe périt les
armes à la main; Les peuples les plus belliqueux
furent obligés de plier fous le joug de Carthage.
Amilcar encouragé par la rapidité dè fes fuccès ,.
étendit les voeux dè fon ambition ; il forma le
deflein d’aller attaquer les Romains dans le fein de
l’Italie: mais ne voulant pas laiffer d ennemis en E fpagne
, il marcha contre les Vedones qui lui refi
toient à fubjliguer. Il fut trahi parOrifon , prince
du pays qui, fous prétexte d’amitié, envoya une
armée qui fe déclara contre lui. Amilcar n eut-
d’autre reflource que la fuite , 8c en panant une
rivière, il fe noya. Ce général étendit les hmites
de la domination Carthaginoife. Il eut la lacilite
d’amaffer de grands- tréfors ; mais au lien de le
les approprier, il verfa dans le tréfor public tout
ce qu’il ne diftribua point à fes foldats. Maigre
tous fes fuccès , fon plus beau'titre de
d’avoir été le père d’Annibal, ce grand 8c ilium e
héritier de fa haine pour les Romains» ( T-n. )
AMIN, g Hifl. des Califes. ) fils d’Aaron Rashid,
fut proclamé par les habitans de Bagdatr, le jour
même que l’on reçut la nouvelle de la mort aé
fon père. L’armée qui étoit à Thus lui avoit déféré
le même titre quinze jours- auparavant. Héritier
des états dè fon père, il n’eut ni fes talens , ni fes-
vertus ; livré tout entier. aux excès de la table
8c du jeu, i ls Tabrutit dans la débauché, 8c fe déchargea
fur fon vifir du foin des affaires. Le goût
dès voluptés, qui quelquefois du moins adoucit les
moeurs, ne fit qu’aigrir fon caradère dur 8c fauvage’.
Il n’ufa de fon pouvoir que pour punir. Son humeur
fanguinaire fè manifeftoit jufques dans les
a étions les plus indifférentes. Il fit conftrmre
fur le- Tigre , des navires qui reffembloient à
des lions, a des fèrpens, à des dragons , à des
' vautours. Il dêpenfa de grandes Tommes pour
acheter des eunuques éthiopiens qu’il fit les gardiens
de fes femmes dont il étoit idolâtre ; 8c de1--
vènu invifible à' fes fujets, il s’endormirau milieu-
d’un troupeau 'de concubines làfcives, qui le pro-
voquoient aux voluptés par les cliarmes de leur
voix 8c le fon des inffrumens. Le tableau qu’on
nous a laiffé de fes- débauches eft révoltant oc dégoûtant.
Les eunuques 8c les bouffons furent élevés
aux premiers emplois, 8c le principal mérite
fut de fournir dés alimens à fés pallions effrénées.
Le tems que la fâtiété ne lui permettoit pas
de donner à Farnour, étoit employé aux échecs..
Tous ceux qui' excelloient à ce jeu étoient bien
accueillis, 8c magnifiquement récompenfés.Ge calife
avoit un- frère nommé Abdalla Almamon, à qui
fon père , en mourant , avoit légué le gouvernement
perpétuel du Khorafàn 8c le commandement
des troupes dè cette province; La fageffe de fon-
adminiftratieri le rendit cher aux peuples, 8c comnre
fous les tyrans les vertus font plus dangereufes
que les vices, le calife fut honteux devoir un frère
qui n’étoit pas aufîi corrompu que lui. Amin pour
le punir de fés- vertus , fit fupprimer fon nom dans
les prières publiques. Cette efpèce de dégradation
occafionna des haines & une guerre ouverte..
Almamon fè fortifia dè l’appui de plufieurs gouverneurs
qui s’étoient rendus indépendàns dans
leurs provinces, 8c fe fit reconnoître calife dir Kho-
rafan ; fon nom fut fubftitué à cellu d'Amin fur les
monnoies , 8c il fit toutes les fondions dimâii
dans la mofquée. Les deux frères foutinreut leurs