
» ans Philippe fon fils, l’évêque d’Arras avoît
v voulu remettre fon expédition à Blanche de >
Bretagne, veuve de Philippe & mère de Robert
III ; ion attachement pour Mahaud l’en avoit
» empêché ; Mahaud croyoit que cette expédition
» avoit été fupprimée par l’évêque d’Arras. Qua-
» tre ans apres, Mahaud , mariant Jeanne fa fille
9> avec Philippe-le-Long, fécond fils' de Philippe»
v le-Bel, obtint d’Enguerrand de Marigny, moyen-
» nantune fomme de quarante ou cinquante mille
»> livres, qu’il jettât au feu l’expédition de ces
■ » mêmes aéles qu’on gardoit en France, & qu’il
j> fît auffi difparôître l’ènregifirement. Mais l’Evê-
>> que d’Arras avoit remis fon expédition humains.
>> d'un priidhotniiic, ( on nele-défignoit.pas autre-.
>» ment Y qui devoir la rendre à Robert d'Artois
3» ou à fes héritiers, mais feulement après làmort
3) de Mahaud, & pour que c e prud’homme ne. fût
j» pas le maître d’anéantir lé dépôt, l’évêque d’Ar-
3> ras avoit infiruit de tout, le chancelier de France,
» il l’avoit charge dé rendre aù roi ou à Robert
w à'Artois, après la mort de l’évêque, une lettre [
” qui contenoit tous ces faits : par cette lettre, il
les prioit de îaiffer jouir Mahaud du comté
» d'Artois,la vie durant de cette princèffe. L’évêqué
33 d’A rras, fe voyant au lit de la m o r té c r iv it à
33 Robert d'Artois üiie autre' lettre dont il char»
J» gea la Divion ; dans cette lettre , il demandoit >3 pardon à Robert d’avoir contribué, au moins
»’ par fon filence, à le priver du comté d’Artois ;
33 il lui révéloit tous les myftéres qu’on vient
33 d’expofer, excepté qu’il ne défignoit Enguerrand
33 de Marigny, que fous le titre dïin.de nos grands
3» Seigneurs : enfin pour réparation dti tort que l’é-
3> vèque s’accufoit d’avoir' fait au prince, & en re-
3> connoiffànce des bienfaits qu’il avoit reçus delà
33 maifon d'Artois, illaiffoit tous fes biens à Robert
33 qu’il prioit encore de Iaifier à Mahaud, l’ufufruit
33 de Y Artois, ■»
Cette prétendue lettre de l’évêque d’Arras mourant
fut la première pièce faufie qu’on produifit
dans cette affaire: la Divion, en la fourniffant,
renonçoit au legs que l’évêque lui avoit fait, &
dont Mahaud l’avoit frufirée ; car cette lettre étoit
une efpèce de tefiament nouveau qui révoquoit (
le précédent ; mais ôn fent que la Divion étoit
bien dédommagée par Robert d’Artois ; on voit
même dans le procès en quoi confiftoit ce dédommagement
, Robert lui donnoit une terre.
Il y avoit dans la faufie lettre de l’évêque d’Ar- ’
ras une particularité afiez importante , que per-
fonne n’a relevéè. L’évêque çitoit le chancelier
de France comme étant infiruit de tout. Or dans
tout le procès il n’eft pas queftion du chancelier. '
La lettre de l’évêque efi datée de 13 28 , & c’eft
l’époque de fa mort. Nous trouvons trois chanceliers,
morts vers le même tems: favoir Jean de Cher-
cfiemont, mort en cette même année 13 2 8 ,Pierre
Rodier, dont on1 fait feulement qu’il vivoit encore
çette ^iuiçe-là, Ôç Ferrand, mort en 12-/9» ,
Il efi très-vraifemblable que le chancelier défigné
dans la lettre de l’évêque, étoit mort dans l’intervalle
de la mort de l’évêque au temps où Ton
produifoit fa lettre. Ceft la feule manière d’expliquer
comment il ri’eft fait aucune mention d’un
témoignage auffi confidérable que celui du chan-.
celier.
Les autres perfonnes citées , comme infiruîtes ,
dans la faufie lettre, étoient pareillement mortes*
On fent l’intérêt que les faufiaires pouvoient
avoir à ne citer que des morts. Par ce moyen loi
prud’homme défigné comme dépoiitaire des aéles „■ ;
pouvoit les-remettre ou ne les pas remettre à fon
g ré , c’eft-à-dire au gré des faufiaires. Fabriquer*
ces aéles , étoit une, grande affaire, une entreprife'
très^périlleufe, & qui demandoit du temps & des/
mefores; il y avoit des formalité.^à remplir, diver-/
fes écritures à imiter, des fceaux à contrefaire 0*
a détacher d’un titre pour les replacer à un autre *
& peut-être n’avoit-on pas encore pris une dernière
réfoludon à cet égard.
Les aéfès étoient afiez rares alors, la preuve
tefiimoniale y fuppléoit ; ç’étoit par rémoins qu’on
prouvoit prefque toutes les conventions, & la
fréquence même de la preuve, tefiimoniale avoit
multiplié les faux témoins. Robert d’Artois & là
Divion n’eurent point de peine à en trouver, en
voit même au procès quelques-uns des moyens
de fubornation qu’ils employoient. La preuve terri- ,
moniale étoit utile dans tous les cas : fi l’on jugeoit
a propos de produire les aéles, le concours des
dépolirions avec ces aéles devoit diffiper jufqu’att
moindre doute ; fi les aéles ne paroiffoient pas,
la preuve- tefiimoniale y fuppléeroit.
On s’attacha fur-tout à bien faire la leçon aux
témoins. Les uns dévoient avoir été infirpits des
faits par Enguerrand de Marigny, les autres par
l’évèque d’A rras, ou par les autres perfonnes défi-
gnées dans fa lettre ; quelques-uns par la voix
publique feulement, & ' ceux-ci ne dévoient rien
favoir que de vague; quelques-uns ne dévoient
faire que des dépolirions indifférentes., piais qui
rèntreroient dans le fyfiême général'; quelques-uns
même dévoient en faire de contraires en apparente
à Robert d'Artois, mais qui feroient faciles
à concilier avec fes intérêts/ Ceux mêmes qui.
dépofoient le plus fortement en fa faveur, eurent
foin de varier entr’eux dans des circonfiances peu
importantes, pour- écarter toute idée de concerte
Quand tout fut prêt dç ce côté, Robert d'Artois
produifit la lettre de l’évêque d’Arras, demanda,
que le procès fût revu & les témoins entendus.
Le roi -donna une commifiion en conféquence, &
ayant vu dans la lettre de l’évêque d’Arras, qu’il
laiffoit tous fçs biens à Robert d'Artois, il ordonna
le féquefire de ces biens, & fit cefier l’exécution
tefiamentaire de Mahaud.
Il y eut cinquante-cinq témoins entendus , tant
à Paris qu’à Arras. Pendant ce temps on travail»
Toit à là fabrication des pièces annoncées par la
kttve
’lettre de l’éyèque ; le comte & la comteffe de Beaumont
on ( appelloit ainfi Robert d Artois & fe
femme ) avolent jugé qu’après un tel éclat, il telle
* completter la preuve de ce qu ils avoient
avancé. Ils dirent à la Divion que le roi l’exigeoit,
^ qu’il avoit dit expreffement : >3 La Divion doit avoir
33 ces pièces .'ou la lettre de l’évêque d’Arras ferOit
„ fau fie , il faut quelle en, réponde fur fa vie.y
En conféquence ils la menacèrent au nom du roi,
d’être brûlée fi elle n’achevoit fon ouvrage. Voila
du moins ce qu’allégua la Divion pour s’exeufer
quand elle fut forcée, d’avouer fon crime; elle ne
parla que de la puifïance & des menaces de M.
■ & de madame -de Beaumont. Il efi difficile de dire
qu’elle confiance peut être due a ces dépofitions,
qui furent les dernières de la Divion , & de décider
fi ce fut elle qui détermina le comte d'Artois, ou
fi ce fut lui qui la détermina ; mais il efi certain
-que quand on s’eft une fois permis le crime ^poiir
fervir les grands, on 11’efi plus le maître de s arrêter,
on efi enchaîné par ce crime même à des
»crimes nouveaux. . f
Mahaud, dès quelle fut avertie de ce qui fe
paffoit, fit venir Marie de Foulquières, confine
de la D ivion, & l’interogea fur la lettre de 1 éve-
•que d’Arras, d’une manière preffante, qui mar-
-quoit l’inquiétude & l’agitation de fon ame .*
Mahaud fit auffi arrêter deux filles, nommées
Marie la Blanche & Marie la Noire , domefiiques
complices de la Divion , & qui fe trou voient
•alors à Arras : c’étoit le vrai moyen de penetrer
•dans le fecret d’une affaire, où Mahaud ne pouvoir
rien comprendre. A cette nouvelle, la Divion
courut toute épouvantée chez le comte d'Artois,
_ Robert fentit aifément de quelle conféquence étoit
cet incident, il eut afiez de crédit pour faire mettre
ces deux filles en liberté. Mahaud vint défendre
fies droits à la cour.
Elle eut une grande conférence avec le ro i,
fur fon affaire. En retournant de Saint-Germain
à Paris, elle fe trouva mal en chemin, & mourut
au bout de huit jours, le 27 o&obre 1329. Trois
mois après , la reine fa fille, veuve de Philippe-le-
Long, mourut plus promptement encore, en allant
dans VArtois , dont elle avoit obtenu lajouiffance
provifionnelle à la mort de fa mère. On dut croire
qu’elles avoient été empoifonnées, & qu’elles
favoient été par Robert d'Artois, & par la Divion.
On le crut en effet-, & un des témoins femble le
dire. Jeanne femme d’Eudes, duc de Bourgogne,
fille aînée de Philippe-le-Long, & de Jeanne, fille
de Mahaud, obtint, comme ta mère , la jouiffance
provifionnelle de l'Artois, les droits dé Robert
.réfiervés, ■ *■ T ' s '
La mort de Mahaud & de fa fille, foit qu’elle
fût ou non l’ouvrage des faufiaires, les enhardit à
produire une pièce que vraifemblablement ils
n’euffent,point produite du vivant de Mahaud;
■ c’étoit une déclaration de Mahaud elle-même , qui
ffeconnoiffoit que le comté d Artois avoit été don-
Hijloire. Tom. I. Deuxième Paru
né en mariage à Philippe fon frère, 8c devoit
appartenir à Robert fon neveu, fils de Philippe.
Les autres pièces fauffes étoient le contrat de mariage
de Philippe , la prétendue ceffion de Y Artois,
la confirmation de ces • aéles par le roi Philippe-le-
Hardy ,& diverfes ratifications faites par Robert I I ,
comte d'Artois, La Divion trouva aifément des
copiftes & des faufiaires, pour trànfcrire fous fes
ordres ces divers aéles.
La plus grande difficulté étoit d’appliquer les
fceaux de tous les perfonnages mentionnes dans
ces aéles ; on prit le parti de détacher ces fceaux
de quelques autres titres pour les appliquer à ceux-
ci. La Divion , qui avoit déjà quelque ufage de
cet art funefte , s’y rendit bientôt afiez habile pour
fervir le comte & la comteffe de Beaumont à
leur gré.
Enfin ,lorfqu’on crut ces pièces absolument inattaquables
, Robert d’Artois les produifit.
Il avoit bien prévu , que , pour première queftion,
on lui demanderoit de qui il tenoit ces aéles-la.*
La réponfe avoit été préparée de loin , & le
prud’hothme n’avoit pas été mis pour rien dans la
la lettre de l’évêque d’Arras. Dans ces temps d’ignorance
, on vouloit toujours pouvoir mentir
avec vérité. On . faifoit autant d’efforts pour tromper
fa propre confidence , que pour tromper les
autres. Robert d'Artois vouloit pouvoir dire qu’il .
tenoit ces aéles de fon confeffeur; il vouloit que
fon confeffeur pût attefter la même chofe. Pour
cela, il lui montra ce s aéles, les lui mit entre les
mains, & les reprit enfuite. En même - temps, il
, lui révéla, fous le fceau de la confeffion , tout ce
qui concernoit ces aéles & l’ufage qu’il en vouloit
faire. Par-là, félon le fyfiême de Robert, ce moine
ne pouvoit que le fervir, en déclarant lui avoir
remis ces aéles, & il ne pouvoit lui nuire fur le
refte, puifque ce refte étoit un fecret de confefi
fion. Pour lui , lorfque dans le cours du procès ,
on lui fit la queftion à laquelle il s’attendoit, il
répondit myfiérieufement qu’il tenoit ces aéles d’un
homme Vêtu de noir, & fit fi biën qu’on devina
que cet homme étoit le dominicain Jean A ubery,
Ion confeffeur, & que c’étoit là le prud’homme
défigné dans la lettre de l’évêque d’Arras.
Malgré l’air de vérité que les tauffaires trouvoient
- dans leurs aéles, malgré le nombre des témoins ,
qui d’avance avoient dépofé conformément a ces
aéles, le duc & la.ducheffé de Bourgogne , à la
feule infpeélion , arguèrent ces pièces de faux ,
& demandèrent qu’elles reftaffent fous la main du
r o i, ce qui leur fut accordé. Trop de gens avoient
été employés à cette manoeuvre pour que rien
n’eût tranfpiré. On arrêta la plupart des écrivains
& quelques - uns des témoins les plus fufpeéls j
on arrêta la Divion elle - même, & tout fut bien»
tôt découvert ; quelques témôins avoient difparu ;
on foüpçonna Robert d'Artois de les avoir fait
périr , parce qu’ils voitloient fe rétraéler. Ceux qui
ayoîent été arrêtés avouèrent la fubornation, 1*
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