
voir mon cher feigneur ni en la vie ni à la mort?
Le roi fortit, & Marguerite s’évanouit ; il rentra,
elle fe ranima, & revint à la vie.
Blanche avoit nourri elle-même Ton fils, & re-
gardoit cette foriétion moins encore comme un
ces devoirs que comme une des prérogatives d’une
*nère. Pendant une de Tes maladies , une femme
cJour crilt devoir la fuppléer & donner à
teter à l’enfant ; Blanche mit le doigt dans la bouche
de l’enfant, & lui fit rendre le lait qu’il avoit pris.
Eh quoi ! dit-elle , fouffrirai-je qu’on mrôte le titre de
mère que je tiens de Dieu 6» de la nature ?
Blanche mourut en 12 5 2,8c fut enterrée à l’abbaye
de Maubuiffon qu’elle avoit fondée en 1242.
Elle étoit fille d’Alphonfe IX , roi de Caftille,
furnommé le Bon & le Nobles & par fa mère,
Eleonore d’Angleterre, elle étoit la digne petite-
fille de Henri I I , roi d’Angleterre , & de la fa-
meufe Eléonore d’Aquitaine , de laquelle par con-
féquent defeendent tous les rois de France iffus de
faint Louis, comme fi elle n’eût pas été répudiée
par Louis le Jeune.
BLANCHET. ( Pierre ) ( Hiß. litt. mod. ) C’eft,
dit-on, le nom du premier auteur de cette jolie
farce de Pathelin, que l’abbé Brueys a rajeunie en
1720 avec un fuccès qui ne s’eft pas démenti depuis
ce temps. Prefque toutes les fituations & les
plaifanteries de la pièce moderne fe trouveient
déjà dans l’ancienne, & Brueys n’a eu, pour ainfi
dire, à changer que le fiyle. Pierre Blanchet étoit,
dit-on , un prêtre né à Poitiers en 1459 » & mort en
1519. Obfervons cependant que M. de Fontenelle,
dans YHifioire du théâtre françois , n’ofe ni dire le
nom de cet auteur, ni fixer le temps précis où il
ecrivoit ; mais il croit cette pièce à-peu-près du
temps de Louis X I I , époque qui répond au temps
. de la vie de -ce Blanchet.
BLASCO-NUNNÈS, dit Velafco (H iß. mod.")
un de ces généraux & de ces navigateurs efpagnols
qui étendirent en Amérique la puiffance de leur
nation , & qui payèrent de leur vie. leurs exploits,
leurs cruautés & quelquefois leur perfidie. Celui-
ci reconnut les côtes de Paria & du Darien, découvrit
l’Ifthme de Panama , & ouvrit la route du
Pérou à François Pizarre & à Diégo d’Almagro,
qui entrèrent dans ce pays en 1525. Sa récompenfe
fut d’ avoir la tête tranchée par ordre du roi d’Ef-
pagne., pour avoir voulu , dit-on, fe faire fouve-
rain des terres qu’il avoit découvertes. Il faut avouer
qu’on ne fait jamais qui avoit tort ou raifon dans
ces accufations de tyrannie & de rébellion que
tous ces navigateurs intentoient les uns contre les
autres, & dont ils furent prefque tous les victimes
, leurs fervices même paroiffant dépofer contre
eux aux yeux de l’autorité allarmée & jaloufc.
B l a s c o -Nu n n è s , dit Vêla, dont la deftinée ne
fut pas plus heureufe , étoit peut-être fon fils;
vice-roi du Pérou en 1543 , il eut de fanglans démêlés
avec plufieurs des principaux chefs efpagnols,
jels que Vacca de Gaftro, .Gonzales Pizarro, fière
de François, &c. Il vouloit mettre en liberté tous
les indiens du Pérou, ce qui fouleva contre lui
les Efpagnols, & fi ce projet fut la caufe de fa
mort, il en eft peu de plus glorieufes, il faut le
regarder comme le martyr de l’humanité : mais il
paroît qu’il fe permit des cruautés & même des
lâchetés contre fes ennemis, il employa contre eux
jufqu’à l’affaffinat; il fut arrêté, il échappa, il reparut
les armes à la main, livra bataille, futren-
verfé de cheval, & eut à l’inftant la tête coupée
par un indien, qui fervoit la vengeance du docteur
Carvajal, dont Blafco-Nunnès avoit fait affafi-
finer le frère. Il mourut en 1546.
BLETTERIE , ( Jean-Philippe-Renê de la )
( Hifi. litt. mod. ) de l’académie des inferiptions &
belles-lettres, profeffeur d’éloquence au collègè
royal, auteur des vies de Julien & de Jovien , traducteur
célèbre de quelques ouvrages de Julien &
de quelques ouvrages de Tacite. Ces vies & ces
traductions eurent un fi grand fuccès , que l’auteur
crut pouvoir , à la faveur de fa réputation „
s’abandonner entièrement à un défaut vers lequel
il avoit toujours incliné ; ce défaut, eteft la familiarité
& la baffeffe du fiy le , qui lui fembloit du
naturel, & qu’il crut pouvoir confacrer par fon
exemple. C’en fur-tout dans fon Tibère, ou fa traduction
des fixpremiers livrés des annales de Tacite,'
publiée en 1768, qu’il crut pouvoir fe permettre
ce fiyle bourgeois qu’on lui a reproché avec
raifon ; ce n’eft pas que même, fans une attention
bien févère, on ne pût en trouver des traces
dans fes ouvrages précédens ; mais enfin il ne s’y
étoit point fait remarquer, il y étoit couvert par
l’élégance & l ?énergie, deux qualités qui difiinguent
fur-tout la manière d’écrire de M. l’abbé de la
Bletterie & qui le mettent au rang des bons écrivains
; ce n’eft que dans le Tibère que ce fiyle
baffement familier, fi contraire à la profonde & fu~
blime concifion de Tacite, eft véritablement choquant,
& qu’il paroît même afiêdé. Il le paroît
d’autant plus, que cette traduction a d’ailleurs beaucoup
de mérite, même pour le fiyle, qui a prefque
toujours l’énergie de l’abbé de 1 à Bletterie 3 8c
quelquefois celle de Tacite. Les endroits même où
le traduâeur fupplée Tacite, ne font pas indignes
du refie de l’ouvrage, il y prend bien la manière
de l’original. La fameufe lettre contre Séjan, écrite
de Caprées , eft parfaitement faite d’après les instructions
de Dion , elle eft d’un homme qui s’eft:
profondément pénétré de l’efprit & de la politique
fombre de Tibère ,s & qui fait faire parler un per-
fonnage d’après fon caraClère ; mais on ne recon-
noît plus Tibère ni Tacite, quand l’abbé de la
Bletterie fe livre à fon naturel bourgeois. Si Tacite
met dans la bouche d’un foldat féditieux cette plainte
chagrine : Denis in diem ajfibus mïlitis romani anv-
mam & corpus ceflimari, l’abbé de la Bletterie traduit
d’un to n de crieur public : A dix as par jour un
foldat romain corps & ame, Sa tradudion abonde en
Semblables baffeffes.
Milites-ne appellem, qui filium imperatoris véflri
Vallo & armis circumfedifiis ?
» Vous appellerai-je Soldats, vous qui venez
*> d’afiiéger en forme le fils de votre empereur ?
Meque precariam animam inter infenfos trahere.
» Et que Germanicus, au milieu d’une armée
» de furieux, traîne fous leur bon plaifir une vie
w qu’ils vont peut-être lui arracher*
Melius & amantiiis ille, qui gladium ojferebat.
» Plus fonfé mille fois celui qui m’offroit fon
» épée : c’étoit-là m’aimer comme il faut.
Satis fuperque mémorial me01 tribuent >- ut majoribus
mets dignum...... credant. t
« Elle m’honorera de refie 3 fi elle juge que je fus
» digne de mes ancêtres.
Nam quoi Jdxo firuuntur, ( templa ) f i judicium
pôfierorum in odium vertit, pro fepulchris fpernuntur.
» Pour ces temples de marbre , ils ne font aux
» yeux de la poftérité, que de vils fépulchres, fi
3) elle condamne la mémoire du Dieu prétendu, &c.
Enfin quoique M. l’abbé de la Bletterie fût jan-
fénifte, & que M. d’Alembert fut philofophe, il
faut ofer dire que la tradudion de M. d’Alembert
eft Supérieure à tous égards à celle de l’abbé de la
Bletterie, & que fon principal défaut eft de n’être .
pas complette, & de n’offrir que des fragmens
choifis. Le père Dotteville, de l’Oratoire, qui a
traduit de Tacite tout ce que l ’abbé de la Bletterie
«l’avoit pas traduit, & qui depuis a donné tine
nouvelle édition du Tibère de M. l’abbé de la Bletterie
, a eu foin de faire difparoître la plupart de ces
taches.
Les mémoires de l’abbé de la Bletterie inférés
dans le recueil de l’académie des inferiptions &
belles-lettres, font d’un lavant qui a du goût & à
qui lesufages romains font familiers.
Sa Vie de Julien, premier & Solide fondement
de fa réputation, dut à des circonftances étrangères
un fuccès Supérieur même à fon mérite. On
etoît las de tant de déclamations pieufes contre cet
empereur philofophe , qui cependant ne l’étoit pas
encore allez, puifqu’il fut perfécuteur; on étoit
las de voir que l’apoftafie tant reprochée à ce
prince empêchât tant d’hiftoriens de rendre juftice
à fes talens & à fes qualités brillantes ; on fut gré
à un homme qui avoit été oratorien , à un eeclé-
liafiique diftingué par l’auftérité de fes moeurs &
même de fon humeur,d’avoir affezeftimé Julien,premièrement
pour écrire fa v ie , Secondement pour
lui rendre juftice. Les dévots lui reprochèrent le
choix de ce Sujet, & le fameux Gaillande, le
doôeur Béda ( voye^ l’article Béda ) de fon temps,
qui fe mêloit de tout, 8c qu’on rencontroit partout
où‘il pouvoit perfécuter , le lui reprocha hau-,
tement chez M. le cardinal de Rohan, au moment
ou l’abbé de la Bletterie follicitoit le fuffrage de ce
•cardinal pour l’académie françoife. L’abbé de la
Bletterie fut élu, mais la cour lui donna l’exclufion,
pourquoi l’exclufion ? pour caufe de janfénifme, f
$ar on excluoit alors pour cette caufe, & fi nous 1
n’y prenofts garde, nous exclurons bientôt pour
philofophifme, encyclopédifme, & c ., c’eft-à-dlre
pour la fupériorité des talens & Souvent des vertus,
toujours calomniées avec fuccès par la médiocrité
intriguante auprès de la médiocrité puiffànte. Ne
nous y méprenons pas, c’eft là ce qu’on perfécute
le plus fouvent fous le nom d’hérefie & d’incrédulité
, c’eft là ce que perfécutoient, fous le nom
de* janfénifme , dans Arnauld , dans Pafcal, dans
les bons écrivains de Port-Royal , d’autres écrivains
bien moins accueillis du public, & par-là
même mieux accueillis à la cour. L’abbé de la
Bletterie fut fort fenfible à fa difgrace ; une femm#
de la cour qui n’étoit pas indifférente aux honneurs
du tabouret, mais qui croyoit qu’on devoit l’être
aux honneurs littéraires , cherchant à le confoler ,
s’étoiiavii quW »’affligeât d’avoir manqué l’académie
: Madame, lui dit l’abbé de la Bletterie avec
une colère grondeufe qui lui étoit propre, & qui
n’offenfoit perfonne, le fauteuil académique efi U
tabouret du bel efprit. Le véritable motif de confo*
lation étoit d’avoir été nommé. En effet avoir été
jugé digne des honneurs fuprêmes de la littérature
par le public & par l’académie, qui eft fon organe
©u dont il eft l’organe, c’eft les avoir obtenus.
L’abbé de la Bletterie, perfécuté pour janfénifme,'
n’eut rien de mieux à faire que d’honorer le principe
de fa difgrace & de paroître fort janfénifte. Il fembloit
un jour vouloir défendre les miracles de
M. Paris ; quelqu’un lui d it, allez légèrement :
w ce font des miracles bourgeois auxquels la bonne
» compagnie ne croit pas ». « La bonne compagnie
» de Jérufalem, répliqua l’abbé de la Bletterie, ne
n croyoit pas d’avantage aux miracles de J. C. v.
L’abbé de la Bletterie étoit dévot, févère & chagrin,
& n’aimoit pas M. de Voltaire. Le bruit courut
en 1765 , pendant la maladie de M. le Dauphin,
qn’on avoit vu des citoyens à genoux fur le Pont-
Neuf , devant la ftatue de Henri IV, pendant que le
peuple y étoit devant la châffe de fainte Geneviève^
M. de Voltaire fit à cefujet une pièce de vers , dans
laquelle il difoit :
Les Grecs 8c les Romains
Invoquoient des héros & »on pas des bergères.
» Et moi, dit l’abbé de la Bletterie , avec fa colère
» plaifante, f i f avois le malheur de penfer comme ce
n mécréant, jaimerois mieux rendre mon hommage à
” des bergères ' qu’à des héros.
Lorfque M. de Voltaire fit paroître fon commentaire
fur Corneille, critique un peu trop févère peut-
être, mais poétique utile & pleine de goût; l’abbé
de la Bletterie difoit que c’étoit une paraphrafe de
ce vers dé Boileau : ,
A mon gré le Corneille eft joli quelquefois.
Ces difpofitions injuftes lui attirèrent de la part