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petite place du Piémont, défendue par quatre
cerfs Bannis, qui, étant tous réputés coupables,
dévoient s’attendre au fupplice, s’ils tomboient entre
les mains des afliégeans, & qui proportionnèrent
leur défenfe à l’intérêt qu’ils avoient de n’être
point pris. Birague livra un affaut, fes troupes furent
repouflees. Quoi donc ! s’écrîa-t-il, [croit - il
pojfible que le dejîr de la. gloire infpirât moins de courage
à des foldats , que la crainte du fupplice à des
brigands? Il ramène fes troupes à la brèche C’èft
là y leur dit-il, qu’il faut mourir plutôt que de fuir,
& il emporta la place d’affaut.é
Un autre Birague encore , qui vràifemblable-
snent n’a rien de commun avec cette famille, paffe
pour le premier qui ait trouvé le moyen de graver
fur le diamant. Cet artifte était Milanois auffi, &
vivoit à la cour de Philippe I I , roi d’Efpagne. Son
nom'de baptême étoit Clément.
BIRGER JERL, ( Hift. de Suède. ) feignéur foé-
dois de la maifon de Folkungers. Cette famille,
par l’immenfité de fes richeffes, le nombre de fes
vàffaux, & fur-tout par l’appui qu’elle avoit feu-
vent prêté au peuple contre l’oppreffion de fes
Souverains , s’étoit rendue fi redoutable , qu’Eric
Lepfe crut qu’il feroit plus aifé de fe l’attacher que
de la détruire. Il donna fa fceur Hélène à Canut,
fa fécondé foeur à Nicolas de Tofta', & la troifièifle,
Ingeberge, à Birger Jerl; il époüfa lui-même une
princeffe de cette maifon , & crut, par ces alliances,
avoir cimenté entre ces feigneurs & lui, une amitié
inviolable* Il fe trompoit. Canut' leva le premier
l’étendart de la révolteremporta une victoire
fur Eric, l’obligea de chercher un afyle en
Danemarck, & fe fit proclamer roi de Suède; Eric
reparut bien-tôt & remonta fu r lé trône.
Pendant -cette- révolution , Birger Jerl lui avoit
confervé la fidélité qu’il lui avoit jurée : la nature
l’empêchent de prendre les armes contre Canut,
& fon devoir lui défendoit de les porter-contre
Eric, il demeura fimple fpeéfateur de cette guerre,
mais il brûloit de fignaler fon zèle pour le roi.
Eric ouvrit bientôt une vafte carrière à fon courage
, lui donna une armée pour aller conquérir
la Finlande, dont les habitans toujours attachés au
culte de leurs ancêtres , refufoient d’adopter l’évangile.
Birger partit donc à la tête de vingt mille
millionnaires bien armés, pour convertir la Finlande.
II. parcourut Cette contrée, portant l’épée
d’une main & la croix de l’autre j Criant par-tout
la mort ou l’évangile. La crainte fit fur beaucoup
d’efprits ce que la grâce nravoit pu faire. Ils reçurent
le baptême, le refie fut mafiacré.
Birger Jerl étoit encore en Finlande , prêchant,
égorgeant, baptifant, brûlant, lorfqu’on éleva fon
fils Valdemar fur le trône de Suède à la place
d’Eric, qui étoit mort fans poftérité. Il rentra dans
fa patrie. Il vit la couronne fur la tête de fon fils
avec un dépit feoret de ce qu’on ne l’avoit pas placée
fur la fienne. Cependant il difiimula fes véritables
fentimens, çonyoqua une aflemblée de la noblefie,
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Sl lui reprèfenta qu’un jeune prince fans expérience
ne pouvoit porter le fardeau du gouvernement.
Par ce détour adroit il demandoit indireéfe-
ment qu’on remît, entre fes mains le pouvoir fu-
prême. La noblefie preffentit la rufe , & lui dit
que s’il refufoit fon fuffrage à fon fils, on trou-
veroit dans la maifon de Suercher, qui avoit des
droits au trône, un prince plus digne d’y monter*
Cette réponfe lui ferma la bouche ; on lui confia
cependant l’adminiftration pendant la minorité [de
Valdemar. La ville de Stokolm fondée, les loix
recueillies dans un code, la police la plus fage
établie dans les villes, le droit de fucceffion rendu
aux femmes, qui, jufques-là, n’avoientpoint hérité
de leurs peres, enfin un gouvernement modéré
dans l’intérieur, vigoureux dans fes relations
avec l’étranger, juftifièrent aflez le défir de régner
qu’il avoit fait appercevoir. Il ne lui manquoit en
effet que le titre de roi. Mais en ayant rempli tous
les devoirs * ce titre étoit inutile à fa gloire. Sa
vertu fe démentit cependant. Le refie de la famille
de Folkungers s’étoit foulevé contre Valdemar. On
prit les armes : on en allait faire ufage, lorfque
Birger invita les chefs de la révolte à pafler dans
fon camp ; il jura folemnellement de ne point attenter
à leur vie. Sur la foi de ce ferment & d’un
fauf-conduit, ces princes vinrent fans efeorte. Ils
forent les viélimes de leur bonne foi. Birger leur
fit trancher la tête. Charles feul échappa au fupplice,
& oubliant que le fang de fes parens crioit
vengeance , alla combattre, les infidèles , périt
les armes à la main. Birger ne lui furvécut pas
longtemps, il mourut vers l’an 12.66. Il avoit été
pendant douze ou quinze ans minifire de fon propre
fils. Il donna des loix' à la Suède ; mais il lui.
donna auffi l’exemple du crime. Quid leges fine
moribus variez proficiunt? ( M. DE Sacy. )
■ Bir g e r , {Hift. de Suède.') roi de Suède, foc-
céda à Magnus Ladeflas. Ce -prince avoit laifle trois
enfans en bas-âge, Birger, Eric.& Valdemar. Tor-
chel Canutfon, grand maréchal de la couronne,
la plaça fur la tête de Birger , lorfqu’il pouvoit
s’en emparer lui-même. Il gouverna l’état pendant
la minorité du-prince, &■ fut auffi fage régent qu’il*
avoit été fidèle minifire fous Magnus. Ce fut cependant
par fes ordres qu’une armée ravagea la
Carélie pour la convertir ; mais cet excès de fa-
natifme étoit moins la faute de Torchel que de
fon fiécle. L’évangile n’a guère eu dans le nord
d’autres apôtres que des foldats. L’armée triomphante
pénétra même jufquen Ruffie, & revint
en 1301 chargée d’un riche butin , & moins fiére
de fes victoires que d’avoir donné fa religion aux
vaincus. Torchel, toujours tuteur du jeune roi,
au milieu de fes opérations militaires & religieufes,
n’oublioit pas les foins pacifiques que la Suède at-
tendoit de lui : il vouloit donner à fon maître des
fujets dignes de lui. Il avoit obfervé que la fervi-
tude flétrit le courage, & détruit dans l’cfclave
tout fentimentde patriotifme ; il abolit l’efclayage,
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jl rendit aux ferfs la liberté qu’ils avoient reçue
de la nature, & que les loix leur avoient ôtée ,
& défendit à tout fuédois de vendre fon fembïâ-
ble. Enfin Birger ayant atteint l’âge de majorité ,
Torchel remit entre fes mains le pouvoir fuprême
& toutes les dignités dont il étoit décoré. Birger
lui Gonferva les préfens de Magnus-, heureux s’il
avoit toujours gardé pour un h grand minifire la
même reconnoifiance ; mais ladivifion fe mit bientôt.
dans la famille royale. Birger accula les deux
ducs fes frères d’avoir affeété dans leurs appanages
un luxe qui. ne convenoit qu’au trône, il ajouta
qu’ils afpiroient à lui ravir la couronne ; qu’ils
tramoient des complots ténébreux , & qu’ils alié-
noient le coeur de fes fujets. L’ambition de ces
princes eût peut-être réalifé dans la fuite tous les
fantômes que la crainte de Birger formoit dans fon
ame. Mais le grand maréchal fut les contenir : il
leur fit figner un écrit par lequel ils promettoient
d’être déformais fournis, fidèles & irréprochables
dans leur conduite; mais bientôt ils s’enfuirent,
demandèrent un afyle au roi de Danemarck qui
le leur refofa , & allèrent en chercher un autre
en Norvège | où fe roi Haquin leur tendoit les
bras. Le nord vit donc des frères armés les uns
-contre fes autres , outrager à la fois l’humanité ,
fe nature & la patrie, & n’en fut point étonné.
Dans ces temps barbares, on étoit accoutumé à
ce fpeélacle. L’armée de Birger fut taillée en pièces ,
on alloit en venir à une fécondé bataille , quelques
fénateurs négocièrent., on fit la paix ; mais
©n la cimenta du fang de Torchel Canutfon : on
rejetta for lui & la caufe & les effets de cette
guerre ; il eut la tête tranchée. Tel fut le prix
des ferviçes qu’il avoit rendus à l’état & à fon
soi.
Birger eut bientôt occafion de féntir tout 1e
prix du bien qu’il s’étoit ravi lui-même. Déchiré
de remords, tremblant fur fon trône , & n’ayant
plus ce grand homme à oppofer à. un peuple mutiné
, & à fes ennemis ligués contre lu i, il ac- :
eufa fes freres de lui avoir extorqué l’arrêt qui ;
-avoit envoyé ce minifire à l’échaffaut. Ceux - ci .
•fe lavèrent d’un crime par un autre ; ils-furprirent
Birger dans fon palais , & le jettèrent dans fes fers
avec fa famille. Le roi de Danemarck. voulut fe-
«ourir fon beau-frère ; mais il avoit moins de courage
que d’amitié , il combattit & négocia fans
rfocçès ; cependant les ducs avoient conquis pref-
que toute là Suède, traitoient leur prifonnier avec
•rigueur, & publioient qu’ils vengeoient le mi-
niftre qu’ils avoient fait périr. Le-roi de Danemarck
'fit de nouvelles tentatives ; elles furent plus heu-
•reufes ; il obtint la liberté de Birger , mais ce fut ;
aux conditions les plus dures ; pn ne lui laiffoit
qu’une portion très-étroite de la Suède ; on exi-
8®oit en faveur de fes.frères & de leurs partifans ,.
que fa main fignât une amnifiie que fon coeur
> n’a voit pas di&ée. Le premier foin de Birger {ut de
reconquérir fes états,,1efécond de punir fes frères;
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il 11’etoit point efçlave d’une promefle que la né-
ceffite lui avoit arrachée. Il s’appuya du fe cours
i du Danemarck, anima le roi de Norvège contre
1 fe duc Eriç , & fut bientôt en état de rendre à
fes frères tous fes maux qu’ils lui avoient caufés.
Cette guerre fut longue & meurtrière ; la fortune
des armes prodigua également aux deux partis fes
faveurs & fes difgraces. Enfin on en vint à un
traité qui laiffoit aux deux ducs leurs apanages, à
condition qu’ils en feroient hommage au roi ; ainft
les trois frères rentrèrent dans leur premier état;
il n’y eut que celui de la Suède qui fut changé ;
elle etoit bien loin du bonheur dont elfe avoit
joui fous le miniftère du fage Torchel. Il fallut bien
des années pour effacer fes traces de ces difeordes;
On accrut encore les malheurs du peuple en aggravant
le fardeau des impôts , pour fomre au luxe
des trois cours qui difputoient de magnificence;
ainfî, après avoir prodigué 1e fang de la nation , on
diflipa les richeffes.
Birger, qui n’avoît différé fa vengeance que pour
la rendre plus certaine, invita fes hères à fe rendre
d'ans- fon palais de Nikoping ; il les reçut avec le:
fourire de l’amitié, les ferra dans fes bras , & leur
fit fervir un repas magnifique : ori fe fépara après-
mille careffes réciproques. Les deux princes s’en=-
dormirent, mais Birger ayoit les yeux ouverts fur
fes viâimes : au milieu de la nuit il courut à leur
appartement. Sa vengeance commença par le maf*
Caere de leurs domefiiqiies.. Les princes, éveillés
par les cris des mourans, veulent fe mettre en
défenfe, Birger paroît, on les défarme , on lès-'
dépoüjlfe, on. lès charge de chaînes, on fes accable
de coups ; BirgerirSulte froidement à leur malheur
, & leur dit qu’ils fes traite ain fi qu’ils l’a-
voient t r a i t é q u e s’il leur laiffe la v ie , e’eft
pour jouir plus long-temps de leur fupplice. Cette;
perfidie fit murmurer la nation*; au murmure:
fuecéda Une révolte prefque générale.. Nikoping
fut invefii & force ; mais il n’étoit plus temps ;
les deux princes étoient morts de faim dans leur
cachot,.
Les rebelles jurèrent de venger leur mort. Bir^
ger' marcha contre eux & les tailla en pièces. Les
Suédois ne virent dans cette défaite que dès vic--
times de plus à venger f Mathias Ketellmundfon fe
mit à leur tête., Birger fut vaincu à fon tour &
s’enfuit dans l’ifle de Gothland ; la haine publique
le pourfuivit dans cette retraite ; il échappa,
à fes ennemis, & alla porter en Danemarck fes
malheurs , fa honte & fes remords. On l’y reçut
avec une pitié infoltante, plus cruelle que fes refus.
Birger avoit donné à fon peuple l’exemple dm
crime ; il ne fut que trop fuivi : fon fils, innocente;
viéfime de l’indignation générale , périt fur un-
échaffaut. Ce malheureux prince, détefié en Suède,,
méprifé en Danemarck', à peine fupporté de fes-
domefiiqües même , déchiré de remords, & fe-
reprochantla mort de Torchel, de fes hères, celle;
même de fou fils * tomba dans une mélancolie.*