
comme légitimes les mariages faits en conféquence..
Des a&es femblent prouver cependant que Plec-
trude ne fut jamais répudiée, & que Pépin, à
l’exemple de nos premiers rois , & fuivant l’exemple
des Germains, eut ces deux femmes à la fois.
Les annales de Metz rapportent même que le mariage
de Pépin avec Alpaïde ayant excité le zèle
de fainr Lambert, évêque de Liège, qui le qualifia
hautement d’adultère public, ce fcrupuleux
prélat fut affafiîné par Odon, frère Alpaïde, &
même avec le contentement de Pépin. On ajoute
que le meurtrier, rongé de vers tout vivant, devenu
furieux, & comme pourfuivi par la vengeance
divine, fe précipita dans la Meufe. Alpaïde fe retira,
. félon l’ufage, dans un monaftère quelle avoit fondé,
c’étoit Orp-le-Grand dans le Brabant. Elle y mourut.
n Un cloître, dit Bayle, eft ordinairement aux
« perfonnes de cette efpèce, ce qu’étoit autrefois
' « Ligourne aux banqueroutiers ».
ALPHONSE , ( Hlfoire d’Efpagne. ) Plufieurs
rois de Léon, des Ahuries, de Caftille, d’Aragon
& de Navarre, ont porté le nom $ Alphonfe ;
& comme la loi que nous nous fommes impofée
de nous borner aux généralités de l’hiftoire, ne
s nous permet pas d’entrer dans les détails de leur
règne , nous parlerons de chacun d’eux en particulier
, avec la brièveté qui convient à notre
plan. . Alphonse I , furnonfmé le catholique, mérita
ce titre par les vi&oires qu’il remporta fur les
Mufulmans, auxquels il rendit le nom chrétien
redoutable. Proclamé roi en 73 9 , par les Goths
réfugiés dans les montagnes des Ahuries , il fembla,
pendant lés premières années de fan règne, ne
refpirer que la guerre & le carnage ; fe baigner j
dans de fang des Mahométans , démanteler des I
places , faccager des villes , changer de riches
campagnes en déferts affreux. Tels furent les ‘exploits
par lefquels il fignala fa haine contre le
Mahométifme, ( ou plutôt par lefquëls il tenta de
reconquérir les états enlevés aux Goths par les
Sarrafins ). Las ou honteux de tant de dévafta- .
tions, (qui remplifïoient mal fon objet ) ce guerrier
finguinaire devint un roi doux, pacifique &
bienfaifaht, plus occupé du bonheur de fies lujets,
que de la deftruâion des infidèles. Il mourut en
7 5 7 , & laiffa fon trône à fon fils Froïla. Alphonse II, dit le chafie, parce qu’il fit voeu
de chafteté , voeu plus qu’indifcret dans un monarque
& un époux , monta fur le trône des Afi-
turies en 791 , par l’abdication volontaire de D.
Bermude, iucceffeur de l’ufurpateur Moregat, &
eut affez de générofité pour oublier des injures
dont il lui étoit aifé de fe venger, préférant le
noble foin de fe concilier tous les. coeurs par fes
bienfaits , à la peine inquiétante de rechercher des
coupables qu’il eût été obligé de punir. Il fît la
guerre aux Maures ; mais ce fut pour défendre J
fes provinces de leur fureur ; c’étoit l’amour de j
fon peuple qui l’animoit, & non la hrine de fes I
ennemis. Ce roi bon & jufte fut dépofé par une
troupe de faéfieux, mécontens de la juftice qu’il
faifoitobferver dans fes états. Ils l’enfermèrent dans
un monaftère. Des citoyens fidèles volèrent au
fecours de leur monarque, le tirèrent de fa pri-
fon, & le rétablirent fur le trône au bruit des
acclamations publiques. Alphonfe ne fut fe venger
de fes ennemis que par des bienfaits. Cette générofité
héroïque fit rentrer dans le devoir ceux
qui. s’en étoient fi étrangement écartés. Après lin
règne floriflant de 44 ans, ce prince moins fatigué
de la royauté qu’épuifé par les foins pénibles de
l’adminiftration & par les longs travaux militaires
, affembla les grands du royaume, demanda
qu’il lui fût permis de jouir d’un repos auquel fon
âge ( il avoir 70 ans ) & fes infirmités le condamnaient
, leur recommanda pour fon fuccefTeur,
Ramire fon coufin ? vit fon choix approuvé,
remit à celui-ci les rênes du gouvernement, &
vécut encore fept ans fimple citoyen , obfer-
vantjes loix aulii exactement qu’il les avoit fait
obferver. Alphonse I I I , furnommé le grand, roi d’O -
viédo & de Léon, monta fort jeune fur le. trône ,
& vit les premiers jours de fon règne troublés par
la révolte de Froïla, comte de Galice, qui obligea
le jeune monarque à fuir devant lui , & à
lui laiffer le feeptre. Mais Froïla ne jouit pas longtemps
du fruit de fon crime, ayant été affaflîné
.dans fon palais un peu moins d’un an après fon
ufurpation. Alphonfe reprit les rênes du gouvernement
, & courut rifque d’être détrôné une fécondé
fois ; il réduifit les rebelles, à la tête defquels étoit le
comte d’Eylon. Une continuité de viéloires remportées
fur les Sarrafins illuftrèrent la fuite de fon règne,
&lui méritèrent le fur nom de grand: grandeur fatale
qui ne lui laiffa pas un moment de tranquillité.
Souvent, tandis que le fouverain triomphe hors de
fes états, le défordre s’introduit au dedans, &
lorfqu’il s’agit de réformer les abus, on trouve
des obftacles qui entraînent de grands troubles. Les
feigneurs vexoient le peuple ; Alphonfe voulut
borner leur autorité. Plufieurs fe révoltèrent, &
Alphonfe fe vit contraint de tourner contre fes
propres fujets, des armes qu’il eût voulu n’em- '
ployer que contre les Maures. Le fang des rebelles
coula fans éteindre le feu de la rébellion. Il eut la
■ douleur de voir fes fils & la reine, fonépoufe, conjurés
contre lui ; & dans cette conjonélure accablante
, foit foibleffe, ou générofité , il abdiqua en
faveur de D. Garcie, l’aîné de ces .fils dénaturés ,
& donna la Galice à D. Ordogne, le cadet. A lphonfe
mourut deux ans après cette abdication , le
20 décembre de l’an 912. Il ayoit fait lui feulplus
de conquêtes que tous fes prédéceffeurs enfemble ;
fes états comprenoient les Afturies, la Galice, une
partie du Portugal & de la vieille Cafiille, avec le
royaume de Léon. Alphonse IV , dit le moine , parce que, ne le
Tentant aucune des qualité? îiéçeffalres pour régner,
ïl abdiqua la couronne en faveur de Ramire , fon j
frère quoiqu’il eût un fils, & fe> fit moine dans I
l’abbaye de Sahagun. Mais il fe repentit de cette
démarche, & , comme s’il, eût appris dans l’obf-
curité du cloître l’art de régner, il fortit de fon
couvent, & prétendit que Ramire lui rendît la
couronne ; il eut des partitans , mais ils furent bientôt
diffipés. Alphonfe abandonné fe jetta aux pieds
de fon frère qui lui fit crever les yeux & le fit
étroitement garder dans le monaftère defaint Julien,
©ù il finit fes jours
A lph o n se V n’avoit que cinq ans lorfqu’il monta
fur le trône ; fon éducation fut confiée au comte
de Galice D. Melaiido Gonzalez , & la régence à.
Dona Elvire, mère & tutrice du monarque enfant.
L’une & l’autre concoururent à en faire un roi
vertueux, doux , équitable, bienfaifant, qui gouverna
fes états en paix , & mourut en 1028 fous
les murs de Viféo, place importante de la Lufita-
nie, dans la première entreprife qu’il forma contre
les Maures. Il étoit dans fa trente-quatrième année.
A l pho nse V I , dit le brave , réunit les trois
royaumes de Çaitille , de Léon & de Galice, que
Fer clin and-le^Grand , fon père, avoit divifés entre
fes trois fils. Mais les Caftillans ne voulurent le
reconnoître pour leur • fouverain, qu’à condition
qu’il jiireroit de n’avoir eu aucune part a la mort
du roi1 fon frère. Le Cid,, ce hérôs fi célèbre par
fa valeur & la continuité de fes viéloires fur les
Sarrafins ? reçut ce ferment ; & > l’on affure qu’il
exigea d'Alphonfe qu’il le répétât jufqu’à trois fois :
h rdieffe indiferette qui le fit exiler par le nouveau
roi. Mais bientôt le bruit de fes exploits le fit rappellera
La conquête de Tolède & de plufieurs places
des environs, qui fubirent le joug des Caftillans ,
& donnèrent commencement à une nouvelle province,
nommée la nouvelle Caftille, eft l’évènement
le plus remarquable du règne à'Alphonfe. Si
fes armes ne furent pas toujours vi&orieufes , foh
courage ne brilla jamais avec plus d’éclat que dans
les revers. Ce fut après avoir perdu deux grandes
batailles contre les Maures, qu’il força le Miramo-
lin , vainqueur du roi de Séville, à faire hommage
de fes conquêtes à la couronne de Caftille, à s ’en
reconnoître tributaire , & à payer fur le champ une
fournie confidérable. Ce fut après la fatale journée
des fept comtes, qn'Alphonfe , infirme & âgé de
75 ans , arrêta un vainqueur qui fembloit devoir
envahir la Caftille , l’infulta jùfques fous les murs
de Séville, & revint à Tolède chargé de gloire &
de riches dépouilles. Il y mourut peu de temps
après, le premier jour de juillet 1109.
A lph o n se le batailleur, roi d'Aragon, &Urra-
que fonépoufe, fille unique & héritière d’Alphonfe
V I , fe difputèrent pendant fept ans la couronne
de Caftille : ce qui plongea l’Efpagne dans une
guerre inteftine , qui n’aboutit qu’à rendre vaines
les prétentions de l’un & de l’autre. La couronne
appartenoit fans contredit à Urraque par le droit
de fà naiffance ; & cette princeffe, au lieu de la
partager avec le roi d’Aragon fon époux, préten-
doit gouverner feule toute la Caftille & fes autres
états. Alphonfe cependant n’avoit époufé Urraque
que pour réunir toute l’Efpagne chrétienne fous un
feul maître; aufîl p r it-il le titre d’empereur des
Efpagnes , à l’exemple de fon beau-père. Mais Ur-
raque avoit un fils de fon premier mari, Raimond
de Bourgogne. Ce fils , exclu du trône par une volonté
affez bifarre de fon ayeul, étoit élevé dans
la Galice qu’on lui avoit laifféè pour apanage avec
le titre de comte. Tandis que les deux époux fe
faifoient une guerre cruelle, les Galiciens reconnurent
l’infant pour-fouverain , & le couronnèrent
à Compoftelle. Bientôt il eut un parti confidérable.
Le roi d’Aragon jugea à propos de lâiffer la mère
& le fils continuer cette querelle, & dé fonger à
aggrandir fon propre royaume par des conquêtes
furies Maures. La reine Urraque mourut ; fon fils
aidé du pape Calixte II, fon parent, força le roi
d’Aragon à lui réftituer , par un traité, les places
qu’il occupoit encore dans la Caftille. ( Voy. ci-après Alphonse I , roi d’Aragon. ) Alphonse V I I , roi de l’ancienne & de la nouvelle
Caftille, de Léon , des Afturies & de la Galice
, fie fit couronner empereur des Efpagnes, à
Tolède, en 113 5 ; il fut le quatrième & le dernier
qui porta ce titre faftueux ; il fignoit Ildefonfus
plus , felïx , augufius , totius Hifpanitz imperator,
C ’eft cette affectation qui le fait furnommer Y empereur
par les hiftoriens d’Elpagne, Il mourut en
115 7 , après avoir divile fes états entre Sanche ,
. fon fils aîné, à qui il donna les deux Caftilles, &
Ferdinand qui eut en partage le royaume de Léon
& de Galice. Alphonse V III, dit fie noble où le bon, roi de Caftille
, n’avoit que quatre ans lorfqu’il monta fur le
trône. Sa minorité fut orageufe ; fes états Rirent
démembrés. Mais ayant atteint fa quinzième année,
il fut déclaré majeur en 1166 par les états-
généraux du royaume de Caftille affernblésà Bur-
gos , & reconquit rapidement tout ce que fes voi-
fins avoient ufurpé fur lui pendant fon enfance.
En 1176., Alphonfe tourna toutes fês forces contre
les Maures , dans le deffein de les chaffer de l ’Efi-
pagne; ilfuivit ficonftaminentce projet, que quand
! les rois d’Aragon , de Navarre & de Léon fe liguèrent
contre lui en 1191 , il .leur demanda la
paix , & fut affez heureux pour changer la ligue
en une croifade dont il fe déclara le chef. Cependant
il perdit une grande bataille contre le Mira-
molin, en 1195. On affure que vingt mille hommes
d’infanterie oc toute fa cavalerie relièrent fur le
champ de bataille. La journée de Maraudai en
1212 , le vengea de cette défaite. Les hiftoriens
difent que cent mille Maures y perdirent la vie.
La pelle & la famine qui défoloient aloVs l’Ef-
pagne , & fur- tout l’armée à’Alphonfe , l’empêchèrent
de tirer de fa viéloire tout l’avantage qu’il
eût pu en efpérer dans des circonftances plus fa