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» dont elle avoît voulu fe tuer fans le pouvoir :
» Cefl, dit-il, comme Mithridate. Vous favez de
» quelle forte il s’étoit accoutumé au poifon ; il
» n’eft pas befoin de vous conduire plus loin dans
» cette application.
» La Brinvilliers eft morte comme . elle a
y> vécu , dit-elle ailleurs ; c’eft- à-dire , réfolu-
» ment. Elle 'entra dans le lieu où l’on devoit
» lui donner la queftion, & voyant trois fceaux
» d’eau , elle dit : C’efl affurément pour me noyer,
» car de la taille dont je fuis, on ne prétend pas que
» je boive tout cela. Elle écouta fon arrêt fans
»' frayeur & fans foibleffe ; & fur la fin elle fit
» recommencer......... Elle dit à fon confefleur par
» le chemin de faire mettre le bourreau devant
» elle , afin, dit-elle, de ne point voir ce coquin de
” Defgrffis qui ma prifé. Defgrais étoit à cheval
» devant le tombereau. Son confeïfeur la reprit
de ce fentiment ; elle dit : Ah ! mon Dieu ! je
» vous en demande pardon, qu'on me laiffe ceite
» étrange vue. Elle monta feule, & nuds pieds fur
» l ’échelle & fur l’échafaud , & fut un quart-
” d’heure mirôdée, rafée, dreffée & redreffée par
” le bourreau ; ce fut un grand murmure.......... Le
» lendemain on cherchoit fes os , parce que le
» peuple croyoit qu’elle étoit fainte ».
C ’eft une idée que les grands crimes & les fùp-
plices fameux donnent affez ordinairement au peup
le, & dont il feroit peut-être curieux de rechercher
la caufe & l’origine.
Madame de Sévigné dit encore :
« Jamais tant de crimes n’ont été traités fi dou-
» cernent, elle n’a. pas eu la queftion ; on avoit
?> fi peur qu’elle ne parlât, qu’on lui faifoit entre-
a> voir une grâce, & fi bien entrevoir qu’elle ne
» croyoit point mourir ; elle dit en montant fur
» l’échafaud, c’efl donc tout de bon ? Enfin elle eft
V au vent, & fon confefleur dit que c’efl: une fainte ».
Pénautier, tréforier-général des états de Languedoc
, & tréforier-général du clergé, ami, peut-être
amant de cette femme, fut impliqué dans fon affaire ;
il lui en coûta , ditM. de Voltaire, la moitié de fon
bien pour fupprimer les accufations.
Voici ce qu’en dit madame de Sévigné dans
différentes lettres.
« Pénautier eft en prifon par avance... . . . il a-
» été neuf jours dans le cachot de Ravaillac, il y
» mouroit, on l’a ôté ; ion affaire eft défagréable.
» Il a de grands preteâeurs ; M. de Paris (Tar-
?» chevêque de Hariay ) & M, Colbert le fotitien-
» nent hautement; mais fi la Brinvilliers l’em-
?» barraffe davantage, rien ne pourra le fecourir.......
?» On a confronté Pénautier à la Brinvilliers ; cette
» entrevue fut fort trifte : ils s’étoient vus autrefois
?» plus agréablement. Elle a tant promis que, fi
?>, elle mouroit, elle en feroit mourir bien d’autres,
», qu’on ne doute point qu’elle n’en dife affez*
» pour entraîner celui-ci, ou du moins pour lui
» faire donner la queftion, qui eft une chofe ter-
» rible. Cet homme a un nombre infini d’amis
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» d’importance , qu’il a obligés dans les deux em-
?» plois qu’il avoit. Ils n’oublient rien pour le
?» fervir ; on ne doute point que l’argent ne fe jette
» par-tout : mais s’il eft convaincu, rien ne peut
?? le fauver................: I 1 a plu à la Brinvilliers de
>» ne rien avouer ; Pénautier fortira plus blanc que
» de la neige ; le public n’eft point content.............
» Pénautier eft heureux ; il n’y eut jamais un
» homme fi bien protégé ; vous le verrez fortir,
»> mais fans être juftifie dans l’efprit de tout le
» monde. Il y a eu des choies extraordinaires dans
» tout ce procès ; mais on ne peut les écrire. Le
» cardinal de Bonzy ( un des plus zélés protec-
» teurs de Pénautier ) difoit toujours en riant, que
» tous ceux qui avoient des penfions fur fes bé-
» néfices, ne vivraient pas long-temps, & que fon
» étoile les tuerait. Il y a deux ou trois mois que
» l’abbé Fouquet ayant rencontré cette éminence
» dans le fond de fon carroffe avec Pénautier , dit
» tout haut .* je viens de rencontrer le cardinal de
» Bon^y avec fon étoile...............Le maréchal de
» Villerai difoit l’autre jour, Pénautier fera ruiné
» de cette affaire - ci ; le maréchal de Grammont
» répondit, il faudra qu*il fupprime fa table : voilà
» bien des épigrammes : je fuppofe que vous favez
» qu’on croit qu’il y a cent mille écus de répandus
» pour faciliter toutes ehofes : l’innocence ne fait
*> guères de telles profitions ».
Il eft vrai, mais Pénautier les a-t’il faites ? Ce
qu’il y a de certain, c’eft que jamais homme riche
ne fe tirera d’itn pareil procès, fans qu’on dife que
e’eft à prix d’argent.
Les empoifonnemens continuèrent après le fup-
pliee de la marquifè de Brinvilliers, & firent établir
en 1680, à l’Arfenalune chambre ardente, des
opérations de laquelle on a parlé diverfement.
BRIQUEMAUT & C avagnes , ( voyez C a -
vagnes. )
BRIQUEVILLE & Montgommery , ( voyez
Montgommery. )
BRISSAC, ( voye% C ossé. )
BRISSON, ( Ba rn a b e ) ( Hiß. de Fr. ) fàvant
magiftrat, auteur de plufieurs ouvrages d’érudition
& de jurifprudence , qu’on ne lit plus, mais que
les favans citent quelquefois ; pendu par les feize
le 15 novembre 1391,pour fon attachement au parti
royal, & immortahfé par ces vers de la Henriade î
B r i f io n , Larcher , Tardif, honorables vi&imes ,
Vous n’êtes point flétris par ce honteux trépas :
Mânes trop généreux , vous n'en rougiffez pas j
Vos noms toujours fameux vivront dans ta mémoire ;
Et qui meurt pour fon roi, meurt toujours avec gloire.
BRITANNICUS, ( Hift, Rom. ) fils de l’empereur
Claude & de Meflaline. Claude, pour avoir
vu les Bretons, prit le furnom . de Britannique,
feul héritagé de fon malheureux fils. Britannicus
fut exclu de l’empire par les artifices d’Agrippine
fa marâtre, & empoifonné par Néron qui
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occupoit fon trône. Il n’avoit que quinze ou feize
ans, quand il mourut l’an 55 de J. C. Dion rapporté
que le corps de Britannicus étant devenu tout
noir par la violence du poifon, Néron le fit blanchir
avec du plâtre , mais qu’une groffe pluje étant
furvenue, pendant qu’on portoit le corps au tombeau
, fit tomber ce plâtre, & découvrit à tous les
yeux le crime de’Néron.
BRODEAU, ( Julien) voyez Bodreau. BROGLIE, ( de) ancienne maifon, originaire
du Piémont, qui a donné à la France'trois maréchaux
de France de père en fils, dont le troifième
eft le vainqueur de Berghen aujourd’hui vivant.
De grands talens & de grandes qualités ont illuftré
aufli le feu comte de Broglie, fon frère.
BROGLIO , ffHifi.mod.') l’on nomme ainfi à
Venife un endroit de la place faint Marc, où les
nobles Vénitiens tiennent leurs affemblées ; lorf-
qu’ils y viennent avant midi, ils fe mettent à couvert
lous le portique : fi l’aflemblée fe tient
l’après - dînée , ils prennent un autre côté, pour fe
mettre à l’abri du îoleil ; il n’eft permis à perfonne
d’y paffer pendant ce temps - là. (A . R.')
BROSSÀRD, ( Sébastien ) ( Hifl. litt, mod. )
chanoine de l’églife de Meaux, auteur d’un dictionnaire
de mufique qui a, dit-on, été d’un grand
fecours au célèbre Jean-Jacques Rouffeau. Il mourut
en 1730.
BROSSE,(Pierre de la ) ( HifK de Fr. ) homme
d’une naiffance obfcure, d’abord chirurgien-barbier
de faint Louis , devenu chambellan fous Philippe-
le-Hardy, puis pendu fous le même règne en 1276.
Nous pouvons affurer ceux de nos leéteurs qui
çtoient en favoir davantage fur l ’hiftoire de cet
homme, qu’ils fe trompent.
Philippe-le-Hardy, ayant perdu en 12 7 1, fa première
femme, Ifabelle d’Arragon, dont il avoit trois
.fils : Louis,de qui nous allons parler, Philippe-le-Bel
& Charles de Valois, époufaen 1274, Marie de
Brabant , dont il eut un fils , tige de la branche
d’Evreux. La Broffe alors tout puifl'ant, craignit,
dit-on, le crédit qu’il voyoit prendre à Marie de
Brabant ; il voulut la perdre. Louis fils ainé du
premier lit, mourut en 1276, empoifonné ou non.
La Broffe , que quelques - uns accufent de l’avoir
empoifonné, exprès pour perfuader que c’étoit la
reine qui avoit fait le crime, & qu’elle réfervoit
le même fort aux autres enfans du premier lit, la fit,
dit-on, accufer publiquement de la mort du prince ,
ce qui,d’après les déplorables inftitutions du temps ,
pouvoit la conduire à être brûlée v iv e , s’il ne fe
trouvoit point de chevalier qui fe préfentât pour
prendre la défenfe. Il s’en prèfenta, le duc de
Brabant, frère de Marie, en envoya un. L’accu-
fateur apofté, dit-on , par la Broffe, n’ofa pas le
combattre , & aima mieux être pendu. iCom-
ment aime-t-on mieux être pendu, que de
rifquer de mourir les armes à la main, en con-
fervant l’-efpérance de vaincre C ’eft peut - être
parce qu’on craint la damnation, fi on vient à
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mourir dans le combat, au lieu qu’on efpère, eu
prenant l’autre parti, pouvoir fe préparer à la mort
& fauver fon ame. Mais comment, en prenant cet
autre parti, n’avoue-t’on pas qu’on s’eft laiffé fu~
* borner & par qui ? Comment ne met-on pas la
vérité dans tout fon jour ? Celui-ci n’avoua rien ,
& il fallut que Philippe-le-Hardy, qui aimoit fa
femme, mais qui craignoit pour fes fils, envoyât
confulter fur cette affaire une béguine de Flandre ,
quife donnoit pour infpirée, & que la Broffe avoit,
dit-on, fait parler plufieurs fois pour autorifer fes
fourberies ; il eft trifte d’être réduit à confulter des
béguines pour favoir fi c’eft fa femme ou fon
favori qui a empoifonné fon fils ; mais enfin quand
on croit aux béguines, & qu’il s’agit d’un intérêt
fi grand, 011 doit au moins les confulter foi-même ;
il falloit, ou que Philippe - le - Hardy fît venir la
béguine, ou qu’il l’allât chercher, & qu’il prévînt
toutes les intrigues qu’on pourrait employer auprès
d’elle; c’eft ce qu’il fe garda bien de faire; il lui
envoya d’abord un évêque & un abbé, qui étoient
dans les intérêts de Pierre de la Broffe, & qui dirent
qu’elle n’avoit rien voulu révéler qu’en confeflion ;
le roi fe mit en colère, & dit : Je ne vous avois
pourtant pas envoyés pour la confeffer. Il envoya un
autre évêque avec un chevalier du temple; ceux-ci
étoient dans les intérêts de la reine & rapportèrent
pour réponfe qu’elle étoit innocente. Allèrent-ils
jufqu’à dire que Pierre de la Broffe étoit coupable
ou de la mort du prince, ou au moins de calomnie
envers la reine, & qu’il étoit l’accufateur
fecret caché derrière l’accufateur public qu’il avoit
produit ? On n’en fait rien. Etoit-il notoire ou
foupçonnoit-on , ou ignoroit-on qu’il fût cette ac-
cufateur caché ? C’eft encore ce qu’on ignore. Tout
ce qu’on fait, c’eft que l’oracle de la béguine fit
tomber le crédit du chambellan, mais ne le con-
duifit pas encore au gibet ; il fallut une autre intrigue
monachale pour achever de le perdre. La
France étoit alors en guerre avec la Caftille. Philippe
crut s’appercevoir qu’il étoit trahi, & que
tous fes deffeins étoient connus de l’ennemi ; le
crédit de la reine augmentoit de jour en jour, celui
de la Broffe diminuoit, ce fut la Broffe qui fut le
traître. Quel intérêt avoit-il de l’être ? On n’en
fait rien. Un moine.vient à la cour, ( c’étoit un
jacobin de la ville de Mirepoix, ) il demande en
grand fecret à parler au roi ; il lui remet une petite
caffette qu’il tenoit d’un meffager inconnu qui étoit
venu à fon abbaye où il étoit mort, & qui en
mourant lui avoit recommandé de remettre cette
caffette au roi en mains propres. Oa l’ouvrit en
préfence du confeil, & on y trouva une lettre de
Pierre de la Broffe qui dévoila tout le myftère de
la trahifon. En corféquence, h Broffe fut arrêté,
traîné en différentes prifons de différentes provinces,
puis ramené à Paris, où il fut pendu, fans
qu’on fâche trop fi ce fut en vertu d’un jugement.
Quand pour perdre un miniftre engagé dans un
combat à mort avec une jeune reine, aimable 6c,