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» par leur mérite & leur fageffe. Mais on ne s’en
« rapporte pas toujours au choix de ces poètes
» inconnus ; ils font obligés d’en donner des rai-
» ions, dont les comininaires examinent la foli-
» dité».
Cette liberté des poètes étrangers donna lieu à
un arrêt du confeil du régiment contre la faufle
édition des brevets & autres réglemens fuppofés :
Nous , par la grâce de Momus ,
De Tes décrets dépolitaires
A tous facrilèges abus
Mort ou châtiment exemplaire....
Ordonnons que ces faux écrits
. Biffés, déchirés & profcrits,
Mis au greffe de la ca lo t te ,
Soient brûlés folemnellement
Par le bourreau du régiment.?*.«
Leur défendons à l'avenir
De répandre aucun exemplaire
De brevet ou de réglement,
Même émané directement,
Qu'il n'ait la forme néceflaire
Et ne foit juridiquement
Muni du fceau du régiment.
Il eft certain qu’une pareille précaution eût con-
fervé la fociété des calotins, qui étoit fort utile.
Leur critique s’adrefloit principalement aux fautes
relatives au bon fens & au langage ; elles ne routaient
d’ordinaire que fur les jeux d’üne folie innocente
& ingénieufe ; quelquefois elles alloient
plus loin, lorfque le bien public fembloit demander
qu’on démafquât certains perfonnages , &
qu’on paffât les bornes que les fondateurs du ré^
giment s’étoient preferites. Nous leur avons peut-
être l’obligation d’avoir tourné en plaifantçrie des
difputes qui pouvoient devenir trop férieufes.
Pour donner une idée du bien que pouvoir faire
la calotte, j’ai cru devoir rapprocher quelques
anecdotes, qui ont donné lieu aux plus fameux
brevets,
On crut devoir punir le fatyrique Gacon de fa
baftefle à ne louçr que les gens en place , qui pouvoient
payer fçs v e rs , en lui donnant un brevet
de fabricateur de lettres-patentes,
Sachant que le rimeur Gacon ,
Homme connu fous l’Hélicon
Par des traits de fiel & de bile,
Auroit voulu changer de ftyle ,
Louer nombre d'honnêtes gens,
Qui, très-contens de fon encens,
Lui refusèrent leur fervice ,
De peur que fon encens payé ,
Ne parût être mendié . . . . :
Il crut qu'en louant certain homme, ( Lgvr )
Qu’en mal aujourd’hui l’on renomme *
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Ce feroic un fort bon moyen
Pour pouvoir ratraper le lien.
Alors tout ainfi que bien d’autres
Dignes d'entrer parmi les nôtres ,
II vint , l’encenfoir à la main ,
Encenfer ce héros forain
Dont il reçut pour récompenfe,
En foixante fouferiptions,
Cinquante mille écus de France
Q u 'il changea en délions »
Pour jouir de la dividende
Sur laquelle comme un prieur.
Pourvu d'une riche prébende ,
Il pourra vivre avec honneur...,.
A ces caufes vu la marore »,
Nous admettons ledit Gacoa
Pour chanter le los & le nom
De tous héros de la calotte.
Lui défendons d’offrir encens
Qn’à ces héros vrais & fublimes , &c. &c.
Nous le créons par ces préfentes
Seul fabricateur des brevets
Dont nous honorons nos fujets, &c. &c.
Gacori fe vengea en acceptant l’emploi, & en
diftribuant des brevets fatyriques.
L’abbé Terraflon avoit répandu dans le public
trois ou quatre petits livrets de fa façon, par lefquels
îLprétendoit prouver la folidité & l’utilité
dufyftêin e »on l’accufa d’avoir réalifé dans le temps
qu’il difoit à fes meilleurs amis que les aflioris
étoient un véritable Pérou, & qu’il falloit les garder.
On lui donna un brevet d’arpenteur & de calculateur
du régiment de la Calotte,
Donnons à l’abbé Terraflon,
Homme dofte en toute façon,
La charge de grand arpenteur ,
Mefureur Sc calculateur
Des efpaces imaginaires.. . . .
Et d’autant que ce grand génie
Tient bon, & n’a point déguerpi
De la nouvelle colonie
Etablie au Mifliflipi -
Malgré tout efprir incrédule
Qui le traiioir de ridicule,
Lui foumettons ce grand pays
Pour en mefurer rétendue
Et tous les fonds avec leur prix,
Efpérons que la dividende
En fera plus fûre &;plus grande
Sur le rapport qu’il en fera »
Et que l’on communiquera
Aux calorins actionnaires ,
Lefquels n’ont point réalifé
Comme-certains millionnaires ,
Peuple avide & bien avifé, Sec. Sec.
u
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Il faut joindre à cette leâu re le brevet de con- ’
trolleur-général des finances du régiment, accordé
au fieur Law., qui a ruiné la France :
Là de tous pays & provinces..»,.
Accouroient, comme des-eflains ,
Malgré vent, grêle-, pluie Se crotte#
Pour y jouer à la marotte
Les beaux & bons deniers comptans
Contre des valeurs calotines
-Dont la France & terres voifines
Se pourront fouvenir long-temps....
Lui donnons pour profits & droits#
Pcnfions , gages & falaires^
Le quart de tous les angles droits
Que couperont les commiffairec
Au „papier qui fera vifé.,
Et duquel en homme avifé
Il a fi bien groffi le nombre
Que la France y feroit à l'ombre#
'Si tous les billets rafle mblés,
Et les-uns aux autres collés#
On enipouvoh faire une tente.
Au furplus de ladite rente,
Lui donnons notre grand cordon
Paflant de la droite à la gauche#
Ainfi qu’une légère ébauche
De - fa droiture dont le fond
Va fi loin que Terraflon même#
Grand -calculateur du fyftême ,
Ne pourroit pas le mefurer, &c.
Gacon décerna un brevet fort plaifant à l’académie
des inferiptions, aufujet-de l’infcription delà
fontaine du palais royal : Quantos ejfundit in tifusl
En effet ces quatre paroles
Quantos effundit in ufus !
Bien loin d’être des fons frivoles#
Nous font voir , per omnes cafus ,
Combien cette illuftre fontaine
-Eft utile à la vie humaine >
Tant pour abreuver-les chevaux,
Les mulets, les chiens & les ânes#
Qu’à laver linges & drapeaux
Servans aux ufages profanes.
La rue& quartier Fromenteau (a)
Exigent abondance d’eau
Fourpurifier eaux croupies ,
-Plus fales encore que roupies.
■ Item , pour laver les baflins
Que l’on préfente aux médecins-,
-Pour rincer verres & bouteilles
Et quantité d’autres .merveilles
Dont cette fource abondera t
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Et'dont le mercure fera
Une lifte dcs'plus galantes.
Voulons que nos troupes paflante*
Tombent dans l'admiration
'En lifant cette infeription ;
Ainfi-qu'elle-même l’ordonne,
Vu que les'quatrç mots finis ,
*On y voit en haute colonne
Le punctum admirationïs ! . . . .
Plus , --confentons que les médaille«
Quittent le goût des antiquailles
Qu’elles ont eu par ci-devant,
Et qu’a proferit ce corps favaiit,
Auquel pour gages & falaires
Des ferviees qu'en efpérons,
Outre nos faveurs honoraires
'Déléguons la moitié du fond
Sur les vapeurs que la fcience
Nous fournit en grande abondance
pu depuis qu'au Louvre habitant
Ce corps auffi beau qu’important »
S'arrogeant le ton defpotique
Ferme la bouche à la critique
Et fe met à l’inftar des rois
Au-deflus 'de toutes les loix &c. &c.'
Ces derniers vers font allufion à ladéfenfe que M.
de la Motte fit faire aux comédiens Italiens, de jouer
la critique de Romulus, tant qu’on joueroit fa pièce.
(L’auteur de cet article trouve ce brevetfort plaifant.
Plaifant, foit. La critique au moins n’en eft pas fort
jufte. Gacon avoit la rage, & non fart de médire, &
étoit trop étranger a la matière dont il s’agit, pour
avoir le droit d’en parler.)
Les pièces de ce genre faites, pour Deftouches,pour
les empyriques, pour le maréchal de Villars, le brevet
d’inlcripteur pour le P. Colonia, celui d’hiftorio-
graphe pour le P. Daniel, & plufieurs autres, mérite-
roient d’être tranferits en entier,ainfi que l’arrêt pour
recevoir les Hollandois dans les troupes de la Calotte
, en qualité d’auxiliaires.
La fatyre fe donna peu à peu des libertés qui
parurent dangereufes au gouvernement. Outre cela?
étant devenue un peu trop publique & trop hardie
, par les fréquentes réimpreflions des brevets ,
entre lefquels il s’en trouvoit un trop grand nombre
, que l’on adrefîbit aux premières perfonnes du
royaume, on crut qu’il étoit "temps de la fuppri-
mer ; & , pour arrêter la trop grande liberté des
faifeurs de brevets, on f it , non - feulement des
recherches & des failles, mais on emprifbnna même
quelques-uns de ceux qui ie mêloient d’en com-
pofer ou de les répandre. Ajoutons qu’on étoit
vivement piqué de l’avide curiofité du public, &
encore plus des railleries auxquelles les brevets
( a ) Cette rue abonde en filles de joie.
Hijloïre. Tom. J. Deuxième Paru A a a a a