comme l’auteur des calamités de la nation. Le premier
coup porté au calife ne fut point mortel,
mais le fécond ne lui laifla que le temps de dire :
fi je guéris , épargnez i’afiàffin; fi je meurs,
3> prononcez l’arrêt de fa mort, afin que je puiffe
v le citer au tribunal de Dieu ” .
On ignora long-temps- le lieu où il avoit été
-d’abord inhumé ; ce ne fut que fous les califes
Abafîides que ce fecret fut découvert. Les écrivains
Arabes ont eu foin de nous tranfmettre
tous fes traits. Il étoit plein d’embonpoint, fa
barbe étoit épaiffe , il avoit la tête chauve & la
poitrine velue. Quoiqu’il eût l’efprit fort orné, il
étoit d’une crédulité imbécille , & la force des préjugés
lui rendit toutes fes connoiffances inutiles.
La fuperftition courba fon efprit fous les volontés
d’un impofteur qui fit fervir les talens à fes
propres fuccès. Son défmtérefîèment dégénéra en
prodigalité. Tant que Fatime, fille chérie du prophète
v é cut, il n’eut point d’autre femme. 'Epoux
tendre & confiant , il réunit fur elle toutes
fies affeétions, il en eut trois fils. Après 1a mort
il s’abandonna plus librement à fes penchans , &
il ufa du privilège de-la polygamie. Il eut de ces
differens mariages quinze fils', & dix-huit filles.
Le refpeâ qu’infpire fa mémoire a fes feélateurs
cftpoufie jufqu’à l’idolâtrie. Quoique fon tombeau,
près de Cufa, attefie qu’il a 'été fujét^à la mort,,,
les fuperfiitieux font perfuadés qu’il n a point fubi^
cette commune loi. Ils publient qu’il reparoitrâ
bientôt fur la terre accompagné d’Elie, pour faire
régner la juftice & pour extirper les vices. Les
plus outrés de fes adorateurs font les Gholaïtes,
q u i, .l’élevant au-deffusde la condition humaine ,
afiùrent qu’il participe à l’effence divine. Le juif
Abdala , défertenr de la foi de fes pères , fut le fondateur
de cette feéte extravagante.. Il n’abordoit jamais
Ali fans lui dire r tu es celui qui efl, c’eft-à-
dire, tu es Dieu. Les difciples de cet infenfé font
partagés en deux feéles. Les uns foutiennéîit qu il
eft Dieu , ou un être extraordinaire qui reflem-
ble à Dieu. D’autres prétendent que Dieu s’efi
incarné dâns Mahomet, A li & fes enfans, qui ont
furpaffé tous les autres hommes en faintete. Ils
fiippofent une infinité de miracles opérés par A li ,
auquel ils appliquent tout ce qui eft dit du verbe
éternel dans nos livres facrés. Il n’y a qu’une
fefte parmi fes partifans qui admette que la fuc-
cefiion de cet iman ait été interrompue ; toutes
les autres prétendent que fa race ne s éteindra jamais
, & que de fiècle en liècle il fortira de cette
tige fortunée de nouveaux rejettons. pour exercer
les fondions du grand prophète.
Le nom de shïïtes, qui proprement fignifie/èc-
taires, eft employé pour défigner particulièrement
les fe&ateurs S A l i , qui prétendent que la qualité
diman & de calife appartient aux defcendans de
ce grand prophète. Quoique divifés en cinq branches
qui fe fubdivifent à l’infini, ils fe réunifient
dans l’opinion que l’infiitution d’un im*ui eft un I
article de foi qui ne dépençl point i l caprice dtj
peuple; que ceux qui font revêtus de cette dignité
doivent s’élever au defîiis des foibleffes humaines
, & être aufii purs que la loi dont ils font
les interprètes & les miniftres. Le fchifme, qui
partage l’empire mufulman en shiites & en fon-
nites , prit naifiance fous le califat S Ali. Les
premiers refireignent leur foi à tout ce qui
eft contenu , dans l’aîcoran, les autres admettent
les traditions qui furent inférées dans ce lù-
vre par les compagnons de Mahomet. Les shiites
regardent Abu-Becre ,X)mar &Othman comme
des ufurpateurs du califat, au lieu que -les
fonnites ont une grande vénération pour leur mémoire.
Les uns élevent Ali au-defiiis de Mahomet
, ou du moins lui donnent l’égalité. Les autres
n’admettent aucune concurrence avec leur prophète
: ces queftions agitées dans les écoles mu-
fulmanes , ont excité dans tous les temps des haines
religieufes, qui ont infe&é les champs de l’Ifla-
mifme ; le peuple a combattu pour des opinions
accréditées par la politique, qui avoit intérêt de
| divifer les nations pour former difïèrens empires.
Telle eft la fource de cette antipathie .qui fubfifte
encore entre les'Turcs & les Perfans , lelquels s’ac*
câblent réciproquement d’^nathêmes. Un juif &
un chrétien leur font moins odieux qu’un mufulman
qui ne penfe pas comme eux. Les Perfans,
les Usbecs, qui font les habitans de l’Oxus des
anciens, la plupart des Indiens Mahomêtans, font
de la fe&e d'Ali. Les Turc s , les Tartares & les
Africains admettent les traditions.
Le courage à'Ali le fit appeller leUon de Dieu
victorieux. Son droit à l’héritage du prophète lui
fit donner le fùmo m. S héritier. Sa foi brûlante
lui mérita le nom de mortada, qui fignifie bien-
aimé de Dieu. Son goût pour les arts & fon efprit
cultivé le firent appeller le dijhibuteur de la
lumière. Ces qualifications pompenfes ne lui ont-
point été données par tous les Mufuîmans. Les
califes Ommiades lancèrent des excommunications
contre lui & contre fa famille dans toutes les mof-
quées de l’empire. Les Abafficîes, qui avoient une
tige commune avec lu i, fupprimèrent ces malé-
di&ions , quoique quelques-uns aient flétri fa mémoire.
Mais les califes Fatimites, qui régnèrent
en Egypte , ordonnèrent aux crieurs d’ajouter fon
nom à celui de‘Mahomet toutes les fois que du
haut des minarets, ils appeîloient le peuple à la
prière publique ; les Alides , tantôt fortunes &
tantôt malheureux, ont éprouve lesplus^grandes
révolutions de la" fortune. Un petit - nls d Hofein,
fils d’AU , eut le courage de revendiquer l’héritage
de fes pères ; mais le calife Rashid réprima
fon ambition & le fit repentir de fa témérité. Les
Alides plus heureux dans la fuite, fondèrent des
empires dans le Maranderan , dans le Kerman.
On voit plufieurs fultans de cette famille dans
l’Yemen , à Cufa & dans les provinces d’Afrique.
Leurs partifans ont une vénération fuperftitieufe
nom- un défendant d’AU nommé Mahomet, &
c’eft un article de foi qu’il reparaîtra triomphant
fur la terre avant la fin du monde. .
Ali joignit au titre de guerrier & diman «duc.
d’écrivain : on a de lui cent maximes ou fentences
qui lui font honneur. J’en dois citer une pour
faire connoître que fes feftateurs mtolerans ont dégénéré
de fa modération : « gardez-vous bien ,
dit-il, » de faire divorce avec les autres Mufuîmans
» pour des opinions particulières : celui qui fe fepare
» de fes frères devient l’efclave du démon , comme
„ l a brebis qui s’écarte de fon troupeau devient la
„ proie du loup ». Il eft encore l’auteur d un commentaire
fur l’ai,coran que fes feSateurs lifent avec
beaucoup d’édification. Il étoit naturellement t toquent
& poète ; mais les foins de 1 empire ne lui
permirent point de cultiver fes talens Je finis
en obfervant que- fes fedateurs fe difiinguent
•des autres Mufuîmans par la forme de leurs turbans
& par la façon dont ils treffent leurs cije-
veux. ( T - n . ) H _
A l i B e r g , interprète de la Porte - Ottomane
dans le dix-feptième fiècle , favoit, dit-on , dix-
Jept langues. On a de lui une verfion turque de la
Bible. , . , ... ,, .
ALIGRF, ( d’ ) Le nom de cette ’famille s écri-
voit autrefois Haligre. Elle a produit deux,chanceliers
& plufieurs préfidens à mortier. Euenne-
François d’Aligree& aujourd’hui (en 1783.) premier'
préfident du parlement de Pans.
ALLATHJS ( L é o ) L éon A llazzi ,
lïtt. med,') fâvant critique, né en 1500 dans ulle
de Chio, fucceffeur de Lucas Holftenius dans la
place de bibliothécaire du Vatican. La lifte de fes
ouvrages eft confidérable. Le journal des favans
-du Vq janvier 1665 , en rendant compte de celui
qui a pour titre : De Siméonum feriptis , s’exprime
ainfi : | C’eft une plainte de la Vierge ayant Jelus-
•31 Chrift Wort entre fes bras, qui a été compolee
3) par Métaphrafte; d’où ^ o Allatius, bibliothe-
31 caire du pape, a pris de nous donner un
31 éloge de Métaphrafte écrit par Pfellus. Et comme
j> Métaphrafte s’appelloit Siméon, il a aufii pris
„ de-là fujet de faire une très-longue difiertation
„ fur la vie & fur les ouvrages des grands hom-
» mes qui ont eu le nom de Siméon. Des Simeons
*> il a pafle aux Simons, de ceux-ci aux .Simonioes ;
5» enfin de ces derniers il eft venu aux Simonac-
31 rides f
1 portrait. Né de Grecs fehifmatiques, il avoit em-
braffé la religion romaine,& il outroit le zèle catholi- ,
que. Son livre intitulé : De ecclefuz Occidentalis atque
Orientais perpétua confenfione, refpire par-tout 1 intolérance
C’eft la manière de compofer de plus d un lavant.
On ne conçoit pas pourquoi ils finiflent. B eft vrai
qu’on ne conçoit pas mieux pourquoi ils commencent.
. . . .
Le favoir de Léon A lla it n etoit pourtant pas
fans fruit. Il paroît que MM. de Port-Royal s’en
font aidés dans leur dilpute contre le mimftre
Claude au fùjet de l’euchariftie, ftir-t©ut clans ce
qui concerne la croyance des Grecs fur cet article.
Le miniftre Claude en conféquence le traite bien
parfaitement en ennemi, & en fait un bien vilain
la plus cruelle ; il n’y parle que d exterminer
& de brûler les hérétiques. Dom Mabillon,
dans fon M u frum Italïcum, rapporte de lui quelques
mots & quelques anecdotes qu’il tenoit de; Jean
Paftricius, amid'Allatius , & héritier de fes livres.
Le pape Alexandre V I I , étonné qu’un bibliothécaire
du Vatican ne fût pas eccléfiaftique, lui
demanda un jour pourquoi il nefefaifoitpas pretre .
C ’eft, dit-il, pour être toujours prêt à me marier.
— Et pourquoi ne vous mariez-vous pas ? C ’eft
pour être toujours prêt a me faire pretie.
Léon A lla it fe fervit quarante ans d’une même
plume pour écrire en grec, & l ’ayant perdue au
bout de ce temps, il en fut inconfolable, & penfa
en pleurer de douleur. Il mourut à Rome au mois
de Janvier 1669, âgé de 83 ans.
ALLEMAGNE. Cette région de l’Europe fut
connue, dans les premiers temps, fous le nom de
Germanie. Elle renfermoit alors le Danemarck,
la Norvège & la Suède, jufqu’au golphe Bothnique.
Elle a aujourd’hui moins d’étendue du côté du
nord. L’océan, la mer Baltique, & tout ce que
les anciens appeîloient Cherfonefe Cimbrique , la
bornent a i l feptentrion ; la Hongrie & la Pologne
à l’orient; l’Italie & la Suifle au midi ; la France
& les Pays-Bas à l’occident. Les pertes qu’elle a
eflùyées du côté du feptentrion ont été réparées
du côté du midi, où elle a reculé fes frontières
jufqu’à la Dalmatie & l’Italie , même, au-delà
du Danube : elle a encore pris des accrciflemens
du côté de l’occident, par l’acqnifition des pays
qui compofoient une partie de la Gaule Belgique.
‘ , .
Les traits & le fonds du cara&ère des anciens
Germains fe fout perpétués dans leurs defcendans.
La candeur, le courage & l’amour de la liberté font
chez eux des vertus héréditaires qui n’ont point
éprouvé d’altération. Les Allemands, comme leurs
ancêtres , font robuftes, grands & bien conformés.
Tous femblent nés pour la guerre; leurs exercices,
leurs jeux, & fur-tout leur mufique, mani-
feftent leurs inclinations belliqueufes. Ce peuple
de foldats , quoique fier & jaloux de fes privilèges
, fe foumet fans murmure à l’auftérité de la
difeipline militaire ; & quoique le commandement
y foit dur, l’obéiflance y eft fans réplique. Leur
efprit inventeur a étendu les limites des arts, utiles :
& leur dédain pour les arts agréables leur en a
fait abandonner la culture à leurs voifms. La
chimère de la naifiance eft un mérite d’opinion
qui ouvre en Allemagne le chemin à la fortune
& aux honneurs.Les comtes,,les barons fe regardent.
comme des intelligences fublimes & privilégiées.
Leur vanité leur fait croire que la nature n’a
employé que la plus vile argile pour former le yul