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plus jaloux du bonheur de fen peuple, que de fa 1
propre gloire, fe contenta de garnir fa frontière,
ç t ordonna à fes généraux de fe tenir fur la dé-
fenfive, fans engager aucune a&ion. L’officier s’indigna
d’un ordre qui captivoit fon courage ; le
foldat murmura de ce qu’on lui enlevoit l’efpoir
d’un riche butin. Le Fabius du Nord perfifta dans
fa fage indolence ; & l’événement fit voir la juf-
tefie de fes vues. La difcorde s’alluma bientôt parmi
des chefs de nations différentes , divifés d’intérêts,
& tous jaloux du commandement fuprême , leurs
finances s’épuisèrent, les rigueurs de là faifon ral-
lentirent leur marche, & les retranchemens de
Danemarck l’arrêtèrent ; les foldats ennuyés"cle
tenir la campagne fans combattre , fe licentièrent
d’eux-mêmes ; le prélat défefpéré vint fe jetter aux
pieds de Canut, oc tout le Danemarck rendit juf-
tice à fon roi. -
Adolphe fit fa paix ; Canut di&a les articles du
traité ; mais le comte ne voulut point fe reçonnoître
yaffal du prince Danois. La guerre fut donc rallumée
en 1195 ; Adolphe fe ligua avec Othon, &
remporta quelques avantages. Canut marcha contre
les confédérés ; mais les rigueurs de la faifon ayant
empêché les deux armées de fe joindre, les Danois 1
fe bornèrent à tenir la campagne , &les Allemands
à la ravager. L’année fuivante, Canut couvrit d’une
armée nombreufe les bords de l’Eider ; Adolphe
demanda la paix une fécondé fois, & Canut une j
fécondé fois la lui accorda.
Adolphe étoit vaincu, & non pas fournis. Il
tourna fes armes contre le duc de Saxe, & forma
le fiège de Lawembourg. Les habitans implorèrent
le fecours de Canut, & arborèrent le drapeau Danois
fur leurs murs. La vue de cette enfeigne devant
laquelle Adolphe s’étoit déjà dieux fois humilié, ne
rallentit point l’ardeur des affiêgeans ; la place fut
prife,& Canut n’ayant pu fauver les habitans, fongea
du moins à les venger. Il fit marcher contre
Adolphe, Niclot & Burewin, deux princes Vandales,
fes vaffaux. Ils remportèrent. en 1201, fur
les Holfteinois une fanglante vidoire. Mais Niçlot,
vi&ime d’une querelle étrangère du -devoir féo -
dal, y périt les armes à la main-
Lejeune Valdemar viçt bientôt occuper le théâtre
de la guerre, Il fignala par une viâoire fon entrée
dans le Holffein, entra triomphant dans la plupart
des villes, échoua devant Lawembourg, & prit
Lubeck. Il fut moins redevable de cette conquête
à fon propre courage, qu’à la politique de fon frère
qui, pour forcer les habitans à fe foumettre, avoit
fait faifir tous leurs vaiffeaux ; il les leur rendit en
recevant des otages de leur foumiffion. Enfin ,
Valdemar fut envelopper Adolphe, fe rendre maître
de fa perfonne, le traîna en Danemarck, au
milieu des railleries cruelles d’un peuple infolent,
& d’une foldatefque effréné.e. Canut ternit la gloire
de tant de vertus, en faifant jetter fon ennemi dans
im cachot.
^ûr ces entrefaites, Othon, duc de Saxe, qui
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»voit contre Adolphe tant de motifs de vengeance J
fut élu empereur, & fe rapprocha d’intérêt avec
Canut, par le mariage de Guillaume fon frère avec
Helène, foeur du prince Danois. Canut, comblé des
faveurs de la fortune, ivre de profpérités, fe montra
dans les états qu’il avoir conquis en Allemagne.
Tous les coeurs volèrent à fon paffage : les hommages
qu’il reçut, furent un tribut de l’eftime publique.
Il verfa par-tout des bienfaits qui furent
allez payés par l’amour de fes fujets. Il revint en
Danemarck, & mourut en 1202, au moment où
il alloit jouir du fruit de tant de travaux politiques
& militaires : il avoit quarante ans,, & en avoit
régné vingt-un. On crut que fa mort n’étoit pas
naturelle, <k la caufe de ce foupçon eft aifée à faifir :
il étoit prince ; fon peuple étoit crédule ; & fes
vaffaux avoient intérêt de fcmer ce bruit.
Canut laiffa beaucoup d’abus après lui ; mais il les
avoit trouvés établis & enracinés depuis plufieurs
fiècles. Sa prudence en avoit extirpé plufieurs , entre
autres la coutume d’exiger une amende de tous
les parens d’un affaffin : loi bifarre, qui confondoit
l’innocent & le coupable.
Ami de l’humanité, il ne fit que des guerres lié«
ceffaires : il prenoit les armes malgré lui, s’en fer.
voit avec gloire, & les pofoitfans honte comme fan$
regret : ilpardonnoit fans effort ; & parmi tant d’of-
fenfes qu’il reçut de fes fujets, de fes vaffaux & de
fes voifins, on ne peut lui reprocher que le ravage
projetté de la Scanie, & le traitement qu’il fit ef-
fuyer au malheureux Adolphe. Les hiftoriens nous
le peignent ennemi des plaifirs, fans ceffe occupé
des foins du gouvernement, charte même dans les
bras d’une époufe qu’il adoroit, fenfible aux plaintes
; des pauvres, & ne dédaignant point le détail de
de leurs misères, jaloux de la gloire de fa famille. Il
arma la cour de Rome contre Philippe-Augufte, roi
de France, qui avoit répudié fa foeur Ingeburge
la merveille de fon fiècle. Les foudres de Rome ,
les clameurs du clergé , la frayeur du peuple François
frappé d’un interdit, forcèrent enfin Philippe
à rappeller la princeffe outragée : Canut après cette
fatisfaâion, fe réconcilia de bonne foi avec Philippe?
Augufte, ne fongea plus à troubler le repos delà
France, & s’occupa de celui de fes états. Valde?;
mar II fon frère, lui fuccéda. ( A L d e S a c y
Canut , {Hifl, de Suède,') fiirnonjmé Eric fon $
ç’eft-à-dire , fils d’Eric le fajnt , roi de Suède;
D’après le traité bizarre conclu entre faint Eric,
& Charles - Suercherfon , il devoit fuccéder à
Charles ; il s’étoit retiré en Norwege de peur
que ce prince ne fe délivrât d’un fucceffeur
odieux, pour affurer à fes enfans la pofféfiion du
trône. Impatient de régner il fortit de fa retraite „
furprit Charles, & lui ôta la couronne & la vie.
Un règne commencé par un aflàffinat ne pouvoir
être heureux. Là veuve- de Charles alla remplir le
Danemarck de fes cris , & fe jetta avec fes enfan$
dans les bras dp roi Valdejnar qui jura de venger
cette
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famille infortunée , & fe, prépara à faire,à Canut
ii ne guerre cruelle; les Goths, foit compaffion
pour le fang de Charles, foit ennui de ne plus
faire la guerre , joignirent leurs armes à celles de
Valdemar ; mais Canut fortit vainqueur de plufieurs
combats. Les Goths fe fournirent, Valdemar n’ofa
plus troubler fon repos. Canut ne s’occupa
q.ii’à effacer par les bienfrifs dont il combla l’églife,
le meurtre dont il ayoit fouillé fes mains. Il-donna
quelques loix affez fages ; mais, au milieu de fes
foins pacifiques, les Efthqniens & les Conrlandois
firent une irruption dans fes états; ces peuples
brigands enlevèrent les vaiffeaux, ravagèrent les
côtes , livrèrent aux flammes la ville de Sigtuna,
égorgèrent l’archevêque de Stéka, & difparurent
avec les richeffes de la Suède. Canut n’avoit pas
fait un pas pour défendre fes fujets. Il fe conlola
de ce malheur avec les moines dont fa cour 'étoit
compofée. Il mourut entre'leurs bras , Fan 1*92,
il fut enterré dans le cloître de Warnheim. La
plupart de fes prédéceffeurs n’avoient eu d’autre
tombeau qu’un champ de bataille; ( A f . d e S a c y fi)
■ CA.NUT, roi de Vandalie, ( Hifloire des Vandales
& de Danemarck. ) fils d’Eric le Bon , roi de Da-
nsmarck, ne commença à jouer un rôle dans le
Nord que fous le règne de Nicolas'ou Harald IV',
en 1126. Ce .prince avoit rétabli dans la Vandalie
Henri, fils de Gothelfeale, & de Sigrithe, foeur
du roi Danois. Le Vandale fut ingrat dès qu’il put
Fêtre impunément ; il demanda une partie du Danemarck
comme la fucceffion de fa mère; Nicolas
rejetta fa demande , & ce refus fut le lignai de
la guerre ; Henri entra dans le duché de Slelwicky
donnant à fes foldats l’exemple du pillage & des
cruautés les plus inouies. Nicolas marcha contre
lu i , Canut qui combattoit fous fes ordres, le fignala
dans une bataille, fut bleffé, ne dut la liberté
qu’au courage d’un foldat. Ce Danois voyoit le
prince renverfé de fon cheval, Henri accouroit
pour fe faifir de fa perfonne, le foldat marche droit
au Vandale, feignant d’être bleffé & lui tendant
les mains comme pour recevoir des fers ; Henri
le laiffe approcher, celui-ci faifit la bride, renverfe
le cavalier, fe rend maître du cheval, y monte.,
prend Canut en croupe , & l’emporte. L’armée
Danoife fut vaincue , parce qu’elle avoit été trahie
par Elif, gouverneur de Slefwich.
Canut qui s’indignoit de Fobfcurité où on l’avoit
laiffé languir jufqu’alors, touçhê des maux qui dé-
foloient cette contrée, promit au roi de la défendre
contre les incurfions des Vandales, & de porter
& guerre jufquçs dans les états de Henri ; pour
remplir de fi belles efpcrances, il ne demanda que
le titre de gouverneur c Nicolas ne le lui donna
point, il le lui vendit ; pour en payer le prix, le
généreux Canut engagea une partie* de fon patrimoine
, & leva des troupes avec le produit du refte.
Il envoya d’abord offrir la paix au prince Vandale
, mais il exigeoit la reftitution de tout ce que
(on armée avoit enlevé aux habitans du duché ; il
Hifloire. Tomt f Deuxième Part»
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avoir commencé lui-même à réparer leur pertes
par fes largefles. Henri, loin de confentir à rien
rendre, exigeoit qu’on lui rendit une partie du
Danemarck. « Votre maître, dit-il aux députés de
» Canut, eft un cheval fougueux qui fe croit in-
y> domptable , je fui apprendrai qu’il ne Feft pas ».
Le prince Danois n’eut pas plutôt reçu cette ré-
ponfe, qu’il s’avança à la tête de fon armée, in-
veftit Henri dans le château où il s’étoit renfermé ,
& pouffa le fiège avec tant de chaleur, que le
Vandale, craignant de perdre en un jour la for-
tereftê, fa liberté & fa couronne, fe jetta dans
une rivière qui ba<gnoit les murs, latraverfa à la
nage , & difparut ; Canut emporta la place d’affaut,
y trouva les dépouilles des habitans de Slefwick,
& les leur rendit à fon retour. La guerre continua
avec divers fi-iccès; enfin Henri fut vaincu dans
une bataille rangée, & demanda la paix, Canut
vint la lui apporter lui-même fans efeorte, pfef-
que fans armes, avec cette confiance naturelle aux
héros.Henri fe jetta dans fes bras , & parut atteré
par tant de grandeur d’ame. Leur négociation fut
moins une entrevue politique , qu’une fcène de
fentiment. a Réconciliez-vous avec le roi de Da-
» nemarck , dit Canut, payez-liu ce qu il nfen a
” coûté pour acheter le droit de vous faire la
r> guerre ; il eft jufte que je rentre dans mon pa-
” trimoine. Henri paya cette fomine; Nicolas la
» reçut & la-rendit à Canut rr, mais elle n’entra
dans les mains de ce prince que pour paffer dans
celles -du Vandale ; Canut la lui reftitua & fe crut
heureux, au prix de fa fortune, d’avoir acquis de
la gloire & lin ami.
Par ce récit on peut juger d’après quels princî-
cipes le duc de Slefwick gouverna fos états, cependant
on confpira contre lu i , & ce qui eft plus
étonnant encore, tandis qu’on vouloit attenter à
fos jours on l’aceufoit de vouloir attenter à
ceux de Nicolas. Soi,t que ce prince fût affez crédule
pour fe laiffpr féduire par une calomnie fi
grofliêre, foit qu’il faisît l’occafion de perdre un
héros dont les vertus .& la gloire irritoient fa ja-
loufie, Canut ne put fe juftinèr aux yeux de Nicolas
qui le çroyoit coupable, ou féignoit de le
croire. 11 venoit de recevoir les derniers foupirs de
la reine Marguerite qui Fa voit-défendu avec autant
de. courage que de fageffe ; abandonné feul- au
milieu dé fes ennemis, cité devant une cour qui
l’eftimoit & le haïffoit, accufé par le roi d avoir
affeéle une magnificence royale , de s’être élevé un
trône daqs le duché de Slefwick , & d’avoir voulu
ufurper la couronne de Danemarck , il répondit
avec autant de force que de nobieffe. Ce qui ani-
moit davantage Nicolas contre' lui, c’eft que Henri
avant de mourir Favoit défigné pour fon fucceffeur,
& qu’après fa mort tous les Vandales , & par ref-
peft pour les dernières volontés de leur maître,
& par eftime pour les hautes qualités de Canut,
lui avoient mis la couronne fur la tête ; on lui
faifoit un crime de l’ayoir acceptée. » Mais quoi,
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