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princes , que celui & Abfalon. C’eft le feul minière
peut-être, qui, maître de tout faire , n’ait rien fait
que de jufte. Les hiftoriens Danois , efclaves des
préjugés de leur fiècle, ne louent en lui que la
magnificence avec laquelle il dota des églifes &
enrichit les moines. Mais ils nous ont tranfmis des
faits qui fourniffent à fon éloge une matière plus
ample 8c plus belle. La politique, qui n’eft pour
tant de miniftres que l’art de mentir avec adreffe,
n’étoit aux yeux d'Abfalon que celui de fe taire à
propos. Les fecrets de l’état étoient pour lui
lin dépôt facré ; mais il confioit les fiens avec une
candeur naturelle aux belles âmes. Aufli jaloux du
bonheur de la nation, que des intérêts du fouve-
rain, il fut fouvent médiateur entre fon peuple &
lui. Après avoir vaincu les Scaniens révoltés, il fe
jetta aUx genoux de Canut pour obtenir leur grâce.
Proteéteur des lettres encore dans leur enfance, il
les aurait tirées de leur berceau, fi les préjugés de
fon fiècle ne fe fuffent oppofés au foin qu’il pre-,
noit d’éclairer les hommes. L’hifioire de Danemarck
que Saxon a laiffée , eft un des bienfaits d’Abfalon,
qui encouragea les efforts de ce favant. Il fonda
même un monaftère où , fuivant fon projet, des
moines verfés dans les annales du nord, dévoient
enrichir par un travail afiidu le dépôt des archives
jduDanemarck : mais les moi nés s’engraiffèrent tranquillement
à l’ombre de l’autel ; & , foit ignorance,
foit fainéantife , ne laiffèrent à la poftérité que le
fouvenir de leurs débauches. (M. de Sac y.')
ABSIMARE {Hifi. de Vempire d?prient. ) proclamé
empereur en 698 par les foldats, enferma dans
un monaftère l’empereur Léonce, après lui avoir
fait couper le nez & les oreilles, ce qui parut
prefque une clémence de fa part, parce qu il auroit
pu faire périf Léonce. Ce Léonce , détrône par
Abfimare, avoit lui-même détrôné Juftinien le Jeune ;
celui-ci, avec le fecours des Bulgares, ayant fur-
pris Conftantinople & fait Abfimare prifonnier, fe
fit amener dans l’hippodrome Abfimare 8c Léonce,
chargés de chaînes, il les fit coucher par terre, &
prit un plaifir cruel & bizarre à leur tenir pendant
une hpure le pied fur la gorge, à la vue de tout le
peuple, qui pendant ce temps crioit &. chantoit:
Super afpidem & bafilifcum ambulabis & çonculcabïs
leonem & draconem. » Vous marcherez fur l’afpic 8c
» le bafilic , & vous foulerez aux pieds Je lion &
v le dragon ». Le pape Alexandre III en fit & en
dit autant, dit-on, dans la fuite a 1 empereur Frédéric
Barberouffe. ( VQ0£ Alexandre III. ) Juftinien
le Jeune ne s’en tint pas a cet outrage, il fit
décapiter Léonce & Abfimare en 705»
ABSTEMIUS, (Laurent) (Hifi. litt. mod.)
fabulifte des quinzième & feiziçme fiècles, fouvent
imprimé avec les anciens fabuliftes, Efope, Phèdre,
Gabrias, Avienus, 8cc. Sop recueil a pour titre :
Hecatomythium ; c’eft-à-dire, recueil de cent fables ;
il eft le premier chez qui l’on trouve le conte ^des
. talens multipliés, répété depuis par beaucoup d auteurs.
Un prêtre, nommé fupérieur d’un çpuYent
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de filles où il n’y avoif que cinq religieufes, eut, au
bout d'un an, un enfant de chacune d’elles. Mandé
à l’évêché pour rendre compte de fa conduite :
Seigneur, dit-il à l’évêque , vous mdvie^ mis cinq
talens entre les mains ; en voici, outre ceux-là , cinq
autres que fiai gagnés. Cette réponfe plaifante lui
valut fon pardon. Quo diElo tam faceto permotus
epifcopus, liomini veniam dédit. La morale de cette
fable eft que, quand on ne peut pas fejuftifier par
de bonnes raifons , il faut fe tirer d’affaire par de
bonnes plaifanteries. Fabula indicat, peccata, cùm
ratione nequeant, urbanitate diluenda. Un évêque qui
» fe payeroit d’une profanation fi goguenarde, dit
Bayle, » ne feroit guères mieux fon devoir que le
» gardien des cinq religieufes ».
ABU--BEKER , ou A bu—Becre , ( Hifi. des
califes. ) premier calife , fucceffeur de Mahomet,
avoit été un de fes premiers difciples. Son vrai nom
étoit Abdal-Caaba, que le prophète changea en
celui d’Abdala, qui fignifie Jerviteur de Dieu. Il eft
plus connu fous le nom CHAbu-Becre, qui défigne le
père de la pucelle ; parce que fa fille Aïesha étoit
vierge lorfqu’elle époufale prophète,au lieu que toutes
les autres femmes étoient veuves lorfqu’elles
entrèrent dans fon lit. Abu-Becre, illuftre par fa
naiffance & plus encore par fes richeffes , fembla
dégagé de toute affeftion pour les biens de la terre.
: Son défintéreffement, fes moeurs pures & rigides,
donnèrent beaucoup d’éclat au mahométifme naif-
fant ; il fit fervir fes immenfes richeffes au triomphe
de la religion nouvelle. Les principaux fei-
gneurs de l’Arabie furent fubjugués par fon exemple.
Abu-becre étoit Mufulman de bonne-foi ; &
quoiqu’il ait paffé fa vie dans la familiarité du prophète,
il eut pour lui une vénération qui ne fe
démentit jamais. Il fe rendit garant des révélations
de Mahomet, ainfi que de fon voyage noélurne
dans le ciel ; c’eft ce qui lui fit donner le nom
de Sedit ou de témoin fidèle ; Mahomet l’honora
encore du titre A'Atik, qui veut dire prédefliné. Il
ne pouvoir donner une idée trop fublime d’un
difciple dont la crédulité réalifoit toutes fes chimères.
Abu-Becre fut chargé de toutes les expéditions
importantes, & s ’en acquitta bien, parce qu’il étoit
né dans un fiècle où une valeur brutale étoit plus né-
cefl’aire que des combinaifons réfléchies; & comme il
étoit perfuadé qu’une milice célefte combattoit toujours
à fes côtés , il fe préçipitoit dans tous les périls
avec une affurance imprudente. Malgré fon dévouement
aveugle à Mahomet, il combattit ayecfuccès
à la mort de ce prophète, le fanatifme de quelques
uns des fes difciples,,8c mérita par-là d’être
ion fucceffeur. Cette mort fut d’abord un fujet
de fcandale pour riflamifme ; comment le prophète
feroit-il mort? Ses difciples ne pouvoient ni le
croire ni en douter. Dans cette incertitude, Omar
tire fon fabre, & menace de hacher en pièces les
téméraires qui ofoient dire que le prophète étoit
mort. Abu-Becre, plus calme & plus la ge, parle
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à la multitude , 8c lui dit : efi-ce Mahomet gte vous
adorei, ou le Dieu qu’il w s a fait ' connoitre ; fa-
che[ que ce Dieu efi le feul immortel, & que tous
ceux qu’i l a créés font fujets à la mort. A fa voix
les efprits fe calmèrent, 8c l’on ne fongea plus
qu’à nommer un fucceffeur. On fut quelque temps
incertain fur le choix. Le prophète, avant que de
mourir , avoit chargé Abu-Becre de faire la prière
en fa place dans la mofquée ; & cette fonâion
fervit de titre pour le nommer au califat, au préjudice
d’A li, qui, en qualité de coufin-germain &
de gendre du prophète avoit des droits, pour lui
fuccéder. Ce mépris de la Loi, fut une fource de
guerres & de divifions parmi les Mufulmans. A l i ,
forcé de foufcrire à l’éleftion , n’en fut pas- moins
regardé par fes partifans comme le fucceffeur légitime,
& leur opinion s’eft perpétuée parmi un
grand nombre de Mufulmans, qui prétendent
que l’autorité fouveraine , tant pour le temporel
que pour le fpirituel , réfide dans fes defcendans •
c’eft l’origine de cette haine invétérée qui règne
entre les Turcs & les Perfans. Abu-Becre prit le titre
de calife , c’e ft-à -d ire , lieutenant : ce titre
modefte lui parut convenir au fucceffeur. d’un
homme extraordinaire. Les premiers jours de fon
règne furent orageux. Un grand nombre de tribus
retombèrent dans l’idolâtrie ; quelques - unes em-
braflerent le chriftianifme, que l’on eonfondoit
alors avec la religion judaïque. Plufieurs nouveaux
impofteurs s’élevèrent ; des femmes s’arrogèrent
le droit de prophétie. L’exemple de Mahomet qui
les féduifoit, les entraîna tous à leur perte, Lui
feul fut prophète, tous les autres furent des impo£
teurs; tous furent punis. Abu-Bucre 8c Kaleb, fon
général, fournirent tout. \
Lorfque ces fureurs religieufes furent calmees ,
Abu-Becre tourna fes armes contre les Grecs. Ce fut
dans la Syrsé qu’il porta la guerre. Kaleb fournit
l’Irak , 8c le tribut qu’il impofa aux habitans’, fut
le premier qu’on porta à Médine. Abu-Becre n offrait
aux peuples que l’alternative, ou dembraf-
fer l’Iflamifme, ou de payer un tribut annuel. Dés
conditions fi dures furent rejettées : la querelle
fut décidée par les armes. 11 y eut une aétion
fanglante dans les plaines de Damas. Les femmes
Arabes parcouraient les rangs la lance à la main
exhortant leurs maris à mériter la palme du martyre
, qu’elles ambitionnoient de partager avec eux.
Cinquante mille Grecs refilèrent fur la place , &
leur défaite fut fuivie de la conquête de Damas, qui
ouvrit fes portes aux vainqueurs, Abu-Becre mourut
le jour même où cette place fe rendit ; il n’avojt
régné que trois ans ; mais fes fiicces furent continuels
& fes conquêtes très - rapides. Avec un caractère
doux, il fut perféçuteur par efprit de religion
8c à l’exemple de fon maître. Il étoit fi libéral
& fi défintéreffé, qu’on ne trouva que trois
drachmes dans fon tréfor ; ce qui fit due ? à Omar,
fon fucceffeur, il me donne un exemple bien difficile à
fyivre , à-peù-près comme le fucceffeur du duc de
M-ifkire. Tom. L
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Vendôme dans le gouvernement de Provence,
averti par les magiftrats , que fon prédéceffeur,
avoit refufé la bpurfe de mille louis , qu’on préfen-
toit pour la forme aux gouverneurs, à leur entrée,
dit, en acceptant la bourfe : Oh ! ce M. de
Vendôme étoit un homme inimitable. La vénération
CH Abu-Becre pour le prophète, ne fe démentit jamais;
quoique fon fucceffeur, il ne fe regarda jamais
comme fon égal ; & toutes les fois qu’il
montoit en chaire, il s’afféyoit dans un degré plus
bas que celui où s’étoit placé le prophète. Son
teftament étoit conçu en ces termes : « C’eft ici
» le teftament CH Abu-Becre, qu’il a diétè au mo-
» ment où il étoit fur le point de fortir de ce
» monde. Dans ce temps où les infidèles ont de*
■ » metifs de croire, ou les impies ne doivent
! » plus avoir dé doute, où les méchans font dans
» l’impuiffance de déguifer la vérité, je nomme
» Omar pour mon fucceffeur. Mufulmans ,-écou-
» tez fa voix , obéiffez à fes ordres. S’il gouverne
•j) avec équité, il répondra à la haute opinion que
» j’ai conçue de lui ; s’il s’écarte du fentier de la
» juftice, il en rendra compte devant le tribunal
» du fouverain juge. Mon intention eft bonne ,
» mais je ne pénétré point dans l’avenir. Au refte
» ceux qui font mal feront punis. Adieu. »
On ne s’accorde point fur le genre de fa' mort-
Les uns difent qu’il mourut de confomption ; d’autres
prétendent qu’il fut empoifonné par un Juif:
' c’étoit l’ufage de calomnier cette nation , à qui
l’on imputoit tous les crimes dont les auteurs
étoient ignorés, & ceux même qui n’avoient point
été commis. Sa fille Aïesha rapporte que s’étant
mis au bain un jour où il faifoit très-froid, il en
fortit avec une fièvre qui le mit au tombeau : il
mourut la treizième année de l’hégire. Ce fut lui
qui rédigea les révélations de Mahomet, jufqu’alors
eparfes, comme les réponfes des Sybilles, Il ordonna
de ramaffer tout ce qui étoit écrit fur
des feuillps yolantes, & tout ce que chaque Mufulman
avoit retenu dans fa mémoire ; il en forma
un corps complet : c’eft ce recueil révéré que les
Arabes appelèrent moshaf t c’eft - à - dire ,. le livre.
Le premier exemplaire en fut confié à la garde de
Hoffa, fille d’Omar, 6c veuve de Mahomet. Il
ne fut publié par autorité publique , que fous le
califat d’Othman. Abu-Becre, en rangeant les articles
dans l ’ordre où ils font à préfent , n’eut
point égard à l’ordre des temps où ils âvoient été
révélés ; les plus longs furent placé les premiers.
ABUDAHER, ( Hifi. du Mahométifme. ) chef
des Karmatiens, feétè religieufe ou plutôt troupe
de brigands impies, qui, fous prétexte de combattre
les fuperftitions populaires, commettoient toute
forte de violences 8c de profanations en Arabie^
Abudaher maffacra les pèlerins de la Mecque, &
jetta leurs cadavres dans le puits Zemzem , puits
miraculeux, qui, félon la tradition des Arabes ,
étoit né des larmes d’A g a r , ou étoit forti tout-à-
coup du fond du défert, pour étancher fa fo ifj