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époques & les diverfes formes de la canonifation J
OC de la béatification.
Les jugemens des favans font parmi les ouvrages
profanes de Baillet, ce que les vies des faints font
parmi fes oeuvres facrées ; ce font-là les deux fonder
» eus les plus folides de la réputation de Baillet.
Il difcùte le mérite & les ouvrages des fàvàns
comme la vertu & les miracles des faints; il raf-
femble, choifit & modifie les jugemens que les
favans ont portés fur les productions de l’efprit en
tout genre. Cet objet eft beaucoup plus vafte encore
que l’autre ; le plan que l’auteur en a tracé,
eft d’une étendue effrayante, on conçoit à peine
qu’un feul homme ait‘ofé l’embraffer, & s’il n’a
pu le remplir qu’en partie, cette partie même de
l'exécution , étonne l’imagination par fon im-
menfité.
Avant d’expofer les jugemens particuliers qu’on
a portés fur les livres , l’auteur confidère d’une
vue générale les jugemens qu’on en peut porter,
les divers motifs qui préfident à ces jugemens, ce
qui peut nuire ou fervir à leur équité ; il enfeigne
à juger, il enfeigne fur-tout à fe défier des préjugés;
il indique ces préjugés, il les parcourt, il
les fpécifie, il les fuit jufques dans leurs dernières
fubdivifions ; les uns naiffent de la qualité des auteurs
, anciens ou modernes, eccléfiaftiques Ou profanes
, plébéiens ou conftitués en dignité, écrivans
fur des objets de leur compétence ou fur des matières
étrangères à leur profeflion. C’eft ici fur-tout
que le caraâère & la formé des talens ,' & les
préjugés, foit des auteurs , foit de leurs juges,
varient à l’infini. D’autres préjugés naiffent encore
de rhumeur & du caractère perfonnel des auteurs
, de leur âge, de leur précipitation ou de leur
lenteur à compofer ,( du nombre & de l’étendue
de leurs productions, du nombre & de la-fréquence
des éditions, du titre des livres, de leur prix ê c
de leur rareté ; les abrégés, fommaires , extraits,
recueils & compilations des ouvrages des anciens,
&c. font encore des articles fur lefquels lés
jugemens varient beaucoup , d’après les préjugés
divers.
Baillet ne condamne pas indiftinCîement tous
ces préjugés ; il les examine, il enfeigne jufqu’à
quel point on peut & on doit même quelquefois
y déférer, jufqu’à quel point aiiffi l’on doit s’en
défendre; quels font ceùx qu’on doitrejêtter, ceux
qu’on peut admettre, ceux qu’il faut limiter &
modifier.
Le corps de l’ouvrage n’eft pas une fimple compilation
des jugemens portés par les favans fur
les livres & fur les auteurs ; Baillet jugeoit ces jugemens
, il les rapprochoit, il les modifioit les
uns par les autres , & fon fentiment particulier
perçoit à travers les opinions qu’il expofoit. Des
auteurs vivans étoient jugés dans cet ouvrage,
& la fincérité de Baillet ne leur, rendoit pas toû-
. jours tout ce que leur vanité exigeoit ; alors il
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n’étoit pas rare qu’ils répondiffent à des critique
douces , par des fatires amères.
On a pu auffi , même fanspaffion & fans in-
juftice, relever, parmi tant de faits, quelques-
unes de ces fautes, dont l’érudition la plus sûre
ne peut entièrement garantir. M. Falcone t &
M. Burette ont ainfi relevé dans Baillet deux ou
trois erreurs de bibliographie très-peu importantes.
Mém. de littéral, tom. y. hifl. pag. ip-3 6» 294. tom. 8.
Mém. pag. 49.
La vie de Defcartes eff le plus grand ouvrage de
Baillet après les vies des faints & les jugemens des
favans. Un auteur qui n’auroit fait que ce feul
livre, feroit fameux par l’érudition ; ce n’eft pas
feulement l’hiftoire de Defcartes, c’eft celle de fes
amis & de fes perféciiteurs, de fes partifans &
de fes détraCleurs ; c’eft l’hiftoire des révolutions
opérées par Defcartes dans l’efprit humain; c’eft
l’hiftoire générale de la littérature & de la philo-
fophie au dix-feptième fiècle. Cet ouvrage fuppofe
d’ailleurs dans l’auteur, toutes les connoifiances
phyfiques, métaphyfiques 8c mathématiques que
Defcartes avoit poffédées , celles même qui lut
avoient manqué, & que le temps a depuis amenées.
On a trouve ce livre trop long, quoiqu’il n’ait
rien de vuide & d’inùtile. Qaillet, par égard pour
ceux que trop d’inftruCtion accable , voulut bien
prendre la peine de faire lui-même un abrégé de
fon livre.
Il continua l’hiftoire de la Hollande commencée
par Grotius.
Il écrivit, d’après les monumens les plus authentiques,
& avec une circonfpeCtion qui défarma la
fatyre & l’envie, Yhifoire de ce fameux démêlé de
Boniface V III & de Philippe le Bel, l’évènement
le plus éclatant qu’ait produit la longue & funefte
querelle du facerdoce & de l’empire. Baillet dans
ce fiijet, alors délicat^marchoit de tous côtés entre
des écueils ; il fut les éviter tous, il fut rendre
ce qu’il devoit d’égards & de refpeCls au faint fiège 9
de zèle Bc de fidélité au trône; il fut chrétien, iî
fut françois»
La Vie du famçux Edmond Richer, fyndic de
la Faculté de théologie, étoit encore un de ces
fujets qui exigeoient alors toute la fageffe de Baillet9
il fut la traiter avec le même fucçès.
Il ne pouvoit oublier que dans fon enfance le
feul goût de l’étude lui en avoit fait vaincre toutes
les difficultés , prefque fans maîtres §c fans fecours.
Déterminé par ce fouvenir, il'fit des recherches
fur les enfans devenus célèbres par leurs études ou par
leurs écrits. La modeftie feule l’empêcha d’ajouter
fon nom à la lifte.
On a de lui encore quelques écrits polémiques
& pfeudonymes , & , à cette occafion, des recherches
fur les écrits pfeudonymes.
Baillet n’embellit rien & n’exagère rien ; il n’eft
ni éloquent ni même élégant ; il lui fuffit d’être
fidèle ; c’eft à découvrir la vérité, non à l’orner
qu’il confacre fes travaux, C’eft un des auteurs les
plus înftmétifs. Il a manqué à la lifte de l’Académie
des belles-lettres. Il mourut en 1706 chez M.
le "préfident de Lamoignon.
Baillet , (T hibaud ) eft auffi le nom d’un
préfident à mortier au parlement de Paris qu’on
nommoit le bon préfident, & qui fut célèbre fous
les règnes de Louis X I , de Charles VIII, de Louis
XII & de François I.
Le chancelier de l’Hôpital dit dans fes poéfies que
tel étoit le refpeét de François I pour la magif-
trature, 8c fur-tout pour la doârine & la vertu,
que lorfqu’au commencement de fon règne quelques
magiftrats d’un mérite reconnu , nommément
le premier préfident de Selve & le préfident B a filet,
paroiffoient devant lu i, foit dans quelques cérémonies
, foit pour prendre fes ordres fur quelque
affaire, on le voyoit toujours prêt par un mouvement
naturel à . fe lever pour aller à leur rencontre
& les faluer le premier.
Francifcum memini primo quo tempore regem
Sive falutatum Bahus t feu Selva veniret ,
yljfolitum dubitare priorité ajfurgeret illis.
Jdajeftas adeb virtuti regia cedit !
Le préfident Baillet mourut le 19 novembre
■ - .v
Jean, fon frère, fut évêque d’Auxerre,8 c mourut
en 1513.
' René,. fils de Thibaud , fat aufli un préfident à
mortier célèbre. La reine Catherine de Médiçis
l’employa dans fes affaires particulières. Il mourut
en 1579- - , . i
BAILLEUL. (Hifl. d’Écoffe.') Alexandre I I I ,
roi d’Écoffe , -n’avoit eu de Jeanne dAngleterre ,
foeur d’Edouard I , qu’une fille , nommée Marguerite,
mariée à Eric , roi de Norvège; de ce mariage
étoit née une autre Marguerite, qui dès fon
enfance, hérita du Royaume’ d’Écoffe pat la mort
de fon "ayeul & de fa mère ; elle mourut fubite-
rnent, encore dans l’enfance.
Alors il fe préfenta douze prétendans à la couronne
d’Écoffe ; mais Jean de Bailleul & Robert
de Brus , étoient les feuls entre lefquels on pût
balancer. Ils defcendoient tous deux , par femmes ,
de David, comte d’Huntingdon, frère du roi GuiL-
laume, ayeul d’Alexandre III. Bailleul defcendoit
de la fille aînée de David, Brus de la fécondé ;
mais celui-ci étoit plus proche d’un dégré , étant
petit-fils de David, au lieu que Bailleul n’en étoit
que l’arrière-petit-fils. Edouard I,roi d’Angleterre,
qui prétendoit la fuzeraineté fur toute l’Écoffe ,
parce qu’il l’avoit fur quelques foibles parties de
ce royaume , s’étoit rendu le juge de cette grande
querelle pour être plus fûrement le maître de
l’Écoffe. Il avoit bien réfolu de nommer celui qui
lui paroîtroit le plus difpofé à être fonefclave. Il
propofe cette queftion aux commiffaires nommés
pour difcuter les droits refpeftifs : <c Qui doit-on
V préférer, ou celui fui efi plus éloigné, en défendant
M de llaînée , ou celui qui efl plus proche en defcen“
» dant de lu fécondé fille ?» Les commiffaires *ré"
pondirent que celui qui dejcendoit de h aînée étoit
préférable. On parla de partager le royaume entre
les concurrens, Edouard propofa cette nouvelle
queftion : UÉcoJfe efl-elle un fie f divifible ? Les
commiffaires répondirent qu’elle étoit indivifible.
Bailleul refta fans concurrens , 8c fut déclaré roi
d’Ecoffe par Edouard, qui annonça cependant qu’il
avoit aufli des droits à cette couronne, & qu’il fe réfer
voit de les faire valoir en temps & lieu. Bailleul
lui rendit l’hommage-lige le plus complet, &
reçut les fermens des Econbis, & même de fes
concurrens, à l’exception de Robert de Brus qui
s’abfenta.
A la rigueur hautaine avec laquelle Edouard
exerçoit fon droit de fuzeraineté, on vit bientôt
que lui feul étoit roi d’Ecoffe. Toutes les caufes
des Ecoffois étoient évoquées en Angleterre ; à
chaque plainte portée contre les officiers du roi
d’Ecoffe, Edouard le mandoit pour venir rendre
compte de fa conduite & de la leur , il falloit que
Bailleul comparût à la barre comme un fimple
particulier, qu’il plaidât fa caufe, & on avoit foin
de la lui faire perdre fouvent. Tantôt un marchand
lui redemandoit une femme fournie à fon prédé-
ceffeur, tantôt on redemandoit aux domaines de la
couronne fes plus légitimes poffeffions ; tantôt un
criminel, prétendant avoir été injuftement empri-
fonné, exigeoit imp réparation : toute l’adrr.iniftration
de Bailleul étoit troublée & renverfée ; i-Fétoit
plus fouvent folliciteur de procès à Londres que
roi à Edimbourg. De la formule ufitée de fufcrip-
tion : fratri dilefto & fideli, Edouard avoit retranché
le mot fratri, ce qui mettoit Bailleul au rang
des vaffaux ordinaires , 8c lui ôtoit les diftinotions
attachées, à la couronne. Tant d’humiliations &
d’impuiffance lui avoient ulcéré le coeur & l’in-
vitoient à la vengeance. Ç ’étpit où l’attendoit
Edouard.
Bailleul ofa fe liguer avec Phitippe-le-Bel, roi
de France, contre Edouard I , oc l’Angleterre.
Edouard commença par demander à Bailleul des
places de fûreté pour tout le temps que dureroit
la guerre avec la France. Bailleul n’ofa rien refu-
fer & ne voulut rien accorder, il fut mandé à un
parlement anglois , il n’y vint point : Edouard
affembla fes troupes, un cordelier lui apporta une
lettre de Bailleul, qui Te déclaroit affranchi de la
fouveraineté de l’Angleterre ; Edouard promet à
Robert de Brus la couronne d’Ecoffe qu’il alloit
enlever à Bailleul; en effet la bataille de Dunbar
décida du fort de l’Ecoffe ; les Ecoffois y furent
entièrement défaits ; Bailleul implora la clémence
du vainqueur dans les termes les plus bas ; il fe
préfenta devant lui dans un cimetière, monté fur
un méchant cheval, & tenant une verge blanche
à la main. Edouard prit plaifir à l’accabler de mépris
,- & Bailleul fembla prendre plaifir à s’y livrer,
il demanda fi humblement pardon de ce qu’il ap