
Si l’hiftoire reproche à Carïbert fon peu de cîeli-
cateffe dans le choix de fes femmes, elle loue la
douceur de fa fociété, la fageflè de fon gouve-
nement, ainfi que fon amour pour la juftice &
pour les belles-lettres. Il parloit le latin avec autant
de facilité que fa langue naturelle : prince pacifique
, mais éclairé, fon amour pour la paix ne
nuifit point à fon autorité, dont il fe montra toujours
jaloux. Ce tableau eft tracé d’après Fortunat. .
Grégoire de Tours ne nous parle que des vices de
ce prince.
Gontran & Chilpéric ne furent pas plus fcrupu-
leux dans leurs mariages : le premier négligea la
reine Mercatrude la femme & tint deux concubi-
nes, Venerande & Auftrigilde. Ce fut de cette
derniere qu’il eut Clotaire & Clodomir. Chilpéric
fe livra à tous les excès d’un amour forcené avec
Frédégonde fa maîtrelfe, & fut le tyran d’Adoueré
fa femme.
Sigebert n’eut point, comme fes freres, à rougir
de les alliances : il époufà la fille cadette d’Atana-
gilde roi des Vifigoths en Efpagne. C’etoit Brune-
haut : Les noces furent célébrées à Metz avec la
dernière magnificence , & les deux époux vécurent
toujours depuis dans une alfez grande union.
Un dégoût malheureufement. pafiager que ref-
fentit Chilpéric pour Frédégonde , lui inlpira
le delfein de la renvoyer : il demanda Galafonte,
foeur aînée de Brunehaiit. Atanagilde eut bien ;
de la peine à confentir à ce mariage , dont
i l craignoit les fuites pour fa fille. Il exigea le ferment
des François , que Chilpéric n’auroit jamais
d’autre femme. La nouvelle époufe fut reçue
à la cour de Soifibns , avec les démonftrations de
la joie la plus vive ; mais ce n’étoit qu’un feu pafiager,
la paflion de Chilpéric pour Frédégonde ne tarda pas
à le rallumer. Galafonte fe voyant négligée demanda
à repaflcr en Efpagne r ne pouvant en obtenir
la permiflion, elle fit fes plaintes dans i’afîemblée
générale. Les feigneurs fe montrèrent fidèles au ferment
qu’ils avoient fait au roi des Vifigoths, &
obligèrent Chilpéric à renoncer à fa concubine. La
deftinée de Galafonte n’en devint pas meilleure.
Cette princeffe fut trouvée "morte dans fon lit, on
l ’avoit étranglée. Ce crime fu t-il l’ouvrage de
Chilpéric, ou de Frédégonde ? Il eft à croire qu’ils
y trempèrent l’un & l’autre : aumoins, leur intelligence
après ce meurtre , autorife ce foupçon. La
reine d’Auftrafie eût bien voulu venger la mort
de fa malheureufe foeur ; elle engagea même Sige-
hert dans une guerre contre Chilpéric, qui pour
l ’appaifor lui donna la dépouille de Galafonte.
Cependant Gontran, Chilpéric & Sigebert s’af-
femblerent poiir faire le partage des états de Caribert.
Les feigneurs n’eurent point d’égard à ce qui
pouvoir convenir à chacun de ces princes : par
exemple, Ayrançhe fe trouva dans le lot du roi
d’Auftrafie. Tous trois avoient une grande prédilésion
pour Paris, qui cependant n’ofiroit rie a FS magnificence qu’on y admire aujourd’hui.
Son territoire fut partagé entr’eux; & tous
trois firent ferment de ne point entrer dans la ville
fans la permiflion des deux autres. .
Incontinent après le partage, qui ne fut pas également
au gré des trois princes, les Huns Âbares
firent une irruption dans laThuringe'. Sigebert, qui
étoit particuliérement intérefle à les repoufièr, fe,
mitauffi-tôt en campagne; c’étoit pour la'troifieme
fois qu il en venoit aux mains avec ces peuples. Il
les avoit vaincus dans les deux premières guerres x
cette troifiemefut des plus malheureufes. Les Huns*
taillèrent fon armée en pièces, lui-même fe vit for
le point d être réduit en fervitude. Il étoit dans*
|5a Situation la plus critique; mais fa prudence ne 1 abandonna pas. Il eut recours aux préfens, 8c
là genérofite défarma fes vainqueurs. Les Abares
lui permirent de faire fa retraite ; ils firent même*
alliance avec lui, & le comblèrent de carefles*
Gontran étoit occupé contre les Lombards , qui
deiiroient joindre quelques provinces de' fés états
ail royaume qu’ils venaient de. fonder en Italie.
Sigebert, profitant de fon embarras, furprit la
ville d Arles, fur, laquelle il avoit des droits. Son?
avantage ne fut pas de longue durée, les géné-
j?AX/ e Gontran reprirent non-feulement la ville
d Arles, mais même ils conquirent celle d’Avi-,
gnon fur Sigebert. Chacun des princes afpiroit «fe.
fo revêtir des dépouilles de l’autre. Chilpéric excité
par Frédégonde , profite de la querelle de fes
freres, & envoie contre le roi d’Auftrafie Clovis,
fon fécond fils, qui fe lîgnale par la prifo de Tours
& de Poitiers. Sigebert & Gontran s’étant réconciliés,
les villes furent rendues à leurs premiers
maîtres; il y eut même-un traité : mais une dif-
pute eccléfiaftique ©ccafiohna une rupture entre
Gontran & Sigebert. Chilpéric , attentif à ce qui
fe pafloit à la cour de fes frères, crut devoir pro-
fitef de leur mefintelligence, il envoya Théode-
bert fon fils, for les terres de Sigebert. Ce jeune
prince remporta de très-grands avantages : mais
le roi d Auftrafie ayant fait entrer for le territoire
de Soifibns une armée allemande , Chilpéric fut
contraint de demander la paix : elle lui fut accordée
par l’entremifo des feigneurs françois. Les trois
frères promirent par ferment de ne rien entrepren-
dre les uns contre les autres. Ce forment frit bientôt
violé : le roi d’Auftrafie avoit à peine congédié
fes troupes, que Chilpéric, & Théodebert,
fon fils, ligues avec Contran,, reprirent les armes.
Le premier entre dans la Champagne, qu’il par-
court en brigand. Le fécond marche en Aquitaine ,
ou il combat & meurt en héros. Cette mort, la
réconciliation du roi de Bourgogne , & les approches
de l’armée de Germanie , fément la confterna-
tion à la cour de Soifibns. 'Chilpéric , au défefooir,
fr fauve dans Tournai, où il s’ehferine avec Frédégonde
qui y. accoucha-d’un fils. Tout plie fous
les coups du monarque Aufirafien ; tout fuit devant
lut. Chilpéric, ou plutôt Frédégonde, défefpérant
d’échapper au péril, le fait affafliner dans V itr i, où
il étoit allé recevoir l’hommage des habitans. Ainfr,
dit M. V e l l i ..périt .au milieu de fes triomphes le
monarque le plus parfait qui eût encore paru fur le
trône françois: généreux,libéral,bienfaifant, jamais
fouverain ne régna avec plus d’empire for le coeur
dé fes fojets, intrépide dans le danger , inébranlable
dans le malheur ; il fçut jufques dans les fers fe concilier
le refpeét & l’amour d’un vainqueur qui avoit
à peine l’extérieur de l’humanité. Réglé dans fes
moeurs, roi jufques dans fes inclinations , on ne le
vit point s’attacher à des objets qui déshonorent la
majefté. On peut dire que fon règne fut celui de la
décence & de l’honneur : il eût été celui de toutes
les vertus, fi ce prince eût Tu vaincre le réfîentir
ment qui l’ammoit à la perte de fon frère ; le caractère
de Chilpéric eft en quelque forte fa justification.
Il avoit à fa mort quarante-cinq- ans , dont il avoit
régné quatorze. Son corps fut tranfporté à faint
Médard de Soifibns, où il fut inhumé près de
Clotaire I , fon père. Chilpéric, profitant de l’affaf-
iinat commis dans la perfonne de Sigebert, fort de
Tournai & pourfuit à fon tour les Auftrafrens. à
demi vaincus par la douleur que leur occafionnoit
la perte de leur roi. Il fo rend maître de la veuve
& des enfans de Sigebert, qu’il confine dans une
prifon. Chilpéric fie regardoit comme le plus heureux
monarque de la terre, lorfque fes inquiétudes
fo réveillèrent. Un foigneur avoit trouvé le fecret
de délivrer Childebert, fils & unique héritier de
Sigebert, & l’a voit fait proclamer roi d’Auftrafie,
malgré l’extrême jeuneffe de ce prince. Brunehaut
-fut auffr délivrée, non pas par des feigneurs de la
cour du feu roi; ce fut Merouée, propre fils de
Chilpéric qu’elle avoit eu l’art d’intéreffer, qui brifa
fes fers. Chilpéric paya bien cher la fenfibilité qu’il
avoit montrée pour elle. Frédégonde le fit affaf-
frner pour l’en punir. L’hiftoire n’â pas de traits
pour peindre cette Frédégonde, elle s’applaudiffoit
de fes c r im e s & les commettoit avec fang-
froid , avec calme. Clovis, dernier fils du premier
lit de Chilpéric, ne put lui échapper: elle
le fit aflafliner fous prétexte qu’il avoit fait
empoifonner fes trois fils, morts de dyfienterie.
Chilpéric fit la trifte expérience qu’il n’eft pas toujours
sûr de vivre avec de femblables monftres ;
elle le fit aflafliner à Chelles , à fon retour
.d’une partie de chafle, (en 584.) Elle commit ce
nouveau crime pour échapper à la vengeance du
ro i, qui avoit découvert le commerce adultère
qu’elle entretenoît avec Landri. Il ne lui reftoit
qu’un fils au berceau, c’étoit Clovis IL Ce prince
lui fuccéda fous la tutelle de Frédégonde fa m ère,
& du roi de Bourgogne fon oncle. Chilpéric mourut
détefté de fes fojets.; la poftérité s’eft accoutumée
à le regarder comme le Néron de fon fiècle. Gontran
fe comporta avec beaucoup de modération : il
lui eût été facile de fe rendre maître des états de
* Chilpéric ; il préféra le titre de père du jeune prince
à celui de conquérant. Le roi d’Auftrafie, fous
prétexte de venger la mort de Sigebert fon père ,
afpiroit à dépouiller Clotaire II. Childebert fut
obligé de fe refferrer dans les limites de les états.
Clotaire fut proclamé roi de Soifibns. Cependant
les feigneurs François, foit qu’ils fuffent lafles de
ces défordres, foit qu’ils fongeaffentà en profiter,
méditoient une grande révolution : ils avoient envie
de réunir toute la monarchie dans la main de
Goridebaud , fils naturel de Clotaire I. Ils le proclamèrent
à Brive-la-Gaillarde. Les rebelles avoient
des chefs refpeétables, tels qu’un Didier qui avoit
toujours commandé les' armées de Chilpéric , un
Mummol qui s’étoit fignalé par plufieurs viétoires
for les Lombards. Le nouveau monarque fut trahi
par -ceux même qui l’avoient couronné. Il paroît
que Frédégonde méditoit de nouveaux attentats :
en effet, Gontran, qui dans tout le cours de fon
règne avoit montré une fingulière modération , lui
retira la tutelle de Clotaire I I , qu’il avoit confond
d’abord de gérer avec elle : il la força de quitter le
féjour de Paris & la relégua au Vaudreuil. Elle
voulut s’en venger en foulevant la Bretagne ; mais
il fut facile à Gontran de faire rentrer dans le devoir
cette province rebelle. La pacification de la Bretagne
fut le dernier, événement du règne de Gontran.
Il avoit fait auparavant une guerre infructueufe
contre l’Efpagne : il mourut à Châlons-for-Saone ,
dans la foixante-unième année de fon-âge, la trente-
troifrème de fon règne. Aucun de fes enfans rie lui
furvéquit,excepté fa fille Clotilde : encoreeft-il incertain
fi elle ne mourut point avant lui. Velli l’a peint
avec beaucoup de vérité : prince médiocre, dit cet
écrivain en parlant de Gontran, qui fut prefque toujours
mal lervi, parce que jamais il ne fut faire
refpeéter fon autorité ; bon, mais de cette bonté qui
infpire plus la licence que la vénération, il aimoit
fes fu jets, & il n’a voit pas la force de les défendre
contre les vexations de fes miniftres. Doux, humain,
complaifànt, mais plus par timidité que par
vertu, on n’ofoit l’aborder dans les,accès de fa colère
; fouvent dans les premiers tranfports il prononça
des arrêts de mort. Les hiftoriens de fa vie
lui donnent lin grand fonds de piété ; il menoit une
vie auftère, faifoit de grandes Targeffes, aimoit,
refpefroit, protégeoit la religion, l’églife. & fes
miniftres : on l’a même mis au nombre des faints :
Grégoire de Tours lui attribue des miracles, mèmg»
de fon vivant. ( M = Y. )
CARIGNAN. Voyeç Savoie.
CARINUS , ( Hijl. rom. ') défigné Céfar par foft
père Çarus, réunit tous les vices fans mélange
d’aucunes vertus. Avare & cruel par avarice, il
fuborna des délateurs , & il condamna les plus
innocens à la mort pour s’enrichir de leurs dépouilles.
La fainteté des mariages fut profanée
.par fes attentats impudiques. Tant d’excès ne réfutèrent
point impunis : il fut affafliné par un tribu»
du peuple doat il avoit enlevé la femme ; il nç