
cette injuftice qu'e.i defcendant du trône. Cafitnir
le crut, & voulut lui rendre la couronne ; mais
fon équité fut traitée de foibleffe , tous les efprits
fe foulevèrent : on lui dit hautement qu’en voulant
donner un tyran à la Pologne, il alloit le
devenir lui-même. Cette crainte l’arrêta ; il conserva
le fceptre 8c s’en montra digne. Les Ruffes,
en 1182, raffemblèrent toutes leurs forces pour
faire une irruption en Pologne ; ils croyoient qu’un
prince qui jufqu’alors n’avoit étudié que l’art de
faire fleurir fes états, ignoroit celui de les défendre :
ils fe trompèrent. Cafimir marcha contr’eux ; il
avoit peu de troupes. A l’afpeâ des RulTes, dont la
multitude couvroitun terrein immenfe, il vit pâlir
fes foldats. « Amis leur dit-il, commençons par
combattre, nous compterons nos ennemis quand ils
feront étendus fur le champ de bataille. Ce champ
elî devenu célèbre par le maffacré de vos ancêtres ;
vous foulez leurs ofiemens fous vos pieds ; vengeons
-les ou mourons comme eux au lit d’honneur.
»
Ce peu de mots ranima toute Tarmée , & le fignal
du combat fut celui de la viéloife. Les menées fen
t e s de Miceflas qui cherchoit à fe former un
parti pour remonter furie trône,-rappellèrent Ca-
fimir dans fes états. Dès qu’il parut, la fa&ion fe
dillipa , 8c le rebelle rentra dans le devoir par l’im-
puiffance d’en fortir. Le roi tourna enfuite fes armes
contre les Prufliens, dont l’ambition fi longtemps
fatale a la Pologne fut au moins réprimée pour
quelque temps. Les troubles delà Siléfie,oùrégnoient
fes neveux, occupèrent les derniers momens de fa
vie. Il mourut en 1194 ; il fut équitable, généreux,
brave, & profond politique ; mais s’il eut les vertus
des grands rois, il en eut aufli les foibleffes.
Adoré dans la Pologne, redouté en Pruffe & en
Ruflie, il étoit dans fon palais efclave de fes maî-
treffes ; enfin, comme fi Ton eût craint qu’il lui
manquât quelque trait de reffemblance avec les
héros, fon peuple ne put fe perfuader que.fa mort
fut naturelle, 8c le crut empoifonné. ( M . d e
S a c y . ) Casimir I I I , furnommê te Grand, ( Hifl. de
Pologne. ) roi de Pologne. Il fuccéda à Uladiflas
Loketeh fon père. Ce prince avoit foutenu, contre
l’ordre Teutonique, une guerre longue 8c meurtrière.
Il s’agifioit de la Cujavie & de la Poméranie ,
fur laquelle ces ambitieux chevaliers avoient des
prétentions. Ils ravagèrent des provinces fans les
conquérir, maffaerèrent les peuples fans les fou-
mettre , brûlèrent 'des villes qu’ils ne pouvoient
conferver. La cour de Hongrie offrit fa médiation
pour terminer ces différends fi défaftreux. Cafimir
courut à Vienne ; il étoit dans cet âge où il efl plus
aifé de vaincre les hommes que la nature. Il étoit
parti pour entamer une négociation ; il ne noua
qu’une intrigue amoureufe. Méprifé par la belle
Claire dont il étoit é p r is il réfolut d’emporter parla
violence, ce qu’il n’avoit pu obtenir par les'prières.
Felician, pere de Claire, courut fe , j.etter aux pieds i
du roi Charobert pour lui demander vengeance dé
cet affront. Le roi, qui avoit intérêt de ménager
la cour de Pologne, confulta moins l’équité que la
politique, Si fut fourd aux cris de ce petit in-1
fortuné. Félician égaré par la fureur & la honte,
ne fongea plus à fe venger du coupable , mais du
juge trop toible qui n’ofoit le punir. Il conlpira
contre Charobert, manqua fon coup, fut maffacré ,
& entraîna dans fa perte tous ceux qui osèrent
plaindre fon fort.
Cafimir retourna dans la grande Pologne en 13 3 2 9-
Si alla fe fignaler contre Tordre Teutonique qui
continuoit fes ravages. Il entra dans les domaines1
des chevaliers, brûlant, faccageant, pillant à leur
exemple, & réduifit en cendres plus de cinquante-
de leurs fortereffes. Uladiflas avoit fait jurer en
mourant à fon fils, de faire une guerre cruelle à
cet ordre ufurpateur, qui vouloir tout envahir ou.-
tout détruire. Il lui laiffoit un trône chàncelant ,>
des terres en friche, des troupes délabrées, des
finances prefque épuifées, des villes ruinées, des*
campagnes infeftées de brigands. Pour effacer les*
traces de la guerre, Si rendre à l’état fa première"
vigueur, Cafimir fit la paix avec l’ordre T eu to n iq u e -
lui abandonna la Poméranie,. 8c rentra dans la?
Cujavie Si dans le diftriéï de Dobrzim.
Mais tous les ordres du royaume fe récrièrent
contre cette paix honteufe, prétendirent qu’on avi-i
liffoit la nation , 8i que céder une province c’étoit-
s’avouer vaincu. Le moyen dont ils fe fervirent
pour réprimer l’ordre Teutonique »démentit la fierté
qu’ils avoient montrée. Ils armèrent en leur fa-:
veur la cour de Rome de fes foudres ordinaires.-
L’ordre fut excommunié; les nonces lui ordonnèrent
de reftituer le butin qu’il avoit enlevé, Si de
payer à Cafimir une fomme confidérable. On fent
quel effet dut faire cette fentenee fur des hommes-
qui avoient encore les armes à la main. L’empereur r
'd’un autre coté, leur défendit de céder les terres
dont ils s’étoient emparés* Ils demeurèrent dans'
leurs conquêtes. Cafimir, qui rernettoit fa vengeance
à des temps plus heureux, Si vouloit rendre
l’état inébranlable dans Tinterieur, avant de
le rendre formidable au-dehors, fe contenta de garder
fes frontières, donna tous fes foins au gouvernement,
8i défigna pour fon fucceffeur, Louis,
fils aîné de Charobert, roi de Hongrie. La nation
applaudit à fon choix; mais ce ne fut qu’en 1339
qu’elle le ratifia d’une manière authentique.
La tige: mafculine des fouverains de Ruflie ver
noit de s’éteindre. Les rois de Pologne avoient au?
trefois renfermé cette contrée dans l’enceinte de
leur empire. Cafimir crut que les Ruffes fe courbe-
roient fans réfiftance fous un joug que leurs aïeux
avoient porté. Il entra dans leur pays, s’empara,
de Léopold, entra triomphant dans plufieurs for-
tereffes , leur donna des gouverneurs Polonois, Si
revint dans fes états. La reine venoit de defcendre
au tombeau. Le volage Cafimir mit peu de diftance
entre le deuil Si un nouveau mariage,. II. épaula
ïîedrigé, fille du landgrave de Heffè, qu’il rele-
gtià bientôt dans tin monaftère, pour 11e plus donner
de frein à fes défirs. Chaque jour voyoit tïne'
nïaîti'effe difgraciée, fa rivale préférée, & le lendemain
celle-ci étoit fupplafttéë par line autre. Soit
que les chevaliers de Tordre Teiitonique euffènt
des (intelligences avec ces courtifanes, foit que la
fortune eût amolli le courage de Cafimir, il abandonna
eh 1343 , à cet ordre, la Poméranie, Culme
Si Michalovie,’ Cependant fon caraélère reprit fa
première énergie j & l’irruption des Tartares dans
la Ruflie liii rendit fes forces Si fa gloire. Il marcha
contre eux , les ri-, contra fur les bords de la Vif-
tülé, 8c les défit, lis. flgnalèrent leur retraite par
des défaftres. Tout ce qui fe trouva fur leur paffage
fut pillé ,N maffacré, brûlé, profané.
• Cafimir rentra dans fes états ; mais il n’y goûta
pas long-temps ce repos favorable aux plaifirs après1
lefquels il foupiroit. Jean; roi de Bohême, vint
fondre tout-à-fait fur la Pologne. Cafimir s’avança
contre lu i, & le repouffa au-delà des frontières.
Cafimir toujours vainqueur, & prefque fans combattre
, partage déformais fes momens entre les
foins de l’état Si ceux de l’amour. Le peuple fe
jblaignoit de ce que les palatins s’écartoient dans
leurs jugemens du texte des loix, ne confultoient
què leur propre intérêt, 8c difpofoient des fortunes
au gré de leur caprice. Cafimir les força de
juger d’après les loix, Si de prononcer contre eux-
mêmes quand les loix condamneroient leurs prétentions.
Ce prince établit les réglemens les plus
fages, favorifa le commerce, encouragea l’agriculture
, cultiva les fciences, protégea les favans ,fit
bâtir des villes. Celle' de Cafimir efl un monument
de fa magnificence. Il vouloit en élever une autre
près de Scarbimirie ; mais l’évêque de Cracovie,
Jean Groth, ofale lui défendre, 8c Cafimir le grand
n’ofa pas défobéir à fon fujet.
Mais après avoir obéi au clergé, lorfqu’il vouloit
l’empêcher de faire le bien , il lui réfifla lorfqü’il
voulut l’empêcher de faire le mal; les prélats 8c les
prêtres lui confeilloient de renvoyer ce ramas de
femmes, perdues , le fcandale de l’état dont elles
faifôient la ruine, qu’il entretenoit dans une fplen-
deur nidiculè 8c funefte, à Opocin Si à Creflovie. 1
Après avoir prié vainement, ils commandèrent : le
roi entra dans une telle colère , qu’il fit noyer un
de ces cenfeurs audacieux. Mais bientôt il pleura la
viélime de fes fureurs, 8c demanda Tabfolution au
pape. Clément VI fe fervit d’une autorité ufurpée,
pour rendre à l’humanité le fer vice le plus important
peut-être qu’elle eût reçu d’aucun pontife ; les
habitans de là campagne autour de Cracovie étoient
.ferfs , il condamna Cafimir à leur rendre la liberté ,
Si à bâtir cinq églifes.
Malgré la révolution qui s’étoit faite dans le coeur
de ce prince, les prêtres ne manquèrent pas de publier
que la pefle qui défola la Pologne , Tinvafion
des Lithuaniens, les courfes fréquentes des Tavta-
res , étoient autant de châtimens du ciel qui puniffoit J
la nation’des crimes de fon roi. Ce prince leur pa^
donna ces difcours. Bientôt fon empire s’agrandit
encore par là réunion du duché de Mafovie, dont
le duc v int1 fui faire hommage à Califfe.
Tant de guerres roiitenties contre Tordre Teu-
. tonique, tant de difcordes civiles occafionnées par
les élections, enfin la pefle, pour comble de maux,
avoient dépeuplé la Pologne à un point qu’elle
manquoit de cultivateurs ; d’ailleurs , cette nation
fière 8c pareffeufe ne favoit que porter l’épée &
dédaignoit la bêche. Cafimir appella dans fes états
une multitude d habitans de la Pruffe , où la population
s’étoit tellement .accrue , que la terre ne
fuffifoit pas à les hourrir. 11 donna à ces hommes
laborieux des terres à défricher , leur accorda des
privilèges honorables , établit un confeil qui devoit
juger leurs différends fuivant les loix de leur pays;
La gloire de tant de belles aélions fut encore ter-
nie par de nouvelles amours. Cafimir époufa Hed-
vige, fille du ■ duc de Glogovie. Une autre tache
à la gloire, fut fon entreprise fur la Walachie ; deux
frères, Etienne 8c Pierre,*fils du vaivode Etienne,
fe difputoient leur patrimoine ; l’un d’eux fuccomba
Si alla implorer le fecours de Cafimir qui, pour
terminer ce différend, voulut s’emparer du duché»
Mais les Walaches firent pérjr Tarmée Polonoife
dans les bois. Cafimir crut réparer fa réputation , en
établiffant à Léopold le fiège métropolitain de la
Ruflie ; mais - il la répara beaucoup mieux, en
verfant fes richefîes dans le fein de fon peuple qui
fut affligé d’une famine cruelle Tan 1362. On reconnut
alors que les foibleffes humaines peuvent
s’allier avec des vertus. Le plus infidèle des époux
fut le .meilleur des rois.
Le mariage de fa nièce Elifabeth avec l’empereur
Charles I V ,. donna lieu à des fêtes dont le peuple
jouit fans les payer, 8c qui lui firent oublier fes
malheurs. Cafimir ne fongeoit plus qu’à affermir
fon autorité, la fplendeur de l’état 8c le bonheur
des peuples, lorfqu’il moiirut d’une chute de che->
v a l, Tan 1370, âgé de foixante ans, après en
avoir régné trente-fept. C’étoit un prince .ami de
la paix Si de l’humanité ; il fit peu la guerre, filon
compare fon règne à ceux de fes prédéceffeurs : il
avoit plus de taléns pour les marches que pour les
batailles ; c’eft ainfi qu’il fut reponffer les ennemis
fans les vaincre. Mais il poffédoit la fcience du
gouvernement, il favoit infpirer le refpeét fans inf-
pirer la crainte, 8c rendre fon peuple heureux fans
ïe rendre infolent. Des loix établies, l’agriculture
mife en vigueur, des villes bâties, la population
augmentée , la renaiffance des arts utiles, füffifenr
pour juflifier le titre de grand, que fon fiècle lui
donna. Il ébaucha, en Pologne la révolution que
Pierre le Grand a depuis faite en Ruflie, Si s’il
ne la pouffa point fi loin que le czarr c’efl que
touchant de plus près aux temps de‘ barbarie, il eut
de plus grands obftacies àvaincre, Si moins d’ex-
cellens modèles à fuivre. (AJ. d e S a c y . )
C asimir IV > ifiiïjioire de Pologne.} roi de P©*»