
pute publique, Eckius l’accepta, l e , cîuc George
de Saxe, coufin-germain de 1 ele&eür, qui n’avoit
pas pris parti comme l’éle&eur , mais quife Tentant
ébranlé , vouloit s’inftruire, leur offrit Ton château
à Leipfick : il honora de fa préfence ce duel théo-
logique, c’étoit là ce'qu’on appelloit alors protéger
les Sciences. Le duc, Ton confeil, les magiftrats,
l’univerfitè, une foule de peuple accourue de toutes
les villes voifines, la chaleur des deux partis,
la réputation des deux cpnrendans, & plus que
tout le refte, la préfence'de Luther, qui voulut
veiller fur fon défenfeur & le défendre à fon tour,
s’il en étoit befoin, tout concourut à rendre cette
fcène éclatante. Carloflad difputa pendant quelques
jours, au bout defquels les poumons ou les raifons
lui manquèrent: Luther entra en lice, Eckius déjà
épuifé, n’eut pas fi bon marché du maître que du
difciple. Cette difpute eut le fort de toutes les autres,
les aâes qu’on en publia confirmèrent les
deux partis dans leurs opinions ; tous les deux s’attribuèrent
la victoire, le duc George fembla pourtant
la décider en faveur d’Eckius en s’affermiffant
dans la foi catholique, l’éle&eur refta Luthérien.
Luther avoit daigné louer Carlojlad & l’appel-
ler même fon vénérable précepteur en Jefus-Chrifl ;
mais à peine étoit-il digne d’être fonéleve : Carlojlad
brûloit de fe diftinguer par quelque aâion éclatante
qui lui donnât un rang dans le parti, fans fon-
ger que Luther, delpote jaloux, abatoit les têtes
qui vouloient s’élever à fa hauteur. La conférence
de Leipfick n’avoit été qu’un affront pour Carlof-
tad, qui aux yeux mêmes des Luthériens, avoit paru
vaincu par Eckius , & qui avoit eu befoin que Luther
vînt à fon fecours. Carlojlad en réfléchiffant
fur la doélrine de fon maître, qui profcrivoit & le
célibat des Prêtres, & les images des Saints & la
meffe, crut avoir trouvé un bon moyen de lui
faire fa cour pendant fon abfence & de fe fendre j
important dans le parti. Premièrement il fe maria,
tout prêtre qu’il étoit, & il fut un des premiers
à donner cet exemple dans la réforme. {Voyes^ l’article
Bore (Catherine de) ; enfuite faifi d’une
fureur d’Iconoclafte, il fbuleve la jeuneffe luthérienne
de Vittemberg, & court dans l’églife de
tous les Saints où il brife toutes les images , &
renverfe les autels. A cette nouvelle , Luther
vient à Vittemberg, monte en chaire, le peuple
tranfporté le fuit & l’écoute, Carlojlad attend Ion
arrêt, palpitant de crainte, il eft condamné, Luther
l’accable de reproches & d’opprobres en préfence
de tout le peuple, Carlojlad refie muet &
çonfus.
Luther ne difîimula point les motifs de fa colère,
Carlojlad 3 difoit-il, avoit mépriféfon autorité & avoit
voulu s'ériger en nouveau doEleur, Luther ayant à com-
batre une aâion violente, vantoit alors les avantages
de la modération, d’un côté fon rôle en étoit
plus beau, de l’autre, fe s voies en étoient plus
jneompréhenfiblesto
Luther avoit penfé à ôter l'élévation de l’hoftiè,
mais Carloflad l’ayant prévenu, il la garda , en
dépit, dit-il lüi-mème, de Carlo (hid, 6r de peur, ajouta-
t-il , qu il ne femblat que le diable nous eût appris
quelque chofe , il ne l’abandonna qu’après la mort
de Carlojlad,
Carlojlad avoit rétabli la communion fous les
deux efnèces ; Luther lui reproche à ce fujet de
mettre le Chriilianifme dans des chofes de néant.
Carloflad voyant dans la Genèfe ces paroles que
Dieu dit à Adam : Tu mangeras ton pain à la fueur
de ton corps, jugea que même un archidiacre de
Vittemberg rïétoit pas exempt de cette loi, & i l
alla labourer la terre. Peu s’en fallut que cette
néceflîte du travail manuel, idée utile après tout
ne fît fortune. Mélanchton, lui-même, en fut fé-
duit & fe fit garçon boulanger; mais Lutherfe
hata de les ramener à la métaphifique & à la
difpute. - . • •*•••. -,
Carloflad s'btzm enfuite pénétré de l’inutilité des
fciences humâmes, vouloit qu’on n’enfeignàt plus
que la Bible dansl’univerfité de Vittemberg, Luther
tr a ver fa encore ce nouveau projet.
Humilie a Leipfick, ecrafè à Vittemberg, contredit
par-tout, Carloflad ne pouvoit plus aimer Luther
quil appelloit un flatteur du Pape, il rougif-
foit d’être le difciple d’un homme beaucoup plus
jeune que lui, il cherchoit à rompre, il vouloit
être chçf de feéfe; toutes les petites innovations
qu on vient de voir étoient autant de révoltes contre
Luther, qui enfin le fit chaffer de Vittemberg-
I1 ci ? lflt. Pour afy le Orlemonde , fur la Sala, dans
la Thuringe, & bientôt tout fut en feu dans cette
ville, par les fuggefiions de Carlojlad.- L’eleâeir
crut bien faire d’envoyer Luther à Orlemonde pour
appaifer ces troubles, c’étoit lâcher un lion contre
un tigre pour faire ceffer le carnage. Luther
étant arrivé à Jène ou Jèna , dans la Thuringe,
y trouva Carloflad qui, foit pour accueillir fon ancien
ami, foit pour bien recevoir fon nouvel ennemi,
étoit venu au devant de lui jufqueS-là. Luther
prêcha encore contre lui en fa préfence & le irai-
ta de féditieux,.
Q u is tulerit Gracckos de feditione querertes ?
Puis il pourfuivit fa route & entra dans Orlemoa*
de, Carlojlad lui fait jetter des pierres & de la bouer
par le peuple, & vient enfuite le trouver dans fon
auberge, à l’enfeigne de l’ourfe noire, pour conférer
avec lui: il s’excufa fur les fédirions qu’on lui
reprochoit; mais il avoua qu’il ne pouvoit fouf-
frir l’opinion de Luther fur la préfence réelle. Luther
, avec le fpurire du mépris & larrogance de
la fuperiorité, lui confeille d’écrire contre cette
opinion. Voici, lui dit-il, un florin que je te donne
pour tjy engager. On doiroit que Carloflad lui jetta
fon florin , non , il le prit. Les deux champions fe
touchent dans la main & fe promettent la guerre ;
pn tait venir du vin, Luther, toujours railleur &
dédaigneux, bpit à la fanfé de Carloflad , & au
ïiiccès du beau livre qu’il va mettre au jour, 'Carloflad
lui fait raifon , & voilà la guerre déclarée à
la manière du pays; ce fut le 22 août 1524t Tel
fut le commencement de la guerre des facramen-
taircs.
D ’après ces détails rapportés par Luther lui-
même , le leéleur peu verfé dans les ufages théo-
logiques & les moeurs allemandes du feizième
jfiècle, s’attend peut-être à voir des rivaux généreux
fe combattre avec les ménagemens qu’exige
la politeffe & que permet la difpute; mais on peut
juger de leursdifpofitionspar leurs adieux: Puijjai-
je te voir fur la roue ; puiffes - tu te rompre le col
avant que de fortir de la. ville ! Voilà, s’écrie M.
Boffuer, les aptes des nouveaux apôtres.
Luther revenu auprès de Féle&eur, employa
d’abord fon crédit à faire chaffer Carloflad de toutes
les terres de ce prince ; Carloflad fe réfugia en
Suiffe ; mais les chefs de feéfe fe multiplioient, il
y trouva Zuingle, non moins jaloux de l’autorité
que Luther, & avec lequel il ne put pas s’accorder
davantage, quoique Zuingle, rival de Luther,
adoptât une partie du fyfiême de Carloflad fur
l’euchariftie. Celui-ci, abandonné de tout le monde,
tomba dans une misère extrême, qu’il n’eut pas le
courage de fupportèr. Devenu bas & v i l, & n’ayant
plus que Je choix des tyrans, il préféra celui, qui
pouvoit lui r’ouvrir l’entrée de fon pays, il implora
la clémence de Luther, qui lui obtint la
permifïion de revenir à Vittemberg ; il y refia fans
emploi, accablé du mépris public, obligé de fendre
& de porter du bois pour gagner fa vie , dans
cette même ville, où on l’avoit vu occuper une
place honorable , & où fes foibles lumières l’avoient
diftingué : il ne foutint pas cette humiliation, & il
alla fe faire prédicant à Bâle; ce fut là que le
diable lui apparut au prêche , ne l’ayant pas trouvé
dans fa maifon , où il avoit bien recommandé qu’on
dît à Carloflad qu’il reviendroit dans trois jours,
& où il revint très-exaâement au bout des trois -
jours-étrangler Carloflad le 25 décembre 1541. Le
P. Mainbpnrg a la générofité d’avouer que ce conte
lui efi un peu ftfpePl. Ce qu’il y a~de certain , c’eft
que dans tout le feizième fiècle, le diable avoit
étranglé tous ceux qui mouroient d’apopléxie ; la
ducheffe de Beaufort, maîtreffe de Henri IV , &
Louife de Budos , fécondé femme du connétable
Henri de Montmorenci, moururent ainfi étranglées
par le diable en 1599, & Sully, un des
hommes de fon temps les moins crédules, ne fa-
voit trop qu’en penfèr.
CARLOVINGIENS, f. m. pl. (Hifl. mod. ) nom
que l’on donne aux rois de France de la fécondé
race-, qui commença en 752 en la perfonne de
Pépin le Bref, fils de Charles Martel, & finit en
.celle de Louis V , en 987. On compte quatorze
rois de cette famille. ( A . R. )
C AR N A V A L , f. m. ( Hifl. mod. ) tems de fête
& de réjouiffance qu’on obferve avec beaucoup de
folemnité en Italie, fur-tout à Venifetj
Ce mot Vient de l’italien carnavale : mais Ducange
le dérive de cam aval, parce qu’on mange alors
beaucoup de viandes, pourfe dédommager de l’ab-
fiinence où l’on doit vivre enfuite ; il dit en con-
féquence que dans la baffe latinité on l’a appelle
came levamen : camis privium ; & les Efpagnols carnes
tollendas.
Le temps du carnaval commence le lendemain
des Rois, ou le fept de janvier, & dure jufqu’aù
carême. Les bals, les feftins, les mariages, fe font
principalement dans le carnaval. (G)
CARNÉADES ou CÀRNÉADE, {Hifl. anc. )
de Cyrène , fondateur de l’école qu’on appeile la
troifleme académie , appartient à ce titre au diftion-
naire de la philofophie, qui ne nous regarde pas,
nous nous bornons ici à quelques traits qui carac-
térifent l'homme. Il étoit très-éloquent ; Cicéron
difoit de lui qu’il n’avoit jamais foutenu d’opinion
qu’il n’eût établie, ni combattu d’opinion qu’il n’eût
détruite : Nullarn unquam in illis fuis dïfputauonibus
rem défendit, quam non probant, nullam oppugnavit
quam non everterit. De orat. iib. 2 , cap. 38.
Les Athéniens ayant envoyé à Rome une ain-
baffade compofée de Carnéade, de Critolaüs & de
Diogène le ftoïcien, les Romains leur reprochèrent
le delTein de dominer dans les délibératio'ns par des
ambafiadeurs fi éloquens. Qu’on les renvoie difoit
Caton le cenfeur, il n’eft pas poffible de’ démêler
la vérité, quand Carnéade ne veut pas la
laifier connoitre. Quoniatn illo viro argumentante
quïd vert _ effet haud facile difeemi pojfet. Plin iib’
7 ’ c- j®- _On dit que dans le cours de cette même ambaffade,
Carnéade, en préfonce du même Caton le cenfeur
& de.Galba, établit l’exiilence & les droits de la
loi .naturelle , & que le lendemain il détruifit avec
le même fuccès tout ce qu’il avoit établi la veille.
Carnéade trouvoir peu d’adverfaires dignes de lui.
Dans la difpute , il ne redoutoit que Zénon , &
lorfqu’il devoit difputer contre ce philofophe’, il
fe purgeoit avec de l'ellebore pour fe fortifier le
cerveau.
» Si tu prévois, dit Carnéade, qu’un homme, de
» la mort duquel il doit te revenir quelque avan-
» tage, va s’affeoir dans un lieu où tu fais qu’il
» y a un ferpent caché, tu commets un grand
» crime de ne pas l’avertir , quoique les lois ne
” puiffent pas te convaincre d’avoir connu fon
5) danger.»
Cette maxime qu’on a beaucoup vantée dans
Carnéade, eft d’une fi grande vérité, qu’elle ne
fuppofe que les premières notions du droit naturel
& des devoirs de l’homme.
Ce qu’il difoit des enfans des rois, qu’ils ne pou-
voient bien apprendre qu’à monter à cheval, parce
que les chevaux ne Connoiffoient pas la flatterie
eft d’une vérité plus fine. Il développoir cette idée’
eu difant que pour tout le refle leurs maîtres leur
faifoient, accroire qu’ils le favoient ; que toits ceux
qui jouoieot, luttoient ou difputoient avec eux-,