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nier , d’une marotte & d'une harpe, emblèmes
des poètes qui ont mérité le même honneur.
La trabe ou le bâton étoit furmonté d’un croif-
fant.
Les armoiries étoient un emblème parlant du
caractère & de l’emploi de ce célèbr.e régiment.
L ’écuffon d’or au chef de fable chargé d’uhe lune
d’argent & de deux croifïans oppofés de même
métal. L’écuflbn chargé en pal du fceptre de Mo-
mus, femé de papillons fans nombre, de différentes
couleurs , eft couronné d’une calotte à
oreillons , dont l’un eft retrouffé, & l’autre abàiffé.
Le fronton de la calotte eft orné de fonnettes &
de grelots indifféremment attachés ; elle a pour
cimier un rat paffant , furmonté d’une girouette
pour en marquer la fblidité; les armes ont pour
fupport deux linges, ce qui dénote l’innocence &
la fimplicité : l’un eft habillé en militaire, & l’autre
en robe & en colle t, tenant un mémoire à la
main. Au-deffus du fupport font deux cornes d’abondance
en lambrequins , d’où fortent des brouillards
fur lefquels font aftignées les penfions du régiment;
au haut de ces armes voltige une oriflamme
avec cette devife : Favet Momus, lunainfiuit.
Cet ètendart, ainli que les armoiries, font de
l ’invention du fleur Aymon, général ; elles font
repréfèntées avec le portrait de l’auteur dans le
poème calotin du confeil de Momus. On ne fera
pas fâché de voir la defcription de ces armoiries
en ftyle calotin dans les lettres-patentes données
pour faire frapper la médaille du régiment :
Le noble écu de la calotte ,
Portant en pal une marotte ,
Le champ femé de papillons ,
■ Les plus légers des oifillons j
Le chef , comme noble partie ,
Aura la lune dans fon plein,
Cet aftre qui du genre humain
Règle la conduite & la vie >
Dont les croi/Tans aux deux côtés
Marqueront les variétés.
Une calotte à double oreille»
En couvrant le chef à merveille »
Servira de tymbre à l’écu.
Sur ce cafque plein de vertu *
D’où pendront grelots & fonnette ,
Sera plantée une girouette
Légère & tournant à tout vent »
Ayant au pied le rat pa fiant ;
Pour lambrequins » une fumée
D’un des plus- fins brouillards formée ;
Dcux,finges gemeaux & très-forts
Feront à côté les fupports ;
Mais quoique pareils en nature
Us feront divers en vêture :
L’un portera manteau » colle t ;
L’autre > la botte & le plumet»
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!' • • Image de la gent occupée ,
Tant à la robe qu’à l’épée.
Ordonnons ^qu’on y mette auffi
Comme pour devife & pour cri »
u La lune nous conduit, Momus nous favorife
Vers renfermant do&rine exquife »
Et duquel vers tout calotin
Se fouviendra foir & matin.
On fit frapper un fceau & plufieurs médailles i
o ù , d’un côté , Momus étoit afïis fur un nuage -
avec la légende : C’efl régner que de favoir rire ; &
de l’autre, les armoiries. On voulut que chaque,
frère , de quelque qualité qu’il fût, portât le médaillon
attaché à la boutonnière, même les cordons
bleus,. car l’ordre de Momus n’eft incompatible
avec aucun autre. On devoit fur-tout porter le
médaillon dans les temps de frairie, auxquels la
compagnie s’affembloit. Voici comme s’expriment
là-deftùs les mêmes lettres-patentes :
De l’avis donc des calotins »
( Autrement frères de ia joie)
Ordonnons au fieur Ro&ierins »
Le graveur de notre monnoie -,
Dè graver avec beaucoup d’art
Le grand dieu Momus d'une part »
Aflis fur un léger nuage ,
Et mdntrant un riant.vifage »
Avec ces beaux mots à l’entour s
» C’eft régner que de favoir rire ».
Mots que la ville & que la cour
Devroient à tous inomens redire»
Quant au revers, on y verra ,
Autant que l’art le permettra,
Le noble écu de la calotte > &c.
Voulons de plus que chaque frère
Porte le fufdit médaillon ,
Tant en or, qu’argent, bronze- & plomb,
Du côté de la boutonnière.
Entendons que tout cordon bleu ,
Koir , rouge ou de couleur bizarre ,
Tel que celui de S.Lazarre,
Se dife , par un noble avett »
»> Frère de la chevalerie » ,
Sur-tout dans le temps de 'frairie,
*Temps auquel l’aimable Cornus,
Suivi de Bacchus , de Cythère ,
Ordonne de la bonne chère
En maître d’hôtel de Momus.
Sur ce , mes chers frères, je prie
Le grand dieu de la raillerie
Qu’il vous donne joie & fanté.
Le tout conclu, fait, arrêté
Près notre grand’chancellerie,
Au mois que la fève eft fleurie,
Scellé y ligné de notre nom y
De TOrfac, & par moi Aymon•
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Plufieurs perfonnes de diftinftion fe rangèrent
foüs les étendarts du régiment, & chacun fe fai-
foit une occupation férieufe de relever, par des
traits de raillerie, les défauts des gens les plus con-
fidérables , & les fautes qui leur échappoient. Cet
établiffement ayant fait du bruit, on voulut d’abord
le fapper par les fondemens, mais il para tous les
coups qu’on lui porta , malgré le crédit de ceux
qui s’intéreffoient à fa deftru&ion, & les affauts
redoublés de fes ennemis ne fervirent qu’à le !
rendre plus floriffant. Le régiment groffit en peu
de temps ; & la cour & la ville lui fournirent un
nombre confidérable de dignes fujets.
Louis XIV ayant été informé de la création de
cette plaifaritê milice, demanda un jour au fieur
Aymon s’il ne feroit jamais défiler fon régiment
-devant lui r Sire , répondit le général des calotins, '
il ne fe trouveroit perfonne pour le voirpajfer. C ’eft
apparemment cette anecdote qui a donné lieu au
poème du Confeil de Momus, & de la Revue du
régiment., imprimé à Ratopolis en 1730.
Le colonel Aymon rempliflbit parfaitement les -
engagemens de fa charge , lorfqu’il la quitta affez :
brufquement par un principe d’équité qui lui fit
honneur. Pendant que les alliés affiégeoient Douay,
M. -de Torfac étant chez le roi, s’avifa de dire,
qü’avec trente mille hommes & carte blanche ,
non feulement il feroit lever le fiège aux ennemis,
mais auffi qu’il reprendroit en quinze jours
toutes leurs conquêtes depuis le commencement
de la guerre. M. Aymon , qui entendit cette bravade
, lui céda fur le champ fon bâton de commandant;
& depuis ce temps , M. de Torfac a été
général du régiment jufqn’à fa mort, qui arriva
en 1724. On trouve cette anecdote dans fon orai-
fon funèbre, qui a été imprimée, & qui a fait
beaucoup de bruit. C ’eft un tiffu des plus rnati-
vaifes phrafes dès harangues prononcées à l’aca- ‘
démie françoife , des lettres du chevalier d’Her.... t
des éloges de Tontenelle, de fa pluralité des mondes,,
&c. &c, qu’on a ccufnes enfembie fort adroitement.
Elle eft intitulée : Eloge hijlorique d’Emmanuel
de Torfac, monarque univerfel du monde fublu- .
naire, & gènéralifjîme du régiment de la Calotte ,
prononcé au champ de Mars b dans la chaire tf’Erafme,
par un orateur du régiment.
Cette pièce eft d’autant plus excellente en fon
genre, qu’elle eft une fatyre três- jufte & trés-
ingénieufe du ftyle précieux que plufieurs membres
de diverfes académies cherchoient à mettre en
vogue ; il étoit difficile qu’elle plût à tout le monde ,
fur-tout à quantité" de favans dont, elle tournoit
les ouvrages en ridicule. On trouva le moyen de
la faire interdire, & les exemplaires en furent
faifis. Le fieur Aymon , qui, en quittant fa place
de général, en etoit devenu le fecrétaire, ayant
appris cette nouvelle ; fe rendit en toute diligence
chez M. le maréchal de Villars, & lui dit en
l’abordant : » Monfeigneur , depuis qu’Alexandre
!* & Céfar font «morts > nous ne reconnoiffons
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! » d’antres protecteurs du régiment qne vous ; on
» vient de faifir l’oraifon funèbre du fieur de Tor-
” fac, notre colonel, & d’arrêter par-là le cours
» de fa gloire & de la nôtre , qui y eft intéreffée ;
” c’eft pourquoi , monfeignear, je viens vous
” fûpplier de vouloir bien en parler à M. le garde
” des fceaux, qui m’a accordé la permiffion de
» faire imprimer ce difeours v. Eu même temps
il montra cette permiffion au maréchal, qui 11e
put s’empêcher de rire d’une pareille follicitation.
lien parla au garde des fceaux, qui donna mainlevée
de l’oraifon funèbre, en difant qu’il ne voulait
pas fe brouiller avec ces mejjieurs. Auffi-tôt le
fieur Aymon courut triomphant annoncer cette
nouvelle au libraire chez lequel on Tayoit faifie 9
& tout fut rendu.
Cette viétoire ne contribua pas .peu à accroître
la gloire du régiment, qui fit bientôt des progrès
confidérables r te qu’il y a de remarquable, c’eft
que , par une doârine diamétralement oppofée k
celle des autres compagnies de la république deslettres
, les perfonnes qui avoient été l’objet des
brocards des fondateurs du régiment de la Calotte
s’y firent enrôler, ce qui les mit en droit de fe
revancher des railleries qu’ils avoient effuyées.
» Il n’y a pas un fujet, même parmi les grands,:
continue l’auteur des mémoires cités » qui n’y foit
» enrôlé , dès qu’on trouve en lui les talens pro-
” près à cette milice. Cependant on n’y admet
» que ceux en qui ces talens ont un certain éclat y
” frns aucun égard à leur condition , ni aux fol-
» licitations de leurs amis. Il faut d’ailleurs que
” ce foient des gens d’efprit, les fots en font exclus,
» Lorfque quelqu’un eft reçu dans le corps, c’eff
» l’ufage qu’il fàffe à Paffemblée un difeours en
v vers , dans lequel il met fês propres défauts dans
” -tout leur jour, afin qu’on puiffe lui donner un
» pofte convenable ».■
Cette obfervation ne regardoit que Ta première
fociete des calotins , compofee des élèves choifis-
de Momus, & qu’on pou voit ^regarder comme
T état-major du régiment. Mais les foldats qui forment
le gros de la troupe étoient choifis indiftincïement
parmi les particuliers nobles & roturiers qui pa-
roiflbient fe diftinguer par quelque folie marquée,
ou par quelques faits ridicules, ou par quelques
ouvrages repréhenfibles. On devine affez que le»
engagemens de ces foldats étoient involontaires y
& que prefque tous les calotins étoient enrôlés par
force. «On ne follicite ni les penfionsni lesem-
” plois dans cet équitable corps, dit l’éditeur desmémoires
, s? parce que tout s’accorde au mérite &
” rien à la faveur. Les brevots font diftribués gratis,
y tant en vers qu’en profe. Les fecrétaires du ré-
giment n’y pourroient fuffire, fi des poètes
33 auxiliaires ne leur prêroientde généreux fecours,
>ï en travaillant incognito à l’expédition des brevetsl
33 Ils pouffent même le zèle pour le régiment juf-
” q«’à lui procurer des fujets auxquels on ne pen-
» fon pas, & qui fçmbleroient Uéshonorerle corps