
que le frère ne lui demandoit rien au-delà de la
chofe due, c’étoit à lui à rendre juftice à un homme
qu’il avoit réduit à prendre une voie illégitime
pour obtenir une demande légitime. Il n’avoit pas 5e droit de le faire arrêter ; les juges ne pouvoient
.pas ,fe difpenfer de le condamner , & par cette
raifon même la probité ne permettoit pas à Bour-
valais de le faire arrêter. Mais l’aventure eft-elle
vraie & l’eft-elle dans toutes fes circonftances ?
L ’auteur que nous citons dit feulement l’avoir
entendu raconter au palais royal, & nous aurons
occafion de faire voir à l’article B o u v a r d qu’il a
fouvent des affertions. un peu hazardées.
Nous garantiffons encore moins l’anecdote fuivante
qui ne nous eft connue que par tradition, mais qui
s’accorderoit affez bien avec la précédente.
Bourvalais arrivant chez le premier prélidentde
Harlay, pour le folliciter fur une affaire qu’il avoit
au parlement, fe fit annoncer monfieur de Bourvalais
; le premier préfident, qui étoit quelquefois
amer dans fes farcafmes , & qui étoit mal difpofé
pour Bourvalais par fa réputation & par fon affaire
même , s’écria : Bourvalais ! il y a- bien du bourreau
& du valet dans ce riom-là. Monfieur de Bourvalais
, f i je vous rendois pleine & entière jufiice , je
vous ferois pendre. Bourvalais indigné alla fe plaindre
ou au roi dont il étoit connu, ou à quelqu’un de
fes miniftres , qui pour toute confblation lui répondit
: Ne vous joue^ pas à ce brutal là , il feroit
homme à le faire comme il le dit. En 1715 Bourvalais
fut taxé , par la chambre de juftice , à quatre
millions quatre cent mille livres ; il fut rétabli dans
tous fes biens par un arrêt du confeil du 5 feptembre
1718. Il mourut en 1719. C ’étoit,dit-on,l’homme du
monde qui connoiffoit le plus parfaitement l’état de
la finance, la fortuné & les profits de chaque financier
, & on fut perfuadé que fi le gouvernement,
au lieu de prendre des voies de rigueur, & de
créer une chambre de juftice dont'le public finit
par defirer autant la diffolution qu’il en avoit fol-
licité l’établiffement, avoit>voulu donner fa confiance
à Bourvalais, & fe contenter de la taxe
volontaire qu’il propofoit d’après les inftruétions
qu’il auroit fournies , il, feroit rentré dans les coffres
du roi des fonds cpnfidérables qui auroient pu être
une reffource pour l’état. On fait que la maifon de
Bourvalais eft aujourd'hui l’hôtel de la chancellerie.
BOURZEYS ou BOURZEIS, ( A m a b l e d e )
( Hifi. liit. mod.) L’abbé de Bourçeys, l’un des
quarante premiers académiciens dont l’académie
françoife fut compofée dans l’origine, & l’un des
quatre premiers qui formèrent d’abord la petite
académie, devenue'depuis l’académie des infcrip-
tions & bellesriettres, eft auteur de divers ouvrages
de politique & d e controverfe, aujourd’hui oubliés.
Mort en 1^72.
BOUTARD. ( F r a n ç o i s ) {Hifi. litt. mod.)
Dirons-nous que cet abbé Boutard, qui fut de l’académie
des belles-lettres, obtint de Louis XIV
une penfion de mille livres, & devint depuis un ,
bénéficier, aflez riche, pour avoir accompagné dame
ode des pigeons que mademoifelle de Mauléon ou
Defvieux envoyoit à M. Boffuet fon ami, & que
ce fut à la follicitation de M. Boffuet qu’il obtint
ces grâces affez peu méritées ? Il fit beaucoup de
vers latins fur tous les évènemens du règne de
Louis XIV ; en conféquence, il s’intituloit ; Poète
de la famille royale, vates Borbonidum. Il préten-
doit reffembler beaucoup à'Horace par la taille &
les traits du vifage, mais fur-tout par le talent ; en
conféquence , il s’intituloit encore : Venufini pec-
tinis hceres. Il n’eft rien refté de lu i, au moins
dans la mémoire des hommes.
BOUTEILLAGE, f. m. ( Hifi. mod. ) c’eft le
■ droit fur la vente des vins étrangers , que le bouteil-
ler du roi d’Angleterre prend, en vertu de fa charge,'
fur chaque vaineau ; ce droit eft de deux fehelins par
tonneau. ( A. R. )
BOUTEROUE, ( C laude ) {Hifi. litt. mod. )
favant antiquaire , auteur d’un livre eftimé, qui a
pour titre '.Recherches curieufes des monnoies de France
depuis le commencement de la monarchie. Mort en 1690.
BOUTHILLIER, ( le ) ( Hifi. mod. ) :10m d’une
famille diftinguée , dont étoient le furintendant
mort le 13 mars 1632 ; Léon le Bouthillier, comte
de Chavignÿ, fon fils, miniftre & fecrétaire d’état,
mort difgracié la même année 1652 le 11 oétobre 5
le fameux ré^rmateur. de la Trappe Armand Jeaii
le Bouthillierat Rancé , mort à la Trappe le 27
oélobre 1700 , neveu du furintendant des finances;
& plufieurs autres perfonnages célèbres dans l’églife
& dans l’état.
BOUTIÈRES, {Hifi. de Fr.) élève de Bayard,
brave chevalier comme fon maître, étoit d’une
fort petite taille. Il fit prifonnier, à l’âge de feize
ans, un capitaine albanois d’une flruÇfure énorme
contre lequel il s’étoit battu corps à corps dans
; une affaire générale & qu’il avoit défarmé. Celui-
ci , pour diminuer la honte d’avoir cédé à un enfant,
publia qu’il avoit été accablé par le nombre ;
Boutures lui offrit le duel, le força de fe dédire
& de reeonnoître qu’îl n’avoit eu d’autre vainqueur
que lui Boutières. Cette' affaire eut beaucoup
d’éclat, on ne parloit que de David & de Goliath
fuivant l’ufage du temps , ou tout l’efprit fe tour-
noit en applications de l’écriture fainte. Boutières ,
fi avantageufement annoncé, avança promptement
& parvint au commandement des armées ; mais
foldat excellent , il fut un médiocre général ;: il
commanda long-temps en Piémont, & y fit beau-?,
coup de pertes, dont plufieurs ne purent être imputées
qu’à fa négligence ; il étoit occupé à faire ,
avec aflez peu de fuccés, le fiège d’Y vré e , lorsque
François I , pour lui adoucir le défagrément
d’une difgrace, envoya un prince dufang, le comte
d’Enghien, commander à fa place. Le comte, arrivé
fur la frontière , mande à Boutières de lui envoyer
à Chivas une efeorte qui pût le conduire fûrement
à l’armée. Boutières, par un mouvement de dépit &
d’humeur, qui, dans un général difgracié, tenoit
un peu de la révolte,, obéit beaucoup plus qu’on
ne vouloit; il leva le fiège d’Yvré e, mena toute
l’armée au-devant du comte, fous prétexte qu’il
ne pou voit lui donner une meilleure efeorte, &
malgré l’affabilité généreufe du prince, qui lui dit
en l’embraffant, qu’il ne venoit que pour s’inftruirè
par fes leçons & par fes exemples , il fe retira mécontent
& chagrin dans fes terres en Dauphiné.
Mais il ne put tenir long-temps contre la généralité
confiante du comte d’Enghien, qui avoit pris
fur lui de couvrir fa faute, & qui l’avoit fait regretter
à la cour, par le compte avantageux qu’il
y avoit rendu de la conduite de ce général. Boutières
d’ailleurs entendit parler des préparatifs de la bataille
de Cérifoles : à ce mot de bataille, toute la nobleffe
accouroit à l’armée, & la cour & les châteaux
particuliers, tout étoit abandonné. Boutières lui-
même, oubliant fes chagrins, vint fervir fous fon
fucceffeur, qui voulant partager avec lui dans cette
journée la gloire dont il alloitfe couvrir, lui donna
l ’aile droite à commander.
BOUTILLIER ou BOUTEILLER, le grand boutillier
embouteiller de France, f. m. ( Hifi. mod.) nom
qu’on donnoit anciennement à l’officier que nous
nommons aujourd’hui le grand échanfon, & qu’on
appelloit alors en latin buticularius, comme on le
voit dans une foufeription du teftament de Philippe-
Augufte, rapportée par Rigord. Le grand boutillier
étoit un des cinq grands officiers de la couronne,
qui fignoit dans toutes les patentes des rois, ou du
moins affiftoit à leur expédition. Il avoit féance
entre les princes, & difputoit le pas au connétable.
Il prétendoit avoir droit de prélider à la chambre
des comptes; & l’on trouve en effet dans les regiftres
de cette chambre, qu’en 1379, Jean de Bourbon ,
grand boutillier de France-, y fut reçu comme premier
préfidept. Depuis même, cette prérogative
fut annexée par édit du roi à la charge de grand boutillier
^ mais foit négligence du titulaire de cette dernière
charge, foit difpofition contraire de la part
du fouverain, ce privilège ne fubfifta pas, & la
charge de grand boutillier fit elle-même place à celle
.de grand échanfon. Au refte, cette dignité étoit fort
confidérable du temps de Charlemagne ; & Hinc-
mar dans fes lettres en parle comme d’un des principaux
peftes du palais*de nos rois. (G )
BOUTON, ( Hifi. de Fr. ) maifon confidérable
de Bourgogne, dont étoit le maréchal de Cha-
milly, célèbre par fa belle défenfe de Grave en
1674. Mort le 5 janvier 1715.
BOUVARD, (C harles-Michel) {Hifi. mod.)
premier médecin du roi Louis XIII. C’eft par fes
foins que fut établi à Paris en 1634, ce jardin
royal des plantes, qui a été depuis fi magnifiquement
accru & enrichi. Un tel établiflemept eft un
titre éternel à l’eftime & à la reconnoiffance publiques
; l’auteur d’une invention utile, comme l’a
dit un écrivain moderne, s’aflbeie d’avance à la
gloire de la perfeCfion que cette invention doit
obtenir un jour.
L’édit de Louis XIII pour cet établiffement eft de
l’année 1626. Bouvard fut très-bien fécondé par le
zèle & l’intelligence de G uy de la Broffe, médecin
ordinaire de Louis X III, petit-fils d’un médecin ordinaire
de Henri IV , & grand-oncle du célèbre
Fagon , qui naquit, dit M. de Fontenelle , dans le
jardin royal, & prefqu’en même temps que lui.
La furintendance du jardin roy al, unie depuis à
celle des bâtimens, fut d’abord attachée à la place de
premier médecin, parce que c’étoit le premier médecin
qui en étoit le fondateur. Charles-Michel
Bouvard fut donc le premier de ces furintendans, &
G uy de la Broffe en fut fous lui le premier intendant.
Le r o i , pour récompenfer les fervices de M.
Bouvard, lui donna la terre de Fourqueux, fituée
au bord de la forêt de Marly. Le brevet de con-
ceflion eft du 16 juin 1634, & les lettres - patentes
données en conféquence furent enregiftrées à la
chambre des comptes le 24 o&obre fuivant.
Michel, fils du premier médecin, fut d’abord fér
cretaire du cabinet, puis confeiller au parlement.
Le fils de celui-ci, nommé Charles - Michel
;comme fon ayeul, & dont M. de Fourqueux, ci-
devant procureur-général de la chambre des comptes,
aujourd’hui confeiller d’état-, eft le petit-fils,
fut confeiller au parlement en 1684, & procureur-
général de la chambre des comptes en 1701. Il
acheta cette charge de M. Rouillé du Coudray, foa
beau-frère,. grand-oncle de M. de Fourqueux d’aujourd’hui
, &qui fut fait alors directeur des finances.
C ’eft à lui que Roufîeau adreffe cette belle ode 9
la troifième de fes odes profanes :
Digne & noble héritier des premières vertus, &c.
Il l’appelle:
Fils d’un père fameux , qui même à nos frondeurs
Par fa dextérité, fit refpe&er fon zèle, &c.
C e père fameux , bifayeul par fa fille de M. de
Fourqueux, avoit été intendant de Poitou, puis de
Picardie.
La charge de procureur-général de la chambre
des comptes , eft reftée dans la famille de MM. de
Fourqueux pendant trois générations , jufqu’en
1769 ; elle eft actuellement remplie par M. de
Montholon.
En 17 16 , on établit une chambre de juftice
contre les financiers, traitans & maltôtiers , qui
s’étoient enrichis par les défaftres de la guerre de
1701. C’eft annoncer au peuple un gouvernement
doux que d’exercer envers fes oppreffeurs une rigueur
équitable. Les oppreffeurs domeftiques font
au premier rang parmi les ennemis de l’état. Cette
chambre de juftice defirée , demandée par le public
, fut compofée comme le public l’eût compo
fée lui-même: car on vouloit fincèrement lui don
ner fatisfaéfion, & faire, des taxes auxquelles les
concuflionnaires feroient condamnés, une refloureç
pour l’état,
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